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15/11/2022 | FRANCE | N°20/04549

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 15 novembre 2022, 20/04549


N° RG 20/04549 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NDMN









Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon

Au fond du 09 juin 2020



RG : 17/00097

ch n°9 cab 09 G







[V]



C/



[V]

[T]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 15 Novembre 2022







APPELANT :



M. [I] [Z] [B] [V]>
né le 04 Avril 1950 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par la SELARL BROCARD AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 28

Assisté de la SELARL ADVOCATEM SELARL, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS, toque : 24









INTIMÉES :



Mme [H] [K] ...

N° RG 20/04549 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NDMN

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Lyon

Au fond du 09 juin 2020

RG : 17/00097

ch n°9 cab 09 G

[V]

C/

[V]

[T]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 15 Novembre 2022

APPELANT :

M. [I] [Z] [B] [V]

né le 04 Avril 1950 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par la SELARL BROCARD AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 28

Assisté de la SELARL ADVOCATEM SELARL, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS, toque : 24

INTIMÉES :

Mme [H] [K] [V] veuve [T], ci-après dénommée Mme [T]

née le 24 Avril 1951 à [Localité 13]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON, toque : 475

Assistée de la SELARL ISEE, avocats au barreau de LYON, toque : 228

Mme [N] [L] [E] [T] épouse [O], ci-après dénommée Mme [O]

née le 12 Juillet 1984 à [Localité 13]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON, toque : 475

Assistée de la SELARL ISEE, avocats au barreau de LYON, toque : 228

INTERVENANTS VOLONTAIRES :

Mme [D] [W] [G] épouse [V]

née le 30 janvier 1955 à [Localité 12]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

M. [F] [M] [A] [V]

née le 30 mai 1981 à [Localité 13]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentés par la SELARL BROCARD AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 28

Assistés de la SELARL ADVOCATEM SELARL, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS, toque : 24

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 14 Décembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 27 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 15 Novembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Bénédicte LECHARNY, conseiller

- Dominique DEFRASNE, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Olivier GOURSAUD a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par acte de donation partage en date du 10 novembre 1992, M. [I] [V] et Mme [H] [V] ont reçu de leur parent la nue-propriété :

- des parcelles cadastrées [Cadastre 10], [Cadastre 3] et [Cadastre 11] pour M. [I] [V]

- des parcelles cadastrées [Cadastre 7] et [Cadastre 2] pour Mme [H] [V], comprenant un garage attenant au bâtiment d'habitation et localisé sur la parcelle [Cadastre 7].

Suite au décès de leur père le 16 février 2012, les consorts [V] sont chacun devenus pleinement propriétaire des parcelles qui leur avaient été attribuées.

Par acte du 5 novembre 2013, Mme [H] [V] a fait procéder à la division de la parcelle [Cadastre 7] en 3 lots ayant reçu les références cadastrales [Cadastre 8], [Cadastre 6] et [Cadastre 9] et a fait donation à sa fille, [N] [T], de la nue-propriété des parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 8] et de la pleine propriété de la parcelle [Cadastre 6].

Le 29 juin 2016, Mmes [H] [V] et [N] [T] épouse [O], ci-après les consorts [T] et [O], ont mis en demeure M. [I] [V] de rétablir l'accès au garage que celui-ci avait bloqué, en se prévalant de l'existence d'une servitude de passage, faisant valoir que l'accès en voiture audit garage, situé sur la parcelle désormais [Cadastre 8], s'est toujours fait par la parcelle [Cadastre 3] appartenant à M. [V].

Suite au refus de ce dernier d'accéder à leur demande, Mmes [H] [V] veuve [T] et [N] [T] épouse [O], l'ont fait assigner, par acte du 14 décembre 2016, devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de reconnaissance de l'existence de cette servitude de passage et pour en obtenir le libre accès.

Par jugement du 9 juin 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

- dit que la parcelle cadastrée [Cadastre 8] à [Localité 14] bénéficie pour l'accès au garage dépendant de cette parcelle d'une servitude de passage instituée par destination du père de famille s'exerçant sur la parcelle [Cadastre 3] depuis le portail d'accès à la voie publique jusqu'aux portes du garage

- enjoint à M. [I] [V] et ses ayants-droit de garantir le libre passage, pour tout véhicule, en tout temps et toute heure, au titre de cette servitude, sans qu'il y ait lieu de le faire sous astreinte,

- débouté M. [I] [V] de sa demande tendant à être autorisé à installer une clôture pour délimiter la voie de passage depuis le portail d'entrée (voie publique) en longeant le côté droit sans traverser la cour jusqu'à l'entrée de la remise, s'agissant d'une limite à la servitude de passage résultant de la destination du père de famille,

- dit que le jugement constatant cette servitude sera publié au service de la publicité foncière [Localité 13] à l'initiative de Mmes [H] [V] veuve [T] et [N] [T] épouse [O] et à leurs frais,

- débouté M. [I] [V] de sa demande d'indemnité au titre du dommage résultant de la reconnaissance de la servitude de passage

- débouté M. [I] [V] et Mme [H] [V] de leurs demandes de dommages et intérêts,

- condamné M. [I] [V] à verser à Mmes [H] [V] et [N] [T] chacune la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire,

- condamné M. [I] [V] aux dépens, non compris les frais de constat du 21 juin 2016, et autorisé Maître [R] à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait directement l'avance sans avoir reçu provision,

- assorti le jugement de l'exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée le 14 août 2020, M. [I] [V] a interjeté appel de cette décision.

Mme [H] [V] et Mme [N] [T] ont formé un appel incident.

Par acte du 18 mars 2021, M. [I] [V] et son épouse commune en bien ont fait donation de la nue-propriété des parcelles [Cadastre 10], [Cadastre 3] et [Cadastre 11] à leur fils [F] [V].

Ces derniers, en leur qualité d'usufruitiers et nu propriétaires sont intervenus volontairement à l'instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 29 octobre 2021, M. [I] [V], Mme [D] [V] et M. [F] [V], ci-après les consorts [V], demandent à la cour de :

- déclarer M. [I] [V] recevable et bien fondé en son appel et y faisant droit,

- déclarer M. [F] [V] et Mme [D] [G], épouse [V] recevables et bien-fondés en leur intervention volontaire,

- infirmer le jugement du 9 juin 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté Mme [H] [V] de ses demandes de dommages et intérêts.

et le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, à titre principal,

- dire et juger que le fond de Mmes [T] et [O] (F 618) sis à [Localité 14] ne bénéficie d'aucune servitude de passage instituée par destination du père de famille sur leur fonds [Cadastre 3],

- dire et juger que la parcelle cadastrée [Cadastre 8] n'est pas enclavée,

en conséquence,

- rejeter toutes les demandes formulées par Mmes [T] et [O].

à titre subsidiaire, si par extraordinaire le cour reconnaissait un droit de passage,

- dire et juger que le droit de passage devra être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique, et à l'endroit le moins dommageable sur le fonds cadastré section [Cadastre 8],

- dire et juger que l'assiette de la servitude de passage n'est pas prescrite, et qu'en conséquence, son instauration donnera droit à leur bénéfice à une indemnité proportionnelle au dommage qu'elle occasionne,

en conséquence,

- condamner Mme [O] en sa qualité de nu-propriétaire au paiement de la somme de 200.000 € à titre d'indemnité,

en tout état de cause,

- déclarer Mme [T] et Mme [O] irrecevables et en tout cas mal fondées en toutes leurs demandes, fins et conclusions, ainsi qu'en leur appel incident et les en débouter,

- condamner solidairement Mme [T] et Mme [O] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes et sous la même solidarité aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 24 novembre 2021, Mmes [H] [V] et [N] [T] épouse [O] demandent à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le 9ème chambre du tribunal judiciaire de Lyon le 9 juin 2020 en ce qu'il a :

* dit que la parcelle cadastrée [Cadastre 8] à [Localité 14] bénéficie pour l'accès au garage dépendant de cette parcelle d'une servitude de passage instituée par destination du père de famille s'exerçant sur la parcelle [Cadastre 3] depuis le portail d'accès à la voie publique jusqu'aux portes du garage,

* enjoint à M. [I] [V] et ses ayants-droit de garantir le libre passage, pour tout véhicule, en tout temps et toute heure, au titre de cette servitude, sans qu'il y ait lieu de le faire sous astreinte,

* débouté M. [I] [V] de sa demande tendant à être autorisé à installer une clôture pour délimiter la voie de passage depuis le portail d'entrée (voie publique) en longeant le côté droit sans traverser le cour jusqu'à l'entrée de la remise, s'agissant d'une limite à la servitude de passage résultant de la destination du père de famille,

* dit que le jugement constatant cette servitude sera publié au service de la publicité foncière [Localité 13] à l'initiative de Mmes [H] [V] veuve [T] et [N] [T] épouse [O] et à leurs frais,

* débouté M. [I] [V] de sa demande d'indemnité au titre du dommage résultant de la reconnaissance de la servitude de passage

* débouté M. [I] [V] de sa demande de dommages et intérêts,

* condamné M. [I] [V] à verser à Mmes [H] [V] et [N] [T] chacune la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement rendu par le 9ème chambre du tribunal judiciaire de Lyon le 9 juin 2020 en ce qu'il :

* a débouté Mme [H] [V] de sa demande de dommages et intérêts,

* a condamné M. [I] [V] à verser à Mmes [H] [V] et [N] [T] chacune la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* n'a pas condamné M. [I] [V] aux frais de constat du 21 juin 2016.

statuant à nouveau,

- déclarer l'appel de M. [I] [V] à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 9 juin 2020 recevable mais mal fondé,

- débouter M. [I] [V] de l'intégralité de ses demandes formulées en cause d'appel,

- condamner M. [I] [V] à verser à Mme [H] [V] une somme de 4.000 € au titre de son préjudice sur le fondement du trouble anormal de voisinage,

- condamner aussi M. [I] [V] aux frais de constat du 21 juin 2016,

- condamner M. [I] [V] à leur verser une somme de 2.000 € chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure du première instance.

à titre subsidiaire,

- dire et juger que la parcelle cadastrée [Cadastre 8] est enclavée en ce qui concerne le garage qui s'y trouve,

- dire et juger que le garage qui se trouve sur la parcelle [Cadastre 8] (fond dominant) sera désenclavée par l'instauration d'une servitude légale de passage sur la parcelle [Cadastre 3] (fonds servant), parcelle appartenant à M. [I] [V], jusqu'à la voie publique,

- préciser en tant que besoin que le droit de passage sur la parcelle [Cadastre 3] s'exercera pour tout véhicule, à toute heure en tout temps,

- dire et juger prescrite l'assiette de la servitude légale de passage instituée par le jugement à intervenir et qu'en conséquence l'instauration de la servitude légale de passage ne donnera droit à aucune indemnité au bénéfice du propriétaire de la parcelle [Cadastre 3],

- dire et juger que l'arrêt à intervenir valant titre de servitude de désenclavement de la parcelle fonds dominant [Cadastre 8] pour l'accès au garage qui s'y trouve sera publié au service de la publicité foncière [Localité 13],

- fixer à une somme symbolique laissée à l'appréciation de la cour l'indemnité à verser à M. [I] [V] si l'assiette de la servitude légale de passage n'était pas prescrite comme le soutient l'appelant.

en tout état de cause,

- condamner M. [I] [V] à leur verser une somme de 2.000 € chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner le même aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 décembre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées

L'affaire a été plaidée le 8 février 2022 et au cours de cette audience, la cour a proposé une médiation et demandé aux avocats de lui faire connaître la position de leurs clients à ce sujet.

En cours de délibéré, les avocats ont fait connaître l'accord tant de M. [V] que de Mme [H] [V] et Mme [N] [T] de recourir à cette mesure.

Les parties ont fait savoir ultérieurement à la cour que la mesure de médiation n'avait pas abouti et l'affaire a été rappelée à l'audience des plaidoiries du 27 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour constate que M. [I] [V] n'a pas repris dans le dispositif de ses écritures, qui seul saisit la cour par application de l'article 954 du code de procédure civile, sa demande formée en première instance tendant au paiement de dommages et intérêts pour violation de son droit de propriété et intention de nuire.

Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef.

1. sur l'existence d'une servitude de passage :

* sur la servitude du bon père de famille :

A l'appui de leur contestation, les consorts [V] font valoir que :

- les consorts [T] et [O] ne sont pas fondés à se prévaloir de la servitude du père de famille édictée par les articles 693 et 694 du code civil,

- en effet, la servitude du père de famille suppose la réunion de quatre conditions dont trois d'entre elles ne sont pas remplies,

- en premier lieu, les deux fonds n'ont pas appartenu au même propriétaire, puisqu'en effet, le tènement donné à M. [I] [V] dans l'acte de donation partage (parcelle [Cadastre 3]) était un bien propre à M. [Y] [V] pour l'avoir recueillie dans la succession de sa mère, alors que les biens donnés à sa soeur (dont le F 117) étaient des biens de communauté de leurs parents,

- en effet, même si l'acte d'achat de ces biens du 8 août 1948 fait mention d'un achat par M. [V] sans l'intervention de son épouse, cet acte est postérieur à leur mariage de sorte qu'ils étaient soumis au régime légal de la communauté réduite aux meubles et acquêts en application duquel les biens acquis durant le mariage par l'un ou l'autre sont des biens communs,

- il n'y avait donc pas avant le partage un propriétaire unique mais deux propriétaires, et pas davantage au décès de leur mère puisqu'ils étaient devenus alors nus-propriétaires, M. [Y] [V] conservant l'usufruit,

- en outre, du moment qu'il y a indivision, on ne peut créer une servitude par père de famille,

- en 2ème lieu, il n'est pas démontré qu'il y ait eu intention de leurs auteurs d'établir une servitude, l'acte de donation partage ne comportant aucune référence à cet égard et leur père n'ayant jamais eu l'intention de créer une servitude entre ces deux parcelles, dés lors que le lot attribué à Mme [T] étant à l'origine une remise qui disposait d'une entrée principale en passant par la cour, sans ouverture sur le lot voisin, et que si une ouverture a été créée, elle ne l'a pas été par le propriétaire commun, mais sans doute par Mme [T] qui a modifié la destination du local passant d'une remise à une garage automobile,

- en troisième lieu, il n'existe sur les lieux aucun signe apparent de servitude lors de la division, la porte du garage ouvrant sur leur parcelle ne pouvant être assimilée comme tel alors qu'à la date du partage, la destination de ce local était une remise et que la porte palière donnant sur la propriété des consorts [T] et [O] était suffisante pour en permettre l'accès.

Les consorts [T] et [O] qui fondent leurs prétentions sur les dispositions des articles 693 et 694 du code civil, considèrent que les conditions d'application de la servitude sont réunies en l'espèce et font valoir que :

- les parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 7] appartenaient à l'origine au même propriétaire, à savoir M. [Y] [V], la jurisprudence invoquée par les appelants visant seulement les propriétaires indivis et non pas des époux communs en bien et en l'espèce, M. [Y] [V] et son épouse disposaient à eux deux de l'ensemble de l'universalité des droits pour instituer une servitude par destination du père de famille,

- il est clairement mentionné dans l'acte de donation partage que la maison en fond de cours (parcelle [Cadastre 7]) comporte un garage attenant et préexistant,

- l'entrée de ce garage ouvre uniquement sur la parcelle [Cadastre 3] et la présence de la porte du garage constitue un signe apparent de l'existence d'une servitude de passage,

- la construction de ce garage a été réalisée bien avant l'acte de partage de 1992 ainsi qu'en attestent les factures, et ce n'est pas Mmes [H] [V] qui a décidé cette affectation en garage.

Sur ce :

Selon l'article 693 du code civil, il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.

Par ailleurs, l'article 694 du même code dispose que le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.

Il n'y a ainsi servitude que si, de l'état de fait créé par l'auteur commun résulte l'intention de celui-ci d'établir définitivement une parcelle ou une partie d'un fonds à un service au profit de l'autre.

La destination du bon père de famille suppose qu'un propriétaire unique ait établi un aménagement permettant à une partie de son héritage d'en desservir un autre et qu'il ait entendu maintenir cet aménagement après la division du fonds

Il est donc nécessaire pour les consorts [T] et [O] qui revendiquent le bénéfice d'une servitude de passage au profit de leur parcelle [Cadastre 8] sur la parcelle [Cadastre 3] appartenant aux consorts [V], sur le fondement des dispositions ci-dessus, de démontrer dans un premier temps que les deux fonds qui ont été divisés ont appartenu à un propriétaire unique.

En l'espèce, la division du fonds originaire en plusieurs parcelles dont la parcelle [Cadastre 3] attribuée en nue-propriété à M. [I] [V] et la parcelle [Cadastre 7] attribuée en nue-propriété à Mme [H] [V] veuve [T] procède d'un acte de donation partage en date du 10 novembre 1992.

Il ressort des mentions de cet acte que la parcelle [Cadastre 3] était la propriété de M. [Y] [V] pour l'avoir recueillie de la succession de sa mère Mme [X] [P] veuve de M. [C] [V] (page 6) alors que la parcelle [Cadastre 7] était un bien commun appartenant à M. et Mme [Y] [V] par suite d'une acquisition que M. [V] en a fait aux termes d'un acte notarié en date du 8 août 1948 (page 7).

S'il est fait mention d'une acquisition faite seule par M. [V], il n'est pas discuté qu'il s'agit d'un bien commun dépendant de la communauté des deux époux ainsi que rappelé dans l'acte de donation partage.

S'agissant ainsi de deux fonds qui appartenait à des propriétaires différents, M. [Y] [V] pour la parcelle [Cadastre 3] et M. et Mme [Y] et [J] [V] pour la parcelle [Cadastre 7], il ne peut être considéré que les deux fonds ont appartenu à un propriétaire unique.

Dès lors, les dispositions des articles 693 et 994 du code civil ne trouvent pas application en l'espèce et les consorts [T] et [O] ne sont pas fondées à se prévaloir d'une servitude de passage par destination du bon père de famille.

* sur l'existence d'un état d'enclave :

A titre subsidiaire, Mmes [T] et [O] sollicitent l'institution d'une servitude légale de passage sur le fondement de l'enclave.

Elles déclarent que le garage n'est accessible en automobile que depuis le passage F 120 appartenant à M. [I] [V] et que par ailleurs, ce passage est utilisé depuis plus de 30 ans de manière continue.

Elles s'estiment ainsi fondées à demander que le garage soit désenclavé par le chemin existant dans la cour située à l'Est de la parcelle [Cadastre 3] dont l'assiette a été acquise par prescription trentenaire, en application de l'article 685 du code civil, et de ce fait sans indemnité.

Les consorts [V] répliquent qu'il ne peut être fait droit à la demande sur le fondement de l'existence d'une enclave dés lors que le fonds de Mme [T] bénéficie de deux accès sur la voie publique, que si l'issue de la parcelle [Cadastre 6] est jugée insuffisante, il faut désenclaver la parcelle [Cadastre 2] avec laquelle elle formait un tènement unique avant division et qu'enfin, un accès a bien été créé dés lors que des véhicules y stationnent.

A titre subsidiaire, et si la cour retient l'existence d'une servitude de passage, ils déclarent que celle-ci devra être prise du côté où le trajet est le plus court et dans l'endroit le moins dommageable sur leur fonds et que les consorts [T] et [O] devront en ce cas leur verser une indemnité dés lors que la preuve d'un usage continu du passage litigieux depuis au moins 30 ans n'est pas rapportée.

Sur ce :

L'article 682 du code civil dispose que le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.

En l'espèce, les pièces produites démontrent que la parcelle [Cadastre 7], appartenant aux consorts [T] et [O] n'est pas enclavée.

Il résulte en effet, des plans produits aux débats que le tènement dont Mme [H] [V] veuve [T] a hérité à savoir les parcelles [Cadastre 2] et [Cadastre 7], cette dernière désormais [Cadastre 8], [Cadastre 6] et [Cadastre 9] bénéficient de deux accès sur la voie publique l'un sur la grande rue bordant la parcelle [Cadastre 6] et l'autre sur la route de Soucieu bordant la parcelle [Cadastre 2].

S'il n'est pas contestable que le garage litigieux n'est accessible en automobile que depuis la parcelle [Cadastre 3], il est certain que l'état d'enclave s'apprécie en considération de la parcelle prise dans son ensemble, soit la parcelle [Cadastre 7], devenue désormais [Cadastre 8], [Cadastre 6] et [Cadastre 9].

Il n'est pas davantage contestable que la parcelle [Cadastre 7], devenue désormais [Cadastre 8], [Cadastre 6] et [Cadastre 9] dispose d'un accès sur la route accessible pour les automobiles ainsi qu'en attestent les photographies produites de véhicules stationnés dans la cour.

En conséquence, le fonds des consorts [T] et [O] n'étant pas enclavé, leur demande tendant à leur reconnaitre le bénéfice d'une servitude de passage ne peut qu'être rejetée.

Il convient, réformant le jugement, de débouter les consorts [T] et [O] de leurs prétentions.

2. sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [H] [V] veuve [T] :

Mme [V] sollicite sur le fondement de l'article 1240 du code civil l'indemnisation de son préjudice subi du fait de l'obstruction du passage par M. [V] et de la privation de l'usage de son garage.

M. [V] qui indique qu'il n'habite pas sur place fait valoir que Mme [V] ne démontre pas qu'il ait personnellement garé son véhicule devant la porte du garage, qu'elle ne fait d'ailleurs pas état d'une quelconque difficulté depuis que le jugement lui a reconnu un titre et qu'elle n'établit pas non plus de l'existence d'un préjudice.

La cour relève qu'en l'absence de reconnaissance d'une servitude de passage sur le fonds de M. [V], il ne peut être considéré comme fautif l'obstruction du dit passage par un véhicule.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a en outre justement retenu que Mme [V] ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle se serait vue priver de la possibilité d'utiliser sa voiture dés lors qu'elle dispose d'autres moyens de garer son véhicule sur sa propriété .

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande indemnitaire.

3. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté M. [I] [V] de sa demande à ce titre.

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge des consorts [T] et [O] qui succombent en leurs prétentions.

La cour estime par contre qu'aucune considération tiré de l'équité ne commande en l'espèce de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [I] [V] de sa demande en dommages et intérêts et de celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Le réforme en toutes ses autres dispositions soumises à l'appréciation de la cour ;

Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Déboute Mmes [H] [V] et [N] [T] de l'ensemble de leurs prétentions ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne Mmes [H] [V] et [N] [T] in solidum aux dépens de première instance et d'appel accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 20/04549
Date de la décision : 15/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-15;20.04549 ?
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