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22/11/2022 | FRANCE | N°19/02817

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 22 novembre 2022, 19/02817


N° RG 19/02817 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MKLY









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 26 mars 2019



RG : 15/14023

ch n°1 cab 01 A









Société CFC



C/



SNC CL INVEST

S.C.I. FIVERONA





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 22 Novembre 2022







APPELANTE :
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La SAS CFC

[Adresse 5]

[Localité 10]



Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938

Assistée de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER









INTIMÉES :



La Société CL INVEST

[Adresse 2]

[Localité...

N° RG 19/02817 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MKLY

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 26 mars 2019

RG : 15/14023

ch n°1 cab 01 A

Société CFC

C/

SNC CL INVEST

S.C.I. FIVERONA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 22 Novembre 2022

APPELANTE :

La SAS CFC

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938

Assistée de la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉES :

La Société CL INVEST

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par la SELAS LEGA-CITE, avocats au barreau de LYON, toque : 1030

La société FIVERONA, SCI, agissant poursuites et diligences de Mme [D] [W] née [K], demeurant [Adresse 3], es qualité de mandataire ad hoc désigné par le Président du Tribunal de Grande Instance de LYON le 14 janvier 2021

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocats au barreau de LYON, toque : 709

INTERVENANTS FORCÉS :

Mme [D] [M] [K] [W]

né le 01 Avril 1973 à [Localité 13] (38)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocats au barreau de LYON, toque : 709

M. [B] [G] [I] [W]

né le 13 Décembre 1972 à [Localité 14] (69)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocats au barreau de LYON, toque : 709

Mme [I] [E] [S] [W] [N]

né le 03 Octobre 1944 à [Localité 15] (38)

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocats au barreau de LYON, toque : 709

M. [C] [W]

né en à

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représenté par la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocats au barreau de LYON, toque : 709

Mme [T] [W]

né en à

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocats au barreau de LYON, toque : 709

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 01 Juillet 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Mai 2022

Date de mise à disposition : 05 Juillet 2022, prorogée au 13 Septembre 2022 puis prorogée au 22 Novembre 2022, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Laurence VALETTE, conseiller

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Stéphanie LEMOINE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Le 12 février 2014, la SCI Fiverona a signé un compromis de vente avec la société CFC pour un tènement immobilier et avec la société CL Invest, pour une maison d'habitation, tous deux situés à Pusignan (Rhône).

Les conventions stipulaient que la signature des deux actes authentiques devait avoir lieu au plus tard le 30 novembre 2014, ce délai pouvant être prorogé jusqu'au 15 décembre 2014, ainsi que des clauses pénales, de 87.000 euros pour le tènement immobilier et de 35.000 euros pour la maison d'habitation, en cas de défaut de régularisation de l'acte authentique. Les conditions suspensives étaient la réitération concomitante par acte authentique des compromis de vente SCI Fiverona/CL Invest et SCI Fiverona/CFC, l'obligation pour les sociétés CFC et CL Invest de déposer les demandes de permis de construire au plus tard le 12 mai 2014 et l'obtention par ces dernières d'un permis de construire au plus tard le 15 novembre 2014.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 juin 2015, les sociétés CFC et CL Invest ont été mises en demeure de se manifester aux fins de régularisation des actes de vente, dans les huit jours de la réception de la lettre de mise en demeure.

Par acte d'huissier de justice du 29 juin 2015, la SCI Fiverona a fait sommation de comparaître aux sociétés CFC et CL Invest en l'étude de Me [F], notaire, le 9 juillet 2015, aux fins de réitérer la vente. La signature des actes authentiques a été régularisée le 17 juillet 2015.

Par acte d'huissier de justice du 16 novembre 2015, la SCI Fiverona a assigné les sociétés CFC et CL Invest devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de solliciter l'indemnisation de son préjudice et l'application des clauses pénales en raison du retard dans la signature des actes authentiques de vente.

Par jugement du 26 mars 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- condamné solidairement les sociétés CFC et CL Invest à payer à la SCI Fiverona, la somme de 40.000 euros au titre de la clause pénale,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné solidairement les sociétés CFC et CL Invest à payer à la SCI Fiverona, la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les sociétés CFC et CL Invest aux dépens.

