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06/12/2022 | FRANCE | N°19/07316

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 06 décembre 2022, 19/07316


N° RG 19/07316 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MU5V









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 09 septembre 2019

RG : 16/04736





[D]



C/



[C]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCEMALADIE DE L'ISERE

Compagnie d'assurances MACIF RHONE ALPES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 06 Décembre 2022





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APPELANT :



M. [J] [D]

né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 14] (69)

[Adresse 1]

[Localité 7]



Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Assisté de Me ...

N° RG 19/07316 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MU5V

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 09 septembre 2019

RG : 16/04736

[D]

C/

[C]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCEMALADIE DE L'ISERE

Compagnie d'assurances MACIF RHONE ALPES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 06 Décembre 2022

APPELANT :

M. [J] [D]

né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 14] (69)

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

Assisté de Me Sophie PORTAILLER du Cabinet ANDRE-PORTAILLER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

Mme [R] [C]

née le [Date naissance 6] 1978 à [Localité 12] (69)

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Annie VELLE, avocat au barreau de LYON, toque : 40

Compagnie d'assurances MACIF ASSURANCES

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Annie VELLE, avocat au barreau de LYON, toque : 40

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ISERE

[Adresse 2]

[Adresse 11]

[Localité 8]

Défaillante

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 23 Novembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Octobre 2022

Date de mise à disposition : 22 novembre 2022, prorogée au 06 Décembre 2022, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt réputé Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Par actes d'huissier des 12, 21 et 29 juillet 2004, Mr [J] [D] a fait assigner Mme [R] [C] et son assureur la société Macif Assurances, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie de Grenoble, devant le tribunal de grande instance de Lyon afin d'être indemnisé suite à un accident de la circulation du 10 septembre 2003 dont il a été victime alors qu'il se trouvait sur son cyclomoteur, dans lequel était impliqué le véhicule de Mme [R] [C].

Cet accident a été pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail.

Suite à ses blessures, Mr [D] a finalement été amputé au niveau du tiers inférieur de la cuisse droite.

Par ordonnance du 9 novembre 2004, le juge de la mise en état a ordonné une expertise médicale dont le rapport a été déposé le 16 janvier 2006, la consolidation médico-légale de Mr [D] n'étant pas acquise.

Par jugement du 26 juin 2006, le Tribunal a limité le droit à indemnisation de Mr [D] à 25 % de son préjudice, condamné solidairement Mme [C] et la société Macif à lui verser une provision de 4.000 € et reconduit l'expertise médicale.

Par arrêt du 10 avril 2008, la cour d'appel a porté son droit à indemnisation à 50 % et a condamné in solidum les défendeurs à lui payer une provision de 10.000 €.

Par ordonnance du 30 juin 2009, le juge de la mise en état a ordonné une nouvelle expertise et condamné solidairement Mme [C] et la société Macif à verser à Mr [D] une provision de 40.425 €.

Le rapport d''expertise a été déposé le 26 janvier 2011, retenant une consolidation médico-légale acquise au 16 septembre 2010 et un déficit fonctionnel permanent de 45 %.

Le 11 juillet 2013, le juge de la mise en état a ordonné un complément d'expertise compte tenu de l'évolution de la situation médicale de la victime qui a subi huit nouvelles interventions chirurgicales, à qui il a alloué une provision de 10.000 €.

Un rapport d'expertise daté du 12 décembre 2013 a été déposé.

Parallèlement à cette procédure, Mr [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble aux fins de reconnaissance d'une faute inexcusable.

Par jugement du 6 septembre 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble a :

- dit que l'accident de Mr [D] était dû à la faute inexcusable de son employeur, la société Speedy France,

- dit que Mr [D] n'a pas commis de faute inexcusable ayant concouru à son dommage,

- fixé au maximum le montant de la majoration de la rente du capital éventuellement servi à Mr [D],

- ordonné une expertise médicale avant dire droit sur l'indemnisation du préjudice corporel de la victime.

Au vu du rapport déposé dans le cadre de cette procédure et par jugement du 23 mai 2014, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble a indemnisé Mr [D] au titre des postes déficit fonctionnel temporaire, assistance par tierce personne temporaire, souffrances endurées, préjudice d'agrément, préjudice esthétique permanent, préjudice sexuel et frais de véhicule adapté, et a ordonné une expertise concernant les frais de logement adapté.

La caisse primaire d'assurance maladie a interjeté un appel limité à certains postes de préjudice et Mr [D] a formé appel incident.

La cour d'appel de Grenoble par un arrêt en date du 7 avril 2016 a confirmé le jugement à l'exception des postes relatifs au déficit fonctionnel temporaire, à l'aménagement du véhicule adapté et à la tierce personne.

En raison de cette procédure devant les juridictions sociales de Grenoble, le juge de la mise en état, par ordonnance du 16 décembre 2014, a sursis à statuer en attendant la décision définitive du tribunal des affaires de sécurité sociale suite à sa décision mixte du 23 mai 2014 et a retiré le dossier du rôle des affaires en cours.

L'affaire a été remise au rôle en mai 2016.

Par jugement définitif du 8 février 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale a indemnisé le poste frais de logement adapté.

