N° RG 20/00341 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZWL
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 17 octobre 2019
RG : 15/09749
ch n°
[O]
C/
[H]
[Z]
S.A.S. CLEA PATRIMOINE
S.A.S. JUTTET PAYSAGE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 06 Décembre 2022
APPELANT :
M. [J] [O]
né le 22 avril 1984 à [Localité 12] (57)
[Adresse 4]
[Localité 1] - France
Représenté par Me Simon LETIEVANT, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMES :
M. [U] [H]
né le 06 Avril 1964 à [Localité 10] (MAROC)
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représenté par Me Adélaïde COIRATON-DEMERCIERE de la SELARL DAUMIN COIRATON-DEMERCIERE - AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 728
Mme [W] [Z] épouse [H]
née le 30 Décembre 1972 à [Localité 11] (71)
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Adélaïde COIRATON-DEMERCIERE de la SELARL DAUMIN COIRATON-DEMERCIERE - AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 728
Société CLEA PATRIMOINE
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Laurent BURGY de la SELARL LINK ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1748
Société JUTTET PAYSAGES
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Thierry MONOD de la SELARL MONOD - TALLENT, avocat au barreau de LYON, toque : 730
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 16 Septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 06 Décembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Tiffany JOUBARD, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Par acte notarié du 27 avril 2012, M. [U] [H] et Mme [W] [Z] épouse [H] (les époux [H]) ont acquis une maison d'habitation à [Localité 13] (Rhône), située sur le lot A d'un tènement ayant fait l'objet d'une division parcellaire en trois lots par le vendeur, la société Clea patrimoine.
L'acte précise qu'a été constitué un droit de passage perpétuel en tréfonds de toutes canalisations, tant d'alimentation en eau que d'évacuation des eaux usées, et de toutes les lignes souterraines et aériennes pour la desserte en eau, gaz, électricité et téléphonie. Il précise encore que la société Clea patrimoine « s'engage à faire exécuter les travaux nécessaires à ses frais exclusifs par les services compétents selon les règles de l'art ».
Pour la réalisation de ces travaux, la société Clea patrimoine a fait appel à M. [J] [O], plombier chauffagiste, et à la société Juttet paysages qui exerce une activité de paysagiste.
Se plaignant de désordres liés au raccordement de leur maison aux réseaux d'assainissement et de gaz et à l'évacuation des eaux usées de leur habitation, les époux [H] ont sollicité et obtenu du président du tribunal de grande instance de Lyon la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire.
L'expert judiciaire a rendu son rapport définitif le 14 février 2015, concluant :
- en ce qui concerne le raccordement au réseau de gaz :
* à l'insuffisance du dimensionnement du tuyau de gaz installé par la société Juttet paysages, sous la responsabilité de la société Clea patrimoine, compte tenu de la distance entre le compteur et l'habitation des époux [H],
* à une erreur de branchement lors du raccordement du tuyau Plymouth au tuyau en cuivre existant d'alimentation de la maison commise par M. [O], sous la responsabilité de la société Clea patrimoine,
- en ce qui concerne le raccordement des eaux usées : à un mauvais positionnement de la conduite de départ dans le regard d'évacuation, préexistant à la vente.
Par acte d'huissier du 17 juillet 2015, les époux [H] ont assigné la société Clea patrimoine devant le tribunal de grande instance de Lyon afin de la voir condamnée à leur payer diverses sommes en réparation de l'intégralité des préjudices subis du fait de la défaillance dans la réalisation des travaux de raccordement de leur maison aux différents réseaux et du fait de vices cachés.
Le 18 mars 2016, la société Clea patrimoine a appelé en garantie M. [O] et la société Juttet paysages.
