N° RG 22/04588 - N° Portalis DBVX-V-B7G-OMCE
Décision du Juge de l'exécution du TJ de LYON
du 07 juin 2022
RG : 22/1920
[J] [W]
C/
S.C.I. SCI PILARE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 10 Novembre 2022
APPELANT :
M. [S] [J] [W]
né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547
assisté de Me Olivier GARDETTE, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
S.C.I. SCI PILARE
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Florian DESBOS de la SCP DESBOS BAROU & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1726
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 04 Octobre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Octobre 2022
Date de mise à disposition : 10 Novembre 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Dominique BOISSELET, président
- Evelyne ALLAIS, conseiller
- Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Tiffany JOUBARD, Directrice des services de greffe judiciaires, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Faits, procédure et demandes des parties
La SCI Asimov Participation a pour gérant M. [E] [D] et a deux associés, les sociétés TK Investment, société appartenant à M. [D], et Hupman Invest, société appartenant à M. [S] [J] [W]. Elle a successivement contracté deux prêts, l'un portant sur un rachat de crédits, pour l'acquisition d'un local commercial à [Localité 9], et l'autre pour l'acquisition d'un ensemble de biens et droits à [Localité 7] 6ème, pour un montant de 480.000 euros chacun.
Par acte notarié, revêtu de la formule exécutoire du 17 janvier 2018, M. [S] [J] [W] s'est porté caution solidaire des engagements pris par la SCI Asimov Participation, au titre d'un prêt contracté auprès de la Caixa geral de depositos, et ce, à hauteur de 312.000 euros, couvrant le montant en principal, intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard.
Par acte notarié revêtu de la formule exécutoire du 31 mai 2018, M.[S] [J] [W] s'est porté caution solidaire des engagements pris par la SCI Asimov Participation, au titre d'un autre prêt contracté auprès de la Caixa geral de despositos, et ce, à hauteur de 312.000 euros, couvrant le montant en principal, intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard.
La SCI Pilare, indiquant venir aux droits de la société Solidia Invest venant elle-même, aux droits de la Caixa geral de depositos a fait pratiquer plusieurs saisies attributions sur les différrents comptes détenus par M. [J] [W], saisies attributions dénoncées les 4 et 16 juin 2021,et a fait procéder à une inscription d'hypothèque sur le bien immobilier, situé[Adresse 2].
M. [J] [W] a contesté ces différentes mesures d'exécution forcée, et par jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon, il a été débouté de ses demandes.
Il a interjeté appel de ce jugement.
En outre, par acte d'huissier du 18 janvier 2022, la SCI Pilare, venant aux droits de Solidia Invest, venant elle même aux droits de la société Caixa Geral de depositos pour recouvrement des sommes de 627.536,91 euros et 627.652,59 euros a, par l'intermédiaire de la SCP Beloud et Abellard fait pratiquer deux saisies attributions, entre les mains de la SCI D2 Aravis et de la SCI Pingonetière, à l'encontre de M. [S] [J] [W].
Les saisies ont été dénoncées à ce dernier le 24 janvier 2022.
Par acte d'huissier du 23 février 2022, M. [S] [J] [W] a fait assigner la SCI Pilare devant le juge de l'exécution de Lyon, aux fins de voir :
- ordonner un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon sur appel de la décision du juge de l'exécution du 8 février 2022,
- ordonner la mainlevée immédiate aux frais de la SCI Pilare des saisies attribution pratiquées le 18 janvier 2022, à son préjudice,
- à titre subsidiaire, ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'expertise judiciaire ordonnée le 13 décembre 2021 par le juge des référés,
- condamner la SCI Pilare à lui verser la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la SCI Pilare à lui verser la somme de 6.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La SCI Pilare s'est opposée aux demandes formées.
Par jugement du 7 juin 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon a :
- rejeté la demande de sursis à statuer, formée par M. [S] [J] [W],
- déclaré M. [S] [J] [W] recevable, en sa contestation des saisies attribution du 18 janvier 2022, qui lui ont été dénoncées le 24 janvier 2022,
- débouté M. [S] [J] [W] de sa demande d'annulation et de mainlevée des saisies attribution pratiquées le 18 janvier 2022 à son préjudice entre les mains de la SCI D2 Aravis et de la SCI Pingonetière, à la requête de la SCI Pilare,
- débouté M. [S] [J] [W] de sa demande, formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [S] [J] [W] à payer à la SCI Pilare la somme de 800 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [S] [J] [W] aux dépens, qui pourront être recouvrés par le conseil de la société défenderesse, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration du 21 juin 2022, M. [S] [J] [W] a interjeté appel du jugement précité, en toutes ses dispositions, sauf celle tendant à déclarer son action en contestation recevable.