Par jugement du 9 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- condamné in solidum Mme [C] et la société Macif à payer à Mr [D] la somme de 147.253,12 €, provisions déduites, outre intérêts légaux à compter du jugement,

- dit que Mr [D] pourra capitaliser les intérêts échus pour une année entière à compter du jugement dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

- dit que la somme de 171.601,47 € portera intérêts au double du taux légal du 12 mai 2014 au 20 mars 2017,

- avant dire droit, réservé le poste " appareillage et aides techniques " et ordonné une expertise avant dire droit concernant le poste " appareillage et aides techniques ", confiée au docteur [E] [O], à l'effet de déterminer quel matériel est adapté à la situation médicale particulière de Mr [D], d'expliquer les motifs pour lesquels les matériels retenus ou écartés sont ou non adaptés à Mr [D] et procéder le cas échéant à toute démarche pour faire établir directement des devis correspondant au matériel qui sera le plus adapté,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- réservé les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- renvoyé la cause à la mise en état.

Par déclaration du 24 octobre 2019, Mr [D] a interjeté appel de ce jugement.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 15 septembre 2021, Mr [D] demande à la cour de :

- dire l'appel qu'il a interjeté recevable et bien fondé,

et y faisant droit,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la mesure d'expertise médicale ordonnée sur les appareillages et aides techniques et la mise en réserve de la liquidation du poste " appareillages et aides techniques ",

et statuant à nouveau,

- condamner Mme [V] née [C] et la société Macif in solidum à lui payer :

- à titre principal en réparation de son préjudice corporel une indemnité d'un montant de 563.482,30 €, hors matériels et appareillages, déduction faite de la créance de l'organisme social, provisions non déduites,

- à titre subsidiaire en réparation de son préjudice corporel une indemnité d'un montant de 559.517,16 € hors matériels et appareillages, déduction faite de la créance de l'organisme social, provisions non déduites,

- dire et juger que les indemnités allouées par l'arrêt à intervenir, avant déduction des provisions allouées et de la créance des tiers payeurs, donneront lieu au doublement des intérêts pour la période allant du 15 mai 2004 jusqu'à l'arrêt à intervenir, pour offre manifestement insuffisante, en application de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1985, avec capitalisation des intérêts doublés, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil nouvellement codifié 1343-2 du code civil, depuis le 15 mai 2014 selon les règles de l'anatocisme,

- débouter Mme [C] et la société Macif en leurs demandes formulées au titre de leur appel incident,

- condamner Mme [C] et la société Macif in solidum à lui payer une indemnité de 9.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile incluant les frais irrépétibles engagés en première instance,

- condamner Mme [C] et la société Macif aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction pour ces derniers, au profit de la scp Jacques Aguiraud et Philippe Nouvellet, avocat aux offres de droit,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 2 juillet 2021, Mme [C] et la société Macif Assurances demandent à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué en faveur de Mr [D] les indemnités suivantes, après application de la limitation du droit à indemnisation :

* au titre du poste "perte de gains professionnels futurs", une absence d'indemnité résiduelle,

* au titre du poste "incidence professionnelle", une somme résiduelle de 46.428,96 €,

* au titre du poste "tierce personne permanente", une somme de 62.468,30 €,

* au titre du poste "préjudice esthétique temporaire", une somme de 1.500 €,

* au titre du poste "déficit fonctionnel permanent", une somme de 79.425 € ;

- infirmer le jugement déféré et allouer en faveur de Mr [D] les sommes suivantes au titre de l'indemnisation des dépenses de santé :

* frais pharmaceutiques : 4.134,86 € ;

* frais de pédicurie : 7.986,30 € ;

- infirmer le jugement déféré et allouer en faveur de Mr [D] la somme de 7.074,22 € au titre de l'indemnisation du poste "perte de gains professionnels actuels",

- débouter Mr [D] dans sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mr [D] aux dépens de la procédure d'appel,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué en faveur de Mr [D] les indemnités suivantes, après application de la limitation du droit à indemnisation :

* au titre du poste "perte de gains professionnels futurs", une absence d'indemnité résiduelle ;

* au titre du poste " incidence professionnelle", une somme résiduelle de 46.428,96€,

* au titre du poste "tierce personne permanente", une somme de 62.468,30 €,

* au titre du poste "déficit fonctionnel permanent", une somme de 79.425 €,

- infirmer le jugement déféré et allouer en faveur de Mr [D] les sommes suivantes au titre de l'indemnisation des dépenses de santé :

* frais pharmaceutiques : 4.134,86 €,

* frais de pédicurie : 7.986,30 €,

- infirmer le jugement déféré et allouer en faveur de Mr [D] la somme de 7.074,22 € au titre de l'indemnisation du poste "perte de gains professionnels actuels",

- infirmer le jugement déféré et allouer en faveur de Mr [D] la somme de 3.150 € au titre du poste "préjudice esthétique temporaire",

s'agissant de la demande de doublement des intérêts légaux,

à titre principal,

- infirmer le jugement déféré et débouter Mr [D] dans sa demande de doublement des intérêts légaux,

à titre subsidiaire,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la somme de 171.601,47 € portera intérêts au double du taux légal du 12 mai 2014 au 20 mars 2017,

en tout état de cause :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné avant-dire droit une mesure d'expertise médicale sur les appareillages et aides techniques, dont la liquidation a été réservée, et renvoyer la liquidation de ces postes de préjudices devant la 4ème Chambre du tribunal judiciaire de Lyon,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère régulièrement assignée à personne morale n'a pas constitué avocat ni conclu.

