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13/12/2022 | FRANCE | N°18/07662

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 13 décembre 2022, 18/07662


N° RG 18/07662 - N° Portalis DBVX-V-B7C-MAHB









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 13 septembre 2018



RG : 15/01944







SCI LA FORGE



C/



[G]

SCP LAURENT ROZE-SYLVESTRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 13 Décembre 2022







APPELANTE :


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[Adresse 3]

[Localité 6]



Représentée par Me Valérie MOULIN de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896



INTIMEES :



Mme [H] [G]

née le 02 Août 1957 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentée par Me Jacqu...

N° RG 18/07662 - N° Portalis DBVX-V-B7C-MAHB

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 13 septembre 2018

RG : 15/01944

SCI LA FORGE

C/

[G]

SCP LAURENT ROZE-SYLVESTRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 13 Décembre 2022

APPELANTE :

Société LA FORGE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Valérie MOULIN de la SELARL ACTIVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 896

INTIMEES :

Mme [H] [G]

née le 02 Août 1957 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Jacques BERNASCONI de la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST, avocat au barreau d'AIN

Assistée de Me Frédéric DALIBARD de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS, toque : 27

SCP LAURENT ROZE-SYLVESTRE notaires associés

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813

Assisté de Me Jean-jacques RINCK de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON, toque : 719

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 20 Janvier 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 13 Décembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par acte authentique des 27 et 30 septembre 2013, reçu par Maître [E] Laurent, notaire associé à Divonne-les-Bains (Ain), et précédé d'une promesse de vente du 14 janvier 2013, Mme [H] [G] a acquis de la SCI La forge, devenue la S.A.R.L. La forge (la société), représentée par Mme [L] [Y], un lot de copropriété et un terrain à usage de jardin dans un ensemble immobilier en copropriété situé à [Localité 6] (Ain).

Exposant avoir reçu, le 26 mai 2014, une lettre de la commune de [Localité 6] l'informant de l'illégalité des travaux engagés par la société pour transformer en habitation le local initialement destiné à une activité commerciale ou industrielle, Mme [G] a fait assigner la société devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse en annulation de la vente.

La société a appelé en la cause la SCP Jean-Louis Laurent et [U] Roze Sylvestre, notaires associés, (la SCP de notaires).

Par jugement du 13 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a:

- dit n'y avoir lieu a écarter des débats les conclusions récapitulatives n° 4 et pièces transmises le 24 mai 2018 par la société,

- dit n'y avoir lieu à écarter des débats les conclusions récapitulatives n° 5 transmises le 30 mai 2018 par Mme [G],

- annulé la vente consentie pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue,

- condamné Mme [G] à restituer à la société le lot de copropriété et le terrain,

- condamné la société à restituer à Mme [G] la somme de 240'000 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2013,

- condamné in solidum la société et la SCP de notaires à payer à Mme [G] la somme de 50'050,88 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamné la SCP de notaires à relever et garantir la société des condamnations prononcées à son nom hauteur de 50 %, sauf en ce qui concerne la restitution du prix de vente,

- ordonné la publication du jugement à la charge de la partie la plus diligente,

- débouté la société de ses demandes reconventionnelles,

- condamné in solidum la société et la SCP de notaires à payer à Mme [G] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société et la SCP de notaires aux entiers dépens,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes.

Par déclaration du 2 novembre 2018, la société a relevé appel du jugement.

Par ordonnance du 17 octobre 2019, le conseiller de la mise en état de la première chambre B de la cour a rejeté la demande de Mme [G] tendant à voir ordonner à la société la production des originaux :

du courrier de notification de l'arrêt n°10LY00587, 10Y00679 rendu par la cour d'administrative d'appel de Lyon du 26 octobre 2010 dans le cadre du recours l'opposant à M. [T] [V],

de l'arrêt précité,

de l'enveloppe de ces envois sur laquelle figure le cachet de la poste,

de l'avis de réception relatif à cette notification.

Par conclusions notifiées le 6 décembre 2021, la société demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

A titre principal

- rejeter purement et simplement les prétentions de Mme [G],

- condamner Mme [G] à lui payer la somme de 185 000 euros au titre de son préjudice financier et celle de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, le tout portant intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner Mme [G] à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [G] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Valérie Moulin, avocat sur son affirmation de droit,

A titre subsidiaire, si la nullité ou la résolution de la vente devaient être prononcées

a) vis-à-vis de Mme [G] :

- ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires de Mme [G],

- ordonner à Mme [G] de procéder aux travaux de remise en état suivants :

reconstruire le bar sur mesure de la cuisine qu'elle a supprimé, ainsi que les meubles sur mesure et plans de travail et évier de la cuisine qui se sont détériorés,

reconstruire la salle de douche,

réinstaller les isolations des plafonds et des murs du rez-de-jardin,

ôter le placo ayant dissimulé les poutres apparentes de la partie supérieure du bien,

remplacer le poêle à bois laissé à l'abandon sur le balcon du lot 7,

remplacer les menuiseries non conformes au permis de construire et donc la grande baie vitrée donnant accès au balcon dont les poignées sont à 30 cm du sol,

- assortir cette condamnation d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement à intervenir,

- à titre encore plus subsidiaire, condamner Mme [G] à lui payer la somme de 120 000 euros outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, correspondant au coût des travaux de remise en état du bien,

- ordonner la compensation des condamnations dues par Mme [G] avec celles prononcées à son encontre de la société la forge,

- lui accorder les plus larges délais de paiement,

b) vis-à-vis de la SCP de notaires :

- condamner la SCP de notaires à la relever et garantir de toute condamnation pécuniaire mise à sa charge envers Mme [G], à l'exclusion de la condamnation à restituer le prix de vente,

- condamner la SCP de notaires à lui payer à la société la somme de 130 000 euros (50 000 euros + 80 000 euros) à titre de dommages-intérêts, outre intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir,

- condamner la SCP de notaires à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCP de notaires à lui payer l'intégralité des frais et intérêts du prêt qu'elle devra souscrire pour financer la restitution du prix de vente,

- condamner la SCP de notaires aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Valérie Moulin, avocat sur son affirmation de droit.

Par conclusions notifiées le 15 décembre 2021, Mme [G] demande à la cour de :

Sur l'appel principal forme par la société :

- le dire et juger mal fondé,

- rejeter l'intégralité des fins, prétentions et conclusions de la société,

- confirmer le jugement,

Sur les appels incident et provoqué :

- dire et juger irrecevable l'appel incident formé par la SCP de notaires,

- Infirmer le jugement déféré uniquement ce qu'il l'a déboutée de ses prétentions indemnitaires au titre de la réparation de ses préjudices tirés de la quote-part de l'assurance de copropriété, du surplus des travaux réalisés, des frais bancaires et d'assurance au titre du prêt souscrit, de la perte de chance d'obtenir le règlement des loyers afférents à la mise en location de l'immeuble,

Et, statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société et la SCP de notaires à l'indemniser au titre de ses préjudices complémentaires (tirés de la quote-part de l'assurance de copropriété, du surplus des travaux réalisés, des frais bancaires et d'assurance au titre du prêt souscrit, de la perte de chance d'obtenir le règlement des loyers afférents à la mise en location de l'immeuble, de la taxe foncière au titre de l'année 2018) pour une somme complémentaire de 223 640,99 euros, à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir et jusqu'à complet paiement, et portant intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2015, date de la mise en demeure,

- dire que les intérêts au titre de ces condamnations à dommages-intérêts porteront eux-mêmes intérêts au taux légal à chaque échéance annuelle,

- dire qu'elle est autorisée à procéder à la publication de l'arrêt à intervenir auprès du service de la publicité foncière,

En tout état de cause,

- dire et juger mal fondé l'appel incident introduit par la SCP de notaires,

- débouter la société et la SCP de notaires de toutes leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre elle,

- rejeter la demande de délais de paiement formulée par la société comme irrecevable compte tenu de sa tardiveté, le cas échéant comme infondée,

- condamner la société à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour comportement abusif et déloyal,

- condamner la société et la SCP de notaires à lui régler chacune la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non répétibles engagés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 24 juillet 2019, la SCP de notaires demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité du notaire,

- dire et juger que Mme [G] est défaillante dans la démonstration de ses allégations,

- débouter Mme [G] de ses prétentions,

- débouter la société elle-même de ses prétentions à l'encontre du notaire,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société est défaillante dans la démonstration d'une faute du notaire directement génératrice pour elle d'un préjudice indemnisable,

- débouter la société de l'intégralité de ses prétentions d'appel en ce qu'elles sont dirigées à son encontre,

En tout état de cause,

- condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Maître Roger Tudela, avocat postulant, sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 janvier 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur l'irrecevabilité de l'appel incident formé par la SCP de notaires

Mme [G] soulève l'irrecevabilité de l'appel formé par la SCP de notaires dès lors qu'elle ne présente aucune critique des motifs de la décision attaquée et se borne à reproduire, en substance, ses conclusions de première instance.

Les autres parties ne présentent pas d'observations sur cette fin de non-recevoir.