Par ses dernières conclusions récapitulatives, régulièrement notifiées par voie électronique le 3 octobre 2022, M. [S] [J] [W] demande à la Cour de :
- juger recevable et bien fondé M. [S] [J] [W] en son appel
Y faisant droit :
- réformer le jugement déféré et statuant à nouveau :
- à titre principal :
- ordonner le sursis à statuer, outre le sursis à exécution des mesures d'exécution forcées diligentées les 18 janvier 2022 entre les mains des SCI D2 Aravis et Pigonnetière à la demande de la SCI Pilare à l'encontre de M. [S] [J] [W], dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise de M. [M], outre également lesdits sursis dans l'attente de l'issue de la plainte pénale déposée le 21 juillet 2022, ou encore de l'issue de la procédure en nullité pour fraude des cessions de créance, servant de fondement aux mesures d'exécution contestées devant le tribunal judiciaire, jusqu'à ce qu'une décision définitive et irrévocable soit rendue sur la validité desdites cessions,
- ordonner pour défaut de qualité, d'intérêt à agir, de validité du cautionnement de M. [S] [J] [W] à son égard et défaut d'opposabilité de la cession de créance Caixa/ Solidia Invest et par conséquent la seconde à l'égard de la SCI Pilare :
* la mainlevée immédiate aux frais de la SCI Pilare des deux saisies attributions effectuées les 18 janvier 2022 entre les mains respectivement des SCI D2 Aravis et Pingonnetière et dénoncées à M. [S] [J] [W] le 24 janvier 2022, à la demande de la SCI Pilare à l'encontre de M. [S] [J] [W],
- ordonner en application du principe 'fraus omnia corrumpit' imputable à la SCI Pilare
* la mainlevée immédiate aux frais de la SCI Pilare des deux saisies attributions effectuées les 18 janvier 2022, entre les mains respectivement des SCI D2 Aravis et Pingonnetière et dénoncées à M. [S] [J] [W] le 24 janvier 2022, à la demande de la SCI Pilare à l'encontre de M. [S] [J] [W],
- ordonner en l'absence de bien fondé du principe et du quantum de la créance revendiquée par la SCI Pilare, la mainlevée immédiate aux frais de la SCI pilare des deux saisies attributions effectuées le 18 janvier 2022
- juger que le cautionnement de M. [S] [J] [W] ne peut pas être actionné, dès lors que le débiteur principal, la SCI Asimov Participation a repris le paiement des échéances auprès de la SCI Pilare, créancier, et en conséquence :
- ordonner la mainlevée immédiate aux frais de la SCI Pilare des deux saisies attributions effectuées les 18 janvier 2022, entre les mains respectivement des SCI D2 Aravis et Pingonnetière et dénoncées à M. [S] [J] [W] le 24 janvier 2022, à la demande de la SCI Pilare, à l'encontre de M. [S] [J] [W],
en tout état de cause,
- condamner la SCI Pilare à régler à M. [S] [J] [W] la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice subi pour les deux saisies attributions, effectuées les 18 janvier 2022, entre les mains respectivement des SCI D2 Aravis et Pingonnetière à son encontre,
- condamner la SCI Pilare à régler la somme de 7.000 euros à M. [S] [J] [W] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, frais des deux saisies attributions inclus.
Il fait valoir que :
- le sursis à statuer est justifié par l'attente des résultats de l'expertise, de la plainte déposée et de la procédure en nullité des actes de cession de créances, et ce, dans un souci de bonne administration de la justice.
Il ne peut être retenu que ce sursis à statuer reviendrait à suspendre l'exécution provisoire attachée au jugement, dans la mesure où, les saisies attributions contestées sont vaines, et ne permettront pas d'obtenir le moindre paiement, puisque le seul bien détenu par la SCI 2D Aravis a été vendu le 30 avril 2021 et le produit de la vente déjà distribué.
Concernant la SCI Pingonnetière, qui est une société holding, M. [J] [W] était le gérant de la société Hupman Vest qui en est la seule associée. En l'absence de créance de la SCI Pilare à l'égard de la société Hupman Vest, la mesure d'exécution ne pourra pas aboutir. Les SCI Pingonnetière et D2 Aravis sont concernées par l'expertise qui aura une conséquence directe sur la procédure.
- contrairement à ce que soutient la SCI Pilare, l'appel en cours du jugement du 8 février 2022 n'est pas irrecevable, de sorte que ce dernier jugement n'est pas définitif et n'a pas autorité de la chose jugée.
- la SCI Pilare n'a pas qualité à agir, faute de justifier du paiement de la cession de créance prévue au contrat, l'article 5 dudit contrat prévoyant que la cession de créances prendra effet, dès l'encaissement définitif de la somme de 860.000 euros par la société cédante.
Il estime en outre que la détention de l'acte de cession ne vaut pas quittance, puisqu'il a été signé le 15 mars 2021 et qu'il était prévu un délai maximal de paiement jusqu'au 31 mars 2021.
Il ajoute que la preuve de la provenance des fonds n'est pas davantage démontrée, de sorte que la qualité à agir fait défaut, la vente d'un bien immobilier à hauteur de 1 500000 euros net vendeur, permettant une plus value de 400.000 euros, compte tenu du prix d'acquisition et du prêt et ne suffisant pas à s'acquitter du montant du rachat de la créance des deux prêts.
- le cautionnement a été donné auprès de la banque prêteuse uniquement, et que la cession de créance de cette dernière entraîne extinction de la créance.
- la notification de la cession de créances, et plus particulièrement la première, n'a pas été faite régulièrement, M. [S] [J] [W] n'en ayant pas eu connaissance, et la seconde cession certes notifée régulièrement, ne pouvant venir régulariser la première ;
- la cession de créances a été obtenue par fraude, ce qui doit donner lieu à la mainlevée des saisies attribution, cette fraude étant révélée par l'absence de règlement des échéances du prêt, et le détournement des loyers de la SCI Asimov Participation par M. [D], l'absence de régularisation de la situation auprès de l'organisme prêteur, l'absence d'information de M. [S] [J] [W] et son retrait de procuration sur les comptes sociaux, le déroulement des opérations et le détournement des loyers et produits de vente d'autres SCI par le gérant M. [D]. La SCI Pilare s'est ainsi rendue complice des agissements de M. [D], et M. [J] [W] s'est retrouvé, mis devant le fait accompli, le 5 mai 2021.
- les saisies attributions sont abusives. En effet, les virements à déduire effectués par la SCI Pilare ne sont pas identiques, entre, ce qui est invoqué le 7 octobre 2021, et le 4 janvier 2022, et les comptes des livres de la SCI Aismov Participation diffèrent sur les montants.
En l'absence de preuve du quantum de la créance, la saisie doit être levée.
- l'action de la caution n'est pas possible, la SCI Pilare percevant désormais les loyers des preneurs et notamment les 3ème et 4ème trimestres 2021, puis les 1er et 2ème trimestres 2022.
Il ajoute que les saisies sont également abusives, compte tenu du nombre de mesures mises en oeuvre, et des inscriptions d'hypothèques.
La SCI Pilare par des conclusions régulièrement notifiées le 29 septembre 2022, par voie électronique, demande à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
y ajoutant :
- condamner M. [S] [J] [W] à verser à la SCI Pilare la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont les frais de saisie attribution avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de Maître Florian Desbos, avocat
- Elle fait tout d'abord siens les arguments retenus par le premier juge, pour rejeter la demande de sursis à statuer et soutient en tout état de cause que la décision du 8 février 2022 est définitive, la première déclaration d'appel étant caduque, pour ne pas avoir été signifiée dans le délai de 10 jours de la fixation de l'affaire, et la deuxième déclaration d'appel étant tardive, l'appel ayant été interjeté au delà du délai de 15 jours, à compter de la notification.
Elle estime donc que ce jugement a autorité de la chose jugée, de sorte que l'appelant sera débouté de ses demandes.
- A titre subsidiaire, elle affirme que la cession de créance est démontrée par la remise des actes authentiques, le justificatif du versement et de la provenance des fonds ne constituant pas une condition de validité de la cession. Au surplus, elle ajoute que la cession de créance a été financée par la vente d'un bien immobilier, pour laquelle M. [S] [J] [W] est intervenu en qualité d'intermédiaire pour le compte d'Aires Entreprise.
Elle indique que les virements du 2 juillet 2021 d'un montant de 19.640 euros et du 5 juillet 2021 d'un montant de 14.500 euros ont été virés à la société TK investissement.
- Les deux cessions de créances ont été régulièrement signifiées le 5 mai 2021, de sorte que la reprise de cette argumentation sur le défaut de notification de la cession de créance, n'est pas compréhensible et est en outre infondée,
- La fraude n'est pas caractérisée, étant précisé qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de se prononcer sur une éventuelle responsabilité et ce, d'autant plus que l'arrêt des paiements des échéances du prêt avait été décidé, en concertation avec M. [S] [J] [W], pour conserver un peu de trésorerie et qu'il a lui même perçu la somme de 49.000 euros de la société Asimov Participation.
Il a également perçu des sommes importantes de la société TK investissement.
- Elle estime par ailleurs que les banques ont bien informé M. [S] [J] [W] de la situation des prêts, les lettres recommandées avec accusé de réception n'ayant pas été retournées, avec la mention n'habite pas à l'adresse indiquée.
- Il n'existe par ailleurs aucun changement de bénéficiaires des loyers, le compte de la SCI Asimov Participation, étant toujours celui qui reçoit les loyers, contrairement aux affirmations de l'appelant.
Les virements entre les sociétés TK Investissement et Asimov ne sont pas suspects, la société TK investissement étant associée de la société Asimov, et un pool de trésorerie existant entre elles et Hupman Invest également. La SCI TK Investissement a par ailleurs procédé à des virements, au profit de la société Hupman Invest, dont M. [S] [J] [W] est le gérant.
- les créances sont en outre justifiées et aucune erreur n'existe concernant les versements effectués, ceux ci ayant simplement été imputés, pour moitié sur chaque créance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
I/ Sur la demande de sursis à statuer et de sursis à exécution des mesures forcées
En application de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
Il appartient au juge d'apprécier la pertinence d'un sursis à statuer, en prenant en compte, d'une part une bonne administration de la justice, et d'autre part l'incidence le cas échéant d'une procédure en cours, sur l'affaire dont il est saisi.
En l'espèce, l'expertise en cours ordonnée par le juge des référés le 31 décembre 2021 est sans incidence dans le cadre de la présente instance, dans la mesure où elle ne concerne pas les mêmes parties, la société Asimov Participation n'étant pas partie à notre instance, et surtout la SCI Pilare n'étant pas partie à la procédure de référé, ni le prêteur initial. Le seul fait que le gérant de la SCI Pilare, soit également le gérant de la SCI Asimov Participation, en l'espèce M. [D], la SCI Asimov étant la débitrice principale des prêts pour lequel M. [S] [J] [W] est actionné en qualité de caution, ne peut suffire actuellement à considérer que cette expertise aura une incidence directe sur la procédure en cours.
En outre, il convient de souligner que l'expertise a été ordonnée en accord entre les parties et que le juge des référés n'a pas désigné d'administrateur ad hoc, pour les sociétés, n'estimant pas que les éléments présentés le justifiaient.
De même, il ne peut être tiré de conséquence de l'absence de consignation de M. [D] dans le cadre de la décision du juge des référés, ayant conduit M. [S] [J] [W] à consigner la totalité de la somme.
Par ailleurs, si depuis la décision rendue par le juge de l'exécution, M. [S] [J] [W] justifie d'un dépôt de plainte auprès du procureur de la République à l'encontre de M. [D] et de la SCI Pilare, plainte déposée le 21 juillet 2021, l'issue de cette procédure reste aléatoire et ne peut servir de fondement à un sursis à statuer.
Il est aussi justifié d'une assignation en nullité des cessions de créances, résultant des actes notariés revêtus de la formule exécutoire des 17 janvier 2018 et 31 mai 2018 pour fraude. Cependant M. [S] [J] [W] reprend principalement dans son argumentation, les éléments présentés à l'appui de la présente procédure, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'attendre l'issue de cette nouvelle procédure judiciaire engagée.
De même, cela reviendrait à suspendre les titres exécutoires comme l'a souligné le premier juge et ce, alors que cela excède les compétences du juge de l'exécution.
De plus, l'argumentation de M. [S] [J] [W], selon laquelle le sursis à statuer serait sans incidence, en l'absence de fonds disponibles, les saisies attributions pratiquées s'étant révélées infructueuses et M. [S] [J] [W] indiquant ne pas disposer de biens, ne présente pas de caractère déterminant, celle ci ne pouvant remettre en cause le principe précité d'interdiction de suspension des titres exécutoires.
Il ne peut ainsi être prétendu que le sursis à statuer serait justifié en raison de l'inefficacité de la mesure de saisie attribution. La demande de sursis à exécution des mesures d'exécution forcée doit donc également être écartée.
En conséquence, il convient de rejeter les demandes de sursis à statuer et de sursis à exécution des mesures d'exécution forcée et de confirmer le jugement déféré sur ce point.
II/ Sur l'incidence du jugement rendu par le juge de l'exécution le 8 févier 2022 et de l'autorité de la chose jugée
L'article 480 du code de procédure civile dispose que le jugement qui tranche dans son dispositif, tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
Le principal s'entend de l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par l'article 4 dudit code.
L'autorité de la chose jugée implique une identité de parties, de cause et d'objet. Or en l'espèce, la décision du 8 février 2022 n'a pas le même objet que celui du présent litige, la demande d'annulation ne concernant pas les mêmes saisies attributions, de sorte que le jugement du 8 février 2022 ne tranche pas les mêmes demandes que ce dossier.
Ainsi, l'argument de la SCI Pilare est inopérant, les demandes formées dans le cadre des deux procédures ne tendant pas aux mêmes fins.
III/ Sur la demande de main levée des saisies - attribution
- Sur le défaut d'intérêt et de qualité à agir
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas,dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
L'intérêt s'apprécie au jour de l'introduction de la requête.
En outre l'article L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire, constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
En l'espèce, il est versé aux débats les actes notariés de rachat de crédit et de vente contenant les prêts, revêtus de la formule exécutoire. Celui du 17 janvier 2018, conclu entre la Caixa et la SCI Asimov mentionne que M. [S] [J] [W] s'est porté caution personnelle et solidaire à hauteur de 312.000 euros.
L'acte notarié de vente du 31 mai 2018, conclu entre DTM Invest et la SCI Asimov Participation, comprend également un prêt émanant de la Caixa, pour lequel M. [S] [J] [W] s'est également porté caution personnelle et solidaire, pour un montant de 312.000 euros, comportant le montant en principal, frais et intérêts.
Par courrier du 7 août 2020, la banque Caixa a mis en demeure la SCI Asimov Participation de régler les échéances impayées et a par courrier du 7 aout 2020, prononcé la déchéance du terme du prêt du 17 janvier 2018.
S'agissant du prêt de l'acte notarié du 31 mai 2018, la banque a mis en demeure la SCI Asimov participation de régler les échéances impayées par courrier du 24 juillet 2020, puis a prononcé la déchéance du terme par courrier du 7 août 2020.
Il est ainsi établi par les éléments précités que les sommes dues par la SCI Asimov participation, aux termes des deux prêts précités sont devenues exigibles et peuvent faire l'objet de mesures d'exécution forcée, les titres exécutoires, en l'espèce les deux actes notariés portant une créance liquide et exigible de la Caixa à l'égard de la SCI Asimov Participation.
Il convient ensuite d'évoquer la cession de créances, invoquée par la SCI Pilare, au soutien de sa demande, exposant venir aux droits du créancier Solidia Invest, venant elle même aux droits de la banque Caixa.
L'article 1321 du code civil prévoit que la cession de créances est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire. Elle s'étend aux accessoires de la créance.
En outre, l'article 1323 dudit code dispose qu'entre les parties le transfert de créance s'opère à la date de l'acte.
Cependant cette règle est supplétive, de sorte que l'immédiateté du transfert peut être écartée par une clause de l'acte.
Il résulte du contrat de cession de créances versé aux débats du 10 février 2021 que la Caixa a cédé à Solidia Invest, les créances portant sur les deux prêts précités et rappelant les engagements de caution attachés à ces prêts.
L'article 5 du contrat de cession intitulé transfert de créance prévoit 'la cession de créances prendra effet et le transfert de propriété des créances interviendra, dès l'encaissement définitif de la somme de (...) par la société cédante', aucune indication de somme n'étant précisée.
Il ne peut donc être tiré aucune conclusion de cet article, même si l'absence de somme mentionnée suscite des interrogations.
Ensuite, il est produit un second contrat de cession de créances entre la société Solidia Invest et la SCI Pilare, en date du 8 mars 2021,portant sur les deux contrats de prêts identifiés précisément et mentionnant également l'engagement de caution de M. [S] [J] [W], notamment à hauteur de 312.000 euros.