Il convient de statuer par décision réputée contradictoire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 novembre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la liquidation du préjudice de Mr [D] :

Le jugement n'est pas remis en cause en ce qu'il a ordonné avant dire une mesure d'expertise médicale sur les appareillages et aides techniques et renvoyé la liquidation de ce poste de préjudice.

Les parties s'accordent par ailleurs pour considérer que par suite de l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, la cour n'est saisie que de la liquidation des postes suivants :

- dépenses de santé avant et après consolidation (hors poste appareillages et aides techniques, toujours pendant devant le premier juge)

- perte de gains professionnels actuels et perte de gains professionnels futurs,

- incidence professionnelle,

- assistance par tierce personne après consolidation

- préjudice esthétique temporaire

- déficit fonctionnel permanent.

Aux termes de son rapport, le docteur [I], indique que l'accident est responsable pour Mr [D] d'une fracture complexe du fémur droit per trochantérienne avec rupture de l'artère fémorale et section du nerf crural droit et d'une fracture ouverte du calcanéum gauche, ces blessures ayant conduit à l'amputation du 1/3 inférieur de la cuisse droite en plusieurs temps.

Les conséquences médico-légales s'établissent comme suit :

- incapacité temporaire totale de travail du 10 septembre 2003 au 30 juin 2013,

- déficit fonctionnel temporaire total pendant les périodes d'hospitalisation,

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 60 % de la date de l'accident à la date de la consolidation, hormis les périodes d'hospitalisation,

- date de consolidation fixée au 30 juin 2013,

- déficit fonctionnel permanent 45 %,

- au plan professionnel, malgré son déficit fonctionnel permanent, Mr [D] n'est plus au plan médical physiquement et intellectuellement à reprendre dans les conditions antérieures ou selon des aménagements, l'activité professionnelle qu'il exerçait avant l'accident. Les séquelles sont à l'origine d'une dévalorisation certaine sur le marché du travail, quelque soit l'activité ultérieure que Mr [D] exercera, il y aura une pénibilité supplémentaire et en tout état de cause, un reclassement professionnel est indispensable de même qu'un changement d'activité professionnelle,

- souffrances endurées 6/7,

- préjudice esthétique 5/7,

- préjudice d'agrément concernant toutes les activités antérieures,

- besoin en tierce personne hors période d'hospitalisation :

- du 10 septembre 2003 au 31 décembre 2005 3 heures par jour,

- du 1er janvier 2006 au 30 juin 2013, 12 heures par semaine

- après le 30 juin 2013 (date consolidation) 3 heures par semaine,

- préjudice sexuel oui perte partielle de capacité physique à réaliser l'acte, pas de perte de libido ou de capacité d'accéder au plaisir.

Le rapport d'expertise du docteur [I] est retenu comme base d'évaluation du préjudice subi par Mr [D] sous les éventuelles réserves qui seront alors précisées.

1) dépenses de santé actuelles et futures restées à charge : 14.857,27 €

- frais pharmaceutiques :

Le tribunal a admis le principe de ce mode de calcul mais sur une base mensuelle de 26,80€.

Mr [D] réclame une indemnisation 'forfaitaire' sur une base mensuelle de 43,81 € pour le passé et par capitalisation pour le futur au titre de frais restés à charge car non remboursés par la caisse primaire d'assurance maladie (crèmes massages, gels hydratants...).

La société Macif Assurances conclut à l'infirmation et offre d'indemniser ce poste de préjudice sur une base annuelle de 69 € ou mensuelle de 5,75 €.

Mr [D] verse aux débats un certificat médical du docteur [S] selon lequel suite à son amputation, Mr [D] doit utiliser du talc, des gels désinfectants, des crèmes de massage et des crèmes hydratantes qui ne sont pas remboursés par la caisse primaire d'assurance maladie pour l'entretien du moignon.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a relevé qu'en raison des blessures objectivées, il était cohérent de considérer que le moignon de Mr [D] nécessiterait des soins viagers notamment en raison de l'utilisation d'une prothèse qui peut être à l'origine d'un frottement douloureux et abrasif.

Mr [D] qui verse aux débats quelques factures éparses (juillet 2017, septembre 2017 et mars 2019) ne s'explique pas sur le mode de calcul lui permettant d'aboutir à une somme mensuelle de 43,81 € et ne démontre pas que les dites facture s correspondent à une dépense engagées tous les mois.

