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13/12/2022 | FRANCE | N°21/02057

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 13 décembre 2022, 21/02057


N° RG 21/02057 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NPC4









Décision du

TJ de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 26 février 2021

RG : 18/2192



TJ de BOURG EN BRESSE

du 07 Mars 2019

RG 18/2192







Association [11]



C/



S.A.R.L. [6]

S.A.R.L. [9]

S.A.R.L. [12]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 13 Décemb

re 2022







APPELANTE :



Association [11]

[Adresse 5]

[Localité 1]





Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983

Assistée de Me Frédérique CECCALDI ...

N° RG 21/02057 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NPC4

Décision du

TJ de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 26 février 2021

RG : 18/2192

TJ de BOURG EN BRESSE

du 07 Mars 2019

RG 18/2192

Association [11]

C/

S.A.R.L. [6]

S.A.R.L. [9]

S.A.R.L. [12]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 13 Décembre 2022

APPELANTE :

Association [11]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983

Assistée de Me Frédérique CECCALDI de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 8

INTIMEES :

S.A.R.L. [6]

[Adresse 13]

[Localité 4]

Représentée par Me Serge ROUME de la SCP RGM, avocat au barreau de LYON, toque : T 694

S.A.R.L. [9]

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée par Me Serge ROUME de la SCP RGM, avocat au barreau de LYON, toque : T 694

S.A.R.L. [12]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentée par Me Serge ROUME de la SCP RGM, avocat au barreau de LYON, toque : T 694

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 06 Janvier 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 29 Novembre 2022 prorogée au 13 Décembre 2022, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les sociétés [9], [12] et [6] exploitent chacune un restaurant [8] et, à ce titre, sont employeurs et affiliées à l'Association de [11] qui assure le suivi médical obligatoire de leurs salariés.

Par courrier recommandé du 30 novembre 2017, le conseil des dites sociétés a mis en demeure l'Association de [11] de restituer les cotisations indues payées par chacune des trois sociétés, au motif que ces dernières connaissaient une rotation très importante de leur personnel conduisant à considérer qu'elles étaient des entreprises à personnel mouvant et devaient donc bénéficier, en application du règlement intérieur de l'Association de [11], d'un calcul de la cotisation basé sur le nombre d'examens effectués et non le nombre de salariés présents à l'effectif.

En l'absence d'accord entre les parties, les sociétés [9], [12] et [6], par acte d'huissier en date du 18 avril 2018, ont fait assigner l'Association de [11] devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en restitution d'indus.

Par ordonnance du 07 mars 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, saisi par conclusions d'incident des sociétés demanderesses a :

- enjoint à l'Association de [11] de communiquer dans le mois de la signification de l'ordonnance, le montant total des dépenses engagées par elle au titre des années 2014, 2015, 2016 et 2017, ainsi que le nombre des salariés de l'ensemble des entreprises adhérentes en équivalent temps plein au titre des mêmes années,

- débouté la société [9], la SARL [12] et la SARL [6] de leur demande d'astreinte,

- débouté la société [9], la SARL [12] et la SARL [6] et l'Association de [11] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens de l'incident sont joints au fond et renvoyé la cause à la mise en état.

Par jugement en date du 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a :

- débouté l'Association de [11] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

- déclaré d'office irrecevable la pièce n° 5 communiquée par l'Association de [11] après la clôture, ainsi que les conclusions n° 2 des SARL [9], [12] et [6] sauf en ce qu'elles portent sur la demande de révocation de clôture transmises après celle-ci,

- condamné l'Association de [11] à restituer les sommes suivantes :

- 6.902,12 € HT à la SARL [6] au titre des cotisations indûment perçues pour les années 2014 à 2017 incluses, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2018,

- 10.452,40 € HT à la SARL [9] au titre des cotisations indûment perçues pour les années 2014 à 2017 incluses, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2018,

- 3.578,13 € HT à la SARL [12] au titre des cotisations indûment perçues pour les années 2016 et 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2018,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- condamné l'Association de [11] à payer aux SARL [9], [12] et [6] la somme de 700 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formulée par l'Association de [11] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Association de [11] aux dépens de l'instance,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration en date du 19 mars 2021, l'Association de [11] a interjeté appel de cette ordonnance et de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 décembre 2021, l'Association de [11] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état rendue le 7 mars 2019 en ce qu'elle a enjoint à l'Association de [11] de communiquer dans le nombre de salariés en équivalent temps plein de l'ensemble de ses adhérents entre 2014 et 2015,

statuant à nouveau,

- débouter les sociétés [9], [12] et [6] de leur demande de communication,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bourg en Bresse le 26 février 2021 en qu'il :

- l'a déboutée de sa demande de révocation de la clôture.

- a déclaré irrecevable sa pièce 5

- l'a condamnée à restituer les sommes de :

- 6.902,12 € HT à la SARL [6] au titre des cotisations indûment perçues pour les années 2014 à 2017 incluses, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2018,

- 10.452,40 € HT à la SARL [9] au titre des cotisations indûment perçues pour les années 2014 à 2017 incluses, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2018,

- 3.578,13 € HT à la SARL [12] au titre des cotisations indûment perçues pour les années 2016 et 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2018,

- l'a condamnée à payer aux sociétés [9], [12] et [6] la somme de 700€ chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

et statuant à nouveau

au préalable,

- déclarer que la cour ne peut pas être saisie des demandes à titre principal des sociétés [9], [6] et [12], lesquelles ont été abandonnées au cours de la première instance,

subsidiairement,

- débouter les sociétés [9], [6] et [12] de leurs demandes fondées sur l'article 11 du règlement intérieur du [11],

à titre principal,

- dire et juger que les dispositions légales applicables ne font pas référence à un calcul par le nombre de salariés équivalent temps plein, mais uniquement au nombre de salariés,

en conséquence,

- débouter les sociétés [9], [12] et [6] de l'intégralité de leurs demandes, y compris leur demande infiniment subsidiaire de dommages et intérêts,

subsidiairement,

- dire et juger que les sociétés [9], [12] et [6] ne démontrent pas avoir commis une erreur à l'origine de leur paiement,

- dire et juger que les sociétés [9], [12] et [6] ne démontrent pas le montant de l'indu auquel elles prétendent,

en conséquence,

- débouter les sociétés [9], [12] et [6] de leur action en restitution de l'indu,

- débouter les sociétés [9], [12] et [6] de leurs demandes de dommages et intérêts,

plus subsidiairement,

- dire et juger que les sociétés [9], [12] et [6] ont commis une faute à l'origine de leur action en restitution,

- limiter la révision des cotisations dues à l'année 2017,

- réduire dans de larges proportions les sommes dont restitution est sollicitée par les sociétés [9], [12] et [6], compte tenu de leur faute,

- débouter les sociétés [9], [12] et [6] de leur demande visant à ce que le point de départ des sommes auxquelles elle serait condamnée soit fixé à la date du 30 novembre 2017,

en tout état de cause

- condamner les sociétés [9], [12] et [6] à lui payer la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux dépens.

Aux termes de leurs conclusions en date du 31 décembre 2021, les sociétés [9], [12] et [6] demandent à la cour de :

vu le règlement intérieur de l'Association de [11],

- confirmer le jugement,

- faire droit aux demandes de restitution et condamner l'Association de [11] à payer les sommes suivantes :

- 16.305 € HT à la société [9],

- 7.897,50 € HT à la société [6],

- 5.429 € HT à la société [12]

- dire que les sommes en question seront assorties des intérêts moratoires à compter de la mise en demeure du 30 novembre 2017,

subsidiairement,

vu les dispositions de l'article L 4622-6 du code du travail dans sa rédaction de l'époque et l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 septembre 2018,

- confirmer le jugement,

- faire droit aux demandes de restitution et condamner l'Association de [11] à payer les sommes suivantes :

- 10.452,40€ HT à la société [9],

- 6.902,12 € HT à la société [6],

- 3.578,13 € HT à la société [12]

- dire que les sommes en question seront assorties des intérêts moratoires à compter de la mise en demeure du 30 novembre 2017,

infiniment subsidiairement,

vu la carence fautive de la défenderesse dans la production du nombre des salariés de l'ensemble des entreprises adhérentes en équivalent temps plein au titre des années 2014 à 2017,

- allouer à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

- 10.452,40€ HT à la société [9],

- 6.902,12 € HT à la société [6],

- 3.578,13 € HT à la société [12]

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Association de [11] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à les indemniser à hauteur de 700 € chacune,

y ajoutant,

- condamner l'Association de [11] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à les indemniser à hauteur de 1.500 € chacune,

- condamner l'Association de [11] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'Association de [11] n'ayant formé aucune demande à ce titre devant la cour, il convient de constater que le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et déclaré irrecevable une pièce N° 5 produite par l'Association de [11] et des conclusions N° 21 transmises par les sociétés [9], [12] et [6].

1° sur la demande fondée sur le règlement intérieur et la recevabilité de l'appel incident des sociétés intimées :

Il ressort de l'examen des pièces produites que les société intimées réclament à titre principal des sommes supérieures à celles allouées par le premier juge et correspondant à leurs réclamations initiales telles que présentées dans leur assignation.

L'Association de [11] soutient que la cour n'est pas valablement saisie de ces demandes que les demanderesses fondaient à l'époque sur le règlement intérieur du [11] dés lors qu'elles y avaient renoncé en première instance en modifiant leurs prétentions dans leurs conclusions, sans subsidiaire.

Les sociétés intimées qui devant la cour fondent effectivement à titre principal leur demande sur le règlement intérieur du [11] en ce qu'il prévoit une facturation basée sur le nombre d'examens effectués pour les entreprises à personnel mouvant, soutiennent qu'elles n'ont pas renoncé à un moyen mais à une demande et que l'arrêt invoqué par l'appelante, inédit et sans publicité particulière, ne peut faire obstacle aux dispositions de l'article 565 du code de procédure civile.

Elles précisent qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle dés lors qu'elle tend aux mêmes fins.

Sur ce :

Il est constant que nul ne peut se prévaloir en appel d'un moyen auquel il a expressément renoncé devant les premiers juges (2ème civile 1er février 2018, N° 16-27.489),

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées, cette règle est issue d'une jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation et ne ressort pas d'un arrêt isolé.

Il ressort des pièces produites que, alors que dans leur assignation, les société demanderesses sollicitaient le paiement de sommes diverses en les fondant exclusivement sur l'article 11 du règlement intérieur de l'Association de [11], elles ont dans leurs dernières conclusions soumises à l'appréciation du tribunal présenté des demandes différentes et d'un montant inférieur en les fondant exclusivement sur les dispositions de l'article L 4622-6 du code du travail.

A l'examen des motifs contenus dans le corps des conclusions, il est clair que les sociétés demanderesses ont renoncé expressément à se prévaloir du moyen tiré du non respect du règlement intérieur.

En effet, elles indiquaient qu'en cours de la procédure, les éléments de la discussion avaient été bouleversés par l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 19 septembre 2018 au visa de l'article L 4622-6 du code du travail et un peu plus loin qu'il convenait de s'en tenir à l'interprétation de cet article L 4622-6 posé par l'arrêt concerné qui ne prévoyait qu'un seul mode de répartition des dépenses de santé entre les entreprises adhérentes au service de santé inter entreprise.

Aucune demande n'a d'ailleurs été formée à titre subsidiaire dans les dites conclusions, pour solliciter l'application des règles édictées par le règlement intérieur.

Il convient en conséquence, ajoutant au jugement, de dire que les sociétés intimées sont irrecevables à se prévaloir devant la cour des dispositions du règlement intérieur en ce qu'il prévoit une facturation basée sur le nombre d'examens effectués pour les entreprises à personnel mouvant,

Dés lors que les demandes formées par les sociétés [9], [12] et [6] à titre principal sont exclusivement fondées sur ces dispositions du règlement intérieur, elles ne peuvent qu'être rejetées.

2° sur la demande fondée sur les dispositions de l'article L 4622-6 du code du travail :

L'Association de [11] soutient que les dispositions légales ne font pas référence à un calcul par le nombre de salariés équivalent temps plein, mais uniquement au nombre de salariés (per capita).

Elle conteste l'interprétation de la jurisprudence récente de la Cour de cassation du 19 septembre 2018 selon laquelle la cotisation doit être fixée à une somme, par salarié équivalent temps plein de l'entreprise, correspondant au montant total des dépenses engagées par le service de santé interentreprises auquel adhère l'employeur rapporté au nombre total de salariés pris en charge par l'organisme.

Elle considère en effet que la Cour de cassation a ajouté au texte en introduisant la notion de 'salarié équivalent temps plein' et ce alors même qu'elle n'était pas saisie de la question relative au périmètre de la notion de salarié, précise que cet arrêt s'inscrit dans une hypothèse où il n'y avait pas de règlement intérieur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et rappelle enfin que ce faisant, la Cour de cassation a néanmoins réaffirmé le principe d'une répartition 'per capita', de sorte que la portée de cet arrêt doit être circonscrite à l'application du 'per capita'.

Elle précise que la volonté du législateur de prévoir une répartition des dépenses proportionnellement au nombre de salariés, sans référence aux équivalents temps plein a été réaffirmée par le législateur par la loi du 2 août 2021 qui a modifié l'article L 4622-6 du code du travail.

Elle déclare également que le règlement intérieur (art 11) faisant référence au nombre de salariés déclarés par l'employeur est conforme au régime légal applicable et que son calcul de cotisations, remis en cause par le premier juge, était lui même conforme aux dispositions de l'article L 4622-6 du code du travail.

Les sociétés intimées font valoir que le premier juge a justement relevé qu'il résultait de l'article L 4622-6 du code du travail que le seul mode légal de répartition des dépenses de santé entre les entreprises est la répartition par salarié équivalent temps plein.

Elles invoquent à l'appui de leur demande, l'arrêt de la Cour de cassation de 2018, considérant que la portée de cet arrêt ne peut être circonscrite à l'application du 'per capita', et déclarent que le nouveau texte résultant de la rédaction de mars 2022, manifestement pris pour briser cette jurisprudence ne peut en l'espèce trouver application.

Sur ce :

L'article L 4622-6 du code du travail dans sa version applicable jusqu'au 9 juillet 2016 dispose que :

'Les dépenses afférentes aux services de santé au travail sont à la charge des employeurs. Dans le cas de services communs à plusieurs entreprises, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés'

Dans sa version postérieure et applicable du 9 juillet 2016 au 31 mars 2022, l'article L 4622-6 du code du travail n'a pas été modifié en son premier alinéa et il a été ajouté un second alinéa ainsi rédigé :

'Par dérogation au deuxième alinéa, dans le cas des dépenses effectuées pour les journalistes rémunérés à la pige relevant de l'article L. 7111-3, pour les salariés relevant des professions mentionnées à l'article L. 5424-22 et pour ceux définis à l'article L. 7123-2, ces frais sont répartis proportionnellement à la masse salariale'.

Force est de constater que la disposition faisant mention du 'nombre de salariés' est claire en ce qu'elle a posé pour l'établissement du calcul du montant de la cotisation le principe d'une assiette correspondant au nombre de salariés dans l'entreprise concernée sans qu'il puisse être fait référence au temps de travail effectué par les dits salariés.

L'interprétation de ce texte revenant à dire que la cotisation doit être fixée à une somme par salarié équivalent à temps plein de l'entreprise ajoute manifestement à la loi.

Il convient d'ailleurs de relever que :

- à la suite du dépôt d'un rapport de la cour des comptes, une circulaire a été établie par le ministre du Travail le 9 novembre 2012 qui précise que 'le coût de l'adhésion à un SSTI est calculé selon l'effectif de chaque entreprise adhérente, défini selon les modalités des articles L. 1111-2 et L.1111-3 du code du travail, qu'il ne correspond pas à un pourcentage de la masse salariale, mais à un montant calculé par salarié et que quand un SSTI pratique une facturation non fondée sur un montant per capita, il doit se mettre en conformité avec les dispositions de l'article L. 4622-6 du code du travail',

- cette circulaire a fait l'objet d'un recours devant le conseil d'état (CE, 30 juin 2014, n 365.071) qui en a validé la conformité en ces termes :

'...en précisant, par les dispositions impératives de la circulaire attaquée, qu'en application de l'article L. 4622-6 du code du travail, le coût de l'adhésion à un service de santé au travail interentreprises doit être calculé non selon un pourcentage de la masse salariale mais selon l'effectif de chaque entreprise adhérente et en rappelant l'obligation des services qui pratiqueraient un mode de facturation différent de se mettre en conformité avec ces dispositions, le ministre chargé du travail n'a ni excédé sa compétence ni prescrit d'adopter une interprétation de l'article L. 4622-6 qui méconnaîtrait le sens et la portée de ses dispositions...'.

L'article L 4622-6 du code du travail dans sa version actuelle dispose désormais que :

'Les dépenses afférentes aux services de prévention et de santé au travail sont à la charge des employeurs.

Au sein des services communs à plusieurs établissements ou à plusieurs entreprises constituant une unité économique et sociale, ces frais sont répartis proportionnellement au nombre des salariés comptant chacun pour une unité'.

Si ces dispositions issues de la loi du 2 août 2021 ne s'appliquent pas au présent litige, cette rédaction, destinée manifestement à remédier aux pratiques divergentes qui s'étaient instaurées au sein des SSTI (services de prévention et de santé au travail), confirme l'idée selon laquelle la volonté du législateur a toujours été d'instituer un calcul de cotisations 'per capita'.

La cour relève par ailleurs que le règlement intérieur de l'Association de [11] (article 11) en ce qu'il prévoit que la facturation des entreprises adhérentes est basée sur le nombre de salariés déclarés par l'employeur est parfaitement conforme aux dispositions légales sus visées.

Il en résulte ainsi que la répartition des cotisations ne pouvait se faire que 'per capita', c'est à dire par unité de salarié.

Pour le surplus, les sociétés intimées ne soutiennent pas que les cotisations appelées par l'Association de [11] et réglées par elles au titre des années 2014 à 2017 n'étaient pas conformes au mode de répartition 'per capita'.

Il convient, réformant le jugement, de débouter les sociétés [9], [12] et [6] de l'intégralité de leurs demandes, y compris de leurs demande en paiement de dommages et intérêts

3° sur l'appel portant sur l'ordonnance du juge de la mise en état :

Cette décision qui a enjoint à l'Association de [11] de communiquer le montant total des dépenses engagées par elle au titre des années 2014, 2015, 2016 et 2017 et le nombre des salariés de l'ensemble des entreprises adhérentes en équivalent temps plein au titre de ces mêmes années était fondée sur l'application aux cotisations d'un calcul par salarié équivalent temps plein.

Dés lors que ce mode de calcul n'est pas applicable en l'espèce, cette injonction est devenue sans objet.

4° sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge des sociétés intimées qui succombent en leurs prétentions

La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'Association de [11] et lui alloue à ce titre la somme de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant dans les limites de l'appel,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état déférée à la cour sauf en ce qu'elle a débouté les sociétés [9], [12] et [6] de leurs demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,

Dit que les sociétés intimées sont irrecevables à se prévaloir des dispositions du règlement intérieur en ce qu'il prévoit une facturation basée sur le nombre d'examens effectués pour les entreprises à personnel mouvant,

Dit que l'injonction prononcée par le juge de la mise en état est devenue sans objet.

Déboute les sociétés [9], [12] et [6] de l'intégralité de leurs prétentions :

Condamne les sociétés [9], [12] et [6] in solidum à payer à l'Association de [11] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne les sociétés [9], [12] et [6] in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 21/02057
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;21.02057 ?
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