La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/11/2022 | FRANCE | N°19/04593

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 22 novembre 2022, 19/04593


N° RG 19/04593 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MORP









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 27 mai 2019



RG : 11/01724

ch n°1 cab 01 A







[J]



C/



Société ALLIANZ IARD

Société VALORITY

SCP OFFROY ALEXIS - BANEL JEAN-PHILIPPE - DUVAL STEPHA NE

Société ANTIGUA





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B
r>

ARRET DU 22 Novembre 2022







APPELANT :



M. [S] [K] [J]

né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 11] (75)

[Adresse 5]

[Localité 6]



Représenté par la SCP D'AVOCATS GILLES PIOT-MOUNY, FANNY ROY, avocats au barreau de LYON, toque : 2...

N° RG 19/04593 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MORP

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 27 mai 2019

RG : 11/01724

ch n°1 cab 01 A

[J]

C/

Société ALLIANZ IARD

Société VALORITY

SCP OFFROY ALEXIS - BANEL JEAN-PHILIPPE - DUVAL STEPHA NE

Société ANTIGUA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 22 Novembre 2022

APPELANT :

M. [S] [K] [J]

né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 11] (75)

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par la SCP D'AVOCATS GILLES PIOT-MOUNY, FANNY ROY, avocats au barreau de LYON, toque : 2271

Assisté de Me Valérie FONTAN FARON, avocat au barreau de GRASSE, toque : 23

INTIMÉES :

La SAS VALORITY FRANCE

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par la SELARL BALAS METRAL & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 773

La SCP 'Alexis OFFROY - Jean-Philippe BANEL - & Stéphane DUVAL' anciennement dénommée ' [U] [X], Alexis OFFROY, Jean-Philippe BANEL, & Stéphane DUVAL', titulaire d'un Office Notarial

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1813

Assistée de la SCP KUHN, avocats au barreau de PARIS, toque : P0090

La SAS ANTIGUA prise en sa qualité d'associé unique et venant aux droits de la SAS KHEO COMPAGNIE IMMOBILIERE

[Adresse 3]

[Localité 4]

non constituée

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 20 Mai 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Mai 2022

Date de mise à disposition :28 juin 2011, prorogée au 05 Juillet 2022, puis au 12 Juillet 2022, puis au 20 Septembre 2022, puis au 15 Novembre 2022 puis prorogée au 22 Novembre 2022, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Laurence VALETTE, conseiller

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Stéphanie LEMOINE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Rendu par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Au début de l'année 2004, la société Valority a proposé à M. [J] une acquisition relevant du dispositif loi de Robien, dans un programme de réhabilitation d'une ancienne clinique située à [Localité 10], devant être transformée en immeuble d'habitation de trente- neuf logements destinés à la location, dénommé [Adresse 12].

La commercialisation de ce programme avait été confiée à la société Kheo compagnie immobilière, qui a conclu, le 18 mai 2001, un contrat d'agent d'affaires avec la société Capital avenir conseil, devenue la société Valority France.

Une étude fiscale sur l'opération [Adresse 12] a été réalisée le 1er mars 2004, par Me [Z], avocat fiscaliste, qui a été remise à M. [J].

Le 7 avril 2004, ce dernier a régularisé avec la société Crest, un compromis de vente portant sur l'acquisition des lots n°8, 10 et 10 bis, [Adresse 13], moyennant le prix de 61.691 euros.

Aux termes de l'acte, il est mentionné que les conventions des parties ont été négociées par la

société Kheo compagnie immobilière, rémunérée par le vendeur.

Par convention du 18 mai 2004, annexée au compromis, M. [J] s'est engagé, avec la société Yveco France et patrimoine à souscrire un contrat portant sur l'utilisation de 4 emplacements de stationnement moyennant le versement d'une redevance forfaitaire et définitive de 5.900 euros.

Par courrier recommandé du 30 avril 2004, la société Kheo compagnie immobilière, a notifié à M. [J] le compromis de vente.

Par acte authentique du 29 octobre 2004, la société Crest a fait l'acquisition de l'immeuble à réhabiliter.

Par acte authentique signé le 8 décembre 2004, et dressé par Me [X] notaire associé de la SCP Chatelin-[X]-Offroy, M. [J] a acquis auprès de la société Crest, le lot n°49 d'une superficie de 48, 50 m2 et lot n°29 dudit ensemble immobilier, moyennant le paiement de la somme de 61.691 euros, et a souscrit deux prêts auprès de la Caixabank, pour financer le bien et les travaux de réhabilitation.

Aux termes de l'acte, l'acquéreur a été informé qu'il était envisagé la constitution d'une A.S.L. entre les différents copropriétaires de l'immeuble, dont l'objet est la réalisation de travaux de restauration, et s'est engagé à adhérer à cette association dès sa création.

Aux termes d'une assemblée générale du 27 décembre 2004, la collectivité des associés de l'ASL a désigné M. [O], architecte, comme maître d'oeuvre de l'opération de restauration de l'immeuble, et a désigné l'entreprise Continentale TMO pour réaliser les travaux de restauration des parties communes et privatives, et a donné mandat au président de l'ASL, pour signer le contrat avec l'entreprise générale.

Les statuts de l'association ont été régularisés le 31 décembre 2004.

Le marché de travaux avec la société Continentale TMO a été signé le 27 décembre 2004 par le président de l'ASL de la [Adresse 12], marché qui a prévu un délai contractuel d'exécution des travaux de 18 mois à compter de la date de début des travaux.

La société Continentale TMO a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire du tribunal de commerce de Montpellier, le 16 avril 2007, qui a fixé au 3 avril 2007 la date de cessation des paiements.

Suite à la défaillance de la société Continentale TMO, les travaux de réhabilitation et d'aménagement de l'immeuble ont été repris par une autre société et achevés le 21 juillet 2010, date de livraison de l'immeuble. Ils ont fait l'objet d'un récépissé de dépôt de déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux, délivré le 13 octobre 2010 par la ville de [Localité 10].

Par acte notarié du 17 juin 2008, Me [X] a rectifié la désignation des lots dans l'acte de vente consenti par la société Crest à chacun des acquéreurs des lots à aménager, précisant que c'était à tort et par erreur si dans la désignation des lots vendus il a été indiqué 'un local à usage d'habitation' au lieu de 'local d'une superficie de ..'.

A compter du mois de septembre 2010, M. [J] a donné à bail son appartement.

Par actes d'huissiers de justice des 19, 22 et 23 novembre 2010, M. [J] a assigné devant le tribunal de grande instance de Lyon, la SAS Valority France, la société Antigua et la SCP [X] Offroy Banel Duval, notaires, aux fins de voir, sur le fondement des articles 1146 et suivants du code civil, s'agissant de la société Valority, et subsidiairement, des articles 1382 et 1383 du même code, s'agissant des notaires :

- condamner in solidum l'ensemble des requis à lui payer la somme de 101.474 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice matériel ;

- ordonner la publication de la décision dans un journal national du choix du requérant, sous astreinte définitive de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la signification à partie de la décision à intervenir ;

- condamner in solidum les mêmes à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, ainsi que la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par jugement du 27 mai 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la S.C.P. [U] [X]-Alexis Offroy-Jean-Philippe Banel-Stéphane Duval, devenue la SCP Alexis Offroy, Jean-Philippe Banel, Stéphane Duval et Ludovic Le Benoist, de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- débouté la SAS Valority France de ses demandes indemnitaires, dirigées à l'encontre de la SA Allianz Iard,

- condamné M. [J] à payer à la SAS Valority France, la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] à payer à la S.C.P. [U] [X]-Alexis Offroy-Jean-Philippe Banel-Stéphane Duval, devenue la SCP Alexis Offroy, Jean-Philippe Banel, Stéphane Duval et Ludovic Le Benoist, la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] à payer à la société Antigua la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SA Allianz IARD de sa demande présentée à l'encontre de la SAS Valority France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [J] aux dépens.

Par déclaration du 1er juillet 2019, M. [J] a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 26 août 2020, M. [J] demande la réformation du jugement, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes, fins et conclusions et condamné au paiement d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et statuant à nouveau, de :

- condamner in solidum l'ensemble des requis à lui payer la somme de 101.474 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice matériel ;

- les condamner sous la même solidarité à lui payer la somme de 7.500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

- condamner in solidum les requis à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens;

- condamner les requis, sous la même solidarité, aux dépens de l'instance.

Par conclusions notifiées le 16 décembre 2019, la SCP Alexis Offroy, Jean Philippe Banel & Stéphane Duval, anciennement dénommée [U] [X], Alexis Offroy, Jean-Philippe Banel & Stéphane Duval (la SCP notariale) demande :

- la confirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause, et que M. [J] soit débouté de ses demandes ;

- l'infirmation du jugement, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages- intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

A titre reconventionnel, elle a sollicité de voir :

- condamner M. [J] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [J] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Tudela, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 5 novembre 2019, la société Valority France demande :

A titre principal,

la confirmation du jugement et le rejet de toutes les demandes de M. [J] dirigées à son encontre.

A titre subsidiaire :

- la condamnation de la société Antigua et de la SCP notariale «ou qui mieux le devra», à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre;

- de déclarer recevable et fondée la mise en cause de son assureur ;

- la condamnation de la compagnie Allianz IARD à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

- la condamnation de la compagnie Allianz IARD à lui verser la somme de 5.000 euros pour résistance abusive ;

- la condamnation de la compagnie Allianz IARD à lui verser la somme de 5.000 euros en remboursement de ses frais de défense ;

- la condamnation de la compagnie Allianz IARD aux dépens de l'instance, distraits au profit de la Me Balas, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

En toute hypothèse, y ajoutant :

- la condamnation de M. [J] et la compagnie Allianz ou «qui mieux le devra» à lui verser la somme de 5.000 euros en remboursement de ses frais de défense, et en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir, au paiement d'une indemnité équivalente au droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'huissier instrumentaire au titre de l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001;

- la condamnation de M. [J] et de la compagnie Allianz ou «qui mieux le devra» aux dépens de l'instance, distraits au profit de Me Balas, avocat.

Par ordonnance du 10 octobre 2019, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel à l'égard de la société Allianz.

L'ordonnance de clôture, intervenue le 3 septembre 2020, a été révoquée par ordonnance du 21 janvier 2021. Elle a ensuite été ordonnée le 20 mai 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la responsabilité de la société Valority

M. [J] fait valoir essentiellement que la société Valority France a créé une apparence trompeuse, sans laquelle il n'aurait jamais contracté, sur sa qualité juridique, et sur la qualité du programme immobilier présenté clefs en mains, c'est-à-dire analysé scrupuleusement par elle en terme de risques et de garanties ; ainsi, selon lui, alors que la société Valority s'est fait passer pour un conseil en défiscalisation qui l'assisterait tout au long de l'évolution du dossier et dans son intérêt exclusif, c'est après la signature des actes authentiques de vente, qu'il a été informé qu'elle était en fait un agent d'affaires au service du Groupe Quarante et en particulier de la société Kheo compagnie immobilière, qui était sa mandante et qui était chargée de commercialiser l'opération de réhabilitation.

M. [J] ajoute que la société Valority France n'a pas vérifié la santé financière des sociétés du groupe Quarante, ni l'état du marché locatif à [Localité 10]. Ainsi, l'une des sociétés du groupe, la société TMO Continental, chargée de réaliser les travaux de réhabilitation, a déposé le bilan quelques mois après avoir été choisie, en décembre 2004, de sorte que les travaux n'ont pu être achevés qu'en septembre 2010, soit avec plus de quatre années de retard.

M. [J] fait encore observer qu'il lui a été fait croire qu'il était engagé par le compromis de vente alors que la venderesse, la société Crest, n'était pas propriétaire à cette date des biens immobiliers, ce qui rend, outre la société Crest, la société Antigua, qui a repris le patrimoine de la société Kheo compagnie immobilier, responsable de la faute commise par cette dernière. Il ajoute que la société Valority a manqué à son obligation de conseil et d'information en ne l'informant pas de l'aléa de l'opération, en ne vérifiant pas la pertinence d'un investissement à [Localité 10] et la réalité du marché locatif local ou en ne vérifiant pas la solvabilité de la société Continentale TMO. De même, il soutient que la société Valority était associée avec tous les autres intervenants d'une société en participation, dont l'objet unique était de parvenir à l'acquisition puis à la vente des biens immobiliers de la [Adresse 12].

Concernant son préjudice, M. [J] soutient qu'il est constitué principalement par les pertes fiscales liées au retard dans la mise en oeuvre de la défiscalisation, par les pertes de loyers du 1er juillet 2006 au 1er septembre 2010, le manque à gagner constitué de la différence entre le montant des loyers annoncés par la société Valority et ceux réellement pratiqués à [Localité 10], par les pertes de loyers des emplacements de stationnement ainsi que par les charges supplémentaires liées à la reprise des travaux.

La société Valority fait valoir essentiellement qu'elle n'a jamais signé de contrat avec M. [J], de sorte que la plaquette publicitaire qu'il produit ne peut caractériser un engagement contractuel. Elle ajoute que M. [J] ne peut soutenir qu'il a été trompé alors que le compromis de vente qu'il a signé le 7 avril 2004 avec la société Crest mentionne que la convention a été négociée par la compagnie immobilière Kheo, qui était le commercialisateur. Elle est intervenue en tant que mandataire chargé de la vente de biens immobiliers et sa mission s'est terminée à la signature du contrat de réservation. Elle n'est pas gestionnaire du patrimoine de M. [J], elle est agent immobilier et n'avait aucun pouvoir sur l'opération de restauration.

La société Valority ajoute qu'il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à son obligation de conseil et d'information, le projet qui a été proposé à M. [J] relevant bien du régime de défiscalisation 'Robien', qui permet à l'investisseur d'imputer de son revenu imposable le coût des travaux moyennant un engagement de mise en location du bien rénové.

De même, la société Valority indique que ne peuvent lui être reprochées des erreurs sur le compromis de vente alors qu'elle ne l'a pas rédigé, qu'elle n'a jamais été associée d'une société en participation avec les autres intervenants, que M. [J] a parfaitement été informé des risques et aléas de l'opération par une consultation d'un avocat fiscaliste, qu'elle n'est pas responsable du retard des travaux, que le bien est en location depuis 2010, qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait eu connaissance d'informations défavorables sur la société Continentale TMO au jour de son intervention en 2004 qu'elle lui aurait cachées, alors en outre qu'elle n'est pas intervenue dans le choix de cette société pour effectuer les travaux, qui n'appartient qu'à l'AFUL.

Concernant le préjudice invoqué par M. [J], la société Valority fait valoir qu'il a pour cause unique la défaillance de la société Continentale TMO, les malversations du groupe 40, réalisées des années après son intervention, puis sa liquidation judiciaire, de sorte qu'elle ne peut en être responsable

Sur ce :

M. [J] ne précise pas le fondement de l'action en responsabilité dirigée à l'encontre de la société Valority. Néanmoins, en l'absence de contrat conclu entre lui-même et cette société, il y a lieu de considérer que l'action est fondée sur les dispositions de l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ce qui suppose qu'il établisse l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre la faute et le préjudice.

Ainsi que l'ont très justement analysé les premiers juges, la société Valority a agi en exécution d'un contrat d'agent d'affaires rémunéré conclu le 18 mai 2001 avec la société Kheo compagnie immobilière, lui donnant mandat de proposer en tant que conseiller financier ou conseiller en gestion de patrimoine, les produits sélectionnés par la mandante. Si cette dernière faisait partie du groupe Quarante, il n'en est pas de même de la société Valority, pour laquelle il n'est pas démontré qu'elle en serait associée, en vertu d'une société en participation, ainsi qu'il est simplement allégué. Il n'est en effet pas démontré l'existence d'un apport ou d'une participation aux bénéfices de la part de cette dernière.

Dès lors, aucun élément ne démontre que la société Valority a entendu créer ou participer à une société avec celles du groupe Quarante. De même, il n'est pas établi qu'elle a cherché à dissimuler sa qualité dans l'opération. La qualité de chacun des intervenants est d'ailleurs détaillée, d'une part, dans le dossier de présentation, qui mentionne que le groupe Quarante est à l'initiative du projet et la société Kheo immobilier son commercialisateur et, d'autre part, dans le dossier de réservation, qui mentionne que la société Crest est le vendeur.