Par jugement rendu le 17 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- déclaré irrecevables les conclusions déposées par Maître David Letievant pour le compte de M. [O],
- déclaré l'expertise judiciaire réalisée par M. [M] inopposable à la société Juttet paysages, comme dépourvue de caractère contradictoire à son égard,
- jugé que le désordre affectant le raccordement au réseau de gaz engage la responsabilité contractuelle de la société Clea patrimoine et la responsabilité quasi-délictuelle de M. [O] à l'égard des époux [H],
- condamné la société Clea patrimoine et M. [O] in solidum à payer aux époux [H] les sommes de :
15 295,33 euros au titre du coût de reprise du désordre,
3 629,49 euros au titre du coût de reprise des embellissements,
15 590 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au mois de septembre 2014 inclus,
2 000 euros au titre du préjudice moral,
- condamné M. [O] à relever et garantir indemne la société Clea patrimoine de la condamnation qui précède,
- jugé que les désordres affectant l'évacuation des eaux usées et la cuve de fioul constituent des vices cachés engageant la responsabilité de la société Clea patrimoine envers les époux [H] sur le fondement de l'article 1641 du code civil,
- condamné la société Clea patrimoine à payer aux époux [H] les sommes de :
1 969 euros en indemnisation du désordre affectant le réseau d'évacuation des eaux usées,
2 024 euros en indemnisation du désordre affectant la cuve,
- condamné la société Clea patrimoine à payer aux époux [H] la somme de 3 000 euros au titre des frais non répétibles,
- condamné la société Clea patrimoine aux dépens de l'instance,
- condamné M. [O] à relever et garantir la société Clea patrimoine des condamnations aux frais irrépétibles et dépens dans la limite du quart,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 15 janvier 2020, M. [O] a relevé appel du jugement.
Par ordonnance du 25 mai 2020, le premier président de la cour d'appel de Lyon a rejeté sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.
Par conclusions notifiées le 12 mars 2021, M. [O] demande à la cour de :
A titre principal
- lui déclarer inopposable le rapport d'expertise rendu par M. [M],
A titre subsidiaire
- dire et juger qu'il n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité qu'il s'agisse d'une faute délictuelle ou contractuelle,
En conséquence,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné solidairement avec la société Clea patrimoine à payer aux époux [H] les sommes de :
15 295,33 euros au titre du coût de reprise du désordre,
3 629,49 euros au titre du coût de reprise des embellissements,
15 590 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au mois de septembre 2014 inclus,
2 000 euros au titre du préjudice moral,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à relever et garantir indemne la société Clea patrimoine de la condamnation qui précède,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à relever et garantir la société Clea patrimoine des condamnations aux frais irrépétibles et dépens dans la limite du quart,
Et, statuant à nouveau,
- débouter la société Clea patrimoine de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,
- débouter les époux [H] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre,
- débouter la société Juttet paysages de l'intégralité de ses demandes dirigées à son encontre,
A titre infiniment subsidiaire
- ramener à de plus justes proportions les condamnations prononcées à son encontre,
En tout état de cause
- condamner solidairement la société Clea patrimoine et les époux [H] à lui verser 2 000 euros au titre des frais de justice de première instance et 3 000 euros au titre des frais de justice d'appel,
- les condamner aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Simon Letievant, avocat sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées le 3 juin 2021, la société Clea patrimoine demande à la cour de:
- débouter la société Juttet paysage et M. [O] des demandes formulées en cause d'appel à son encontre,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [O] à la relever et garantir des sommes suivantes :
15 295,33 euros au titre du coût de reprise des désordres,
3 629,49 euros au titre du coût de reprise des embellissements,
15 590 euros au titre du préjudice de jouissance,
2 000 euros au titre du préjudice moral,
- l'infirmer pour le surplus, et, statuant de nouveau,
- dire l'expertise judiciaire réalisée par M. [M] opposable à la société Juttet paysages,
- dire que la société Juttet paysages est responsable en tout ou partie des désordres subis par les époux [H],
- débouter les époux [H] de leur demande de condamnation à leur payer les sommes de:
1 969 euros en indemnisation du désordre affectant le réseau d'évacuation des eaux usées,
2 024 euros en indemnisation du désordre affectant la cuve,
- condamner la société Juttet paysages à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations mises à sa charge par la cour,
- condamner in solidum la société Juttet paysages et M. [O] à lui payer à la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel, y incluant les frais d'expertise, distraits au profit de Maître Laurent Burgy, avocat au barreau de Lyon, sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées le 8 juin 2021, les époux [H] demandent à la cour de :
- débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes,
