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06/12/2022 | FRANCE | N°20/02995

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 06 décembre 2022, 20/02995


N° RG 20/02995 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7SA









Décision du

TJ de LYON

Au fond

du 14 mai 2020



RG : 15/01627





Société CREDIT MUTUEL VALLEE DU GIFFRE



C/



[F]

[B]

S.C.I. [E] [A]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 06 Décembre 2022





APPELANTE :



La CAISSE DE CREDIT MUTUEL d

e la VALLEE DU GIFFRE

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Jean-laurent REBOTIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON, toque : 538



INTIMES :



M. [P] [F]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9] (74)

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représent...

N° RG 20/02995 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M7SA

Décision du

TJ de LYON

Au fond

du 14 mai 2020

RG : 15/01627

Société CREDIT MUTUEL VALLEE DU GIFFRE

C/

[F]

[B]

S.C.I. [E] [A]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 06 Décembre 2022

APPELANTE :

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL de la VALLEE DU GIFFRE

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-laurent REBOTIER de la SELAS AGIS, avocat au barreau de LYON, toque : 538

INTIMES :

M. [P] [F]

né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 9] (74)

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représenté par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Assisté par Me Frédéric LAFAY de la SELARL RACINE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 1690

Mme [V] [B] épouse [F]

née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 10] (74)

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Assistée par Me Frédéric LAFAY de la SELARL RACINE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 1690

S.C.I. [E] [A]

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Assistée par Me Frédéric LAFAY de la SELARL RACINE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 1690

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Juin 2022

Date de mise à disposition : 13 décembre 2022, prorogée au 22 Novembre 2022, prorogée au 06 Décembre 2022, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile

Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Stéphanie LEMOINE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Laurence VALLETTE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Le 20 juillet 2004, Mme [V] [F] a reçu de sa mère, Mme [O] [B], un bien immobilier situé à [Localité 8], en donation.

Dans la perspective de rénover ce bien en activité para-hôtelière, Mme [F] a pris attache le 23 septembre 2005 avec le cabinet d'avocats Arcane Juris.

Un montage juridique, basé sur un logiciel appelé Immoloc a été proposé, impliquant le démembrement temporaire de la propriété reçue en donation et la création de deux SCI. Ainsi, Mme [F] a cédé l'usufruit temporaire de son bien, d'une valeur de 381 839 euros, pour une durée de 20 ans, à la SCI [F] [V], constituée entre elle et son époux, M. [P] [F], et la valeur de la nue-propriété du bien, d'un montant de 90 169 euros, avec réserve d'usufruit temporaire a été apportée à la SCI [Adresse 6], constituée en entre elle et ses trois enfants mineurs.

Une convention d'acquisition de la nue-propriété et de l'usufruit a été signée le 16 juin 2006 entre les deux SCI, ces sociétés ayant convenu d'un projet immobilier dont le coût global est évalué à 897 008 €, dont 472 008 € pour le bien immobilier et 425 000 € pour les travaux.

Pour financer ce projet, une offre de prêt émanant du Crédit mutuel Vallée du Giffre (la banque) a été adressée à la SCI [F] [V] le 6 octobre 2006, laquelle a refusé de signer, compte tenu des garanties exigées. L'organisme bancaire a donc fait une nouvelle offre de prêt le 16 novembre 2006.

Par acte notarié du 7 février 2007, la SCI [F] [V] a contracté auprès de la banque un prêt aux fins d'acquérir l'usufruit et de réaliser les travaux d'embellissement, d'un montant de 761 555 euros, remboursable en 204 mensualités et d'un prêt relais de TVA, d'un montant de 119 000 euros, remboursable en une échéance au bout de 24 mois. La SCI [F] [V] a obtenu un prêt complémentaire, le 7 décembre 2007, d'un montant de 117 000 euros. Les époux [F] se sont portés cautions solidaires de ces prêts.

Considérant que le montage juridique et financier effectué par leur mandataire était inadapté et surestimé, notamment que la SCI [F] [V] était dans l'incapacité de rembourser et que les garanties du prêt présentaient un caractère excessif, la SCI [F] [V] et M et Mme [F] ont par exploit d'huissier de justice délivré les 7 mai 2012, fait assigner la SELARL Arcane Juris devant le tribunal de grande instance de Bonneville, afin que soit retenue sa responsabilité civile professionnelle, en raison d'un manquement à son obligation d'information et de conseil.