La société Valority, qui a présenté l'opération à M. [J], n'a pas conclu avec lui une quelconque convention, de sorte qu'il n'est pas fondé à soutenir qu'elle lui aurait fait croire qu'elle l'assisterait dans son intérêt exclusif.

Néanmoins, en sa qualité de conseiller en gestion du patrimoine, elle était tenue envers M. [J], d'un devoir d'information et de conseil quant au montage qu'elle était chargée de proposer.

Ainsi qu'il a été pertinemment relevé par les premiers juges, le dossier de présentation de la [Adresse 12] de [Localité 10] et le dossier de réservation remis à M. [J] avant tout engagement, comprenant le projet de compromis de vente, le nom du notaire rédacteur de l'acte de vente, l'estimation par un architecte du prix des travaux de réhabilitation, l'étude fiscale réalisée par un avocat fiscaliste, lui ont permis d'être précisément informé sur l'opération envisagée.

M. [J], qui reproche à la société de ne pas s'être rendue sur le site et de n'avoir procédé à aucun vérification sur l'état du marché locatif à [Localité 10], ne caractérise cependant pas en quoi l'opération choisie n'a pas été réalisable, alors qu'il ne conteste pas que l'opération proposée était éligible au bénéfice de la loi Robien, permettant la défiscalisation qu'il escomptait. Par ailleurs, M. [J] ne justifie pas qu'il aurait rencontré des difficultés pour mettre son bien en location en 2010, année au cours de laquelle il a réceptionné les travaux, ni que l'estimation du prix du loyer fournie en 2004 était excessive ou encore, que le prix inférieur auquel il a loué en 2010, a compromis l'équilibre de l'opération.

Par ailleurs, outre le fait qu'il ne peut être reproché à la société Valority, qui n'a pas rédigé le compromis de vente, l'erreur l'affectant, en ce qu'il mentionne de façon erronée que la société Crest est le vendeur des biens, alors qu'elle n'en a fait l'acquisition que postérieurement, le 29 octobre 2004, force est de constater que cette erreur n'a emporté aucune conséquence sur la sécurité de l'opération définitivement conclue par acte authentique de vente du 9 décembre 2004.

En outre, il est constant que les difficultés auxquelles M. [J] a été confronté sont survenues au moment de la réalisation des travaux de réhabilitation par la société Continentale TMO, soit bien postérieurement à la signature du compromis de vente et donc à l'intervention de la société Valority. De même, il ne résulte d'aucun document produit que la société Valority avait connaissance de l'entreprise générale qui serait chargée de réaliser ces travaux, celle-ci ayant été désignée par l'association syndicale libre des copropriétaires postérieurement à son intervention pour la conclusion du compromis de vente du 7 avril 2004, selon délibération n°10 du 27 décembre 2004.

Ainsi, aucun élément ne permet de retenir que la société Valority, qui est un mandataire extérieur au groupe Quarante, pouvait prévoir que la société Continental TMO serait chargée des travaux et qu'elle ne pourrait pas les assumer. De même, les modalités de fonctionnement de l'association syndicale libre, qui est intervenue postérieurement à la signature de l'acte authentique de vente, ne peuvent être imputées à la société Valority.

Par ailleurs, M. [J], qui a été destinataire d'une étude fiscale du projet datée du 16 mars 2004, ne peut prétendre avoir ignoré qu'une telle opération était affectée d'un aléa, un investissement dans une opération de réhabilitation comportant nécessairement une part d'aléa quant à la réalisation des travaux.

Enfin, la société Valority n'est pas responsable, en sa qualité de commercialisateur, de l'absence d'établissement des états descriptifs du logement avant et après rénovation, alors, en outre, que M. [J] ne démontre pas que cette absence de descriptif l'aurait empêché de bénéficier des avantages fiscaux escomptés.

En conséquence, en l'absence de faute de la part de la société Valority, les demandes dirigées à son encontre doivent être rejetées, étant relevé que le préjudice financier invoqué par M. [J] ne résulte que de la défaillance de la société Continentale TMO et du retard pris dans les travaux de restauration de l'immeuble, dans lequel la société Valority n'a eu aucun rôle causal.