Par déclaration du 23 avril 2019, la société CFC a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 22 juillet 2019, la société CFC sollicite la réformation du jugement en toutes ses dispositions et demande que la SCI Fiverona soit déboutée de l'ensemble des demandes formées à son encontre, tant au titre du compromis de vente régularisé avec la seule société CL Invest, qu'au titre de la clause pénale stipulée dans le compromis de vente qu'elle a régularisé avec la société Fiverona. Enfin, la société CFC sollicite la condamnation de la SCI Fiverona à lui payer la somme de 6. 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par actes d'huissier de justice des 8, 16, 23 et 24 février 2021, la société CL Invest a assigné en intervention forcée Mme [D] [W], M. [B] [W], Mme [I] [W], M. [C] [W] et Mme [T] [W] (les consorts [W]), en leur qualité d'associés de la société Fiverona, aux fins de les voir condamner in solidum à répondre de toute dette de cette dernière, tant à titre principal, qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions notifiées le 11 mars 2021, la société CL Invest demande :

- la condamnation des consorts [W], associés de la SCI Fiverona, à répondre solidairement et personnellement de toute dette de cette dernière, tant à titre principal qu'au titre de l'article 700 du code de procédure et des dépens,

A titre principal :

- que soit prononcée la nullité du jugement entrepris,

- en conséquence, que soit ordonnée la restitution des sommes indûment perçues au titre de l'exécution provisoire,

- la condamnation in solidum de la SCI Fiverona ainsi que des consorts [W], associés de la SCI Fiverona, à procéder à ladite restitution,

A titre subsidiaire :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et débouter la SCI Fiverona de l'ensemble de ses demandes,

- de prononcer l'anéantissement, ou à tout le moins la minoration des clauses pénales stipulées aux compromis de vente du 12 février 2014,

- de prononcer autant que de besoin la répartition entre la société CL Invest et la société CFC de toute somme mise à leur charge à hauteur de 50 % chacune,

En tout état de cause :

- de condamner in solidum la SCI Fiverona ainsi que les consorts [W], associés de la SCI Fiverona, à l'exécution de l'arrêt,

- de condamner in solidum la SCI Fiverona ainsi que les consorts [W], associés de la SCI Fiverona, à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner in solidum la SCI Fiverona ainsi que les consorts [W], associés de la SCI Fiverona aux depens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de la SELAS Lega-Cité, avocats.

Par conclusions notifiées le 12 avril 2021, la société Fiverona et les consorts [W] demandent :

A titre principal :

- de déclarer irrecevable l'appel en cause formé à l'encontre des associés de la SCI Fiverona et de débouter la société CL Invest de ses demandes dirigées contre les associés de la SCI Fiverona,

- de débouter la société CL Invest de sa demande de nullité du jugement,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que les sociétés CL Invest et CFC n'ont pas exécuté les clauses et conditions des compromis et ont engagé leur responsabilité contractuelle envers elle et en ce qu'elles sont tenues solidairement en raison de la clause de substitution,

- de réformer partiellement le jugement et de condamner les sociétés CFC et CL INVEST au paiement de sommes de 35.000 euros et 87.000 euros, au titre des clauses pénales.

A titre subsidiaire :

- de condamner solidairement les sociéts CFC et CL Invest à lui payer la somme de 146.024 euros à titre de dommages-intérêts en reparation de son préjudice,

En tout état de cause :

- de condamner chacune des sociétés défenderesses à lui payer, ainsi qu'à ses associés, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de les condamner solidairement aux dépens distraits au profit de la SCP Ducrot.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er juillet 2021.

Pour un plus ample exposé es prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions précitées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est rappelé que les 'demandes' tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ne constituent pas des prétentions, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des demandes tendant à voir 'dire et juger', lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

1. Sur l'intervention forcée des consorts [W]

La société CL Invest, qui a assigné en intervention forcée les consorts [W], fait valoir qu'elle est recevable et bien fondée à voir les associés de la SCI Fiverona mis en cause à la présente procédure, ces derniers étant personnellement responsables à son égard. Elle ajoute que l'évolution du litige est caractérisée, d'une part, par l'information de la radiation de la SCI Fiverona donnée par son conseil à l'occasion de ses dernières écritures notifiées devant la cour d'appel le 25 novembre 2020 et, d'autre part, par l'exécution frauduleuse de jugement par la société Fiverona, alors qu'elle n'avait pas de représentant habilité à cette fin.

La société Fiverona et les consorts [W] font valoir que l'intervention forcée est irrecevable car les données du litige ne sont pas modifiées par la clôture de la liquidation ou la radiation de la SCI Fiverona. Ils ajoutent que les associés ont fait désigner un administrateur ad hoc, qu'ils sont en tout état de cause personnellement tenus des éventuelles dettes ou passif de la société sans que sa radiation n'altère ce principe. Enfin, ils observent qu'en admettant la recevabilité de cet appel en cause au stade de l'appel, cela retire aux associés le bénéfice du double degré de juridiction sans qu'aucun élément factuel ne le justifie, et alors que leur éventuelle faute dans la radiation de la société n'est pas en lien direct avec le présent litige.

Réponse de la cour

Selon l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

L'article 555 du même code précise que ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Il résulte de ces dispositions que l'évolution du litige impliquant la mise en cause d'un tiers devant la cour d'appel n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

Il est constant entre les parties que la radiation de la SCI Fiverona est intervenue le 16 février 2016 et a été publiée le 8 mars 2016, soit antérieurement au jugement déféré, qui date du 26 mars 2019. En outre, cette circonstance n'a pu être révélée postérieurement au jugement puisque pour produire ses effets à l'égard des tiers la radiation d'une société est obligatoirement publiée au registre du commerce et des sociétés. Enfin, le président du tribunal judiciaire de Lyon a par décision du 14 janvier 2021, désigné Mme [D] [W] en qualité de mandataire ad hoc aux fins de représenter la société dans la présente procédure, de sorte que les données juridiques du litige ne sont pas modifiées.

En conséquence de ces éléments, il convient de déclarer irrecevable l'intervention forcée des consorts [W].

2. Sur la nullité du jugement

La société CL Invest soutient que le jugement déféré est nul car la radiation de la société Fiverona a été publiée le 8 mars 2016, avant le prononcé du jugement déféré du 26 mars 2019, et sans qu'un mandataire ad hoc n'ait été désigné, de sorte qu'elle n'avait pas la capacité d'ester en justice.

La société Fiverona soutient que l'assignation ayant été délivrée aux sociétés CL Invest et CFC le 16 novembre 2015, avant la radiation qui n'est intervenue que le 16 février 2016, la publication de la décision de dissolution n'a pas eu pour effet de mettre fin à la personnalité morale de la société, qui subsiste aussi longtemps que ses droits et obligations, notamment ceux liés à l'instance ne sont pas liquidés. Elle ajoute que la désignation d'un mandataire ad hoc en cours d'instance a permis de régulariser la situation.

Réponse de la cour

Il résulte des dispositions de l'article 1844-8 du code civil, qu'après clôture de la liquidation d'une société et sa radiation du registre du commerce et des sociétés, la personnalité morale de la société subsiste aussi longtemps que les droits et obligations à caractère social ne sont pas liquidés.

En l'espèce, l'assignation introductive d'instance a été délivrée par la société Fiverona le 16 novembre 2015, antérieurement à la décision de dissolution et de clôture de la liquidation de la société.

En outre, la publication de la clôture de la liquidation n'a pas eu pour effet de mettre fin à la personnalité morale de la société, qui subsiste aussi longtemps que ses droits et obligations à caractère social, notamment ceux liés à l'instance en cours, ne sont pas liquidés.

En conséquence, la désignation d'un mandataire chargé de représenter la société au cours de l'instance, le 14 janvier 2021, a permis de régulariser la procédure.

En conséquence, il convient de débouter la société CL Invest de sa demande d'annulation du jugement.

En tout état de cause, la nullité invoquée est sans incidence puisque la cour d'appel, qui annule un jugement, pour un motif autre que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, est, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, tenue de statuer sur le fond de l'affaire.

3. Sur la condamnation des sociétés CFC et CL Invest au paiement des clauses pénales

La société Fiverona soutient que la société CFC et la société CL Invest sont tenues au paiement solidaire des clauses pénales insérées dans chacun des deux compromis de vente qu'elles ont conclus avec elle, en raison du retard dans l'exécution de leurs obligations.