- débouter la société Clea patrimoine de ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- jugé que le désordre affectant le raccordement au réseau de gaz engage la responsabilité contractuelle de la société Clea patrimoine et la responsabilité quasi-délictuelle de M. [O] à leur égard,
- condamné la société Clea patrimoine et M. [O] in solidum à leur payer les sommes de :
15 295,33 euros au titre du coût de reprise du désordre,
3 629,49 euros au titre du coût de reprise des embellissements,
15 590 euros au titre du préjudice de jouissance arrêté au mois de septembre 2014 inclus,
2 000 euros au titre du préjudice moral,
- condamné M. [O] à relever et garantir indemne la société Clea patrimoine de la condamnation qui précède,
- jugé que les désordres affectant l'évacuation des eaux usées et la cuve de fioul constituent des vices cachés engageant la responsabilité de la société Clea patrimoine à leur égard sur le fondement de l'article 1641 du code civil,
- condamné la société Clea patrimoine à leur payer les sommes de :
1 969 euros en indemnisation du désordre affectant le réseau d'évacuation des eaux usées,
2 024 euros en indemnisation du désordre affectant la cuve,
- condamné la société Clea patrimoine à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais non répétibles,
- condamné la société Clea patrimoine aux dépens de l'instance,
- condamné M. [O] à relever et garantir la société Clea patrimoine des condamnations aux frais irrépétibles et dépens dans la limite du quart,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamner solidairement M. [O], la société Clea patrimoine et la société Juttet paysages, ou qui des trois mieux le devra, à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [O], la société Clea patrimoine et la société Juttet paysages, ou qui des trois mieux le devra, aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la Selarl Daumin Coiraton-Demerciere, avocat sur son affirmation de droit,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par conclusions notifiées le 29 juillet 2021, la société Juttet paysages demande à la cour de :
- constater qu'aucune demande n'est formulée à son encontre,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
En conséquence,
- lui déclarer inopposable le rapport d'expertise établi par M. [M],
- constater qu'elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité,
- rejeter toutes les demandes formulées à son encontre comme étant non fondées ni justifiées,
En toute hypothèse,
- condamner M. [O] et la société Clea patrimoine au règlement de la somme de 2 000 euros sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 septembre 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de constatations qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques. Il en est de même pour les demandes tendant à voir « dire et juger » ou « dire » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
1. Sur les demandes des époux [H] contre la société Clea patrimoine
Les époux [H] font valoir que la société Clea patrimoine s'est engagée à faire réaliser les travaux de raccordement de la maison aux différents réseaux ; que dès lors, la circonstance que les travaux litigieux aient été réalisés par M. [O] et la société Juttet paysages n'est pas de nature à la faire échapper à sa responsabilité contractuelle vis-à-vis d'eux ; que c'est à bon droit que le tribunal a jugé que le désordre affectant le raccordement au réseau de gaz engage la responsabilité contractuelle de la société Clea patrimoine ; que leur refus de voir intervenir à nouveau les professionnels mandatés par la société Clea patrimoine était justifié par le fait que la société Gaz et réseau de France les avait alertés sur la dangerosité de l'installation réalisée par ceux-ci ; qu'il n'aurait pas été sérieux de les laisser intervenir de nouveau à leur domicile, alors qu'ils sont responsables de la dangerosité de l'installation existante ; qu'en tout état de cause, l'expert judiciaire a considéré qu'une seconde intervention de M. [O] n'aurait pas suffi à remédier au désordre, puisque ce dernier n'avait pas constaté le sous-dimensionnement de la conduite de gaz ; qu'ils subissent d'importants préjudices du fait du défaut de raccordement de leur maison au gaz depuis leur emménagement en 2012, en raison de l'absence de réalisation des travaux de raccordement conformément aux règles de l'art ; que s'agissant du vice caché du fait de la mauvaise évacuation du réseau, les opérations d'expertise ont révélé que les difficultés d'évacuation des eaux usées trouvaient leur origine dans un mauvais positionnement de la conduite de départ du regard situé sur leur terrain entraînant un problème de saturation au niveau de ce regard ; que contrairement à ses allégations, la société Clea patrimoine ne leur a jamais proposé de procéder à la réparation du réseau d'évacuation des eaux usées de leur maison; que n'ayant commis aucune faute, l'entière responsabilité du vice caché incombe à la société Clea patrimoine ; que la cuve de fioul n'était pas visible et que rien ne permettait de penser qu'une cuve à fioul se situait sur la propriété ; que le plan de division du terrain n'indique en aucun cas que la cuve n'était pas neutralisée, alors que c'est bien le fait que la cuve ne soit pas neutralisée qui constitue un vice caché ; que la société Clea patrimoine ne les a pas informés de ce que la cuve n'était pas neutralisée ni dégazée.