Le jugement doit donc être confirmé.

2. Sur la responsabilité de la société Antigua et de la société Crest

Les premiers juges ayant exactement retenu, par des motifs que la cour adopte expressément, que la responsabilité de la société Antigua, venant aux droits de la société Kheo compagnie immobilière ne peut être recherchée, ni du fait de l'irrégularité affectant le compromis, compte tenu de sa régularisation postérieure, ni en raison des difficultés futures d'achèvement des travaux, qui relèvent de la société Continentale TMO, laquelle n'est pas dans la cause, ni en raison d'une prétendue collusion frauduleuse entre les sociétés du groupe Quarante, il convient de confirmer le jugement ayant débouté M. [J] de sa demande indemnitaire.

Il est observé que si dans le corps de ses conclusions, M. [J] met en cause la responsabilité de la société Crest, celle-ci n'a pas été attraite dans la cause et aucune demande n'est formée à son encontre dans le dispositif de ses conclusions.

En conséquence, il y a lieu de constater que la cour n'est saisie d'aucune demande à l'encontre de la société Crest.

3. Sur la responsabilité de la SCP Offroy, Banel et Duval

M. [J] soutient que Me [X] a engagé sa responsabilité en raison de l'irrégularité du compromis de vente, qui désigne la société Crest en qualité de venderesse, alors qu'elle n'était pas encore propriétaire de l'immeuble, ce qu'il savait puisqu'il a postérieurement accompagné la société Crest pour acquérir le bien, le 29 octobre 2004. Il en déduit que contrairement à ce qui est mentionné dans l'acte authentique du 8 décembre 2004, le compromis était nul, ce dont il aurait dû l'informer, de manière à ce qu'il puisse se rétracter de la vente.

M. [J] précise que Me [X] est astreint à une obligation de sécurité juridique dans les actes qu'il établit, supposant une obligation de loyauté, de neutralité et de conseil. Il lui reproche d'être le notaire habituel de la société Crest et des sociétés du Groupe quarante, ce qui serait selon lui, révélateur d'un conflit d'intérêts.

M. [J] ajoute que Me [X] s'est abstenu de le mettre en garde sur les risques de l'opération, notamment sur le fait que la société Crest n'était pas propriétaire des biens à la date du compromis, que les murs de la clinique de la [Adresse 12] pouvaient ne pas être éligibles au dispositif 'Loi Robien', sur les conséquences de l'adhésion à une association syndicale libre, ainsi que sur son statut juridique incertain, sur les risques inhérents à une opération de défiscalisation par réhabilitation, notamment en ce qui concerne la solidité et le professionnalisme de l'entreprise de construction, la société TMO continental, dont la santé financière conditionnait la réussite du projet.

M. [J] reproche encore à Me [X] de n'avoir pas effectué les formalités liées à la publicité de la création de l'ASL, ce qui l'aurait privée de toute existence juridique jusqu'au 11 janvier 2010, date à laquelle celle-ci a procédé aux formalités.

La SCP de notaires fait essentiellement valoir que Me [X] est étranger au compromis et est intervenu postérieurement, alors que M. [J] s'était contractuellement lié par l'acte sous seing privé, de sorte que la convention était déjà parfaite au moment où il est intervenu.

La SCP ajoute que les statuts de l'ASL ont été établis par un avocat fiscaliste, Me [Z], le 8 novembre, qu'elle existait juridiquement avant les formalités de déclaration à la préfecture et que son rôle était limité à la réception de l'acte au rang des minutes. Elle précise qu'il en est de même pour de l'état descriptif de division, qui a été établi par un géomètre expert et que Me [X] l'a simplement reçu au rang des minutes.

La SCP explique que l'entreprise générale de travaux a été choisie par l'ASL le 27 décembre 2004 et que Me [X] n'est pas intervenu dans son fonctionnement. Il précise à cet égard que la société CTMO était une entreprise générale de taille importante, qui menait plus de 20 chantiers sur la France entière et avait à son actif de nombreuses restaurations dans le secteur des monuments historiques, de sorte qu'elle ne pouvait aucunement soupçonner, tout comme l'ASL d'ailleurs, que celle-ci serait un jour confrontée à l'impossibilité de faire face à ses engagements.