Elle fait valoir, en premier lieu, que le compromis de vente conclu avec la société CFC prévoit différentes conditions suspensives, dont l'obtention du financement de l'acquisition au plus tard le 15 octobre 2014 et que la société CL Invest, qui s'est substituée à la société CFC, n'a obtenu une offre de prêt que le 8 juillet 2015, après avoir été mise en demeure par courrier du 2 juin 2015.

La société Fiverona en déduit que la société CFC, qui est solidairement tenue avec sa substituée, la société CL Invest, a violé les termes du compromis et est tenue au paiement de la clause pénale.

Elle fait valoir, en second lieu, que le compromis de vente conclu avec la société CL Invest prévoit différentes conditions suspensives, dont l'obtention d'un permis de construire avant le 15 octobre 2014, et que celui-ci n'a été obtenu que le 21 janvier 2015, ainsi que l'obtention du financement de l'acquisition au plus tard le 15 octobre 2014, et que celui-ci n'a été obtenu que le 8 juillet 2015, après qu'elle ait été sommée de réitérer par acte d'huissier de justice du 29 juin 2015.

Enfin, la société Fiverona fait valoir que les clauses pénales prévues dans chacun des deux compromis prévoient qu'elles s'appliquent dès que les conditions d'exécution de la vente ne sont pas respectées, soit, en l'occurrence les conditions relatives à la date de réitération fixée dans les deux promesses au 30 novembre 2014 et celles relatives à la réalisation des conditions suspensives dans les délais fixés.

La société CFC soutient, en premier lieu, qu'elle ne saurait être responsable des éventuels manquements commis par la société CL Invest et qu'on ne peut lui opposer les termes d'une clause pénale figurant dans le compromis signé entre CL Invest et la société Fiverona, auquel elle n'est pas partie.

Elle soutient, en deuxième lieu, que la clause pénale stipulée dans le compromis du 12 février 2014 ne prévoit le paiement de la somme de 87.000 euros au profit de la société Fiverona qu'en cas de non-réitération de la vente par acte authentique et non pas en cas de retard dans cette réitération.

Elle fait valoir, en dernier lieu, que la société Fiverona ayant accepté la substitution de la société CL Invest, elle l'a déchargée de toute obligation.

La société CL Invest soutient que la signature tardive des actes authentiques de vente ne permet pas de demander la condamnation des acquéreurs au paiement des clauses pénales.

Elle fait valoir que les ventes ont eu lieu et que la volonté claire et sans équivoque des signataires du compromis était uniquement de sanctionner le comportement d'une partie qui aurait fait obstacle à la vente, soit en refusant de régulariser la vente dans le cas où les conditions suspensives auraient été remplies, soit en étant responsable de la défaillance dans la réalisation des conditions suspensives.

Réponse de la cour

Selon l'article 1134 ancien du code civil, dans sa rédaction alors applicable, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Les clauses pénales insérées dans les deux promesses de vente du 12 février 2014, conclues, pour l'une avec la société CFC, et pour l'autre avec la société CL Invest, sont identiques, sauf en ce qui concerne le montant de la somme prévue.

Elle sont ainsi rédigées :

'Au cas où, toutes les conditions relatives à l'exécution des présentes étant remplies, l'une des parties, après avoir été mise en demeure, ne régulariserait pas l'acte authentique de vente et ne satisferait pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l'autre partie la somme de 87.000 euros [s'agissant de la société CFC] (ou) de 35.000 euros [s'agissant de la société CL Invest] à titre de clause pénale, conformément aux dispositions des articles 1152 et 1226 du code civil, indépendamment de tous dommages-intérêts.

Il est ici expressément précisé et convenu entre les parties que cette clause pénale a également pour objet de sanctionner le comportement de l'une des parties dans la mesure où il n'a pas permis de remplir toutes les conditions d'exécution de la vente.

La présente clause pénale ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des parties de la possibilité de poursuivre l'autre en exécution de la vente.'