La société Clea patrimoine indique qu'elle n'entend pas contester le quantum des préjudices suivants :
15 295,33 euros au titre du coût de reprise du désordre affectant le raccordement au réseau de gaz,
3 629,49 euros au titre du coût de reprise des embellissements,
15 590 euros au titre du préjudice de jouissance,
2 000 euros au titre du préjudice moral ;
qu'en revanche, s'agissant du vice caché du fait de la mauvaise évacuation du réseau, l'opposition des époux [H] à sa proposition de procéder aux travaux de branchement doit entraîner le rejet de la demande de condamnation au paiement de la somme de 1 969 euros ou la réduction de celle-ci à de plus justes proportions ; que s'agissant de la cuve de fioul, celle-ci était accessible et visible car implantée à proximité de la maison d'habitation, de sorte qu'elle n'était pas cachée aux époux [H] ; qu'en outre, la cuve était expressément mentionnée et son emplacement identifié sur le plan de division du terrain vendu ; qu'il s'agit donc d'un vice apparent au sens de l'article 1642 du code civil ; qu'en outre, l'acte de vente du 27 avril 2012 ne prévoit à sa charge aucune obligation de dégazage et de neutralisation de la cuve.
Réponse de la cour
1.1. Sur les travaux de raccordement au réseau de gaz
C'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que le tribunal a, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, jugé que l'engagement pris dans l'acte de vente par la société Clea patrimoine de « faire exécuter les travaux nécessaires [au raccordement de la maison aux différents réseaux souterrains] à ses frais exclusifs par les services compétents selon les règles de l'art » emporte obligation de résultat, non seulement de diligenter les travaux idoines, mais également de fournir aux époux [H] un raccordement au réseau d'alimentation en gaz parfaitement effectif, bâti dans les règles de l'art et conforme aux prescriptions du contrat.
C'est encore à bon droit et par une exacte analyse des éléments de la cause qu'il a retenu que la mise en oeuvre d'un raccordement inopérant constitue un manquement à son obligation de résultat et que la faute éventuelle des installateurs mandatés par ses soins ne constitue pas une cause étrangère au sens de l'article 1147 susvisé, de nature à la dégager de toute responsabilité, de sorte que la société Clea patrimoine se trouve tenue d'indemniser les acquéreurs du coût de reprise du désordre et de tous les préjudices accessoires nés de celui-ci.
La société Clea patrimoine ne contestant pas le quantum des préjudices, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux [H] les sommes de :
15 295,33 euros au titre du coût de reprise du désordre,
3 629,49 euros au titre du coût de reprise des embellissements,
15 590 euros au titre du préjudice de jouissance,
2 000 euros au titre du préjudice moral.
1.2. Sur le désordre affectant l'évacuation des eaux usées
Le jugement mérite encore confirmation en ce qu'il a, sur le fondement de l'article 1641 du code civil et au vu du rapport d'expertise judiciaire, jugé que le désordre affectant l'évacuation des eaux usées constitue un vice caché dont la nature est telle que les époux [H] n'auraient offert qu'un moindre prix de l'immeuble s'ils l'avaient connu.
En cause d'appel, pour s'opposer à la demande en paiement formée par les acquéreurs, la société Clea patrimoine reprend le moyen soulevé en première instance et tiré de l'opposition des époux [H] à sa proposition de procéder à la reprise des travaux de branchement. Or, le premier juge a exactement répondu à ce moyen en rappelant que la garantie des vices cachés s'opère par la résolution de la vente ou la diminution du prix et que l'acquéreur n'est pas tenu d'accepter une réparation en nature.
Pour confirmer le jugement, la cour ajoute qu'en tout état de cause, la société Clea patrimoine ne rapporte nullement la preuve qu'elle a effectivement proposé aux époux [H] de procéder à la réparation du réseau d'évacuation des eaux usées de leur maison et que ces derniers se sont opposés à cette proposition.
Au vu de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Clea patrimoine à verser aux époux [H] la somme de 1 969 euros, à hauteur de laquelle l'expert a estimé le coût des travaux de reprise.
1.3. Sur le désordre tenant à la présence d'une cuve à fioul non neutralisée
Pour condamner la société Clea patrimoine à payer aux époux [H] la somme de 2 024 euros représentant le coût des travaux de neutralisation de la cuve à fioul enterrée sur le terrain vendu, le premier juge a exactement retenu que l'expertise a révélé la présence d'une telle cuve, que cette présence constitue un désordre eu égard au risque de pollution des sols et que la société Clea patrimoine n'est pas fondée à soutenir qu'il s'agirait d'un vice apparent, alors que la simple possibilité offerte aux acquéreurs profanes de voir la cuve par le regard ne leur permettait pas de relever l'absence de dégazage et de neutralisation.
Pour confirmer le caractère caché du vice, la cour ajoute, d'une part, qu'il ne saurait être reproché aux époux [H], acquéreurs profanes, de ne pas avoir identifié la présence d'une cuve à fioul sur le plan de division du terrain vendu, d'autre part, que cette identification, à la supposer possible, ne leur aurait pas permis de relever l'absence de dégazage et de neutralisation de la cuve.
Enfin, dès lors que la demande des époux [H] est fondée sur la garantie des vices cachés et non sur les articles 1134 et 1147 du code civil, il importe peu que l'acte de vente ne prévoit aucune obligation de dégazage et de neutralisation de la cuve à la charge de société Clea patrimoine.
Au vu de ce qui précède, le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Clea patrimoine à payer aux époux [H] la somme de 2 024 euros en indemnisation du désordre affectant la cuve.
2. Sur les demandes formées contre M. [O] et la société Juttet paysages
M. [O] fait valoir qu'il n'a jamais été invité à participer aux opérations d'expertise en tant que partie, de sorte que le rapport d'expertise lui est inopposable ; que la juridiction de première instance ne pouvait se fonder uniquement sur ce rapport pour le condamner, en l'absence d'aucun autre élément de preuve permettant de corroborer les conclusions de l'expert sur la question de sa responsabilité ; qu'il convient donc d'infirmer le jugement de première instance et de débouter les époux [H] et la société Clea patrimoine de l'intégralité de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à son encontre ; que l'arrêt de la Cour de cassation cité par la société Clea patrimoine est spécifique au cas de l'assureur dont l'assuré a participé aux opérations d'expertise.
A titre subsidiaire, il soutient qu'il n'a été mandaté ni pour poser le tuyau Plymouth ni pour s'assurer de la conformité de l'installation et qu'il s'est contenté d'effectuer le raccord avec le matériel adéquat ; qu'il ne peut être considéré comme l'installateur de l'installation de gaz et qu'il ne lui appartenait pas de délivrer un certificat de conformité au sens de l'article 26 de l'arrêté du 2 août 1977 ; que cela remet en cause les conclusions de l'expert en ce qu'elles le désignent comme responsable ; que lorsque la société Clea patrimoine l'a contacté au mois de janvier 2013, il a accepté d'intervenir à nouveau pour finaliser le raccord mais s'est confronté au refus de M. [H] qui a mis fin de manière brutale à son intervention sur le chantier.
A titre infiniment subsidiaire, si la cour considérait qu'il avait une part de responsabilité, il sollicite que celle-ci soit ramenée à de beaucoup plus justes proportions afin de tenir compte des erreurs commises par la société Juttet paysages.
Cette dernière fait valoir qu'elle n'a pas non plus été mise en cause à l'occasion des opérations d'expertise et n'a été invitée à se présenter qu'en qualité de sachant ; que la société Clea patrimoine qui avait tout loisir de l'appeler en la cause, ne peut se prévaloir de ses propres carences pour tenter de considérer que les opérations d'expertise devraient aujourd'hui lui être déclarées opposables ; que la facture qu'elle a émise ou le plan des lieux ne suffisent pas à compléter et corroborer le rapport d'expertise.
Elle ajoute que contrairement aux allégations de la société Clea patrimoine, elle n'a pas la qualité de professionnel pour les installations de gaz mais exerce une activité de réalisation de travaux d'aménagement de terrains et d'espaces verts ; que la seule demande formulée par la société Clea patrimoine concernait le déplacement de la canalisation existante, impliquant de creuser une nouvelle tranchée et d'installer au sein de celle-ci un tuyau strictement identique à celui préexistant ; que les caractéristiques, et notamment le diamètre du tuyau, ont été communiquées par la société Clea patrimoine et correspondaient à l'existant qu'il convenait simplement de déplacer à l'identique.
La société Clea patrimoine fait valoir que, conformément à la jurisprudence, le rapport d'expertise judiciaire est opposable à une partie appelée au fond mais non à l'expertise ordonnée en référé, dès lors, d'une part, qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties et, d'autre part, qu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve ; que tel est le cas en l'espèce, puisqu'elle se fonde également sur une facture du 30 septembre 2013 justifiant de l'intervention de la société Juttet paysages sur le chantier et sur le plan des lieux émanant de cette dernière ; que s'agissant de M. [O], le tribunal a considéré que sa faute personnelle était établie et corroborée par d'autres éléments de preuve ; que M. [O] et la société Juttet paysages sont intervenus en cours d'expertise en qualité de sachants et ont été amenés à donner leur avis ; qu'avant même le dépôt du rapport, ils ont eu connaissance du compte rendu de premier accédit de l'expert et ont été mis en mesure de discuter les conclusions de l'expert ; que la Cour de cassation (Cass. civ 3ème 20 avril 2017, pourvoi n°16-13.304) a énoncé que l'assureur qui, en connaissance des résultats de l'expertise, a eu la possibilité d'en discuter les conclusions, ne peut, sauf s'il y a fraude à son encontre, soutenir que l'expertise lui est inopposable.
Elle fait encore valoir qu'elle ne saurait être responsable vis à vis des époux [H] pour des fautes imputables à ses sous-traitants, n'ayant en ce sens commis aucune faute personnelle directe à leur égard ; qu'elle n'est qu'un marchand de biens à la différence de la société Juttet paysages et de M. [O] qui sont des professionnels aguerris.
Les époux [H] font valoir que M. [O] a participé à la réunion d'expertise du 17 juillet 2013 en qualité de sachant ; que le rapport d'expertise a été versé aux débats et a donc été soumis à la discussion contradictoire des parties, conformément à la jurisprudence en la matière ; que la responsabilité de M. [O] est établie et corroborée par d'autres éléments de preuve ; qu'en effet, il reconnaît avoir procédé au raccordement entre le tuyau Plymouth et le tuyau en cuivre à la demande de la société Clea patrimoine ; qu'or, lors de son intervention, il n'a pas constaté le sous-dimensionnement de la conduite de gaz et a commis une erreur de branchement lors du raccordement du nouveau tuyau Plymouth ; que M. [O] qui bénéficie de l'appellation « Professionnel du Gaz » (PG), n'a manifestement pas été diligent ; que dès lors, les fautes qu'il a commises sont de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à leur égard.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Lorsqu'une partie n'a été ni appelée ni représentée au cours des opérations d'expertise et a soulevé l'inopposabilité du rapport d'expertise, ce rapport peut être néanmoins pris en considération comme élément de preuve, dès lors qu'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties. Il appartient alors au juge de rechercher s'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.
Le juge ne peut fonder uniquement sa décision sur cette expertise et c'est à bon droit que M. [O] fait valoir, à cet égard, que l'arrêt cité par la société Clea patrimoine est spécifique au cas de l'assureur, lequel ne peut, en principe, sauf en cas de fraude de l'assuré, soutenir qu'une expertise dont le but est d'établir la réalité et l'étendue de la responsabilité de l'assuré qu'il garantit ne lui est pas opposable, si, bien que ni présent ni appelé aux opérations d'expertise, il a pu en discuter les conclusions et, le cas échéant, solliciter une nouvelle expertise.
A l'inverse, le juge ne peut pas non plus, pour rejeter la demande d'une partie, se borner à déclarer le rapport d'expertise produit inopposable à l'autre partie.
En l'espèce, s'il ressort du rapport d'expertise que M. [O] et la société Juttet paysages ont participé à la première réunion d'expertise du 17 juillet 2013, à la demande de la société Clea patrimoine, en qualité de sachants pour « apport[er] leur connaissance du chantier », il n'est pas contesté, en revanche, qu'ils n'ont pas été appelés ou représentés aux opérations d'expertise en qualité de parties, de sorte qu'ils n'ont pas eu la possibilité, ainsi que l'a relevé le premier juge, d'une part, d'assister à l'ensemble des investigations techniques de l'expert, d'autre part, de former des dires ou des observations auprès de celui-ci avant la formulation de son avis.
Le rapport ayant néanmoins été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'expertise judiciaire réalisée inopposable à la société Juttet paysages, comme dépourvue de caractère contradictoire à son égard, et de rechercher si le rapport d'expertise est corroboré par d'autres éléments de preuve.
Or, sur ce point, force est de constater que le rapport d'expertise constitue l'unique élément susceptible d'établir le principe de la responsabilité de M. [O] et de la société Juttet paysages. En effet, si les factures établies par ces professionnels et le plan annoté par la société Juttet paysages confirment leur participation effective à la réalisation des travaux objet du litige, laquelle n'est d'ailleurs pas contestée, ces pièces ne sont pas de nature à éclairer la cour sur la qualité de leurs prestations et sur leur responsabilité éventuelle dans l'apparition des désordres allégués par les époux [H].
Le rapport d'expertise n'étant corroboré par aucun autre élément de preuve, il y a lieu de débouter la société Clea patrimoine et les époux [H] de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de M. [O] et de la société Juttet paysages.
Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a jugé que le désordre affectant le raccordement au réseau de gaz engage la responsabilité quasi-délictuelle de M. [O] à l'égard des époux [H], a prononcé la condamnation in solidum de la société Clea patrimoine et de M. [O] au titre du coût de reprise du désordre, du coût de reprise des embellissements, du préjudice de jouissance et du préjudice moral, et a condamné M. [O] à relever et garantir indemne la société de la condamnation qui précède.
La société Clea patrimoine et M. et Mme [H] sont ainsi déboutés de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de M. [O] et de la société Juttet paysages,
3. Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, sauf en ce qu'il a condamné M. [O] à relever et garantir la société Clea patrimoine des condamnations dans la limite du quart.
M. [O], dont les conclusions déposées en première instance ont été déclaré irrecevables, est débouté de sa demande d'indemnité au titre des frais de justice de première instance.
En cause d'appel, la société Clea patrimoine, partie perdante et à l'origine de l'appel en garantie de M. [O] et de la société Juttet paysages, est condamnée aux dépens et à payer à ces derniers ainsi qu'aux époux [H] la somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Maître Simon Letievant et la Selarl Daumin Coiraton-Demerciere, avocats, qui en ont fait la demande, sont autorisés à recouvrer directement à l'encontre de la société Clea patrimoine les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré sauf en celles de ces dispositions ayant :
déclaré l'expertise judiciaire réalisée par M. [M] inopposable à la société Juttet paysages, comme dépourvue de caractère contradictoire à son égard,
jugé que le désordre affectant le raccordement au réseau de gaz engage la responsabilité quasi-délictuelle de M. [O] à l'égard de M. et Mme [H],
prononcé la condamnation in solidum de la société Clea patrimoine et de M. [O] et condamné M. [O] à relever et garantir indemne la société Clea patrimoine des condamnations au titre du coût de reprise du désordre, du coût de reprise des embellissements, du préjudice de jouissance et du préjudice moral,
condamné M. [O] à relever et garantir indemne la société Clea patrimoine des condamnations aux frais irrépétibles et dépens dans la limite du quart,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la société Clea patrimoine et M. et Mme [H] de l'intégralité de leurs demandes formées à l'encontre de M. [O] et de la société Juttet paysages,
Déboute M. [O] de sa demande d'indemnité au titre des frais de justice de première instance,
Condamne la société Clea patrimoine à payer M. et Mme [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Clea patrimoine à payer à M. [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Clea patrimoine à payer à la société Juttet paysages la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Clea patrimoine aux dépens d'appel,
Autorise Maître Simon Letievant et la Selarl Daumin Coiraton-Demerciere, avocats, à recouvrer directement à l'encontre de la société Clea patrimoine les dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT