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13/10/2022 | FRANCE | N°19/01414

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 13 octobre 2022, 19/01414


N° RG 19/01414 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MG46









Décision du Tribunal d'Instance de LYON

du 31 janvier 2019



RG : 11-17-004730

Pôle 3





[W]

[T]



C/



S.A.S. ISOWATT

SA CA CONSUMER FINANCE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 13 Octobre 2022







APPELANTS :



M. [M] [W]

né le 08 Avri

l 1959 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Mme [K] [T] épouse [W]

née le 10 Mars 1959 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentés par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106

assistée de Me Karine LEBOUCHER, avocat au barreau de MO...

N° RG 19/01414 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MG46

Décision du Tribunal d'Instance de LYON

du 31 janvier 2019

RG : 11-17-004730

Pôle 3

[W]

[T]

C/

S.A.S. ISOWATT

SA CA CONSUMER FINANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 13 Octobre 2022

APPELANTS :

M. [M] [W]

né le 08 Avril 1959 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Mme [K] [T] épouse [W]

née le 10 Mars 1959 à [Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentés par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106

assistée de Me Karine LEBOUCHER, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

SAS ISOWATT

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

assisté de Me Morgane LUSSIANA, avocat au barreau de LYON

SA CA CONSUMER FINANCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : 713

******

Date de clôture de l'instruction : 18 Janvier 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 13 Octobre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Dominique BOISSELET, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, [M] [W] a passé commande le 22 mai 2015 de la fourniture, livraison et pose d'un kit aérovoltaïque auprès de la SAS Isowatt.

Le prix de 22.900 euros a été financé au moyen d'un crédit affecté souscrit le même jour par les époux [M] [W] et [K] [T] (les époux [W]) auprès de la SA CA Consumer Finance, exerçant sous la marque Sofinco, remboursable en 144 échéances mensuelles de 218,82 euros au taux de 4,527 % l'an.

La société Isowatt a procédé à l'installation du kit photovoltaïque le 9 juillet 2015 et l'un des époux [W] a signé à cette date une attestation de fin de travaux remise par l'entreprise à la société CA Consumer Finance qui lui a réglé la somme de 22.900 euros.

L'installation a été raccordée au réseau ERDF et mise en service le 27 octobre 2015.

Par actes d'huissiers de justice des 17 et 18 octobre 2017, les époux [W] ont fait assigner les sociétés Isowatt et CA Consumer Finance à comparaître devant le tribunal d'instance de Lyon pour voir invalider les contrats de vente et de crédit précités.

Par jugement en date du 31 janvier 2019, le tribunal d'instance de Lyon a :

- prononcé l'annulation du contrat de vente, en date du 22 mai 2015, ayant lié [M] et [K] [W] à la société Isowatt,

- constaté la résolution de plein droit du contrat de crédit accessoire à la vente, en date du 22 mai 2015, ayant lié [M] et [K] [W] à la société CA Consumer Finance,

- dit que la société CA Consumer Finance est privée de son droit à restitution,

- condamné la société Isowatt à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l'installation photovoltaïque et de remise en état des existants,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- débouté les sociétés Isowatt et CA Consumer Finance de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés Isowatt et CA Consumer Finance à payer à [M] et [K] [W] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés Isowatt et CA Consumer Finance à payer les dépens de l'instance.

Les époux [W] ont relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 22 février 2019.

Après clôture de l'instruction le 3 novembre 2020, l'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 19 janvier 2021 et mise en délibéré.

Il est apparu en cours de délibéré que le dossier de la société Isowatt comportait un exemplaire original d'un second bon de commande, en date du 17 juin 2015, non communiqué aux autres parties et non évoqué dans les écritures des époux [W].

Par arrêt avant dire droit du 4 février 2021, la Cour a :

- ordonné la réouverture des débats,

- enjoint à la SAS Isowatt de communiquer le bon de commande daté du 17 juin 2015,

- invité les époux [W] et la SAS Isowatt à s'expliquer sur l'existence de deux bons de commande,

- enjoint à la SA CA Consumer Finance de communiquer l'exemplaire du bon de commande dont elle a été destinataire pour l'octroi du crédit,

- invité les parties à présenter sur ces nouvelles données du litige,

- sursis à statuer sur toutes les demandes des parties et réservé les dépens,

et renvoyé l'affaire en mise en état.

En leurs dernières conclusions du 23 novembre 2021, [K] et [M] [W] demandent à la Cour ce qui suit, au visa des articles L.121-21 s. et L.311-20 s. et R.121-3 et suivants du code de la consommation (rédaction postérieure au 17 mars 2014 et antérieure au 1er juillet 2016), et 1134 et 1184 du code civil (rédaction antérieure au 1er octobre 2016) :

- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par les époux [W] à l'encontre du tribunal d'instance de Lyon du 31 janvier 2019 en ce qu'il a :

' débouté les époux [W] du surplus de leurs demandes (soit condamner la société Isowatt à leur rembourser la somme de 22.900 euros correspondant au montant du bon de commande, dire et juger que la société CA Consumer Finance garantira le remboursement des sommes qui leur sont dues par Isowatt, condamner la société CA Consumer Finance à leur restituer les loyers réglés avec intérêts, condamner la même à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l'installation photovoltaïque et de remise en état des existants)

' condamné in solidum les sociétés Isowatt et CA Consumer Finance à payer aux époux [W] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

l'infirmer de ces chefs,

en conséquence,

- condamner Isowatt à rembourser aux époux [W] la somme de 22.900 euros correspondant au montant du bon de commande avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure,

- ordonner la garantie par CA Consumer Finance du remboursement des sommes dues aux consorts [W] par Isowatt,

- condamner la société CA Consumer Finance à leur restituer les loyers réglés avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure,

- condamner solidairement les sociétés Isowatt et CA Consumer Finance au coût de dépôt et de remise en état avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure,

en toutes hypothèses,

- débouter les sociétés CA Consumer Finance et Isowatt de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la présente décision et qu'en cas d'exécution par voie extrajudiciaire les sommes retenues par l'huissier instrumentaire, en application des dispositions de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par les parties succombantes, en sus de l'indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement la SAS Isowatt et la SA CA Consumer Finance à payer aux époux [W] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Rose, avocat, sur son affirmation de droit.

Par dernières conclusions du 3 janvier 2022, la SAS Isowatt demande à la Cour de statuer comme suit, en visant les articles 1116, 1134, 1184, 1304, 1289 et suivants, 1315 et 1338 du code civil, L.111-1 et suivants, L.121-17 et suivants et L.311-33 du code de la consommation et 9, 31, 32-1 et 122 du code de procédure civile :

au principal,

- déclarer irrecevables les demandes comme nouvelles en cause d'appel des époux [W], relatives à la nullité sur le fondement du dol ;

si la Cour de céans les déclarait recevables,

- juger qu'aucune preuve d'aucun élément matériel constitutif du dol de nature à justifier du consentement vicié des époux [W] n'est rapportée par ces derniers ;

- juger qu'aucune preuve d'aucun élément intentionnel constitutif du dol de nature à justifier du consentement vicié des époux [W] n'est rapportée par ces derniers ;

- juger que nul ne peut se faire preuve à soi même ;

par conséquent,

- juger que les époux [W] ont donné un consentement libre et éclairé au bon de commande en date du 22 mai 2015 ;

- débouter les époux [W] de leur demande de nullité du bon de commande en date du 22 mai 2015 fondée sur le dol ;

- réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a prononcé la nullité du bon de commande en date du 22 mai 2015 et partant,

- juger que le contrat en date du 22 mai 2015 contient toutes les mentions légales d'ordre public telles qu'issues du code de la consommation ;

- juger l'absence de nullité afférente à la conclusion du contrat de vente en date du 22 mai 2015 ;

- juger que le bon de commande en date du 22 mai 2015 est valide, régulier, conforme aux dispositions légales, et exempt de vices afférents à sa formation de telle sorte qu'il doit produire ses effets ;

si la Cour retenait la nullité du bon de commande du 22 mai 2015,

- juger que les époux [W] avaient pleinement conscience et connaissance de la cause de nullité à compter du 22 mai 2015 ;

- juger que le comportement contractuel des consorts [W] a tendu à permettre l'exécution du contrat ;

- juger que les époux [W] ont confirmé le contrat en date du 22 mai 2015 dans toutes ses dispositions ;

- juger le contrat en date du 22 mai 2015 pleinement valide et effectif ;

à titre subsidiaire, si la Cour retenait la nullité du contrat du 22 mai 2015,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a privé la société CA Consumer Finance de son droit à restitution et condamné la société Isowatt à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l'installation photovoltaïque et de remise en état des existants ;

et partant,

- juger que la société Isowatt a parfaitement honoré les obligations du contrat du 22 mai 2015 qui lui incombent et qu'aucune preuve contraire n'est rapportée,

- juger qu'aucune faute ne saurait être imputée à la société Isowatt,

- constater la faute qu'aurait commise la société CA Consumer Finance dans la délivrance des fonds,

- juger la société CA Consumer Finance privée de son droit à restitution à l'endroit de la société Isowatt,

- débouter les époux [W] de leurs demandes, fins et prétentions,

- débouter la société CA Consumer Finance de sa demande subsidiaire de la voir juger n'avoir commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et par conséquent, ne pouvant garantir les éventuelles condamnations de la société Isowatt,

en toute hypothèse,

- juger que les époux [W] ne rapportent aucune preuve des allégations dont ils font état fallacieusement et de manière dilatoire à l'encontre de la société Isowatt,

- condamner les époux [W] au paiement de la somme de 500 euros à la SAS Isowatt au regard du caractère abusif et dilatoire de cette procédure,

- les condamner, ou qui mieux le devra, au paiement de la somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens.

En ses dernières conclusions du 7 juin 2021, la SA CA Consumer Finance demande à la Cour ce qui suit, vu les articles L.121'23 et L.311'32 et suivants du code de la consommation et les articles 1103 et suivants, et 1182 du code civil,

- confirmer le jugement rendu le 31 janvier 2019 par le tribunal d'instance de Lyon en ce qu'il déboute les époux [W] du surplus de leurs demandes,

à titre principal,

- constater en toutes hypothèses que les époux [W] ne peuvent plus invoquer la nullité du contrat passé auprès de la société Isowatt et, par conséquent, du contrat de prêt suite à la confirmation des contrats, de telle sorte que l'action n'est pas valable en application de l'article 1182 du code civil,

- juger, par conséquent, parfaitement valide le contrat de crédit souscrit entre les époux [W] et la société CA Consumer Finance,

- constater que les manquements invoqués au soutien d'une demande de résolution judiciaire du contrat de vente, et donc du contrat de crédit, ne sont pas justifiés et ne constituent en toute hypothèse pas un motif de résolution de contrat,

- constater que la société CA Consumer Finance n'a commis aucune faute,

en conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2019 par le tribunal d'instance de Lyon en ce qu'il - prononce l'annulation du contrat de vente en date du 22 mai 2015 ayant lié les époux [W] à la société Isowatt,

- constate la résolution de plein droit du contrat de crédit accessoire à la vente, en date du 22 mai 2015 ayant lié les époux [W] à la société CA Consumer Finance,

- dit que la société CA Consumer Finance est privée de son droit à restitution,

- condamne la société Isowatt à prendre en charge le coût des travaux de pose de l'installation photovoltaïque et de remise en état des existants,

- débouter les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire, en cas de nullité du contrat principal et donc du contrat de crédit,

- juger que la société CA Consumer Finance n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et, par conséquent, ne pourra garantir les éventuelles condamnations de la société Isowatt,

en tout état de cause,

- débouter les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement les époux [W] au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Renaud Roche, avocat, sur son affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2022.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les bons de commande en débat étant datés des 22 mai et 17 juin 2015 et le contrat de crédit signé en date du 22 mai 2015, les articles du code de la consommation visés ci-après s'entendent dans leur rédaction issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la dualité de bons de commande

Il ressort des explications données par les époux [W] et la société Isowatt que celle-ci leur a fait signer le second bon de commande, daté du 17 juin 2015, après une visite technique effectuée le 4 juin 2015.

La société Isowatt n'explique pas l'intérêt d'établir ce second contrat, sur un bon de commande identique au premier, alors que l'offre de crédit a été souscrite le 22 mai 2015.

Ce second contrat est dépourvu d'effet, dès lors qu'il apparaît que c'est le premier bon de commande qui a été communiqué à Sofinco avec l'offre de crédit de même date.

Sur la nullité du bon de commande

Il résulte des articles L.121-18-1, L.121-17 et L.111-1 du code de la consommation que le bon de commande doit notamment comporter, à peine de nullité, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, à son prix et au délai de livraison de bien ou d'exécution du service.

La prestation commandée est décrite comme suit dans le bon de commande du 22 mai 2015 :

'Kit aérovoltaïque et une puissance thermique de 5,4 Kw, puissance électrique 3,5 Kwc de 14 modules soit 24

Autoconsommation et revente de surplus

Panneaux, onduleur, installation complète

Production garanti 25 ans 80 % minimum'.

Il est aussi spécifié que les frais de raccordement et l'installation au réseau restent à la charge de la société à hauteur de 1.400 euros et en observations 'inclus bureau d'étude et visite technique'.

Ainsi que l'a observé le tribunal, ces mentions ne comportent pas d'identification précise du produit vendu, en particulier quant au nombre de panneaux et à leurs dimensions, non plus que sur le type d'implantation en toiture (intégration ou surimposition). Aucune précision n'est apportée sur les caractéristiques de l'onduleur.

En outre, le bon de commande reste taisant sur la nécessité et la charge des démarches administratives (urbanisme, consuel).

L'indication d'un délai maximal de livraison de 120 jours est équivoque, en ce qu'elle porte à confusion, pour l'acquéreur, entre l'installation des équipements et leur mise en service effective. Sur ce point, un courriel de M. [W] du 2 novembre 2015 est significatif, en ce qu'il révèle sa méprise sur la date prévue pour la mise en service de l'installation, dénonçant le fait que 'le contrat a été signé le 17 juin pour une mise en fonction le 31 juillet au plus tard' alors que 'la mise en place effective est le 30 octobre' (en réalité le 27 octobre selon le contrat passé avec EDF).

L'étude technique, datée du 11 juin 2015, comporte certes des indications supplémentaires sur les équipements à installer (dimension d'ensemble des panneaux, puissance de l'onduleur, nombre de bouches d'insufflation...), mais reste dépourvue de références (marques et modèles) permettant d'identifier les matériels.

De surcroît, ce document a été remis après l'expiration du délai de 14 jours à compter du premier bon de commande alors que, compte tenu de la mention erronée du bon de rétractation, M. [W] pouvait se croire définitivement engagé :

Ainsi que le fait valoir la société Isowatt, la jurisprudence rappelle que la reproduction lisible, dans le contrat de démarchage, des dispositions du code de la consommation permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. Encore faut-il que les dispositions reproduites soient applicables au bon de commande à la date de sa signature, ce qui n'est pas le cas en l'espèce :

Les dispositions du code de la consommation mentionnées sur le bordereau de rétractation et au verso du bon de commande étaient obsolètes, visant notamment l'article L.121-25 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, mentionnant le point de départ du délai de livraison au jour de la commande. Cela en violation des dispositions applicables au jour du contrat, à savoir l'article L.121-21 al.1er du code de la consommation qui prévoit un délai de rétractation de 14 jours à compter de la livraison du bien, devant être spécifié au bon de commande à peine de nullité, en vertu des articles L.121-18-1 et L.121-7 § I du même code.

Dans ces conditions, l'exécution du contrat par M. [W] ne vaut pas renonciation de sa part à se prévaloir de la nullité du contrat qui découle des insuffisances du bon de commande, dès lors qu'il a pu croire qu'il était tenu d'accepter l'exécution du contrat passé le délai de 14 jours après la signature du bon de commande et a ignoré qu'il bénéficiait d'un délai supplémentaire de rétraction de douze mois à compter de la livraison, en vertu de l'article L.121-21-1 du code de la consommation.

De fait, il n'a pu prendre conscience des atteintes faites à ses droits de consommateur qu'après avoir connu l'insuffisance de la production électrique à couvrir le coût de l'opération et mesurer les conséquences des insuffisances du bon de commande quant à ses imprécisions sur l'équipement fourni.

Qui plus est, les conditions générales du contrat sont imprimées au verso du bon de commande dans des caractères minuscules (inférieurs au corps 8) les rendant difficilement lisibles, de sorte que l'on ne peut déduire de ces mentions une réelle information des acquéreurs, pour leur permettre de mesurer la portée de l'insuffisante description des biens commandés, les avertir de la sanction de la nullité du contrat et les informer de leur choix de poursuivre ou non l'exécution du contrat en renonçant à se prévaloir de sa nullité.

Tirant la conséquence de ces manquements à des dispositions d'ordre public, c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la nullité du contrat de vente, sans qu'il y ait lieu d'examiner les griefs des acquéreurs quant au défaut de conformité et à la défectuosité de l'installation litigieuse.

La nullité du contrat de vente ainsi retenue conduit à ne pas examiner les allégations de dol soutenues par les époux [W], lesquelles, contrairement à ce que soutient la société Isowatt, ne constituent pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau, recevable en appel.

Sur la nullité du contrat de crédit

Il ne fait pas débat que le prêt souscrit par les époux [W] auprès de la SA CA Consumer Finance est un crédit affecté exclusivement au financement du contrat annulé conclu avec la société Isowatt.

En application de l'article L.311-32 du code de la consommation, l'annulation du contrat de vente entraîne celle du contrat de crédit en vue duquel il a été conclu.

Sur les conséquences de l'annulation des contrats de vente et de crédit

La nullité des contrats remet les parties dans l'état qui aurait été le leur si elles n'avaient pas contracté.

L'annulation du contrat de vente confère à la société Isowatt la propriété de l'équipement vendu dont les époux [W] lui doivent restitution à ses frais. En conséquence, la société Isowatt est tenue de procéder ou faire procéder aux travaux de dépose et enlèvement des panneaux et autres équipements et de remise en état de la toiture, à ses frais. Les acquéreurs sont dépourvus de fondement de droit pour réclamer la condamnation solidaire du prêteur à cet effet.

De son côté, la société Isowatt est tenue de restituer aux époux [W] le prix de la vente annulée, soit 22.900 euros.

Les époux [W] seront déboutés de leur demande de garantie par la société CA Consumer Finance du remboursement des sommes qui leur sont dues par la société Isowatt, l'obligation de celle-ci résultant de l'annulation du contrat de vente à laquelle le prêteur est étranger.

Pour le même motif, les époux [W] ne sont pas fondés en leur demande de condamnation du prêteur à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l'installation photovoltaïque et de remise en état des existants, obligation tirée de l'annulation du contrat de vente à laquelle la société CA Consumer Finance est étrangère.

L'annulation du contrat de crédit prive d'effet ses dispositions prévoyant un intêrêt. En conséquence, la société CA Consumer Finance ne peut prétendre qu'à la restitution du capital et doit le remboursement aux emprunteurs des sommes qu'ils ont réglées au titre des intérêts contractuels.

La demande des époux [W] de restitution des loyers réglés est partiellement rejetée, en ce que ces loyers ont nécessairement inclus le remboursement du capital. La société CA Consumer Finance doit être condamnée à la restitution des seules sommes réglées en sus du capital de 22.900 euros.

Les pièces produites par les époux [W] font ressortir qu'ils ont réglé au total 24.473,80 euros (20.900 + 3.147,81 + 425,99), soit 1.573,80 euros au titre des intérêts.

En application de l'article 1153 ancien du code civil, applicable au contrat litigieux, les créances des époux [W] de remboursement du prix, à l'égard d'Isowatt, et de remboursement des intérêts versés, à l'égard de la SA CA Consumer Finance, portent intérêts au taux légal à compter des assignations du 18 octobre 2017, valant mises en demeure de paiement.

Sur la faute du prêteur

Dans le cadre d'un crédit affecté, les obligations des emprunteurs ne prennent effet qu'à compter de l'exécution de la prestation de services, qui doit être complète, et le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté son obligation commet une faute.

Le contrat de crédit étant annulé consécutivement à l'annulation du contrat principal, il doit être recherché si le prêteur, compte tenu de l'indivisibilité des contrats, a commis une faute de nature à le priver, en tout ou partie de son droit à restitution du capital prêté si elle participe à la réalisation du préjudice subi par les acquéreurs.

La société Isowatt comme les époux [W] allèguent de telles fautes commises par la société CA Consumer Finance pour prétendre la priver du droit à restitution du capital prêté.

La société Isowatt n'a pas qualité pour reprocher au prêteur des fautes commises au détriment des emprunteurs et ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour dénoncer l'octroi du crédit et le déblocage des fonds sur sa propre demande.

Les époux [W] plaident que la banque a commis une faute en débloquant prématurément la totalité des fonds sur la base d'un certificat de livraison du 9 juillet 2015, alors que la prestation contractuelle n'était pas achevée faute de raccordement au réseau électrique.

Toutefois, il ne ressort pas des termes du bon de commande que la société Isowatt se soit engagée à effectuer les démarches relatives au raccordement de l'installation au réseau électrique, non plus de que les démarches administratives en mairie et l'obtention du Consuel.

Au surplus, le déblocage des fonds n'a occasionné aucun préjudice pour les époux [W] puisque l'installation a été ensuite raccordée au réseau l'électrique et mise en fonctionnement.

En revanche, la société CA Consumer Finance a bien commis une faute en consentant un crédit affecté au paiement d'une prestation contractuelle mal définie à raison des insuffisances du bon de commande quant à la description de l'objet du contrat :

Outre le bon de commande particulièrement indigent dans la description de la prestation contractuelle, l'offre de crédit ne fait mention, quant au bien financé, que du terme 'aérovoltaïque' et les deux attestations de livraison et demandes de financement signées par M. [W] sont rédigées en termes généraux non descriptifs de la prestation contractuelle.

Cela étant, en l'absence de disposition légale sanctionnant la faute du prêteur par la privation, totale ou partielle, de son droit au remboursement du capital à l'égard des emprunteurs, cette privation ne peut intervenir qu'à titre indemnitaire et suppose donc la démonstration d'un préjudice subi par les emprunteurs.

Les époux [W] ont soldé le contrat de crédit auprès de CA Consumer Finance.

L'annulation du contrat de vente oblige le vendeur à restituer aux acquéreurs le prix perçu.

Dès lors que la société Isowatt ne fait pas l'objet d'une procédure collective et qu'il n'est pas justifié de son insolvabilité, les époux [W] ne subissent pas de préjudice puisqu'ils seront remboursés par le vendeur du capital qu'ils ont entièrement réglé au prêteur.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de statuer sur les frais de recouvrement forcé des créances des époux [W], les dispositions de l'article 10 du décret n 96-1080 du 12 décembre 1996, modifiées par l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001 ayant été abrogées par le décret 2016-230 du 26 février 2016, étant observé qu'aucun texte n'autorisait le juge à faire supporter au débiteur les frais mis à la charge du créancier par ces dispositions.

L'action des époux [W] n'étant pas abusive, la demande de dommages et intérêts formulée par la société Isowatt est rejetée comme étant sans fondement.

Les dépens de première instance et d'appel doivent être entièrement mis à la charge de la société Isowatt dont les manquements sont la cause du litige.

L'avocat de la SA CA Consumer Finance demande la 'distraction' des dépens à son profit, terme employé dans l'ancien code de procédure civile qui n'est plus en vigueur depuis 1972. Il s'avère qu'il entend en réalité bénéficier du droit de recouvrement direct des dépens prévu par les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ce qui doit lui être accordé, ainsi qu'au conseil des appelants, sur leur simple demande dès lors que le ministère d'avocat est obligatoire dans la procédure d'appel et que la partie adverse est condamnée au paiement des dépens.

La société Isowatt doit indemniser les époux [W] de leurs frais irrépétibles à hauteur de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Les sociétés Isowatt et CA Consumer Finance conservent la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 31 janvier 2019 par le tribunal d'instance de Lyon en ce qu'il a :

- prononcé l'annulation du contrat de vente, en date du 22 mai 2015, ayant lié [M] et [K] [W] à la société Isowatt,

- constaté la résolution de plein droit du contrat de crédit accessoire à la vente, en date du 22 mai 2015, ayant lié [M] et [K] [W] à la société CA Consumer Finance,

- et condamné la société Isowatt à prendre en charge le coût des travaux de dépose de l'installation photovoltaïque et de remise en état des existants,

Réforme le jugement en ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS Isowatt à payer à [M] et [K] [W] la somme de 22.900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2017,

Condamne la SA CA Consumer Finance à rembourser à [M] et [K] [W] la somme de 1.573,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 18 octobre 2017,

Condamne la SAS Isowatt aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement direct au profit de Me Nathalie Rose et Me Renaud Roche,

Condamne la SAS Isowatt à payer à [M] et [K] [W] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01414
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;19.01414 ?
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