S'agissant des délais, les promesses stipulent, au paragraphe 'réitération authentique':

'En cas de réalisation des conditions suspensives stipulées au compromis, la signature de l'acte authentique de vente aura lieu au plus tard le 30 novembre 2014 par le ministère de (...).

Il est précisé que les conditions suspensives devront être levées dans le délai de réalisation des présentes sauf à tenir compte de délais et procédures spécifiques expressément convenus entre les parties.

Ce délai sera automatiquement prorogé jusqu'à réception des pièces administratives nécessaires à la perfection de l'acte authentique (...).

En toute hypothèse, cette prorogation ne pourra excéder le 15 décembre 2014.

La date d'expiration de ce délai, ou de sa prorogation n'est pas extinctive mais constitutive du point de départ de la période à partir de laquelle l'une des parties pourra obliger l'autre à s'exécuter.

En conséquence, si l'une des parties vient à refuser de signer l'acte authentique de vente, l'autre pourra saisir le tribunal compétent dans le délai d'un mois de la constatation de refus (...) afin de faire constater la vente par décision de justice, la partie défaillante supportant les frais de justice, nonobstant la mise en oeuvre de la clause pénale'.

Compte tenu de l'ambiguïté du paragraphe 2 de la clause pénale, qui indique de façon très vague et large qu'elle sanctionne le comportement de l'une des parties dans la mesure où il n'a pas permis de remplir toutes les conditions d'exécution de la vente, il convient de l'interpréter au regard des autres stipulations du contrat et en particulier de la clause précitée, qui réglemente les délais dans lesquels les conditions suspensives doivent être accomplies, l'acte de vente doit être réitéré et les sanctions prévues.

Or, il résulte de la combinaison de ces dispositions que la clause pénale est prévue pour sanctionner le comportement fautif de l'une des parties qui aurait pour finalité de s'opposer à la signature de l'acte de vente ou d'en empêcher la signature, contraignant l'autre partie, si elle l'entend, à recourir à une exécution forcée. Il n'y est pas question de sanctionner le retard pris dans la réalisation des conditions suspensives ou la signature de l'acte final, alors que toutes les conditions d'exécution de la vente ont été remplies, l'acte prévoyant au demeurant que l'expiration des délais, fixés au 15 décembre 2014 n'est pas extinctive de droit mais constitutive du point de départ de la période à laquelle l'autre partie peut exiger l'exécution forcée.

En tout état de cause, si la signature des actes authentiques est intervenue avec retard, le 17 juillet 2015, elle est bien intervenue, en raison, notamment, de l'accord de la société Fiverona, qui a de ce fait renoncé à se prévaloir des clauses pénales devenues caduques.

Dès lors, la société Fiverona, qui sollicite la condamnation des appelantes au paiement des clauses pénales au motif que les conditions suspensives - obtenir le financement de l'acquisition et un permis de construire- ont été accomplies avec retard, doit être déboutée de ses demandes. Le jugement est donc infirmé.

4. Sur la responsabilité contractuelle des sociétés CFC et CL Invest

La société Fiverona soutient que l'exécution tardive des conditions suspensives, relatives à l'obtention des financements et des permis de construire, prévues dans les compromis de vente, lui ont causé un préjudice qui doit être réparé.

Elle fait valoir que la société CFC n'a pas respecté les délais nécessaires à l'obtention du financement de son acquisition, ce dont elle demeure responsable malgré la substitution de la société CL Invest, qui n'a obtenu une offre de prêt que le 8 juillet 2015, après avoir été sommée de réitérer l'acte par huissier de justice du 29 juin 2015.

Elle ajoute que la société CL Invest n'a pas non plus respecté les délais d'obtention du financement de son acquisition et du permis de construire, ce dernier ayant été obtenu après trois refus le 21 janvier 2015, alors qu'il était convenu qu'il serait obtenu avant le 15 octobre 2014.

La société Fiverona explique que les deux sociétés acheteuses ayant demandé que les biens vendus soient libres de toute occupation, elle n'a pu louer les appartements en prévision de la vente, ce qui a généré une perte de revenus locatifs d'un montant de 85.507 euros. Elle ajoute que son préjudice comprend également les charges de copropriété qu'elle a dû assumer, d'un montant de 12.514 euros, ainsi que l'immobilisation du capital, chiffré à la somme de 34.232 euros, en ce qui concerne le compromis signé avec la société CFC et à la somme de 13.771 euros, en ce qui concerne le compromis signé avec la société CL Invest, soit la somme totale de 146.024 euros.

La société CL Invest, qui conclut au débouté de cette demande, soutient qu'elle n'a commis aucune faute contractuelle.

Elle fait valoir qu'il résulte des stipulations du compromis de vente que la seule conséquence contractuelle du défaut de réalisation de la condition à la date indiquée du 15 octobre 2014 est la faculté pour la société Fiverona de mettre en demeure son cocontractant de justifier du dépôt d'une demande de prêt, afin de pouvoir se prévaloir de la caducité de la promesse.

Elle ajoute qu'il ne lui a jamais été adressé de mise en demeure, ni à elle, ni à la société CFC, de justifier du dépôt d'une demande de prêt et qu'en tout état de cause, la société Fiverona a renoncé à invoquer la caducité du compromis en réitérant la vente.

S'agissant du permis de construire, la société CL Invest fait valoir que la demande a été déposée dans le délai prévu et que les refus qui lui ont, dans un premier temps, été opposés étaient imprévisibles et qu'elle a été particulièrement diligente pour obtenir le permis le 15 janvier 2015.

Elle ajoute que la société Fiverona aurait pu invoquer la caducité du compromis de vente, ce qu'elle n'a pas fait.

Enfin, la société CL Invest observe qu'il était contractuellement prévu entre les parties que la société Fiverona s'engageait à ne pas relouer les locaux, de sorte qu'elle n'est pas fondé à le lui reprocher.

Réponse de la cour

Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

En premier lieu, s'agissant de la condition suspensive relative à l'obtention des financements, la clause, identique dans les deux compromis de vente, est ainsi rédigée:

'I. Obligations de l'acquéreur vis à vis du crédit sollicité.

L'acquéreur s'oblige à déposer ses demandes de prêts au plus tard dans le délai d'un mois à compter de l'obtention du permis de construire, et à justifier au vendeur de ce dépôt par tous moyens utiles: lettre ou attestation.

Cette condition suspensive devra être réalisée au plus tard le 15 octobre 2014.

A défaut d'avoir apporté le justification dans le délai imparti le vendeur aura la faculté de demander à l'acquéreur par lettre recommandée avec accusé de réception de lui justifier du dépôt du dossier de prêt.

Dans le cas où l'acquéreur n'aurait pas apporté la justification requise dans un délai de huit jours de l'accusé de réception, le vendeur pourra se prévaloir de la caducité des présentes.

L'acquéreur devra informer sans retard le vendeur de tout événement provoquant la réalisation ou la défaillance de la condition suspensive.

II. Réalisation de la condition suspensive.

La réalisation de cette condition suspensive résultera de la production d'une lettre d'accord du ou des établissements bancaires sollicités.

L'acquéreur devra justifier au vendeur de l'acceptation ou du refus de ces prêts, par pli recommandé adressé au plus tard dans les 5 jours suivant l'expiration du délai ci-dessus.

En cas de défaut d'envoi dans le délai prévu de la lettre recommandée ci-dessus, le vendeur pourra mettre en demeure l'acquéreur , avec toutes les conséquences y attachées, de lui produire une lettre d'accord. (...)'

Il ressort de cette clause que si à la date indiquée du 15 octobre 2014, la condition n'est pas réalisée, la société Fiverona a la faculté d'invoquer la caducité de la promesse, après avoir mis en demeure l'acquéreur.

Il en résulte que le vendeur ne peut, tout à la fois, renoncer à invoquer cette caducité en acceptant de réitérer la vente et demander des dommages-intérêts à l'acquéreur au motif que le délai prévu dans la promesse de vente, qui n'a plus lieu de s'appliquer, aurait été dépassé.

Or, la société Fiverona a accepté de signer l'acte de vente définitif le 17 juillet 2015, après avoir constaté que les conditions suspensives étaient réalisées.

En tout état de cause, la société Fiverona justifie uniquement avoir mis en demeure les sociétés CFC et CL Invest d'avoir à signer l'acte définitif de vente par courriers du 2 juin 2015.

Or, la clause précitée prévoit que la sanction de la non-justification du refus de prêt est précédée d'une mise en demeure du vendeur, adressée à l'acquéreur, d'avoir à justifier de l'obtention d'un prêt dans des délais qui ne courent qu'à compter de cette mise en demeure spécifique, distincte de la mise en demeure de venir signer l'acte.

En conséquence, aucune faute contractuelle ne peut être imputée aux sociétés CFC et CL Invest de ce chef.

En deuxième lieu, s'agissant de l'obtention du permis de construire par la société CL Invest, il est stipulé dans le compromis que l'acquéreur :

- doit obtenir, au plus tard le 15 novembre 2014, un permis de construire exprès purgé de tout recours et de tout retrait,

- s'engage à déposer la demande de permis de construire au plus tard le 12 mai 2014.

Il est ajouté qu' 'en cas de non-production de ces documents 8 jours après mise en demeure par le vendeur à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, le vendeur reprendra sa pleine et entière liberté et l'indemnité d'immobilisation devra être versée en totalité par l'acquéreur.'

Comme précédemment, il ressort de cette clause que si à la date indiquée du 15 novembre 2014, la condition n'est pas réalisée, la société Fiverona a la faculté, de 'reprendre sa pleine et entière liberté', après avoir mis en demeure l'acquéreur.

Il en résulte que le vendeur ne peut, tout à la fois, renoncer à invoquer la caducité de la promesse de vente en acceptant de réitérer la vente et demander des dommages-intérêts à l'acquéreur au motif que le délai prévu dans la promesse de vente, qui n'a plus lieu de s'appliquer, aurait été dépassé.

Or, la société Fiverona a accepté de signer l'acte de vente définitif le 17 juillet 2015, après avoir constaté que les conditions suspensives étaient réalisées.

En conséquence, aucune faute contractuelle ne peut être imputée aux sociétés CFC et CL Invest de ce chef.

En troisième lieu, la société Fiverona n'est pas fondée à reprocher aux sociétés CFC et CL Invest de l'avoir empêchée de relouer ses appartements avant la signature de la vente définitive, alors qu'elle s'est engagée dans les deux compromis de vente à ne 'conférer à quiconque des droits réels, personnels, ou des charges mêmes temporaires sur le ou les biens objet des présentes, de consentir un bail même précaire, une prorogation de bail, une mise à disposition (...).'

En outre, l'allégation de la société Fiverona, selon laquelle les sociétés CFC et CL Invest auraient encouragé les locataires en place à partir, n'est établie par aucun élément.

En effet la lettre du 30 juin 2014 émanant de [D] et [B] [W] mentionne uniquement qu'ils quittent le logement 'afin de respecter la clause figurant dans les conditions mentionnées sur le compromis de vente', ce qui ne signifie pas que les sociétés CFC et CL Invest les ont rencontrés pour leur demander de partir, surtout que M. [B] [W], qui est l'un des associés de la société Fiverona, avait connaissance des termes des compromis.

Les autres lettres de congés ne mentionnent pas les motifs du départ des locataires.

En conséquence, aucune faute contractuelle ne peut être imputée aux sociétés CFC et CL Invest de ce chef.

Au total, en l'absence de faute pouvant être imputée aux sociétés CFC et CL Invest, il convient de débouter la société Fiverona de ses demandes de dommages-intérêts.

5. Sur les autres demandes

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés CFC et CL Invest et leur alloue, à chacune, la somme de 4.000 €.

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la société Fiverona

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable l'appel en cause devant la cour de Mme [D] [W], M. [B] [W], Mme [I] [W], M. [C] [W] et Mme [T] [W] ;

Déboute la société CL Invest de sa demande d'annulation du jugement déféré ;

Déboute la société Fiverona de sa demande de condamnation des sociétés CFC et CL Invest à lui payer les sommes de 35.000 euros et 87.000 euros au titre des clauses pénales ;

Déboute la société Fiverona de sa demande en paiement de la somme de 146.024 euros à titre de dommages-intérêts ;

Condamne la société Fiverona à payer à la société CFC la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Fiverona à payer à la société CL Invest la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Fiverona aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/02817
Date de la décision : 22/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-22;19.02817 ?
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