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15/09/2022 | FRANCE | N°20/04373

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 15 septembre 2022, 20/04373


N° RG 20/04373 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NC6B









Décision du Tribunal de proximité de MONTBRISON



du 10 avril 2020



RG : 111-19-000268







[T]



C/



[C]

[R]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 15 Septembre 2022







APPELANTE :



Mme [X] [H] [T]

née le [Date naissance 1] 1941 à [Loc

alité 7]

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me Pascale JULIEN-BOISSERAND de la SELARL BOISSERAND JULIEN-BOISSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE



INTIMES :



Mme [F] [C] épouse [R]

née le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4...

N° RG 20/04373 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NC6B

Décision du Tribunal de proximité de MONTBRISON

du 10 avril 2020

RG : 111-19-000268

[T]

C/

[C]

[R]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 15 Septembre 2022

APPELANTE :

Mme [X] [H] [T]

née le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Pascale JULIEN-BOISSERAND de la SELARL BOISSERAND JULIEN-BOISSERAND, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMES :

Mme [F] [C] épouse [R]

née le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

M. [E] [R]

né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 7]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentés par Me Catherine BOUCHET de la SELARL BASSET-BOUCHET-HANGEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

******

Date de clôture de l'instruction : 19 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Juin 2022

Date de mise à disposition : 15 Septembre 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Dominique BOISSELET, président

- Evelyne ALLAIS, conseiller

- Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

[X] [H] [T] est propriétaire depuis 1971 d'une maison au [Adresse 8] (Loire). Elle est en litige avec ses voisins, les époux [E] [R] et [F] [C] (les époux [R]) qui ont eux-mêmes acquis leur bien en 1973.

En particulier, Mme [T] leur reproche un trouble anormal de voisinage du fait que le ventail gauche de leur portail s'ouvre en empiétant sur le domaine public et en s'adossant à son mur.

Par acte d'huissier de justice du 29 octobre 2018, [X] [T] a fait assigner les époux [R] devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne.

Par ordonnance du 14 mars 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Saint-Etienne a déclaré cette juridiction incompétente au profit du tribunal d'instance de Montbrison.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 14 février 2020 devant le tribunal de proximité de Montbrison.

Mme [T] a demandé à la juridiction de :

- condamner les époux [R] à modifier; dans le mois de la signification du jugement, le sens d'ouverture de leur portail afin qu'il n'empiète plus sur la voie publique et sur le mur des voisins, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner les époux [R] au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du trouble anormal de voisinage causé par l'empiètement et le masque inesthétique de la partie en pierre de la clôture de sa propriété,

- condamner les époux [R] au paiement d'une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Les époux [R] ont demandé au tribunal de :

- in limine litis, déclarer prescrite l'action de Mme [T],

- rejeter l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [T] à leur payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause,

- condamner Mme [T] à leur payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du

code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement en date du 10 avril 2020, le tribunal de proximité de Montbrison a :

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [T] à l'encontre des époux [R],

- condamné Mme [T] à payer aux époux [R] la somme de 300 euros à titre de dommages et intéréts pour résistance abusive, outre intéréts au taux légal à compter de la signification de la décision,

- condamné Mme [T] à payer aux époux [R] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire,

- condamné Mme [T] aux entiers dépens.

Mme [T] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 3 août 2020.

En ses dernières conclusions du 6 mai 2021, [X] [H] [T] demande à la Cour ce qui suit :

- dire son appel recevable et bien fondé ;

- réformer le jugement entrepris ;

- dire qu'aucune prescription ne peut être opposée à la demande de Mme [T] ;

- constater que le portail des époux [R] s'ouvre côté extérieur, occupant ainsi le domaine communal et s'adossant contre le mur de Mme [T] ;

- condamner les époux [R] à modifier dans le mois de la signification de l'arrêt à intervenir le sens d'ouverture de leur portail afin qu'il n'empiète plus sur la voie publique et sur le mur des voisins et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- dire que les époux [R] causent un trouble de voisinage volontaire excédant les inconvénients ordinaires à Mme [T] du fait du masque inesthétique de la partie en pierre de la clôture de sa propriété ;

- condamner de ce fait les époux [R] à régler à Mme [T] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par cette dernière ;

- Condamner les époux [R] à régler à Mme [T] la somme de 3.000 euros en application des dispositions prises par l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les époux [R] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 18 juin 2021, [E] et [F] [R] demandent à la Cour de statuer comme suit, au visa des articles 544 et suivants du code civil :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de proximité de Montbrison le 10 avril 2020 en ce qu'il a :

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de Mme [T] à l'encontre des époux [R],

- condamné Mme [T] à payer aux époux [R] la somme de 300 euros à titre de dommages et intéréts pour résistance abusive, outre intéréts au taux légal à compter de la signification de la décision,

- condamné Mme [T] à payer aux époux [R] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire,

- condamné Mme [T] aux entiers dépens.

S'agissant de l'instance d'appel,

- condamner Mme [T] à leur verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner Mme [T] à leur verser la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,s'agissant de la procédure d'appel ;

- condamner Mme [T] aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 octobre 2021.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Le tribunal a rappelé que l'action pour troubles anormaux du voisinage constitue une action en responsabilité extra-contractuelle et non une action immobilière réelle. Elle était soumise à la prescription de dix années prévue par l'article 2270-1 du code civil, dans ses rédactions antérieures à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008.

Le point de départ de la prescription est la date de la première manifestation du trouble ou de son aggravation. En l'espèce, il est acquis que les époux [R] disposent depuis les années 1970 d'un portail s'ouvrant sur l'extérieur et causant à Mme [T], selon celle-ci, un trouble de voisinage. Le renouvellement du portail des époux [R] en 2016 n'a pas constitué une aggravation du trouble de voisinage, mais seulement sa continuation. Par conséquent, le point de départ du trouble de voisinage dont se plaint Mme [T] se situe dans les années 1970. Mme [T] avait donc 10 ans à compter de la manifestation du trouble ' soit jusqu'au 31 décembre 1989 ' pour intenter une action à l'encontre des époux [R].

Le tribunal a ainsi conclu que l'action engagée le 29 octobre 2018 est hors délai.

Mme [T] soutient que la précédente installation n'était pas identique et que le trouble de voisinage s'est aggravé, faisant courir un nouveau délai de prescription, du fait que les époux [R] ne respectent pas leur engagement pris devant le maire de la commune, qui leur demandait de tenir leur portail fermé en permanence, en dehors du temps d'entrée ou de sortie d'un véhicule.

Sur ce, contrairement à ce qui est indiqué dans le jugement attaqué et dans les conclusions des époux [R], le portail actuel a été installé en 2009 et non en 2016, selon la facture de l'artisan [O] [L]. La confusion tient au fait que M. [L] a rédigé une attestation en 2016.

A la suite de la loi précitée du 17 juin 2008, l'action en trouble de voisinage relève des dispositions de l'article 2224 du code civil selon lesquelles les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Mme [T] n'établit pas en quoi, depuis moins de cinq ans avant l'engagement de la procédure, il y aurait une aggravation du trouble allégué, ses considérations sur un engagement pris par ses voisins devant le maire de la commune étant totalement inopérantes sur ce point. Il apparaît qu'au contraire, les époux [R] prennent soin de fermer le vantail litigieux de manière habituelle.

Sans même qu'il y ait lieu de débattre du trouble allégué au titre de l'ancien portail, il est établi que Mme [T] pouvait exercer son action dans les cinq ans de la pose, soit au plus tard dans le courant de l'année 2014. Le jugement est confirmé en ce qu'il a constaté que l'action, engagée le 29 octobre 2018, est prescrite.

Sur la demande indemnitaire des époux [R]

Il est constant que l'ouverture du vantail litigieux n'entraîne aucune gêne pour l'accès à la propriété de Mme [T] et que ce vantail ne se heurte pas à son mur. Au vu des clichés versés aux débats, le prétendu désordre esthétique est inexistant ou, à tout le moins, relève d'une appréciation entièrement subjective. Au demeurant, le mur de clôture en pierres apparentes surmontées d'une garniture en fer forgée de la propriété [T] ne présente pas en lui-même un caractère esthétiquement remarquable.

A tout le moins, l'ouverture temporaire du portail des époux [R], sans gêne à la circulation, ne pourrait relever que des inconvénients normaux du voisinage.

Au regard de ces éléments, l'action de Mme [T] est totalement abusive et source de préjudice moral pour ses voisins à raison des tracas de la procédure poursuivie à tort en appel. Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 700 euros qui s'ajoute à l'indemnité de 300 euros allouée par le tribunal.

Il n'y a pas lieu de statuer sur l'application des intérêts au taux légal sur l'indemnité, qui sont de droit en vertu de l'article 1231-7 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Mme [T], partie perdante, supporte les dépens de première instance, conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés et doit indemniser les époux [R] de leurs frais à hauteur de 1.500 euros, en sus de l'indemnité allouée par le premier juge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement prononcé le 10 avril 2020 par le tribunal de proximité de Montbrison ;

Y ajoutant,

Condamne [X] [H] [T] à payer à [F] [C] épouse [R] et [E] [R] les sommes de 700 euros à titre de dommages et intérêts et 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne [X] [H] [T] aux dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/04373
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;20.04373 ?
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