Par acte d'huissier de justice du 9 mai 2012, la SCI [F] [V] et M et Mme [F] ont fait citer la banque pour mettre en jeu sa responsabilité contractuelle.

Par ordonnance du juge de la mise en état du 19 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Lyon a été désigné pour connaître de l'affaire, par application de l'article 47 du code de procédure civile.

Par jugement avant dire droit du 3 juin 2016, le tribunal a ordonné une expertise et désigné pour y procéder, M. [L], avec pour mission, notamment, d'évaluer la valeur du bien et de dire si le coût des travaux réalisés était approprié.

Par jugement du 14 mai 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a:

- condamné la banque à payer à la SCI [F] [V], la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts, au titre des sommes payées à tort à des tiers;

- condamné in solidum la banque et la SELARL Arcane Juris à verser à la SCI [F] [V], la somme de 50 000 € en réparation de la perte de chance;

- ordonné à la banque d'établir un tableau d'amortisement définitif, tenant compte de la nullité du TEG, et corrigé, la somme de 17 695,31 € devant être retranchée du montant total du crédit restant à devoir par la SCI [F] [V];

- condamné solidairement la SCI [F] [V] et M et Mme [F], à payer à la banque, la somme de 106 442,04 €, outre intérêts au taux contractuel de 4,7 % à compter du 11 mars 2013;

- condamné in solidum la banque et la SELARL Arcane Juris à verser à la SCI [F] [V], la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné in solidum la banque et la SELARL Arcane Juris, à supporter les entiers dépens de l'instance;

- rejeté le surplus des demandes;

-ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 12 juin 2020, la banque a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 28 juin 2020, elle demande:

- de réformer le jugement,

- de déclarer irrecevables et non fondées les demandes de la SCI [F] [V] et de M et Mme [F],

- de condamner in solidum la SCI [F] [V] et M et Mme [F] à lui payer la somme de 12.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Rebotier.

Par conclusions notifiées le 28 septembre 2021, la SCI [F] [V] et M et Mme [F] demandent:

- d'ordonner à la banque d'émettre un nouveau tableau d'amortissement, avec application du taux légal fixé par la loi, année après année, et ce jusqu'au terme du prêt, les intérêts perçus en trop s'imputant sur les échéances à venir, à due concurrence de leur montant;

- d'ordonner la réduction du prêt à un niveau d'endettement d'au maximum 48.000 euros par an, sur 180 mensualités de 4.002,32 €, de décembre 2012 à décembre 2027, desquelles seront déduites les sommes déjà payées;

Sur appel incident,

- de prononcer la déchéance du cautionnement solidaire pesant sur M et Mme [F] et y substituer la délégation des loyers au profit de la banque, lesquels seront affectés à un compte bloqué;

- de condamner la banque à payer à la SCI [F] [V], la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que tous les dépens distraits au profit de Me Laffly.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 14 octobre 2021.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, sur l'étendue de la saisine, il y a lieu d'observer que la SELARL Arcane Juris n'est pas partie à la procédure d'appel, de sorte que les condamnations prononcées à son encontre sont irrévocables.

De même, la disposition du jugement condamnant la SCI [F] [V], ainsi que M et Mme [F] à payer à la banque la somme de 106.442,04 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4,7% à compter du 11 mars 2013, n'est pas discutée en appel.

1. Sur le devoir d'information et de mise en garde de la banque

La banque fait notamment valoir que:

- seule la SCI [F] [V] est emprunteur, M et Mme [F] étant cautions,

- ces derniers ont étudié le montage en démembrement de propriété avec leur avocat avant d'en solliciter le financement,

- assistée par un professionnel du droit, la SCI [F] [V] doit être considérée comme un emprunteur averti,

- ils ont été indemnisés à ce titre par leur avocat,

- le crédit accordé correspondait aux facultés prévisibles de remboursement de l'emprunteur, sans prise de risque déraisonnable, l'opération devant s'auto-financer, ainsi que le démontrent les documents comptables prévisionnels élaborés par un expert-comptable,

- les chiffres retenus ont été confirmés par deux experts près la cour d'appel, M. [W] et M. [L],

- les problèmes d'exploitation réels ou imaginaires rencontrés par M et Mme [F] résultent d'une mauvaise gestion;

- en tout état de cause, le préjudice est inexistant, les prêts consentis ayant servi aux travaux d'amélioration de l'immeuble et ont donc augmenté sa valeur.

La SCI [F] [V] et M et Mme [F] font notamment valoir que:

- la charge de la preuve que la banque a satisfait à cette obligation pèse sur elle;

- il n'y a eu aucun échange entre la banque et eux-mêmes sur la portée de leur engagement;

- au moment de la conclusion du prêt, M. [F] était plombier et Mme [F], mère au foyer, leurs revenus annuels étant 28.623 euros en 2005 et de 21.267 euros en 2006, de sorte que tant la SCI que ces derniers sont des emprunteurs profanes et ce, même s'ils ont été assistés d'un conseil juridique;

- le caractère averti de l'emprunteur personne morale s'apprécie par rapport à la personne de son représentant légal;

- le devoir de mise en garde oblige le banquier à vérifier les capacités financières de son client, ainsi que la viabilité du projet financier et à l'avertir des risques qu'il encourt par la signature du contrat;

- il n'a pas été attiré leur attention sur la dangerosité de contracter un prêt de 878.555 euros, ce qui était manifestement excessif au regard de leurs revenus, puisque la charge annuelle du remboursement était supérieure aux revenus de l'emprunteur.

Réponse de la cour

A titre liminaire, il est observé que les intimés ne demandent, dans le dispositif de leurs conclusions, que la condamnation de la banque au profit de la SCI [F] [V], à ce titre, à l'exclusion de M et Mme [F].

Il résulte des dispositions de l'article 1231-1 du code civil, que la banque qui consent un prêt à une personne non-avertie engage sa responsabilité contractuelle si elle manque au devoir de la prévenir des dangers de l'opération de crédit envisagée et des risques d'endettement né de l'octroi du prêt, en considération de ses capacités financières.

Ainsi, au titre de son devoir de mise en garde, le banquier doit vérifier les capacités financières de son client et le mettre en garde sur la gravité et la portée de son engagement.

Or, d'une part, la banque n'est pas dispensée d'un tel devoir par la présence au côté de l'emprunteur d'une personne avertie et, d'autre part, le caractère averti d'une personne morale s'apprécie par rapport à la personne de son représentant légal.

Dès lors, la SCI [F] [V] dont la représentante légale est Mme [F], qui n'avait pas de profession à la date de conclusion du contrat de prêt, doit être considérée comme un emprunteur non-averti, la circonstance qu'elle ait été assistée d'un avocat étant sans incidence à cet égard.

Il résulte du dossier comptable prévisionnel élaboré le 31 août 2006 par le cabinet Wirion, que la banque disposait d'éléments confirmant que l'opération était réalisable économiquement, puisqu'alors que la charge de l'emprunt demandé par la SCI [F] [V] s'élevait à la somme annuelle de 73.049, 04 euros, le chiffre d'affaires prévu pour 2007/2008, s'élevait à la somme de 80.500 euros et pour 2008/2009, à la somme de 82.110 euros.

Ces chiffres sont parfaitement cohérents avec l'expertise amiable réalisée par M. [R] le 11 mai 2006, à la demande de la SCI [F] [V], afin d'obtenir le financement de leur opération, qui retient que la valeur locative dans le cadre d'une activité hôtelière peut être chiffrée à la somme de 75.520,70 euros.

Ainsi que le relève la banque, seules les études prévisionnelles permettent de savoir si elle a respecté son devoir de vérifier les capacités de remboursement de l'emprunteur, puisqu'il s'agit de vérifier si elle disposait, au moment où elle instruisait la demande de prêts, d'éléments objectifs pour apprécier les capacités de remboursement futures de l'emprunteur.

Dès lors, les études réalisées a posteriori par le cabinet Adéquation expertise, en avril 2012, ainsi que par M. [J], en octobre 2011, qui se fondent sur les chiffres d'affaires effectivement réalisés par l'emprunteur en 2009 ou en 2010, ne peuvent être prises en compte pour apprécier le respect, par la banque, de son devoir de mise en garde.

S'il ressort des deux études réalisées par le cabinet Wirion et M. [R], qui sont complètes et réalistes, que l'opération projetée par la SCI [F] [V] était économiquement viable, il y a lieu d'observer que le devoir de mise en garde comprend également, ainsi que le relève la SCI [F] [V], le devoir d'alerter l'emprunteur sur les risques du crédit sollicité.

Or, la banque ne rapporte pas la preuve qu'elle a alerté la SCI [F] [V] sur le risque de contracter deux prêts d'un montant respectif de 762.000 euros et de 117.000 euros, alors qu'elle n'avait jamais exercé auparavant une activité para-hôtelière et ne disposait, au moment de la souscription du prêt, d'aucune ressource, étant précisé que les revenus de ses associés étaient à cette époque, uniquement ceux de M. [F] et s'élevaient à la somme mensuelle de 2.272 euros.

Dès lors, il doit être retenu que la banque a manqué à son obligation d'information et de mise en garde auprès de son emprunteur sur les risques engendrés par le montant des prêts demandés. En raison de cette faute, la SCI [F] [V] a perdu la chance de pouvoir contracter un prêt dans des conditions adaptées à sa situation financière.

Néanmoins, afin d'évaluer ce préjudice, il doit être tenu compte du fait que les prêts consentis ont servi aux travaux d'amélioration de l'immeuble et en ont augmenté la valeur à due concurrence. Ce préjudice est donc évalué à la somme de 30.000 euros.

En conséquence, infirmant le jugement, il convient de condamner la banque à payer à la SCI [F] [V], la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts.

2. Sur le devoir de non-immixtion dans les affaires du client

La banque fait notamment valoir que:

- M et Mme [F] ont mandaté des entreprises pour débuter les travaux avant que les financements ne leur aient été accordés,

- un préposé de la banque a effectivement avancé la somme de 100 000 euros à deux fournisseurs de la SCI [F] [V], sans instructions écrites de sa part,

- ce paiement pour le compte du débiteur a été régularisé dans l'acte notarié du 7 février 2007, qui mentionne expressément que le prêt souscrit est en partie affecté au remboursement des deux factures concernées,

- il n'y a pas de préjudice puisque le paiement des factures était dû.

La SCI [F] [V] et M. et Mme [F] font notamment valoir que:

- la banque s'est immiscée dans leurs affaires, en payant directement deux entreprises qui intervenaient sur le chantier de réhabilitation du gîte avant la signature du prêt du 5 février 2007,

- la banque a payé directement, le 7 octobre 2006, et sans leur accord, la somme de 50 000 euros à M. [G] et la somme de 50 000 euros à l'entreprise [F] bâtiment;

- ce paiement anticipé est constitutif d'une contrainte morale qui les a poussés à devoir accepter le second prêt.

Réponse de la cour

A titre liminaire, il est observé, comme précédemment, que les intimés ne demandent, dans le dispositif de leurs conclusions, que la condamnation de la banque au profit de la SCI [F] [V], à ce titre, à l'exclusion de M et Mme [F].

Il est constant qu'une banque n'est pas autorisée à procéder au règlement des factures de son client, sans instruction de sa part.

En l'espèce, il est démontré, et d'ailleurs, non contesté que la banque a payé le 7 octobre 2006, directement, au moyen de deux chèques de banque de 50.000 euros, l'entreprise de menuiserie [G] et l'entreprise [F] bâtiments, qui intervenaient sur le chantier de réhabilitation du gîte, avant que le financement n'ait été accordé à la SCI [F] [V].

Cependant, il résulte des pièces versées aux débats, en premier lieu, que Mme [F] a reconnu dans une lettre du 23 août 2006 adressée à Arcane Juris être redevable de ces sommes, qui correspondent aux travaux commandés pour la rénovation du gîte.

En second lieu, suivant un acte de prêt notarié du 7 février 2007, la SCI [F] [V] a affecté l'un des prêts qui lui a été consenti par la banque au 'remboursement immédiat' des prestations 'effectuées par l'entreprise [Y] [G] selon facture numero 2006.36 et l'entreprise [F] bâtiment selon facture numero 2006/07/184, pour lesquelles une somme de 100.000 euros a été versée directement par le Crédit mutuel à ces deux sociétés au moyen de deux chèques de banque de chacun 50.000 euros, sans instruction de l'emprunteur, lequel s'engage à ratifier cette régularisation sans réserve par déblocage du prêt consenti ce jour.'

Compte tenu de la régularisation du paiement par acte notarié et de l'absence de préjudice pour l'emprunteur qui serait résulté de ce paiement anticipé, il convient, infirmant le jugement, de débouter la SCI [F] [V] de sa demande.

Par ailleurs, la SCI [F] [V] n'est pas fondée à soutenir que ce paiement anticipé serait constitutif d'une contrainte morale l'ayant poussée à devoir accepter le prêt, alors qu'il ressort du courrier précité que les travaux dont le paiement était réclamé avaient été commandés par Mme [F] et qu'elle était dans l'attente d'un 'financement' afin de pouvoir honorer les factures.

3. Sur la déchéance du cautionnement solidaire et la substitution d'une délégation de loyers

La SCI [F] [V] et M et Mme [F] font notamment valoir que:

- M et Mme [F] ont dû s'engager en qualité de caution solidaire à hauteur de 455.933 euros, alors qu'ils ne sont pas imposables sur leurs revenus,

- le montant de l'engagement cautionné est disproportionné par rapport à leurs revenus et surabondant au regard des autres garanties exigées par la banque,

seul le capital remboursé du bien immobilier dont la caution est propriétaire fait partie du patrimoine du dirigeant,

- la disproportion s'apprécie au jour de la conclusion du cautionnement.

La banque fait notamment valoir que:

- la cour n'a pas le pouvoir de substituer une garantie à une autre,

- la demande de déchéance du cautionnement est irrecevable en raison de sa nouveauté,

- la demande de déchéance du cautionnement est irrecevable car la disproportion s'apprécie à la date à laquelle la caution est poursuivie, et ne peut être demandé à titre préventif,

- les garanties prises par la banque sont contractuelles et il appartenait à M et Mme [F] de les refuser s'ils estimaient qu'elles étaient excessives,

- le patrimoine de M et Mme [F] est supérieur à leurs engagements de caution.

Réponse de la cour

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code ajoute que, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, l'article 566 précise que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, il résulte du jugement déféré que le Crédit Mutuel a demandé à titre reconventionnel la condamnation solidaire de la SCI [F] [V] et de M et Mme [F] à lui payer, la somme de 106.442,04 euros, outre intérêts.

Dès lors, M et Mme [F] sont recevables à demander, même pour la première fois en appel, que la banque ne puisse se prévaloir de l'engagement de caution qu'ils ont souscrit, s'agissant d'une demande qui tend à faire écarter la prétention adverse.

Par ailleurs, même si la banque ne réclame plus la condamnation des cautions en cause d'appel, M et Mme [F] sont recevables à demander à titre préventif que le caractère disproportionné de leur engagement soit constaté.

Sur le fond, selon l'article L. 332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Afin d'apprécier le patrimoine des cautions, il n'y a pas lieu d'intégrer la valeur du bien immobilier appartenant aux SCI dans lesquelles elles sont associées, s'agissant d'un immeuble appartenant non pas aux cautions, mais aux dites sociétés.

En revanche, la valeur des parts sociales du capital des SCI , selon le montant indiqué dans les statuts, peut être valablement pris en compte dans le calcul de l'actif patrimonial de la caution.

En l'espèce, il résulte, d'une part, du jugement déféré que la SCI [F] [V] reste devoir la somme de 106.442,04 euros, et d'autre part, des statuts de la SCI [Adresse 6], que les parts sociales appartenant à Mme [V] [F] sont valorisées à la somme de 90.200 euros, et des statuts de la SCI [F] [V], que les parts sociales appartenant à M et Mme [F] sont valorisées à la somme de 1.000 euros.

Enfin, le revenu fiscal de référence de M et Mme [F], s'élève, au titre de l'année 2019, à la somme de 18.634 euros.

En conséquence, aucune disproportion entre l'engagement de caution et le patrimoine de M et Mme [F] ne peut être retenue, celui-ci leur permettant de faire face aux sommes restant dues par la SCI [F] [V].

En tout état de cause, et ainsi que le relève la banque, la cour n'a pas le pouvoir de substituer à une garantie conventionnelle, une autre garantie, comme une délégation de loyers.

Enfin, le montage demandé par M et Mme [F] en démembrement de propriété a conduit la banque à additionner les garanties, sans que cela ne paraisse excessif, lesquelles sont en tout état de cause contractuelles, à charge pour M et Mme [F] de les accepter ou non.

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, il convient de débouter M et Mme [F] de leur demande.

4. Sur la nullité du TEG

La banque fait notamment valoir que:

- la SCI [F] [V] exploite une véritable activité commerciale de location immobilière, de sorte que la prescription a commencé à courir à la date de l'acceptation du prêt, soit le 8 décembre 2006, de sorte qu'elle est prescrite pour n'avoir pas été formée avant le 5 février 2012,

- en tout état de cause, le tribunal a prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts, alors que la seule sanction de l'irrégularité du TEG est la déchéance totale ou partielle des intérêts. Or, aucune demande de déchéance n'a été formée par les intimés dans leurs écritures.

La SCI [F] [V] et M et Mme [F] font notamment valoir que:

- dans le calcul du TEG, n'ont pas été pris en compte les frais liés à la garantie hypothécaire, ni les frais liés à la souscription du contrat de capitalisation Plan assur horizons, d'un montant de 2.600 euros.

- cela entraîne la nullité du TEG et justifie la déchéance du droit aux intérêts, conformément aux dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation.

- la prescription court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG, soit en ce qui les concerne, le 2 octobre 2017.

Réponse de la cour

Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que l'inexactitude du taux effectif global mentionné dans une offre de prêt acceptée est sanctionnée par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

En conséquence, la demande en annulation de la stipulation d'intérêts formée par la SCI [F] [V], dans le dispositif de ses conclusions, ne peut qu'être rejetée. Il convient donc d'infirmer le jugement de ce chef.

5. Sur la réticence dolosive

La SCI [F] [V] et M et Mme [F] font notamment valoir que la banque s'est rendue coupable de réticence dolosive, qui doit être sanctionnée par une révision du prêt, dont le montant annuel de remboursement doit être limité entre 42.000 et 48.000 euros. Ils soutiennent que l'intention dolosive est ici l'intention de pousser l'autre partie à contracter et non celle de causer un préjudice.

La banque fait valoir que les intimés ne caractérisent pas le dol dont ils se prévalent.

Réponse de la cour

Ainsi que l'ont exactement retenu les premiers juges, il n'est pas établi que la banque aurait volontairement dissimulé des informations dont elle avait seul connaissance, pour déterminer M et Mme [F] à contracter un prêt.

En conséquence, en l'absence de preuve que la banque s'est rendue coupable de réticence dolosive, il convient de confirmer le jugement ayant rejeté la demande de révision du prêt.

6. Sur les autres demandes

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque et lui alloue la somme de 5.000 €.

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la SCI [F] [V] et de M et Mme [F].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Dans la limite de sa saisine,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il rejette la demande de révision du prêt,

statuant de nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Crédit mutuel vallée du Giffre à payer à la SCI [F] [V], la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts, au titre de son devoir de mise en garde,

Déboute la SCI [F] [V] de sa demande de dommages-intérêts, au titre du devoir de non-immixtion de la banque dans les affaires de son client,

Déboute M et Mme [F] de leur demande de 'déchéance du cautionnement' et de substitution d'une délégation de loyers au profit de la société Crédit mutuel vallée du Giffre;

Déboute la SCI [F] [V] de sa demande d'annulation du TEG de son crédit et, par voie de conséquence, de sa demande d'établissement d'un nouveau tableau d'amortissement,

Déboute la SCI [F] [V] de sa demande de réduction du prêt,

Condamne in solidum la SCI [F] [V] et M et Mme [F] à payer à la société Crédit mutuel vallée du Giffre la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la SCI [F] [V] et M et Mme [F] aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 20/02995
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;20.02995 ?
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