N° RG 19/04868 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MPHD
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 05 juin 2019
RG : 16/07251
Société BAUDRAND MACHINES SPECIALISEES- BMS
C/
Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
SARL SAGA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 06 Décembre 2022
APPELANTE :
La société BAUDRAND MACHINES SPECIALISEES (BMS)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475
Assistée de Me Christophe NEYRET de la SELARL CHRISTOPHE NEYRET AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 815
INTIMEES :
La compagnie Mutuelles du Mans Assurances - MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Laure-cécile PACIFICI de la SELARL TACOMA, avocat au barreau de LYON, toque : 2474
La SARL SAGA
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Alban POUSSET-BOUGERE de la SELARL CVS, avocat au barreau de LYON, toque : 215
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Date de clôture de l'instruction : 01 Avril 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 20 Juin 2022
Date de mise à disposition : 27 Septembre 2022 prorogée au 06 Décembre 2022, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile
Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Stéphanie LEMOINE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Laurence VALETTE, conseiller
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Par contrat du 10 juin 2008, la société Baudrand machines spécialisées (la société BMS) a souscrit, par l'intermédiaire de son agent général, la société Saga, un contrat d'assurance auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles.
Le 1er novembre 2008, suite à des inondations, les locaux de la société BMS, situés à [Localité 4], ont été sinistrés.
Par jugement du 14 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné la société MMA IARD assurances mutuelles à verser à la société BMS la somme de 185 708 euros à titre d'indemnités.
Par assignation du 7 juin 2016, la société BMS a attrait la société MMA IARD assurances mutuelles et la société Saga devant le tribunal de grande instance de Lyon, aux fins de déclarer qu'elles sont responsables d'un manquement à leur devoir d'information et de conseil, de les condamner solidairement à lui régler la somme de 2 869 546,50 euros outre intérêts au taux légal, d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir et la capitalisation des intérêts, de les condamner solidairement à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens de l'instance.
Par jugement du 5 juin 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- déclaré irrecevable l'action de la société Baudrand machines spécialisées,
- condamné la société BMS à verser à la société Saga la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société BMS à verser à la société MMA IARD assurances mutuelles, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société BMS à supporter les entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 10 juillet 2019, la société BMS a interjeté appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Au terme de conclusions notifiées le 25 mars 2021, la société Baudrand machines spécialisées demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- la déclarer recevable en son action à l'encontre des sociétés Saga et MMA IARD assurances mutuelles, en ce qu'elle n'est pas prescrite,
- dire et juger que le point de départ du délai de prescription doit courir à compter du 14 septembre 2015, date du jugement du tribunal de grande instance de Lyon ayant fixé définitivement son préjudice,
En conséquence,
- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré son action irrecevable,
- condamner solidairement les sociétés Saga et MMA IARD assurances à lui régler la somme de 2 869 546,50 euros, outre intérêts au taux légal,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner solidairement les sociétés MMA et SAGA à lui régler la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens de la présente instance, distraits au profit de la SCP Aguiraud Nouvellet, avocat au barreau de Lyon, sur son affirmation de droit et selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au terme de conclusions notifiées le 31 octobre 2019, la compagnie Mutuelle du Mans assurances demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 5 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Lyon en toutes ses dispositions, c'est-à-dire sur l'irrecevabilité de l'action de la société BMS, mais aussi sur la condamnation de cette dernière au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et y ajoutant,
- condamner la société BMS à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, conformément à l'article 699 du même code.
Au terme de conclusions notifiées le 24 février 2021, la société Saga demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 5 juin 2019 en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable l'action de la société BMS,
- condamné la société BMS à verser à la société Saga, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société BMS à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire et au fond,
- juger qu'aucun manquement au devoir de conseil ou d'information ne peut être reproché à la société Saga,
- juger que la société BMS ne démontre pas l'existence, la réalité et le quantum d'un quelconque préjudice,
- débouter la société BMS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause,
- condamner la société BMS à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Pousset-Bougère, avocat sur son affirmation de droit.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er avril 2021.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la recevabilité de la demande
La société BMS soutient que son assureur, la compagnie MMA IARD assurances, et son agent d'affaire, la société Saga, ont commis des fautes dans l'exécution du contrat d'assurance, lui ayant causé un préjudice, en se fondant sur une police d'assurance qui n'a jamais été signée par les parties et en refusant d'assurer ses machines en valeur à neuf. Elle fait valoir que sa demande d'indemnisation n'est pas prescrite car la date à laquelle elle a eu conscience qu'elle ne serait pas indemnisée intégralement du préjudice qu'elle a subi, doit être fixée à la date du jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 14 septembre 2015, ayant fixé son préjudice en suite du sinistre du 1er novembre 2008. Selon elle, en l'absence de signature au bas du contrat d'assurance, elle ne pouvait connaître l'étendue de sa garantie et de l'indemnisation qu'elle pouvait obtenir, puisque le contrat devait être interprété par le tribunal.
Enfin, elle indique que même si elle savait que la compagnie d'assurance n'entendait pas garantir son dommage matériel au-delà de la somme proposée, seul le tribunal était en mesure d'examiner si sa demande, fondée sur la perte de chance, pouvait aboutir.
La société Saga soutient qu'en application de l'article 2224 du code civil, l'action est prescrite, la société BMS ayant signé un avenant au contrat le 10 juin 2008, dont la date d'effectivité était connue de la société BMS, qui aurait dû introduire l'action dans un délai de 5 ans, soit avant le 10 juin 2013.
La compagnie d'assurances soutient qu'en application de l'article 2224 du code civil, l'action est prescrite. Elle fait notamment valoir qu'il résulte d'un courrier du 17 octobre 2009, invoqué par la société BMS, aux termes duquel elle refuse d'assurer les machines de la société BMS 'comme demandé', que cette dernière avait connaissance de son refus d'assurer les machines en valeur à neuf. Elle en déduit que l'action, qui aurait dû être introduite dans le délai de 5 ans, est prescrite, l'assignation n'ayant été délivrée que le 6 juin 2016.
Réponse de la cour
Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans, à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En premier lieu, il résulte de la dernière page de l'avenant du contrat d'assurance, que celui-ci a bien été signé par la société BMS le 10 juin 2008.
En effet, cette dernière, qui ne dénie pas avoir déposé sa signature sur ce document et qui ne remet pas en cause l'existence et la validité du contrat d'assurance, se contente d'affirmer que la circonstance que seule la dernière page du document soit produite, ne permet pas de démontrer que la police d'assurance elle-même est signée.
Dès lors, il est établi que dès le 10 juin 2008, la société BMS, qui avait signé un avenant au contrat d'assurance, avait connaissance de l'existence de la police d'assurance et donc, avait la possibilité d'agir pour contester le fait qu'elle n'était pas signée.
Ainsi que l'ont pertinemment relevé les premiers juges, la société BMS disposait d'un délai de 5 ans à compter du 10 juin 2008. Son action, engagée par acte d'huissier de justice du 9 juin 2016, est prescrite.
En second lieu, il résulte du courrier du 17 avril 2009 émanant de M. [Z], agent général d'assurances MMA à Craponne, dont la société BMS se prévaut, qu'elle a été expressément informée par la compagnie d'assurance de son refus d'assurer ses machines d'occasion en valeur de vente ou en valeur vénale.
Il en résulte, ainsi que le relèvent à bon droit les premiers juges, que la société BMS a été informée à cette date que ses machines étaient garanties uniquement pour le prix de revient tel que défini dans les conditions générales.
En conséquence, par confirmation du jugement, il convient de déclarer l'action engagée le 9 juin 2016 par la société BMS, tant en contestation du plafond de garantie, qu'au titre du manquement à l'obligation de conseil, comme étant prescrite.
Le jugement est donc confirmé.
2. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Saga et de la compagnie d'assurances, en appel. La société BMS est condamnée à leur payer, à chacune, à ce titre la somme de 3.000 €.
Les dépens d'appel sont à la charge de la société BMS, qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne la société Baudrand machines spécialisées à payer à la compagnie Mutuelle du Mans assurances, la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société la société Baudrand machines spécialisées à payer à la société Saga, la somme globale de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
Condamne la société Baudrand machines spécialisées aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, Le Président,