Au vu des pièces produites et en l'absence de plus amples explications, la cour prend en compte :

- une dépense tous les deux mois pour le flamigel (7,50 € ) soit par mois : 3,75 €

- une dépense tous les deux mois pour le talc cooper (4 €) soit par mois : 2,00 €

- une dépense tous les six mois pour les bandes coheban (19,90 €) soit par mois :3,32 €

soit une dépense mensuelle de : 9.07 €

Il est donc alloué à ce titre à Mr [D] :

- du 10 septembre 2003 au 1er décembre 2022 soit 229 mois dont à déduire 8 mois d'hospitalisation soit 221 mois la somme de 9,07 x 221 soit : 2.004,47 €

- période postérieure à l'arrêt

après capitalisation à titre viager sur la base du barème publié par la Gazette du Palais du 15 septembre 2020 (taux d'intérêt 0 %) dont l'application qui est sollicitée apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles 9,07 x 12 x 37,242 (barème à titre viager pour un homme âgé de 43 ans à ce jour) : 4.053,42 €

soit un total de : 6.057,89 €

- frais de pédicure :

Mr [D] qui soutient qu'il s'agit de frais médicaux et non pas de frais divers réclame à ce titre la somme de 53.197,60 € sur la base d'une consultation mensuelle de 35 € depuis le 10 septembre 2003.

Le premier juge a accepté sur le principe d'indemniser ce préjudice mais seulement à compter du 1er janvier 2013 et la société Macif conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Dans son certificat médical le docteur [S] indique que suite à la fracture du calcanéum, l'état de Mr [D] nécessite des soins de podologie/pédicurie réguliers toutes les trois semaines et l'appelant verse aux débats un certificat de Mr [F] , podologue, selon lequel Mr [D] nécessite une intervention régulière quant à ses cicatrices sous malléolaires et plantaire de son membre inférieur gauche, qu'il vient depuis 2013 chaque mois pour son suivi et qu'il sera nécessaire d'une intervention pédicure podologue à vie.

Au vu de ces éléments, le premier juge a justement retenu que la prise en charge d'un suivi de podologie était en adéquation avec la nature des blessures subies par la victime, sans qu'il soit besoin d'un avis expertal sur ce point, que Mr [D] en supportait l'intégralité du coût, ses frais ne faisant pas l'objet d'une prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie et qu'au vu de l'attestation de Mr [F] mentionnant un suivi depuis 2013, ses frais devaient être pris en charge à compter du 1er janvier 2003.

Sur la base d'une dépense mensuelle de 35 € la consultation, ainsi que mentionnée dans le certificat de Mr [F], il est alloué à ce titre à Mr [D] :

- du 10 septembre 2003 au 1er décembre 2022 :

soit 229 mois la somme de 35 x 229 soit : 8.015,00 €

- période postérieure à l'arrêt

après capitalisation à titre viager sur la base du barème publié par la Gazette du Palais du 15 septembre 2020 (taux d'intérêt 0 %) dont l'application qui est sollicitée apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles 35 x 12 x 37,242 (barème à titre viager pour un homme âgé de 43 ans à ce jour) : 15.641,64 €

soit un total de : 23.656,64 €

Le total des dépenses de santé restés à charges de la victime s'élève donc à 6.057,89 €+ 23.656,64 € soit 29.714,53 € et après limitation du droit à indemnisation, il revient donc à la victime la somme de 14.857,27 €.

2) perte de gains professionnels actuels : 7.074,22 €

Les parties s'accordent pour considérer que ce poste de préjudice s'élève à 139.699,41 € dont à déduire les indemnités journalières et les arrérages échus de la rente accident du travail versées par la caisse, soit 132.625,19 €, et donc un solde revenant en totalité à Mr [D] en raison de son droit de préférence de 7.074,22 €.

3) sur l'assistance par tierce personne après consolidation : 65.571,77 €

Mr [D] qui indique qu'il a été aidé au quotidien par sa compagne et ses proches soutient que le coût horaire retenu par le tribunal n'est pas suffisamment proche de la réalité économique en cas de recours à un service prestataire.

Il sollicite :

- pour la période passée une indemnisation sur une base horaire de 18 €

- pour l'avenir, à compter du 1er juillet 2020, un coût horaire en service prestataire sur une base de 21 € de l'heure et à titre subsidiaire de 18 € de l'heure.

La société Macif sollicite la confirmation du jugement qui a indemnisé ce poste de préjudice sur la base de 18 € de l'heure.

L'expert judiciaire a évalué le besoin d'assistance par tierce personne à raison de 3 heures par semaine, estimant qu'il est apte à réaliser l'ensemble des actes de la vie courante dans un environnement adapté mais que cette aide est nécessaire pour les situations inhabituelles hors de cet environnement.

Au vu des éléments du dossier, le premier juge a justement évalué ce poste de préjudice à raison d'un taux horaire de 18 € et il n'y a pas lieu, au regard du caractère non spécialisé de l'aide nécessitée par l'état de Mr [D], de porter ce taux à un montant supérieur pour l'avenir.

Sur la base d'une dépense hebdomadaire de 18 € x 3 soit 54 €, il est alloué à ce titre à Mr [D] :

- du 1er juillet 2013 au 1er décembre 2022 :

soit 492 semaines la somme de 54 x 492 soit : 26.568,00€

- période postérieure à l'arrêt

après capitalisation à titre viager sur la base du barème publié par la Gazette du Palais du 15 septembre 2020 (taux d'intérêt 0 %) dont l'application qui est sollicitée apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles 54 x 52 x 37,242 (barème à titre viager pour un homme âgé de 43 ans à ce jour) : 104.575,54 €

soit un total de : 131.143,54 €

Après limitation du droit à indemnisation, il revient donc à la victime la somme de 65.571,77€.

4) sur la perte de gains professionnels futurs : néant

La perte de gains futurs indemnise une invalidité spécifique partielle ou totale qui entraîne une perte ou une diminution directe des revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour celle-ci d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.

Mr [D] fait valoir qu'il ne peut reprendre son activité professionnelle antérieure ni même toute activité impliquant des déplacements, des piétinements, le port de charges ou une station debout prolongée et que même la reconversion dans une activité sédentaire et aménagée ne permet pas de garantir la reprise d'une activité professionnelle.

Il indique qu'avant l'accident, il était très jeune et n'avait travaillé que comme manutentionnaire et qu'il n'a aucun diplôme.

Il explique que malgré de nombreuses démarches et tous ses efforts, il est toujours sans emploi.

Il sollicite une indemnisation sur la base d'un smic mensuel net majoré de 14 %, au motif qu'au moment de l'accident, son salaire était supérieur de 14 % du smic de l'époque, et pour l'avenir, demande sur la base d'un taux de perte de chance de retrouver un emploi à 85 % une capitalisation viagère compte tenu de son jeune âge à la date de l'accident.

Les intimés concluent à la confirmation du jugement qui a retenu un taux de perte de chance de retrouver un emploi de 30 % et une capitalisation pour l'avenir à 62 ans, de sorte qu'après déduction de la rente accident du travail, il ne revient rien à la victime à ce titre.

Ils font valoir que :

- Mr [D] n'a pas été déclaré inapte au plan médical à l'exercice de toute activité professionnelle,

- il n'a entrepris aucune réelle démarche de réinsertion ou de formation professionnelle et a ainsi créé des conditions défavorables à sa réinsertion professionnelle et réduit sa perte de chance de retrouver une activité professionnelle,

- l'utilisation d'une prothèse que la société Macif sera amenée à prendre en charge doit lui permettre de travailler,

- la perception d'une rente invalidité cumulée à celle d'une allocation de retour à l'emploi, donnant lieu à la validation de trimestres gratuits fait obstacle à toute capitalisation viagère de ses pertes de revenus.

Sur ce :

L'expert judiciaire indique que Mr [D] n'est plus apte au plan médical, physiquement et intellectuellement, à reprendre dans des conditions antérieures, ou selon des aménagements, l'activité professionnelle qu'il exerçait avant l'accident, que cette activité antérieure est impossible à envisager et qu'un reclassement professionnel est indispensable.

Il ressort des pièces produites et des explications des parties que :

- Mr [D] âgé de 24 ans à la date de l'accident et qui a quitté l'école à l'âge de 16 ans sans diplôme, avait essentiellement exercé des emplois intérimaires, notamment en qualité de manutentionnaire,

- il a finalement été embauché fin janvier 2003, soit sept mois avant l'accident en qualité de technicien montage auprès de la société Speedy France,

- à la suite de l'accident, il a été déclaré inapte au poste d'opérateur service rapide qu'il occupait depuis 9 mois, il n'a pas accepté le poste adapté de chargé de clientèle proposé par son employeur à [Localité 13] et a été licencié pour inaptitude le 12 juillet 2008,

- il n'a jamais retrouvé d'emploi depuis son licenciement.

Il convient de relever que l'état de santé de Mr [D] n'a été consolidé que le 30 juin 2013, soit 10 ans après l'accident.

Par la suite, si Mr [D] ne justifie pas de recherches en vue d'une réadaptation professionnelle, d'une formation ou de recherche d'emploi entre 2013 et 2019, il convient toutefois de prendre en compte l'importance de son préjudice caractérisé par la perte du membre inférieur droit et un taux de déficit fonctionnel permanent de 45 %, des complications de santé liées à une obésité morbide qui n'ont été solutionnées qu'en 2018 et des difficultés d'adaptation à la prothèse en raison notamment de cette surcharge pondérale.

Par ailleurs, Mr [D] ne disposait d'aucun diplôme ce qui rendait plus difficile la recherche d'un emploi de type administratif qui aurait été compatible avec son état physique.

Il ne peut ainsi être opposé à la victime le fait que celle-ci n'aurait manifesté aucune volonté réelle de réinsertion.

Aujourd'hui, l'état de santé de Mr [D] est stabilisé et il s'est engagé dans une démarche de recherche d'emploi ou de réinsertion professionnelle, démontrée notamment par le suivi d'un stage de reconversion professionnelle en 2019 et l'obtention d'un Caces catégories 2 et 4 en 2019.

Mr [D] a indiqué à l'expert [Y], désigné pour donner son avis sur l'adaptation du matériel à sa situation médicale, tout le bien qu'il pensait du genou 'genium' dont il devrait désormais être équipé par rapport à son ancien matériel, en termes de déplacement et d'équilibre, ce qui devrait faciliter sa réadaptation dans un futur emploi et ses démarches en vue de trouver un travail.

Il n'en reste pas moins que n'ayant pas travaillé pendant près de 20 ans et en l'absence de diplômes professionnels, la recherche d'un emploi pour Mr [D] âgé aujourd'hui de 43 ans, soit un âge correspondant au milieu d'une vie professionnelle, va s'avérer difficile.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour fixe la perte de chance pour l'avenir de retrouver un emploi fixe et aussi rémunérateur que son travail initial à hauteur de 60 %.

Ainsi que rappelé ci-dessus, Mr [D] n'a quasiment jamais travaillé, l'accident s'étant produit à l'âge de 23 ans d'où il ressort une importance perte de cotisations pour la retraite qui n'est pas compensée par le versement des indemnités journalières puis de la rente accident du travail.

Compte tenu de l'âge de la victime au moment de l'accident, il convient pour le futur d'évaluer la perte de gains professionnels mensuelle de Mr [D] à titre viager.

Il n'est pas discuté que le salaire mensuel net que Mr [D] percevait en 2003, date de l'accident, s'élevait après revalorisation à 1.321,60 €, ainsi que retenu par le premier juge, soit 15.859,20 € par an.

Selon les bulletins de salaire produits, le montant de son salaire de base correspondait à un taux horaire de 7,31 €, sensiblement égal au taux horaire du smic en juillet 2003 (7,19 €) et il n'y donc pas lieu de prévoir une majoration de ce chef, ainsi que sollicité par Mr [D].

Il est donc alloué à Mr [D] :

- pour la période passée :

- afin de ne pas statuer ultra petita (page 37 des conclusions) du 1er juillet 2013

au 30 juin 2017 sur la base d'un salaire annuel net moyen de 15.000 € : 60.000,00 €

- du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020 :

soit 1.321,60 € x 36 : 47.577,60 €

soit au total : 107.577,60 €

Pour la période à venir, à compter du 1er juillet 2020, compte tenu de la demande, et après application du barème publié par la Gazette du Palais du 15 septembre 2020 (taux d'intérêt 0 %) sollicitée par Mr [D] et qui apparaît approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles :

1.321,60 € x 12 x 60 % x 40.052 (barème à titre viager pour un homme âgé de 40 ans en 2020) soit 381.115,61 €.

Le total de la perte de gains professionnels futurs s'élève donc à 107.577,60 € + 381.115,61€ soit 488.693,21 €.

Ce montant est inférieur à la créance de l'organisme social se décomposant comme suit :

- arrérages échus de la rente accident du travail

du 1er juillet 2013 au 31 octobre 2017 : 65.737,22 €

- capital représentatif de la rente accident du travail : 435.237,54 €

soit un total de : 500.974,76 €

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il constaté qu'il ne revenait rien à la victime au titre de la perte de gains professionnels futurs.

Par ailleurs, les prestations versées par l'organisme social qui s'élèvent donc à 500.974,76€ s'imputent sur l'assiette de l'indemnité compensant sa perte de gains professionnels futurs à hauteur de son montant soit 435.237,54 €.

Le recours de la caisse primaire d'assurance maladie, effectif dans la limite de la part à la charge du tiers responsable au titre du poste perte de gains professionnels futurs, soit 435.237,54 € : 2 = 217.618,77 €, a toutefois épuisé les droits du tiers payeur à hauteur de l'assiette de ce poste, soit 435.237,54 €.

Après déduction de ce montant, le solde de la créance des organismes sociaux a vocation à s'imputer sur l'indemnité destinée à réparer l'incidence professionnelle à hauteur de 500.974,76 € - 435.237,54 € soit 65.737,22 €.

5) sur l'incidence professionnelle : 54.262,78 €

L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Mr [D] sollicite l'allocation d'une somme de 350.000 € qu'il chiffre comme suit :

- pénibilité au travail 200.000 €,

- perte de chance d'évolution de carrière avec incidence sur l'évolution du salaire et de la retraite 150.000 €

La société Macif conclut à la confirmation du jugement qui a alloué à Mr [D] la somme de 120.000 €.

Sur ce :

L'expert judiciaire retient que les séquelles sont à l'origine d'une dévalorisation certaine sur le marché du travail et que quelque soit l'activité ultérieure que Mr [D] exercera, il y aura une pénibilité supplémentaire.

Par des motifs justes et pertinents que la cour adopte, le premier juge a retenu l'existence d'une incidence professionnelle dans le fait que Mr [D] présentait désormais une limitation de ses recherches d'emploi l'obligeant à une reconversion professionnelle afin d'exercer une activité qui n'était pas en lien avec son parcours professionnel initial qui débutait, d'une pénibilité accrue et d'une dévalorisation professionnelle au regard de la fatigabilité inhérente au port prolongé d'une prothèse.

Il a, au vu des éléments d'appréciation du dossier et en tenant compte de la perte d'évolution de carrière, justement fixé ce préjudice à la somme de 120.000 €, indemnisable par le tiers responsable à hauteur de 60.000 €.

En vertu de son droit de priorité, Mr [D] a vocation à percevoir au titre de l'incidence professionnelle la somme de 120.000 € - 65.737,22 € soit 54.262,78 € qui lui est donc allouée.

Le recours de la caisse primaire d'assurance maladie, effectif dans la limite de la part à la charge du tiers responsable au titre du poste incidence professionnelle, soit 65.737,22 €, a toutefois épuisé les droits du tiers payeur à hauteur de l'assiette de ce poste, soit 120.000€, montant supérieur à sa créance.

Il n'y a donc pas lieu d'imputer le solde de sa créance sur le poste déficit fonctionnel permanent.

6) sur le préjudice esthétique temporaire : 5.000,00 €

L'expert ne s'est pas prononcé sur ce point ,

Mr [D] réclame l'indemnisation d'un préjudice esthétique temporaire qu'il chiffre à hauteur de 10.000 €, soit 5.000 € lui revenant après limitation de son droit à indemnisation, en faisant valoir que dés lors qu'il persiste un préjudice esthétique après la consolidation, un préjudice esthétique temporaire est nécessairement existant avant la date de consolidation.

La société Macif conclut à la confirmation et subsidiairement offre la somme de 6.300 €.

Par des motifs pertinents que la cour adopte le premier juge a retenu l'existence d'un préjudice esthétique temporaire en retenant notamment que Mr [D] avait présenté des problèmes de cicatrisation avec nécrose ayant nécessité la pose de pansements et que n'ayant pu bénéficier avant de nombreuses années d'un appareillage, il avait été contraint de se déplacer en fauteuil roulant ou à l'aide de béquilles ce qui constituait une atteinte à son image corporelle.

Compte tenu de la durée écoulée entre la date de l'accident et celle de la consolidation soit près de 10 ans, la cour estime que ce préjudice est plus justement réparé par l'allocation d'une somme de 10.000 € ainsi que sollicité.

Après limitation du droit à indemnisation, il revient donc à la victime à ce titre la somme de 5.000 €.

7) déficit fonctionnel permanent : 87.750,00 €

Mr [D] sollicite au titre de ce poste de préjudice l'ajout à la somme allouée par le tribunal, soit 158.850 €, correspondant au déficit physiologique proprement dit, d'une somme au titre de la perte de qualité de la vie à hauteur de 30.000 € soit au total 188.850 €.

La société Macif conclut à la confirmation du jugement.

Sur ce :

L' expert retient un déficit fonctionnel permanent de (45 %) compte tenu de l'importance des séquelles subies.

Il convient de rappeler que le poste de déficit fonctionnel permanent tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s'agit ainsi, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

Compte tenu de l'importance des séquelles décrites par l'expert et de l'âge de la victime à la date de la consolidation soit 33 ans, il lui est alloué à ce titre sur la base d'une valeur du point de 3.900 € la somme de 175.500 €.

Ainsi que rappelé plus haut, il n'y a pas lieu d'imputer un solde de créance de la caisse sur ce poste de préjudice.

Après limitation du droit à indemnisation, il revient donc à la victime à ce titre la somme de 87.750 €.

Au total, il revient donc à la victime au titre des seuls préjudices indemnisés par la cour, hors poste 'appareillage et aides techniques' la somme de 14.857,27 € (dépenses de santé actuelles et futures) + 7.074,22 € (perte de gains professionnels actuels) + 65.571,77 € (assistance par tierce personne après consolidation) + 54.262,78 € (incidence professionnelle) + 5.000 € (préjudice esthétique temporaire) + 87.750 € (déficit fonctionnel permanent) soit au total 234.516,04 € dont à déduire le montant des provisions allouées soit la somme non contestée de 70.425 € et donc un solde revenant à la victime de 164.091,04€.

Il convient, infirmant le jugement, de condamner Mme [C] et la société Macif Assurances in solidum à payer à Mr [D] la somme de 164.091,04 €.

2. sur le doublement des intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts :

Mr [D] sollicite l'application du doublement des intérêts légaux entre le 15 mai 2014, soit 5 mois après la date de réception du rapport d'expertise fixant la date de consolidation, et la date de l'arrêt en raison de l'existence d'une offre manifestement insuffisante.

Il soutient en effet que :

- aucune offre d'indemnisation au sens de la loi du 5 juillet 1985 n'a été formulée après le dépôt du rapport du docteur [I],

- il ne peut être tenu compte du courrier du 11 mai 2011 qui ne faisait référence qu'à un précédent rapport du docteur [I] lequel était incomplet et dont les offres qui ne se référaient qu'à certains postes de préjudice étaient manifestement insuffisantes,

- le sursis à statuer ordonné par le juge de la mise en état ne dispensait pas l'assureur de l'obligation légale de faire une offre d'indemnisation,

- les conclusions signifiées le 21 mars 2017 ne formulent aucune offre concernant le matériel spécialisé, le droit de préférence à la victime n'est pas appliqué et les autres postes de préjudice sont sous-évalués,

La société Macif conclut au principal à l'infirmation du jugement qui a fait droit à la demande en faisant valoir que :

- elle a parfaitement respecté ses obligations en formulant une première offre d'indemnisation le 12 mai 2011 sur la base d'un premier rapport d'expertise du docteur [I] qui ne visait aucun besoin en aides humaines et ne quantifiait pas le préjudice esthétique,

- en outre la créance définitive de la caisse n'était pas connue et ce d'autant que la procédure aux fins de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur était de nature à majorer le montant de la rente accordée initialement,

- à la suite du second rapport d'expertise déposé par le docteur [I], une ordonnance de retrait de rôle a été prononcée par le juge de la mise en état à la suite d'une décision de sursis à statuer et la procédure n'a pu être reprise qu'à la suite de l'arrêt rendu le 7 avril 2016 par la cour d'appel de Grenoble,

- à titre subsidiaire, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a limité au 20 mars 2017, date du dépôt de ses conclusions devant le premier juge, l'application de la sanction du doublement des intérêts légaux.

Sur ce :

En application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur est tenu de faire à la victime une offre d'indemnisation dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident, qui peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de la victime ; l'offre d'indemnisation définitive doit être présentée dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.

Aux termes de l'article L. 211-13 du code des assurances, lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

En l'espèce, le docteur [I] a déposé un premier rapport 14 janvier 2011 retenant une date de consolidation au 16 septembre 2010 et à la suite de ce rapport, le conseil de la société Macif Assurances a notifié à Mr [D] une offre d'indemnisation.

Ce rapport mentionnait déjà que Mr [D] ne peut exercer qu'une activité professionnelle ne nécessitant que très peu de déplacement en marchant ou de station debout prolongée ou d'effort et que celle-ci ne peut être envisagée qu'avec une formation ou un reclassement ce qui aurait du conduire l'assureur a formulé une offre d'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle.

Suite au dépôt de ce premier rapport, le conseil de la société Macif Assurances a formulé le 12 mai 2011 une offre d'indemnisation.

Le premier juge a justement constaté que cette offre ne formulait aucune proposition indemnisation d'une incidence professionnelle de sorte qu'elle n'était pas complète.

Par ailleurs, la décision de sursis à statuer par le juge de la mise en état dans l'attente d'une décision définitive du tribunal des affaires de sécurité sociale sur la reconnaissance de faute inexcusable ne dispensait pas l'assureur de son obligation légale de faire une offre d'indemnisation,

Par conclusions en date du 20 mars 2017, une nouvelle offre d'indemnisation a été présentée par la société Macif Assurances dont le premier juge a justement considéré qu'il n'était pas démontré qu'elle était manifestement insuffisante, le fait que l'assureur n'ait pas formulée d'offre au titre du matériel spécialisé ne pouvant lui être reproché en l'état des justificatifs produits.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a appliqué la pénalité sur le montant de l'offre portant sur les postes que l'assureur était en mesure de chiffrer soit la somme de 171.601,47€, et pour la période du 12 mai 2014, soit 5 mois après le dépôt du rapport, au 20 mars 2017, date du dépôt des conclusions.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit que Mr [D] pourra capitaliser les intérêts échus pour une année entière à compter du jugement dans les conditions prévues à l'article 1342-1 du code civil mais infirmé en ce qu'il a limité la capitalisation à la somme allouée à la victime, celle-ci s'appliquant également à la somme allouée au titre des intérêts doublés.

3. sur les autres demandes :

Le jugement est confirmé en ce qu'il a réservé la demande au titre des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mr [D] en cause d'appel et lui alloue à ce titre la somme de 4.000 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de Mme [C] et de la société Macif Assurances qui succombent en leurs prétentions.

La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère est partie à l'instance, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de lui déclarer commun le présent jugement, lequel lui est par principe opposable en raison de leur qualité de parties.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant dans les limites de l'appel

Confirme le jugement en :

- ce qu'il a dit que la somme de 171.601,47 € portera intérêts au double du taux légal du 12 mai 2014 au 20 mars 2017,

- ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts,

- en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Infirme le jugement en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe comme suit les sommes revenant à Mr [D], hors postes appareillage et aides techniques, au titre des préjudices subis à l'appréciation de la cour, après application de la limitation du droit à indemnisation et déduction de la créance des organismes sociaux :

- dépenses de santé actuelles : 14.857,27 €

- perte de gains professionnels actuels : 7.074,22 €

- assistance par tierce personne après consolidation : 65.571,77 €

- incidence professionnelle : 54.262,78 €

- préjudice esthétique temporaire : 5.000,00 €

- déficit fonctionnel permanent : 87.750,00 €

Après déduction des provisions versées, condamne Mme [R] [C] et la société Macif Assurances in solidum à payer à Mr [J] [D] la somme de 164.091,04 € au titre de ses préjudices indemnisés dans le cadre de la présente instance ;

Dit que les intérêts échus des condamnations tant en première instance qu'en appel, dus pour au moins une année entière, se capitaliseront dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil.

Dit n'y avoir lieu à déclarer le présent arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne Mme [C] et la société Macif Assurances in solidum à payer à Mr [J] [D] la somme de 4.000 € en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne Mme [C] et la société Macif Assurances in solidum aux dépens d'appel et accorde à la SCP Aguiraud et Nouvellet, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/07316
Date de la décision : 06/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-06;19.07316 ?
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