Réponse de la cour

Contrairement à ce que soutient Mme [G], la cour est bien saisie d'une critique de la décision entreprise puisqu'il est demandé son infirmation en ce qu'elle a retenu une part de responsabilité du notaire, motif pris de ce que la société et Mme [G] sont défaillantes dans la triple démonstration d'une faute du notaire directement génératrice pour elles d'un préjudice, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges.

Mme [G] est donc mal fondée à demander que la SCP de notaires soit déclarée irrecevable en son appel incident.

2. Sur la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue et, subsidiairement, pour dol

La société fait valoir essentiellement :

- qu'au jour de la vente, Mme [G] a acquis des biens pouvant faire l'objet d'un changement de destination, mais pas des biens à usage d'habitation ; que ni la promesse de vente, ni l'avenant du 8 juillet 2013, ni l'acte de vente ne précise que le bien vendu est un bien à usage d'habitation ; que les premiers juges ne pouvaient considérer que les biens vendus étaient à destination d'habitation sans dénaturer les actes authentiques ; qu'il ne leur appartenait pas de rechercher la commune intention des parties dès lors que le contrat de vente ne souffre d'aucune ambiguïté ;

- que la décision par laquelle l'autorité administrative constate la caducité d'un permis de construire est un acte administratif faisant grief ; qu'en l'espèce, la caducité du permis de construire délivré le 21 juin 2007 est nécessairement intervenue postérieurement au 19 octobre 2013, date de notification du courrier du maire de la commune de [Localité 6], de sorte qu'à la date de la vente, ledit permis était toujours valable ; qu'il n'appartenait pas aux premiers juges de se substituer à l'autorité administrative pour retenir une date de caducité différente ; qu'au demeurant, leur calcul est erroné ; que, d'une part, la date de notification de l'arrêt de la cour administrative d'appel étant inconnue, il n'est pas possible de déterminer la date à laquelle le délai de péremption de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme a recommencé à courir, de sorte qu'il est impossible d'affirmer, comme l'ont fait les premiers juges, que le permis de construire aurait expiré avant la régularisation de la vente ; que, d'autre part, l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si la durée de cette interruption excède un délai d'un an commençant à courir après l'expiration du délai de trois ans imparti par l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme ; que Mme [G], sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre ni l'absence de travaux dans le délai initial de trois ans, ni l'interruption de ceux-ci pendant un délai d'un an ayant expiré avant la vente ;

- que la date de la vente à laquelle la cour doit recourir pour apprécier l'existence d'une cause de nullité de la vente est celle du compromis, soit le 14 janvier 2013 ;

- que Mme [G] a signé la vente en pleine connaissance des difficultés dont elle se prévaut aujourd'hui et de l'état d'avancement des travaux ; qu'elle-même n'a commis aucune réticence dolosive et n'a dissimulé aucune information déterminante du consentement de l'acquéreur ; qu'au demeurant, toutes les informations utiles relatives au permis de construire étaient disponibles auprès des services de la mairie.

Mme [G] fait valoir que la vente est nulle, à titre principal pour erreur sur les qualités substantielles de la choses vendue, et à titre subsidiaire pour dol. Elle soutient en substance:

- qu'alors qu'elle était assurée d'avoir acquis et s'être fait livrer par la société un immeuble à usage d'habitation, la commune de [Localité 6] l'a informée, par lettre recommandée du 26 mai 2014, que les travaux ayant été entrepris par la société étaient illégaux dès lors que cette dernière ne disposait pas d'un permis l'autorisant régulièrement à effectuer des travaux d'aménagement en habitation d'un local qui était en réalité destiné initialement à une activité commerciale ou industrielle ; que la caducité du permis de construire était parfaitement connue de la société qui en était avertie dès le mois de juin 2013 ; que, pourtant, elle ne l'en a pas avisée ;

- que si le notaire n'a pas précisé dans l'acte la destination du bien objet de la vente, il n'empêche que les échanges entre les parties avant la conclusion du contrat, certaines clauses de l'acte de vente lui-même ou encore l'acte de prêt permettent de démontrer que la commune intention des parties était de conclure un acte de vente portant sur un bien immobilier à usage d'habitation ; que dès lors qu'elle a entendu acquérir un bien immobilier à usage d'habitation alors que le bien s'avère être en réalité un bien à usage commercial et industriel, il est manifeste qu'elle a été victime d'une erreur obstacle n'a pas permis l'échange des consentements, de sorte que la vente n'a pas pu valablement être conclue ; qu'elle a découvert par la suite que l'autorisation d'urbanisme était caduque de sorte que la destination d'habitation de ce bien était anéantie ; qu'or, la substance de ce bien constitue une qualité substantielle pour elle, qui envisageait notamment de louer l'appartement ;

- que la caducité du permis de construire est acquise du seul chef de l'écoulement du temps défini par le code de l'urbanisme, sans que l'intervention d'une quelconque décision administrative ne soit nécessaire ; qu'il en résulte que la correspondance par laquelle le maire de la commune de [Localité 6] a informé la société de la caducité de son autorisation d'urbanisme n'est pas une décision « la prononçant » mais qu'elle constate seulement que la caducité du permis de construire est depuis lors intervenue ; que le décompte du délai de validité du permis de construire du 21 juin 2007 aboutit à la démonstration de sa caducité au 27 mai 2013, et en tout état de cause bien avant que la vente intervienne ; qu'en effet, par un courrier du 18 juillet 2013, la commune a constaté la caducité du permis de construire à la date du 1er juillet 2013 ; que cette décision est opposable à la société, s'agissant d'un acte administratif individuel devenu définitif en l'absence de contestation ; que le permis litigieux est donc réputé être devenu caduc au plus tard au 1er juillet 2013 ;

- que la vente n'est intervenue qu'à la date de l'acte authentique et non à la date du compromis du 14 janvier 2013 dès lors que celui-ci est devenu caduc par l'effet de l'écoulement du temps, sans que les conditions suspensives aient été remplies ; que l'avenant du 8 juillet 2013 n'est pas régulier car il a été conclu après le terme du contrat initial;

- que, subsidiairement, la représentante de la société s'est rendue auteur d'un dol en lui faisant croire, par des mensonges et des silences, avant et après la vente, que le bien à acquérir puis acquis était d'ores et déjà à usage d'habitation et qu'il disposait d'un permis de construire permettant de réaliser les travaux souhaités.

La SCP de notaires expose qu'il semblerait que postérieurement à la vente, un des permis ait été retiré pour défaut de réalisation de travaux, la société déposant alors un nouveau permis qui lui a été refusé ; qu'au jour de l'acte, le bien était parfaitement conforme aux exigences de l'acquéreur.

Réponse de la cour

2.1. Sur la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue

Selon l'article 1109 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol.

Et selon, l'article 1110, alinéa 1er, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

En l'espèce, c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause et des motifs pertinents que la cour adopte, sans qu'il y ait lieu de tous les énumérer, que les premiers juges ont retenu :

- que la destination d'un bien, à savoir son caractère à usage d'habitation ou à usage industriel et commercial, est un élément déterminant du consentement de l'acheteur,

- que en l'espèce, si l'acte de vente ne précise ni que le bien est à usage d'habitation ni qu'il est à usage industriel et commercial, il ressort des éléments du dossier que la destination du bien à usage d'habitation avait fait l'objet d'un accord de volontés de la part des parties et était dés lors bien contractuelle,

- que seul le permis de construire délivré le 21 juin 2007 était de nature à permettre à Mme [G] de jouir de son bien à usage d'habitation.

S'agissant de la question de la validité du permis de construire, il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de [Localité 6] a constaté la caducité du permis de construire accordé à Mme [Y] par lettre recommandée du 18 octobre 2013, soit postérieurement à la vente.

Mme [G] soutient à tort que le maire a, par courrier du 18 juillet 2013, constaté la caducité du permis de construire à la date du 1er juillet 2013, alors, d'une part, que l'autorité administrative confirme dans ce courrier avoir constaté, lors de sa visite du 1er juillet 2013, que la société avait « commencé l'exécution des travaux dans les derniers jours de [la] période de validité [du permis de construire] », d'autre deuxième part, qu'elle « attire [... son] attention sur la nécessité de poursuivre significativement cette ouverture de chantier » afin d'éviter une éventuelle péremption du permis de construire, cette invitation à poursuivre les travaux impliquant nécessairement que la caducité n'était pas encore acquise à la date du courrier, et, enfin, que par un courrier du 26 mai 2014, l'adjointe au maire de la commune rappelle à Mme [Y] que son « permis de construire est devenu caduc en date du 19/10/2013 ».

Le tribunal a considéré que le permis de construire s'était, en réalité, trouvé caduc dès le 28 mai 2013, rappelant que la péremption du permis de construire instituée par les dispositions de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme est acquise par le seul laps du temps qu'elles prévoient lorsque les constructions n'ont pas été entreprises ou ont été interrompues, sans que soit nécessaire l'intervention d'une décision de l'autorité qui a délivré le permis.

Or, pour aboutir à la date du 28 mai 2013, les premiers juges se sont mépris sur la mise en oeuvre des textes applicables.

En effet, selon l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme (et non l'article R. 421-31 comme indiqué à tort dans le jugement), dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis de construire du 21 juin 2007, dont les dispositions ont été reprises par l'article R. 424-17 du même code, le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. L'article 1er du décret du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité notamment des permis de construire a, pour les permis de construire intervenus au plus tard le 31 décembre 2010, porté à trois ans le délai mentionné au premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme. En application de l'article 2 de ce même décret, cette modification s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication, soit le 20 décembre 2008.

Il résulte de ces dispositions que l'interruption des travaux ne rend caduc un permis de construire que si sa durée excède un délai d'un an, commençant à courir après l'expiration du délai de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, imparti par le premier alinéa de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme (en ce sens, CE, 10 mai 2017, n° 399405, publié au Recueil [S]).

En l'espèce, la date de notification du permis de construire délivré le 21 juin 2007 ne ressort pas des pièces du dossier. A supposer qu'elle soit intervenue le jour même de la délivrance du permis, le délai de validité de trois ans a commencé à courir, au plus tôt, à cette date.

Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article R. 424-19 du code de l'urbanisme, en cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable ou de recours devant la juridiction civile en application de l'article L. 480-13, le délai de validité prévu à l'article R. 424-17 est suspendu jusqu'au prononcé d'une décision juridictionnelle irrévocable.

Il en résulte en l'espèce que le délai de validité du permis de construire a été suspendu à compter du 20 novembre 2007, date de saisine du tribunal administratif de Lyon, alors qu'il avait déjà couru pendant 4 mois et 29 jours. Par application des dispositions combinées des articles R. 424-19 du code de l'urbanisme et R. 821-1 du code de justice administrative, en l'absence de pourvoi en cassation formé à l'encontre de celui-ci, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 26 octobre 2010 est devenu irrévocable deux mois après sa notification, à une date inconnue de la présente cour. A supposer que cette notification soit intervenue dès le lendemain du prononcé de l'arrêt, soit le 27 octobre 2010, le délai de validité du permis de construire de deux ans, porté à trois ans par le décret du 19 décembre 2008, a recommencé à courir, au plus tôt, le 28 décembre 2010 pour expirer le 29 juillet 2013. Or, il résulte du courrier du maire de la commune du 18 juillet 2013 que ses services avaient constaté, lors de la visite du chantier effectuée le 1er juillet 2013, que la société avait « commencé l'exécution des travaux dans les derniers jours de [la] période de validité [du permis de construire] », de sorte qu'il ne peut être soutenu que les constructions n'avaient pas été entreprises dans le délai de validité du permis de construire énoncé à la première phrase de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme et que le permis s'en est trouvé périmé.

C'est donc à compter du 29 juillet 2013 qu'a commencé à courir le délai d'un an imparti par la seconde phrase du premier alinéa de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, aux termes de laquelle le permis de construire est périmé si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. Il en résulte que la péremption du permis de construire délivré à Mme [Y] ne pouvait être acquise avant le 30 juillet 2014 et que le permis de construire litigieux était en cours de validité à la date de la vente du bien, que celle-ci soit fixée à la date de la promesse, le 14 janvier 2013, ou à la date de sa réitération par acte authentique, les 27 et 30 septembre 2013.

Aussi convient-il d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a annulé la vente consentie pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, en retenant que le permis de construire, qui était seul de nature à permettre à Mme [G] d'utiliser le bien conformément à la désignation contractuellement convenue, soit à usage d'habitation, était caduc à la date de la vente et que l'erreur sur les qualités substantielles du bien vendu est caractérisée.

2.1. Sur la nullité de la vente pour dol

Selon l'article 1116 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

En l'espèce, la cour ayant jugé que le permis de construire délivré à Mme [Y] était en cours de validité à la date de la vente, Mme [G] n'est pas fondée à reprocher à la société de s'être rendue auteur d'un dol en lui faisant croire faussement que le bien disposait d'un permis de construire permettant de réaliser les travaux souhaités.

La demande d'annulation de la vente pour dol est rejetée.

3. Sur la demande de résolution de la vente

La société fait valoir :

- s'agissant de la superficie de l'immeuble, que Mme [G] était parfaitement informée de la surface réelle du bien immobilier vendu puisqu'elle avait fait réaliser ses propres métrés et que la surface indiquée dans l'acte l'avait été d'un commun accord entre les parties ; que l'acte de vente permettait à l'acquéreur d'engager une action en diminution du prix en cas de superficie inférieure de plus d'un vingtième à celle stipulée ; qu'or, cette action, conventionnellement enfermée dans un délai d'un an à compter de la vente, n'a jamais été exercée par Mme [G] ;

- s'agissant du raccordement au réseau électrique, que Mme [G] savait pertinemment que la liaison entre l'appartement et la logette électrique installée à l'extérieur restait à effectuer puisqu'elle avait visité le bien à de nombreuses reprises et que le diagnostic établi le 22 juillet 2012 avait révélé plusieurs anomalies ;

- s'agissant de la destination de l'immeuble, que Mme [G] a acquis un bien dont la destination pouvait faire l'objet d'une modification en habitation et non un bien à usage d'habitation ; qu'en outre, il s'est écoulé 18 mois entre la conclusion de la vente et la mise en demeure adressée à la société, Mme [G] s'étant donc comportée pendant cette période comme le propriétaire du bien litigieux sans solliciter la remise en cause de la vente.

Mme [G] fait valoir que si par extraordinaire la cour venait à réformer le jugement entrepris et à écarter la nullité de la vente, elle n'en prononcerait pas moins sa résolution du chef du manquement de la venderesse à ses obligations. Elle soutient en effet :

- que la société a manqué à son obligation de délivrance conforme, puisqu'elle se retrouve avec un appartement d'une superficie réelle inférieure à celle mentionnée dans l'acte, qui n'est pas autorisé pour être à usage d'habitation et qui ne être raccordé au réseau électrique;

- que la société a également manqué à son obligation de loyauté en s'abstenant de l'informer sur la caducité du permis de construire, ou a minima sur la contestation que le maire a entendu élever sur ce point.

Réponse de la cour

3.1. Sur la méconnaissance de l'obligation de délivrance conforme

Conformément à l'article 1603 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer la chose qu'il vend.

L'article 1604 du même code dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et la possession de l'acheteur.

Enfin, en application de l'article 1615, l'obligation de délivrer comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.

En matière de vente immobilière, le vendeur est tenu de livrer le bien promis tel qu'il a été identifié au contrat avec ses caractéristiques propres et l'acquéreur doit pouvoir obtenir la jouissance normale du bien acheté à laquelle il peut légitimement attendre.

En l'espèce, s'agissant du raccordement au réseau électrique, la cour observe, d'une part, que l'acte de vente mentionne expressément que le diagnostic établi le 22 juillet 2022 a révélé « une ou plusieurs anomalies, savoir : 'L'installation intérieure d'électricité n'était pas alimentée lors du diagnostic. Les vérifications de fonctionnement du ou des dispositifs de protection à courant différentiel-résiduel n'ont pu être effectuées. Constatations diverses : installation en chantier'. Un exemplaire de ce diagnostic est demeuré ci-annexé et l'acquéreur déclare vouloir faire son affaire personnelle des prescriptions qu'il contient », d'autre part, que l'absence de raccordement résulte de la caducité du permis de construire dont il a toutefois été jugé plus avant qu'il était toujours en cours de validité au moment de la vente.

En deuxième lieu, s'agissant de la superficie de l'immeuble, l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose notamment que toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot ou d'une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot. Si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure. L'action en diminution du prix doit être intentée par l'acquéreur dans un délai d'un an à compter de l'acte authentique constatant la réalisation de la vente, à peine de déchéance.

En l'espèce, si l'acte de vente mentionne que « la superficie des lots vendus répondant aux caractéristiques de [l'article 46 précité] est la suivante : 78m² », alors qu'il résulte du certificat de superficie établi le 22 juillet 2012 par un expert immobilier qu'elle est en réalité de 73,27 m², force est de constater que Mme [G] n'a pas engagé l'action en diminution du prix dans le délai d'un an à compter de l'acte authentique.

Par ailleurs, elle est mal fondée à alléguer un défaut de délivrance conforme pour ce motif alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle connaissait bien le bien immobilier et qu'elle a été en mesure de se convaincre de sa consistance et de faire les vérifications qu'elle estimait nécessaires, notamment en termes de superficie.

En troisième lieu, s'agissant de la destination de l'immeuble, le permis de construire permettant de transformer en habitation le local initialement destiné à une activité commerciale ou industrielle était, ainsi qu'il a été jugé, toujours en cours de validité à la date de la vente, de sorte qu'il convient de retenir que la société a respecté son obligation de délivrance conforme.

3.2. Sur la méconnaissance de l'obligation de loyauté

Dès lors qu'il a établi que le permis de construire était en cours de validité à la date de la vente, Mme [G] n'est pas fondée à reprocher à la société de ne pas l'avoir informée de l'insécurité juridique pesant sur le permis devenu caduc et d'avoir méconnu son obligation de garantir son acquéreur contre l'éviction.

Par ailleurs, s'il est constant que l'attention de la société sur « la nécessité de poursuivre significativement [l']ouverture de chantier » pour échapper à la péremption du permis de construire avait été attirée par le maire de la commune dans son courrier du 18 juillet 2013, Mme [G] ne saurait prétendre qu'elle ignorait tout des difficultés rencontrées par la société dans la mise en oeuvre du permis de construire, alors, d'une part, que l'acte notarié reprend l'historique de celui-ci, et notamment la procédure de contestation devant les juridictions administratives, et, d'autre part, que dans un mail adressé le 22 février 2014 à Mme [Y], elle indique avoir réalisé le jour de la vente que « rien n'était clair » s'agissant du permis de construire et du changement de destination, mais avoir décidé de « signe[r] quand même » et ne pas le regretter, ce qui conduit à retenir qu'elle a consenti à la vente en connaissance des difficultés relatives au permis de construire et ne peut aujourd'hui reprocher à la société un manquement à son obligation de loyauté.

Au vu de ce qui précède, il convient de débouter Mme [G] de sa demande tendant à la résolution de la vente.

***

Mme [G] étant déboutée de ses demandes tendant à l'annulation ou à la résolution de la vente, il y a lieu de la débouter également de ses demandes subséquentes.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il l'a condamnée à restituer à la société le lot de copropriété et le terrain et en ce qu'il a condamné la société à lui restituer la somme de 240'000 euros, outre intérêts au taux légal.

Il est en revanche confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ses prétentions indemnitaires au titre de la réparation de ses préjudices tirés de la quote-part de l'assurance de copropriété, du surplus des travaux réalisés, des frais bancaires et d'assurance au titre du prêt souscrit. Il est encore confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts formée contre la société au titre de la perte de loyers.

4. Sur les demandes reconventionnelles de la société

La société sollicite l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi, faisant valoir que Mme [G] a fait preuve d'une passivité et d'une négligence fautives qui lui ont imposé le dépôt d'un nouveau permis de construire avec obligation de satisfaire aux nouvelles règles d'urbanisme s'agissant des places de parking, moyennant un coût de 20'000 euros et la perte de 32 m² habitables, évaluable à 160'000 euros.

Toutefois, la vente n'étant pas annulée, la société est nécessairement déboutée de ce chef de demande. Le jugement est confirmé sur ce point.

Ni les circonstances du litige, ni les éléments de la procédure, ne permettent de caractériser à l'encontre de Mme [G] une faute de nature à faire dégénérer en abus son droit de se défendre en justice.

Aussi convient-il de débouter la société de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Enfin, aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de la société envers Mme [G], il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de garantie dirigée contre la SCP de notaires.

5. Sur responsabilité du notaire

Mme [G] fait valoir :

- que le notaire a manqué à son devoir d'assurer l'efficacité de son acte ; qu'il s'est contenté de rappeler la chronologie des différentes autorisations urbanisme délivrées et de leur contentieux sans même en tirer toutes les conséquences s'agissant du permis du mois de juin 2007 ; qu'or, dès lors, d'une part, que la destination à usage d'habitation du bien vendu résulte exclusivement d'une autorisation d'urbanisme dont la durée de validité est habituellement de deux années, d'autre part, que cette autorisation a été délivrée plus de six ans avant que la vente ne soit conclue, il incombait au notaire de s'assurer de la validité de cette autorisation d'urbanisme avant de rédiger l'acte de vente, ce dont il s'est négligemment abstenu en l'espèce ; une telle négligence est constitutive d'un manquement fautif à l'égard de son devoir d'assurer l'efficacité de son acte ; qu'il a encore manqué à son obligation de conseil en s'abstenant d'attirer l'attention des parties sur le risque de caducité encouru par l'autorisation d'urbanisme alors que c'est précisément cette dernière qui confère la destination d'habitation au bien vendu ; qu'il a commis une nouvelle faute pour avoir indiqué une superficie erronée du bien vendu dans l'acte de vente ; qu'au total, ces fautes ont, pour chacune d'elles, concouru à la vente d'un bien qui n'est pas conforme à l'usage auquel il était destiné ;

- qu'elle est fondée à solliciter une somme de 160 200 euros, à parfaire à la date de l'arrêt à intervenir, au titre du manque à gagner constitué des loyers qu'elle aurait dû percevoir à compter du 26 mai 2014, date à laquelle la Commune de [Localité 6] l'informait qu'elle ne disposait pas d'autorisation de construire l'autorisant à effectuer des travaux d'aménagement, et arrêté à la date des conclusions (1 800 euros x 89 mois).

La SCP de notaires rappelle qu'il incombe à Mme [G] de rapporter la preuve d'une faute du notaire directement génératrice pour elle d'un préjudice indemnisable. Elle fait valoir essentiellement :

- qu'à l'inverse de ce qu'a retenu le tribunal, cette dernière est manifestement défaillante dans cette triple démonstration ;

- qu'il semblerait que postérieurement à la vente, un des permis ait été retiré pour défaut de réalisation de travaux, la société déposant alors un nouveau permis qui lui a été refusé ; qu'il n'en résulte pour autant aucune faute du notaire dont la mission était terminée et qui n'avait reçu nulle autre mission complémentaire des parties ; que lors de la vente reçue le 30 septembre 2013, le notaire n'avait aucune raison objective d'anticiper une quelconque caducité du permis de construire ;

- que s'agissant de la superficie du bien vendu, il résulte de l'acte même que lorsqu'un vendeur ne fait pas exécuter le mesurage de la loi Carrez, il déclare cette superficie lui-même dans l'acte, sous sa seule responsabilité ; qu'en l'espèce, les deux parties étant amies, elles connaissaient parfaitement les lieux et ont déclaré conjointement être d'accord sur la superficie mentionnée ;

- qu'à titre subsidiaire, Mme [G] ne démontre pas avoir voulu mettre le bien en location.

Réponse de la cour

Il résulte de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, que le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours.

Il est tenu envers ceux qui sollicitent son ministère d'un devoir de conseil et, le cas échéant de mise en garde, notamment en ce qui concerne les conséquences et risques des stipulations convenues.

Le notaire engage sa responsabilité sur le fondement des dispositions précitées, à charge pour celui qui l'invoque de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité.

En l'espèce, le notaire, tenu d'assurer l'efficacité de l'acte de vente qu'il a dressé le 30 septembre 2013, devait attirer l'attention de Mme [G] sur le risque encouru de caducité du permis de construire.

En effet, au regard de l'ancienneté du permis de construire à la date de la vente reçue le 30 septembre 2013, le notaire avait, contrairement à ce qu'il soutient, une raison objective d'anticiper une possible caducité de celui-ci et devait, dès lors, d'une part, vérifier la poursuite effective des travaux en demandant à la société de lui produire des justificatifs, d'autre part, attirer l'attention de Mme [G] sur la nécessité de poursuivre elle-même ces travaux après la vente, l'absence d'interruption de ceux-ci pendant un délai supérieur à une année étant la seule circonstance de nature à faire obstacle à la préemption du permis de construire.

En s'étant abstenu de délivrer une telle information à Mme [G], le notaire a commis une faute qui lui a causé un préjudice, la privant d'une chance de transformer le local en appartement à usage d'habitation et de le louer.

Au regard de ce qui a été énoncé plus avant sur les conditions dans lesquels le permis de construire s'est trouvé caduc, la perte de chance de percevoir des loyers, entre le 26 mai 2014 et la date du prononcé du présent arrêt, peut être évaluée à 40% et il convient, par infirmation du jugement déféré, de condamner le notaire à payer à Mme [G] la somme de 61 200 euros, ainsi décomposée : (1 500 euros x 102 mois) x 40%, étant précisé que le montant du loyer est évalué à la somme de 1 500 euros par comparaison avec celui fixé par la société dans le cadre d'un bail consenti pour un logement situé dans le même ensemble immobilier mais d'une superficie plus grande et comportant une chambre supplémentaire (1 800 euros par mois - cf pièce n°18 de Mme [G]).

Compte tenu de son caractère indemnitaire, cette somme produira intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

6. Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement déféré est infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La SCP de notaires, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [G] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas contraire à l'équité, en revanche, de laisser à la charge de la société ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en celles de ses dispositions ayant :

- dit n'y avoir lieu a écarter des débats les conclusions récapitulatives n° 4 et pièces transmises le 24 mai 2018 par la S.A.R.L. La forge,

- dit n'y avoir lieu à écarter des débats les conclusions récapitulatives n° 5 transmises le 30 mai 2018 par Mme [H] [G],

- débouté Mme [H] [G] de ses prétentions indemnitaires au titre de la réparation de ses préjudices tirés de la quote-part de l'assurance de copropriété, du surplus des travaux réalisés, des frais bancaires et d'assurance au titre du prêt souscrit,

- débouté Mme [H] [G] de sa demande de dommages-intérêts formée contre la S.A.R.L. La forge au titre de la perte de loyers,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la SCP Jean-Louis Laurent et [U] Roze Sylvestre à payer à Mme [H] [G] la somme de 61 200 euros à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SCP Jean-Louis Laurent et [U] Roze Sylvestre à payer à Mme [H] [G] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCP Jean-Louis Laurent et [U] Roze Sylvestre aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 18/07662
Date de la décision : 13/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-13;18.07662 ?
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