Enfin, elle indique qu'un notaire n'est pas tenu à une obligation de conseil et de mise en garde concernant l'opportunité économique d'une opération et qu'en tout état de cause, celle-ci ne présentait pas de risque particulier et était identique à celle d'un propriétaire individuel faisant exécuter d'importants travaux. La SCP de notaire reproche ainsi à M. [J] de vouloir lui faire supporter la mise en liquidation de l'entreprise générale en charge de l'exécution des travaux dans son immeuble.

Sur ce :

Le notaire, rédacteur d'un acte, est tenu d'un devoir de conseil à l'égard des parties à l'acte et d'éclairer celles-ci sur sa portée. Cette obligation du notaire, qui ne tend qu'à assurer l'efficacité d'un acte instrumenté par lui et qui ne constitue que le prolongement de sa mission de rédacteur d'acte, relève de sa responsabilité délictuelle, en application de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

Il est constant que Me [X] n'est intervenu que pour établir l'acte authentique de vente, postérieurement à la signature du compromis, à laquelle il n'a pas participé.

S'il n'a pu ignorer que la propriété du bien immobilier n'a été acquise par la société Crest que postérieurement à la signature du compromis, pour avoir participé à cette acquisition en qualité de notaire de la société Crest, il ne peut lui être reproché de ne pas avoir alerté M. [J] de cette irrégularité, alors qu'elle avait été régularisée à la date de la signature de l'acte authentique. En outre, rien n'établit que M. [J] aurait renoncé à son projet pour ce motif, qui n'était pas de nature à lui causer un grief et n'a eu aucun rôle causal dans le préjudice locatif et le surcoût évoqué par M. [J].

En outre, ainsi que le relèvent les premiers juges :

- le seul fait que Me [X] ait été le notaire habituel des sociétés du groupe Quarante n'est pas en lui-même de nature à établir un conflit d'intérêts ou à mettre en cause sa responsabilité,

- M. [J] a été mis en garde sur les risques de l'opération grâce à l'information complète qui lui a été donnée par Me [Z], avocat fiscaliste, sur les aspects fiscaux de l'opération,

- M. [J] bénéficie depuis 2010, date de fin des travaux de réhabilitation, des avantages fiscaux escomptés par l'opération,

- l'ASL existait juridiquement depuis l'origine, pour avoir été constituée par acte sous seing privé le 8 novembre 2004 et qui a pris des décisions, comme la désignation de la société de la société Continentale TMO pour réaliser les travaux de réhabilitation, qui ne peuvent être imputées au notaire.

Il est ajouté que le défaut de déclaration de l'ASL n'a aucune incidence sur son existence juridique ou sur les engagements pris par l'association à l'égard des tiers.

En outre, ainsi qu'il l'a été précédemment relevé, M. [J] ne pouvait ignorer que tout investissement dans une opération de réhabilitation, qu'il soit ou non de nature fiscale, comporte nécessairement une part d'aléa quant à la réalisation des travaux.

Or, les éléments de préjudice invoqués par M. [J] ne résultent que des difficultés survenues dans la réalisation des travaux, du fait de l'entreprise Continentale TMO, qui n'a pu les assumer, ce qui ne saurait être imputé au notaire, qui n'a en rien participé à sa désignation et ne pouvait, au surplus, prévoir sa défaillance quelques mois plus tard. .

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement ayant débouté M. [J] de ses demandes à l'encontre de la SCP de notaires.

4. Sur les demandes de dommages-intérêts

L'abus du droit d'agir en justice de M. [J] n'étant pas caractérisé, il convient, confirmant le jugement, de débouter la société Antigua et la SCP Offroy, Banel et Duval de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive.

5. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Valority France et de la SCP Offroy, Banel et Duval, en appel. M.[J] est condamné à leur payer à ce titre, à chacune, la somme de 3.000 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de M. [J] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne M. [J] à payer à la société Valority France la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Condamne M. [J] à payer à la SCP Offroy, Banel et Duval, la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamne M. [J] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/04593
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;19.04593 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award