L'article 4, de l'acte de cession de créances prévoit que 'la SCI Pilare règle à la société cédante, à titre de prix de cession des créances définies au présent contrat, la somme de 860.000 euros à titre forfaitaire et définitif, le paiement du prix de cession sera effectué en deux versements : un premier versement de 150.000 euros effectué avant le 15 mars 2021 sur le compte de la société cédante et un second versement de 710.000 euros sera effectué avant le 31 mars 2021 sur le compte de la société cédante'.
L'article 5 dispose que la cession de créances prendra effet et le transfert de la propriété des créances interviendra dès l'encaissement définitif de la somme de 860.000 euros par la société cédante. La SCI Pilare sera alors seule titulaire des créances cédées.
En l'espèce, il appartient en conséquence à la SCI Pilare, qui se prévaut de la cession de créances de justifier du paiement du prix de la cession de créances, ce dernier entraînant l'effectivité de la cession et le transfert de propriété.
La seule possession des actes notariés, l'envoi d'une mise en demeure émanant de la SCI Pilare à M. [S] [J] [W] et le dépassement du délai du 31 mars 2021 ne démontrent pas la preuve du paiement du prix.
Ensuite, si la SCI Pilare fait valoir que le prix de la cession aurait été financé par la vente d'un bien immobilier dont elle serait propriétaire, elle n'en rapporte aucunement la preuve. La pièce n° 29 produite aux débats concerne des paiements effectués par Solidia à la SCI Asimov Participation et les relevés de comptes de la société TK investment sont également produits, ainsi qu'une convention de pool de trésorerie. Mais il ne résulte aucunement de ces pièces, la preuve d'un versement de la somme de 860.000 euros par la SCI Pilare à la société Solidia Invest, en paiement de la cession de créances.
Dès lors, la preuve de la cession de créances au profit de la SCI Pilare n'est pas rapportée et cette dernière n'a donc pas qualité à agir en l'espèce.
En conséquence, et sans avoir à examiner les autres moyens, il convient d'ordonner la mainlevée aux frais de la SCI Pilare des deux saisies attribution effectuées le 18 janvier 2022, entre les mains respectivement des SCI D2 Aravis et Pigonnetière et dénoncées à M. [S] [J] [W] le 24 janvier 2022, par actes d'huissier de la SCP V. Beloud et O Abellard, à la demande de la SCI Pilare, à l'encontre de M. [S] [J] [W].
III/ Sur la demande de dommages et intérêts
Aux termes de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.
L'abus du droit de saisir repose sur l'existence d'une faute spécifique empreinte d'une certaine gravité.
En l'espèce, si les conditions de la saisie attribution ne sont pas réunies en l'espèce, la demande de l'appelant de dommages et intérêts n'est pas justifiée, ce dernier ne rapportant pas la preuve d'un préjudice distinct de celui lié à la procédure de saisie attribution.
Il convient donc de rejeter la demande de dommages et intérêts. Le jugement déféré est en conséquence confirmé, mais par substitution de motifs.
IV/ Sur les demandes accessoires
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la SCI Pilare succombant à l'instance est condamnée au paiement des dépens de première instance, le jugement attaqué étant infirmé sur ce point, et sera également condamnée à supporter les dépens d'appel, les dépens incluant les frais des deux saisies attributions.
Il convient de réformer le jugement déféré sur les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SCI Pilare à payer à M. [S] [J] [W] la somme de 3.000 euros, incluant les frais irrépétibles de première instance et d'appel
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour en ce qu'il a :
- rejeté la demande de sursis à statuer formée par M. [S] [J] [W],
- débouté M. [S] [J] [W] de sa demande de dommages et intérêts, mais par substitution de motifs,
Le réforme pour le surplus,
Et statuant à nouveau
- Constate que la SCI Pilare n'a pas qualité à agir,
- Ordonne la mainlevée aux frais de la SCI Pilare des deux saisies-attribution effectuées le 18 janvier 2022 entre les mains respectivement, des SCI D2 Aravis et Pingonnetière et dénoncées à M. [W] le 24 janvier 2022 par le ministère de la SCP V. Beloud et O. Abellard, huissiers de justice, à la demande de la SCI Pilare, à l'encontre de M. [S] [J] [W],
- Condamne la SCI Pilare à payer à M. [S] [J] [W] la somme de 3.000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, incluant les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,
- Condamne la SCI Pilare aux dépens de première instance et en cause d'appel incluant les frais des deux saisies attributions du 18 janvier 2022 précitées,
- Rejette les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT