N° RG 20/06541 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NIA3
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond
du 13 octobre 2020
RG : 19/03426
[Y]
C/
[J]
[J]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 27 Septembre 2022
APPELANTE :
Mme [A] [MG] [Y]
née le 30 Juin 1960 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106
Assisté de Me François CORNUT, avocat au barreau de LYON, toque : 203
INTIMES :
M. [F] [X] [K] [J]
né le 29 Décembre 1995 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 548
M. [ZH] [N] [S] [J]
né le 18 Mars 1999 à [Localité 5]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 548
******
Date de clôture de l'instruction : 28 Octobre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Juin 2022
Date de mise à disposition : 27 Septembre 2022
Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Stéphanie LEMOINE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, un des membres de la Cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Laurence VALETTE, conseiller
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER , greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES:
De l'union de [X] [R] et [C] [M] épouse [R] sont nés deux enfants : [B] et [H].
[C] [M] épouse [R] est décédée en 2010 en laissant pour héritiers :
- son conjoint, [X] [R], décédé postérieurement le 2 septembre 2014,
- sa fille, [H] [R] divorcée [J], décédée le 25 mai 2017, laissant elle-même pour lui succéder ses deux fils, [F] et [ZH] [J].
- son fils [B] [R].
Les successions des consorts [M]-[R] n'ont pas été liquidées et ainsi MM [F] et [ZH] [J] viennent à la succession de leurs grands-parents en représentation de leur mère.
M. [B] [R], oncle de [F] et [ZH] [J], a établi quatre testaments instituant différents bénéficiaires à savoir soit MM. [F] et [ZH] [J], soit une amie, Mme [A] [Y].
M. [B] [R] qui souffrait de schizophrénie, est décédé postérieurement le 2 octobre 2017 sans postérité et sans héritier réservataire.
Le dernier testament du 31 mai 2017, établi au profit de Mme [Y], a donné lieu à envoi en possession au bénéfice de cette dernière des biens successoraux de [B] [R] par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Lyon en date du 10 novembre 2017.
MM. [F] et [ZH] [J] ont fait assigner Mme [A] [Y] devant le président du tribunal de grande instance de Lyon en rétractation de l'ordonnance d'envoi en possession et aux fins de désignation d'un expert à l'effet de rechercher l'état médical de testateur et de déterminer si l'intéressé était sain d'esprit, prétentions dont ils ont été déboutés par une ordonnance en la forme des référés du 14 mai 2018, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Lyon du 19 mars 2019.
Par exploit d'huissier du 26 avril 2019, MM. [F] et [ZH] [J] ont fait assigner Mme [Y] devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de voir prononcer la nullité des testaments olographes du 19 février 2016 et des 7, 8 et 31 mai 2017.
Le juge de la mise en état a rejeté une demande d'expertise médicale faite par les consorts [J].
Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- déclaré recevables les demandes de MM [F] et [ZH] [J],
- prononcé la nullité des testaments olographes rédigés par [B] [R] le 19 février 2016, le 7 mai 2017, le 8 mai 2017 et le 31 mai 2017,
- dit que la dévolution successorale se fera conformément aux dispositions de l'article 734 du code civil,
- renvoyé les consorts [J] chez le notaire de leur choix pour procéder aux opérations de liquidation et partage de la succession de [B] [R] né le 31 mai 1963 à [Localité 5] et décédé le 2 octobre 2017 à [Localité 6],
- assorti le jugement de l'exécution provisoire,
- condamné Mme [Y] à payer 3.000 € à M. [F] [J] et à M. [ZH] [J], pour les deux au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [Y] de ses demandes plus amples et contraires,
- condamné Mme [Y] aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 24 novembre 2020, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2021, Mme [Y] demande à la cour de :
- déclarer bien fondé son appel à l'encontre de l'ensemble des chefs du jugement rendu le 13 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon,
- l'infirmer de ces chefs,
et statuant à nouveau,
- juger que les consorts [J] ne rapportent pas la preuve d'une insanité d'esprit du "de cujus" lors de cette période de rédaction du testament du 31 mai 2017 ni de ce que le 31 mai 2017, le testateur aurait manqué de discernement et qu'il aurait agi par démence,
- faire droit aux dernières volontés du "de cujus" qui l'a choisie comme légataire universelle,
- juger en conséquence le testament du 31 mai 2017 comme étant un acte valide écrit par un "de cujus" sain d'esprit,
- prononcer la validité des quatre testaments de [B] [R] pendant la période 2016-2017,
- débouter les consorts [J] de l'intégralité de leurs demandes,
- prononcer le partage des successions des parents du "de cujus" et de manière générale des successions [M] [R],
- ordonner l'ouverture des comptes liquidation et partage des successions [M] [R],
- ordonner la désignation d'un notaire qui sera chargé des opérations de compte liquidation partage des quatre successions : [C] [M]-[R], [X] [R], [H] et [B] [R], en vertu des dispositions des articles 815 et 1304 du code civil,
- dire et juger que le notaire désigné par la cour pourra être remplacé sur simple requête devant le tribunal judiciaire de Lyon, en cas de problème,
- désigner un juge pour surveiller les opérations de compte liquidation partage,
- dire et juger que la mission du notaire désigné sera d'établir un projet de partage liquidatif et la composition de lots des biens à partager ; et dans l'hypothèse où un partage par lots est impossible, faire procéder à la licitation des deux biens immobiliers situés : [Adresse 1],
- dire et juger que le prix de la licitation pour chacun de ces deux biens immobiliers sera de 500.000 €,
- ordonner la licitation de ces deux biens immobiliers sur la base de ce prix, si le partage par lots est impossible,
- dire et juger qu'il devra déposer son rapport sur l'état liquidatif dans le délai d'un an,
- condamner solidairement MM. [F] et [ZH] [J] à lui payer la somme de 8.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement MM. [F] et [ZH] [J] aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit de Maître Cornut conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [Y] fait valoir que :
- la preuve de l'insanité mentale alléguée à son encontre n'est pas apportée par les consorts [J] et ne s'appuie sur aucune pièce médicale objective et partiale,
- l'avis post mortem du docteur [L] [P] doit être rejeté comme étant irrecevable au visa des dispositions des articles 16 du code de procédure civile, 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, R 4127-35, R 4127-38 et R 4127-51 du code de la santé publique, et il est quoi qu'il en soit infondé,
- les deux médecins du [8] n'ont imposé aucune mesure de protection juridique et n'ont pas établi de diagnostic défavorable sur la santé mentale du 'de cujus',
- à l'issue des deux examens de ces deux psychiatres du [8], les docteurs [G] et [U], établis du vivant du 'de cujus' et durant la période de rédaction du testament, ceux-ci ont énoncé qu'il avait une pensée cohérente et structurée, un discours structuré, une thymie stable et qu'il était donc sain d'esprit,
- il convient donc d'entériner les deux rapports de ces deux psychiatres du [8] qui sont réguliers en la forme et au fond,
- en effet, "la maladie schizophrénie paranoïde" diagnostiquée en 2013 est une maladie chronique qui ne peut altérer le discernement qu'en cas de bouffées délirantes et non pas de manière permanente,
- cette maladie "schizophrénie paranoïde" de 2013 a donc connu une phase de rémission ou guérison dés lors qu'elle était liée au conflit avec le père, et les deux médecins du [8] n'en relèvent plus aucun symptôme à partir du décès de celui-ci, à savoir le 2 septembre 2014,
- ces avis des psychiatres du [8], qui coïncident, sont en outre corroborés par les avis des notaires qui pendant les longues discussions sur le partage successoral et les ventes pendant la même période (y compris en janvier 2013) 2015, 2016, 2017 ont vérifié que le "de cujus" avait toutes ses facultés intellectuelles,
- lors de la vente du 8 novembre 2016 portant sur l'immeuble du [Adresse 2], M. [F] [J] avait une procuration de sa mère pour signer la vente et n'a pas soulevé la "pseudo insanité d'esprit" de son oncle alors qu'il était interrogé sur ce point avec son notaire,
- Maître [EM] [HZ], notaire de l'acquéreur et officier ministériel, a également vérifié l'état mental du "de cujus", vendeur du bien immobilier, ainsi que sa capacité juridique avant de faire signer la vente à son client,
- les deux rapports des deux psychiatres du [8] emploient le même champ lexical lié à la rémission voire à la guérison de la maladie en énonçant que [B] [R] avait une pensée cohérente et structurée et une thymie stable,
- en effet, le testament du 8 mai 2017 révèle seulement une ultime tentative de réconciliation du "de cujus" en faveur de sa s'ur [H] en phase terminale de sa maladie et cette réconciliation devait avoir aussi pour objectif de demander la restitution des sommes "empruntées" par sa s'ur,
- il s'agit en réalité du seul changement d'avis dans un contexte difficile et non pas d'une multiplicité de testaments,
- le testament du 31 mai 2017 est quant à lui une réaction normale, légitime, cohérente suite au refus particulièrement violent des neveux que leur oncle assiste aux obsèques de leur mère,
- le "de cujus" avait toute son autonomie dans sa vie courante tant pour se déplacer que pour gérer tous ses papiers et il avait un raisonnement approprié face à tous les événements de la vie,
- le 31 mai 2017, les circonstances de l'espèce démontrent qu'il était lucide pendant toute cette journée, notamment il a su retenir l'heure de la messe, prendre les transports en commun, écrire un testament et l'envoyer par la poste.
Au terme de leurs conclusions notifiées le 20 mai 2021, MM. [F] et [ZH] [J] demandent à la cour de :
rejetant l'appel formé par Mme [Y] et toutes conclusions, fins et moyens plus amples ou contraires,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 13 octobre 2020,
y ajoutant,
- condamner Mme [Y] à leur verser une somme supplémentaire de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Rieussec et associés, avocat sur son affirmation de droit.
Les consorts [J] qui fondent leur demande de nullité sur les dispositions de l'article 901 du code civil, font valoir que :
- l'ensemble des pièces produites, notamment les pièces médicales et les déclarations de son entourage familial et amical, témoignent de l'insanité d'esprit de M. [B] [R],
- il souffrait d'un état de santé fragile et vulnérable tant antérieurement que postérieurement à l'établissement des testaments et suivait un traitement médical lourd aux effets secondaires conséquents,
- son insanité d'esprit l'a conduit à son décès puisqu'il s'est suicidé,
- la forme et le nombre des actes litigieux trahissent également cette insanité d'esprit puisqu'en l'espace de quelques mois, il a rédigé quatre testaments, contradictoires entre eux, désignant tantôt ses neveux, tantôt son 'ancien conseil et avocat', Mme [A] [Y], et ce alors même qu'il avait toujours exprimé la volonté de désigner ses neveux comme successeurs et pour lesquels il avait une affection particulière,
- les affirmations de Mme [Y] selon lesquelles elle était la meilleure amie du 'de cujus' sont contestables.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 octobre 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION:
A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à voir 'constater' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour, de même que les demandes tendant à voir 'dire et juger ' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.
Par ailleurs, il est constaté que Mme [Y] ne soulève plus devant la cour l'irrecevabilité de la demande des consorts [J] et qu'elle ne reprend pas sa demande en dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral tiré du caractère abusif de la procédure, prétention dont elle a été déboutée par le premier juge.
1. Sur la nullité de la donation pour insanité d'esprit
Selon l'article 901 du code civil, pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence.
L'insanité d'esprit comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée. Cette insanité d'esprit doit avoir influencé le disposant.
La charge de la preuve de l'insanité d'esprit incombe à celui qui allègue l'altération de la volonté.
Néanmoins, le trouble mental au moment de l'acte est présumé s'il est démontré que la personne concernée souffrait d'insanité d'esprit de manière permanente ou encore était dans un état de démence dans la période immédiatement antérieure et immédiatement postérieure à l'acte litigieux et, dans ce cas, il incombe au défendeur de prouver que l'auteur de l'acte se trouvait dans un intervalle lucide au moment de sa conclusion.
M. [B] [R] a établi 4 testaments :
- le premier du 19 février 2016 par lequel il exprime que tous ses biens reviennent à ses neveux, [F] et [ZH] [J],
- le second du 7 mai 2017 par lequel il lègue tous ses biens à Mme [A] [Y],
- le troisième du 8 mai 2017 à nouveau en faveur de ses neveux, [F] et [ZH] [J],
- le quatrième en date du 31 mai 2017 par lequel il lègue tous ses biens à Mme [Y].
Les consorts [J] versent aux débats un résumé du dossier médical du centre hospitalier du [8] établi par le docteur [G] puis par le docteur [U] et dont il ressort que M. [R] était suivi depuis de nombreuses années pour une schizophrénie paranoïde, que son état était stable malgré des difficultés à entretenir sa maison, qu'il était préoccupé par l'héritage familial et qu'il était fermé à toute mesure de protection ou de soutien.
Lors du dernier entretien le 7 juillet 2017, le docteur [U] s'interroge sur sa capacité à défendre ses intérêts.
Les consorts [J] indiquent d'ailleurs, sans avoir été contredits sur ce point que leur mère avait envisagé en 2015 une mesure de protection pour son frère à laquelle elle n'a pas donné suite en raison de la maladie dont elle décédée deux ans plus tard et versent aux débats un courrier d'information du greffe des tutelles et un projet de requête de saisine du juge des tutelles.
Il est également produit un avis médical rédigé par le docteur [P], psychiatre, le 25 janvier 2019 dans le but de justifier une précédente demande d'expertise.
Cette analyse établie sur pièces, postérieurement au décès de M. [R] et sur demande de MM. [F] et [ZH] [J], n'a évidemment pas la valeur d'une expertise contradictoire.
Elle n'en constitue pas moins pour autant un élément d'appréciation comme un autre, soumis à la libre discussion des parties.
Il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable cette pièce, l'analyse faite par le praticien dans des termes modérés à la demande de membres de la famille et au vu d'un dossier médical qui lui a été fourni sur l'état de santé psychique de M. [R], ne constituant nullement une immixtion fautive dans les affaires de famille en infraction aux dispositions du code de la santé publique.
Dans son avis, le docteur [P], se fondant sur les observations médicales du dossier de M. [R] au centre médico-psychologique de son secteur de psychiatrie et d'une ordonnance d'un psychiatre l'ayant suivi, mentionne que le diagnostic psychiatrique est clairement posé et ne fait pas difficultés au vu des pièces communiquées, qu'il ne s'agit pas d'une dépression mais d'une psychose chronique dissociative, sous la forme d'une schizophrénie paranoïde, altérant de manière importante et constante le rapport et la perception de la réalité.
Il fait état également des conditions de vie insalubre de M. [R] et d'un état de vulnérabilité et de fragilité.
Dans un document manuscrit établi en novembre 2012, M. [X] [R], père de [B], évoque les difficultés rencontrées par son fils tant au plan physique que financier depuis de nombreuses années et fait état notamment de ce qu'il avait réussi une prise en charge par les services psychiatriques à compter de l'année 1996, du danger représenté par son fils tant pour lui même que pour son fils, d'un dédoublement de personnalité constant, d'une amélioration de son état à la suite de la prise en charge médicalisée puis d'une dégradation imputable, selon lui, à l'immixtion dans la vie de son fils de personnes étrangères ayant voulu mettre en oeuvre un autre type de prise en charge médicale, qui aurait été la cause d'une déstabilisation de son état mental.
Les consorts [J] versent encore aux débats :
- une attestation de M. [I] [M], oncle de [B] [R], et dont il dit qu'il était très proche, évoquant les délires mystiques de celui-ci et ses comportements inquiétants susceptibles de le mettre en danger et le fait qu'après le décès de son père (septembre 2014), il était beaucoup plus influençable,
- une attestation de Mme [W] [Z], cousine de M. [R], mentionnant une fragilité affective et psychologique, une incapacité à assumer seul sa vie et une grande vulnérabilité,
- une attestation de M. [T] [D], ancien camarade de lycée, décrivant l'évolution de son comportement, des séjours en hôpital psychiatrique et la tenue de propos de plus en plus incohérents.
D'autres attestations ([E] [V], [N] [M]) attestent encore du comportement étrange de M. [R] et de ses difficultés à communiquer.
Par des motifs que la cour adopte, le premier juge a relevé au vu des éléments produits que
- le suivi de M. [R] régulier en 2016, a été interrompu entre janvier 2017 (en réalité décembre 2016) et donc en particulier en mai 2017, lors de la rédaction de trois des testaments en litige et juillet 2017,
- il souffrait de cette schizophrénie paranoïde, pathologie altérant de manière importante le rapport et la perception de la réalité, notamment encore le 7 juillet 2017, date de prescription de médicaments lourds pour lutter contre la schizophrénie ou d'anxiolytiques,
- il a établi en moins d'un mois trois testaments dont les termes sont contradictoires puisqu'il institue successivement comme légataire universel Mme [Y] (7 mai), puis ses neveux (8 mai) puis encore Mme [Y] (31 mai) et cette succession renferme en elle même une incohérence et une absence de perception de conséquences de ces actes.
La cour ajoute que M. [R] a indiqué lors d'un entretien avec son médecin le 7 juillet 2017 qu'il souhaitait indemniser ses neveux par la vente d'un appartement ce qui est contradictoire avec le fait qu'il les avait totalement déshérités un mois plus tôt et confirme l'incohérence de ses décisions.
Comme l'a également relevé le premier juge, le fait que le 31 mai 2017, M. [R] a modifié son précédent testament, le jour même des obsèques de sa soeur dont il aurait été 'évincé', ainsi que le déclare Mme [Y], démontre qu'il a agi une nouvelle fois sous le coup d'une émotion ayant altéré son discernement et sa perception de la portée de ses actes.
Le premier juge a encore justement retenu que la forme même des testaments démontrait une altération importante de son état entre le 16 février 2016 et le 31 mai 2017 tant dans la calligraphie que dans sa présentation du texte et sa lisibilité particulièrement difficile pour l'acte du 31 mai 2017.
Cet élément est confirmé par le courrier de Mme [O], expert en écriture, qui atteste d'une dégradation de l'écriture de M. [R].
Le premier juge a justement déduit de l'ensemble de ces éléments que les consorts [J] apportaient la preuve qu'antérieurement et postérieurement aux testaments établis par M. [R], celui-ci présentait une affection mentale suffisamment grave pour altérer ses facultés de testateur au point de le priver de sa capacité de discerner le sens et la portée de ses actes et qu'il était donc établi une présomption d'insanité lors de la rédaction des testaments litigieux.
Par ailleurs, il apparaît que Mme [Y] n'apporte pas la preuve que M. [R] se trouvait dans un intervalle lucide lors de l'établissement des testaments, particulièrement celui du 31 mai 2017 l'instituant comme légataire universel.
La prescription de médicaments lourds comme le zyprexa, pour lutter contre la schizophrénie ou d'anxiolytique tel que le xanax en juillet 2017, soit à peine un mois plus tard, contredit la thèse selon laquelle M. [R] était en phase de guérison.
Par une analyse pertinente des diverses attestations produites par Mme [Y], que la cour adopte, le premier juge a justement considéré qu'elles ne pouvaient pas établir que M. [R] était lucide les 7 ou 31 mai 2017.
La cour ajoute que la circonstance que les deux médecins du [8] ayant suivi M. [R] n'ont pas imposé une mesure de protection n'est pas de nature à établir l'absence d'insanité d'esprit alors qu'il ressort au contraire du dossier médical que ces praticiens évoquent une telle mesure dans leur compte-rendus et que manifestement, elle n'a pas été demandée par les médecins en raison d'une opposition très nette de M. [R].
Les compte-rendus du suivi médical de M. [R] ne permettent pas d'établir que celui-ci aurait retrouvé la pleine possession de ses facultés mentales, notamment à la date d'établissement des testaments litigieux et ce d'autant que la période visée dans ce document, ne couvre pas le 1er semestre de l'année 2016 au cours de laquelle les testaments ont été rédigés.
Il est rappelé que M. [R] est suivi depuis de nombreuses années pour une schizophrénie paranoïde et tout au long des entretiens, il est fait mention des difficultés rencontrées par le patient notamment son sentiment d'insécurité, son anxiété, une instabilité psychomotrice et une tension psychique et de la prescription de médicaments ou du réajustement de son traitement.
Ainsi, Mme [Y] ne rapporte pas la preuve d'un moment de lucidité au moment de l'établissement des testaments et ne renverse pas la présomption d'insanité d'esprit établie par les consorts [J].
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a annulé les testaments olographes rédigés par M. [B] [R] les 19 février 2016, 7 mai 2017,8 mai 2017 et 31 mai 2017, dit en conséquence que la dévolution successorale se ferait conformément aux règles édictées par l'article 734 du code civil et rejeté toutes les demandes de Mme [Y] concernant l'ouverture et l'organisation des opérations de succession.
2. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de MM. [F] et [ZH] [J] en cause d'appel et leur alloue la somme globale de 3.000 €.
Les dépens d'appel sont à la charge de Mme [Y] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne Mme [A] [Y] à payer à MM. [F] et [ZH] [J], unis d'intérêts, la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne Mme [A] [Y] aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT