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06/09/2022 | FRANCE | N°19/05556

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 06 septembre 2022, 19/05556


N° RG 19/05556 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQ3C









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 04 juillet 2019



RG : 14/1792

chambre civile



[W]



C/



[P]

[P]

Société SCP TISSOT GRENIER SOUARES GROSJEAN ES QUALITE DE DE SUCCESSEUR DE LA SCP GRENIER [L] BOY TISSOT





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B


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APPELANT :



M. [K] [W]

né le 09 Août 1964 à [Localité 9] (69)

[Adresse 5]

[Localité 8]



Représenté par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ...

N° RG 19/05556 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQ3C

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond

du 04 juillet 2019

RG : 14/1792

chambre civile

[W]

C/

[P]

[P]

Société SCP TISSOT GRENIER SOUARES GROSJEAN ES QUALITE DE DE SUCCESSEUR DE LA SCP GRENIER [L] BOY TISSOT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 06 Septembre 2022

APPELANT :

M. [K] [W]

né le 09 Août 1964 à [Localité 9] (69)

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1983

Assisté de Me Frédérique CECCALDI, avocat au barreau de LYON

INTIMES :

M. [X] [P]

né le 10 Novembre 1940 à [Localité 7] (01)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par la SELARL LINK ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1748

Mme [C] [T] épouse [P]

née le 16 Avril 1941 à [Localité 8] (01)

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par la SELARL LINK ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1748

La S.E.L.A.R.L. OFFICE NOTARIAL DE L'HORLOGE venant aux droits de la SCP 'Marielle TISSOT Maxime GRENIER Catherine SOUARES Caroline GROSJEAN', notaires associés ès qualités de successeur de la SCP 'GRENIER [L] BOY TISSOT'

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par la SAS TUDELA & associés, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 01 Juillet 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Mai 2022

Date de mise à disposition : 06 Septembre 2022

Audience tenue par Laurence VALETTE, conseiller faisant fonction de président, et Stéphanie LEMOINE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, un des membres de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Laurence VALETTE, conseiller

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 28 octobre 2006, M. [X] [P] et Mme [C] [T] épouse [P] ont vendu à M. [K] [W] un bien immobilier consistant en un bâtiment agricole construit sur un terrain cadastré AI [Cadastre 2] et AI [Cadastre 3] de la commune de [Localité 6] ( Ain), au prix de 90 000 euros.

Le 30 septembre 2013, des analyses commandées au laboratoire Protec par la société Atout service dans le cadre d'un projet de travaux, ont révélé la présence d'amiante dans la toiture du bâtiment.

Par acte d'huissier du 30 avril 2014, M. [W] a fait assigner au fond M. et Mme [P] devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse afin notamment d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire et la condamnation de M. et Mme [P] à l'indemniser de la moins-value du bien générée par la présence d'amiante en toiture, à hauteur du montant retenu par l'expert.

Par acte d'huissier du 28 août 2014, M. et Mme [P] ont appelé en cause la SCP Tissot Grenier Souares Grosjean, successeur de la SCP Grenier [L] Boy Tissot, notaire, prise en sa qualité de rédactrice de l'acte authentique du 28 octobre 2006, afin qu'elle les relève et les garantisse de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.

Par ordonnance du 8 janvier 2015, le juge de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire pour déterminer si la toiture du bâtiment contient de l'amiante, et désigné pour y procéder M. [E] [M] .

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 15 juin 2015. Il indique que la toiture du bâtiment litigieux est composé de plaques ondulées type Éternit dont la nature amiantifère est incontestable et a été confirmé par l'analyse du laboratoire Protec.

Le 16 février 2017, une deuxième expertise judiciaire a été confiée à M. [M] afin de déterminer si les murs, les sols et l'atmosphère du bâtiment de M. [W] contiennent également de l'amiante. L'expert a déposé son deuxième rapport le 6 avril 2018. Il conclut notamment que :

- les murs (plaques et joints de liaison associés) ne contiennent pas d'amiante ;

- la recherche de poussière au sol n'est pas prévue par le code de la santé publique et la présence d'amiante au sol peut trouver son origine dans le délitement naturel des plaques de toiture du fait de leur vieillissement, les travaux d'aménagement (installation d'un conduit de cheminée passant au travers de la toiture) et l'usage quotidien du hangar qui sert de lieu de stockage ;

- l'atmosphère du bâtiment contient des fibres d'amiante dans deux volumes mais à un niveau très inférieur au seuil fixé par le code de la santé publique à partir duquel des mesures conservatoires doivent être engagées.

Par jugement du 4 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :

- Déclaré recevable les dernières conclusions notifiées le 7 mai 2019 par M. [W] ;

- Déclaré irrecevable car prescrite l'action en garantie des vices cachés engagée par M. [W] à l'encontre de M. et Mme [P] ;

- Débouté M. et Mme [P] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts

- Condamné M. [W] à payer à M. et Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à condamnation de M. et Mme [P] à payer une indemnité au profit de la SCP Tissot Grenier Souares Grosjean sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M. [W] aux dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire, et admis Maître Chevalier Piroux ainsi que Maître Parovel au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 30 juillet 2019, M. [W] a relevé appel des dispositions de ce jugement :

- ayant déclaré irrecevable car prescrite son action en garantie des vices cachés engagée à l'encontre de M. et Mme [P] ;

- l'ayant condamné à payer à M. et Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, qui comprennent les frais de l'expertise judiciaire.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 29 octobre 2020, M. [W] demande à la cour de :

Vu les articles 1641 et suivants, 1240 et 2224 du code civil,

- Infirmer le jugement, déféré, du 4 juillet 2019, en ce qu'il a :

* 1. Déclaré irrecevable car prescrite l'action en garantie des vices cachés engagée par M. [W] à l'encontre de M. et Mme [P]

* 2. Condamné M. [W] à payer à M. et Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

* 3. Débouté M. [W] de ses demandes visant à faire juger que :

3.1. La présence d'amiante constitue un vice caché et rend le bâtiment impropre à sa destination

3.2. M. et Mme [P] ne peuvent s'exonérer de leur garantie contre les vices cachés

3.3. Accueillir l'action en vice caché de M. [W] et Condamner in solidum M. et Mme [P] à lui verser la somme de 234 078,88 € HT au titre de cette garantie

Et statuant à nouveau

- Dire et juger que la présence d'amiante dans la toiture a été révélée par le diagnostic du 30 septembre 2013,

En conséquence,

- Dire et juger que l'action introduite par M. [W] le 30 avril 2014 n'est pas prescrite et est recevable ;

- Constater que les époux [P] avaient connaissance de la présence d'amiante dans la toiture pour être à l'origine de sa construction en 1979 ;

- Dire et juger que la présence d'amiante dans la toiture, ainsi que dans les murs et, de poussière d'amiante sur le sol, telle qu'elle résulte du diagnostic du 8 juillet 2015, du bâtiment acheté par M. [W] à M. et Mme [P] en date du 28 octobre 2006 constitue un vice caché ;

- Dire et juger que la présence d'amiante dans la toiture, vieille de près de 30 ans et dégradée, générant la présence de fibres d'amiante dans l'air et au sol, rend le bâtiment impropre à sa destination ;

- Constater l'absence de diagnostic technique amiante destiné à prévenir l'acquéreur de la présence d'un produit dangereux et nocif pour la santé,

- Dire et juger que M. et Mme [P] ne peuvent s'exonérer de leur garantie contre les vices cachés du fait de l'absence de production d'un constat amiante lors de la vente,

En conséquence,

- Dire et juger que M. [W] est bien fondé à mettre en 'uvre l'action en garantie contre les vices cachés à l'encontre de M. et Mme [P] du fait de la présence d'amiante dans la toiture mais également dans d'autres parties du bâtiment et notamment les murs telle que constatée en date du 8 juillet 2015,

- Condamner in solidum M. et Mme [P] à payer à M. [W] la somme de 234.078,88 € HT au titre de leur obligation de garantie des vices cachés ;

A titre subsidiaire,

- Dire et juger que le consentement de M. [W] à l'acte de vente a été vicié par dol, la nature amiantifère de la toiture lui ayant été intentionnellement dissimulée ;

- Dire et juger que M. [W] n'aurait pas contracté dans les mêmes conditions s'il avait eu connaissance de la consistance réelle du bien et, notamment de sa toiture, au regard du coût disproportionné des travaux de désamiantage ;

- Dire et juger que M. et Mme [P] ont commis une faute du fait de leur réticence dolosive, car intentionnelle, s'agissant de la présence d'amiante dans l'immeuble et engagent à ce titre leur responsabilité délictuelle ;

En conséquence,

Condamner in solidum M. et Mme [P] à payer à M. [W] des dommages et intérêts à hauteur de 234 078,88 euros HT correspondant au coût des travaux de désamiantage ;

Sur l'appel incident de M. et Mme [P] :

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. et Mme [P] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts et de leur demande de condamnation de M. [W] à leur payer la somme de 8.000 euros ;

- Débouter M. et Mme [P] de leur demande de condamnation de M. [W] d'avoir à payer 8 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens, ainsi que d'avoir à payer le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article 444-32 du code de commerce.

En tout état de cause

- Condamner M. et Mme [P] à payer à M.[W] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. et Mme [P] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Laurent LIGIER, Avocat au Barreau de Lyon.

- Débouter M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs prétentions.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2020, M. et Mme [P] demandent à la cour de :

Vu les articles 1641, 1642, 1645, 1648 et 1382 du code civil, le décret n°2011-629 du 3 juillet 2011, l'article R. 1334-20 du code de la santé publique, l'article 26 II de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, les rapports d'expertise de M. [E] [M] des 15 juin 2015 et 10 avril 2018

A titre principal,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a

- Déclaré irrecevable car prescrite l'action en garantie des vices cachés engagée par M. [W] à leur encontre ;

- Condamné M. [W] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Dit n'y avoir lieu à condamnation de M. et Mme [P] à payer une indemnité au profit de la SCP Tissot Grenier Souares Grosjean sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné M. [W] aux dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire, et admet Maître Chevalier Piroux, ainsi que Maître Pavorel au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a

- Débouté M. et Mme [P] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

Et statuant à nouveau

Dire et juger que l'action manifestement prescrite et non fondée en fait comme en droit, introduite par M. [W] dans la seule intention de nuire à M. et Mme [P], constitue un abus du droit d'ester en justice

En conséquence,

- Condamner M. [W] à leur payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, si la cour jugeait recevable l'action en garantie des vices cachés,

- Dire et juger que l'absence d'état relatif à l'amiante est sans conséquence puisque la législation en 2006 n'imposait nullement une telle recherche dans la toiture ou l'atmosphère,

- Dire et juger qu'il n'y a pas d'amiante dans les murs,

- Dire et juger que la présence de fibres d'amiante dans l'atmosphère est très inférieure au seuil prévu par le code de la santé public et n'est donc pas constitutive d'un vice,

- Dire et juger qu'il n'est démontré que la présence de fibres d'amiante dans l'atmosphère soit antérieure à la vente,

- Dire et juger que la présence d'amiante dans les plaques fibrociments situées en toiture constitue un vice apparent pour M. [W],

- Dire et juger que l'impropriété à l'usage n'est pas démontrée,

- Débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes au titre de l'action en garantie des vices cachés.

A titre également subsidiaire,

- Dire et juger qu'il n'est pas établi que M. et Mme [P] connaissaient la présence de fibres d'amiante dans l'atmosphère ou dans les murs du bâtiment lors de la vente,

- Débouter M. [K] [W] de sa demande d'indemnisation à ce titre, à défaut en réduire le montant à plus juste proportions,

- Dire et juger que M. et Mme [P] ne connaissaient pas la présence d'amiante en toiture lors de la vente,

- Débouter M. [W] de sa demande d'indemnisation à ce titre,

Sur les demandes formulées à titre subsidiaire par M. [W]

- Déclarer irrecevables les demandes formulées à titre subsidiaire par M. [W] en réparation du dol car nouvelles en cause d'appel et, en tout état de cause, prescrites.

En tout état de cause,

- Dire et juger que la réticence dolosive n'est pas caractérisée, M. [W] ayant connaissance de la présence d'amiante et M. et Mme [P] l'ignorant,

- Débouter M. [W] de ses demandes d'indemnisation,

A titre infiniment subsidiaire,

- Dire et juger que le préjudice de M. [W] est uniquement constitué du surcoût généré par le désamiantage, et limiter son indemnisation à la somme de 32 000 euros,

- Dire et juger que la SCP Tissot Grenier Souares Grosjean a commis une faute en n'informant pas M. et Mme [P] de la nécessité de faire établir un état relatif à la présence ou l'absence d'amiante, lequel doit être annexé au compromis ou à l'acte authentique de vente

- Condamner la SCP Tissot Grenier Souares Grosjean à relever et garantir M. et Mme [P] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre,

A défaut,

- Condamner la SCP Tissot Grenier Souares Grosjean à payer à M. et Mme [P] la somme de 234 078, 88 € HT au titre de la perte de chance de négocier le bien et de le vendre à un prix supérieur, ou à une part qui ne saurait être inférieure à 90 % de l'indemnisation réclamée au époux [P],

En toute hypothèse,

- Condamner M. [W] à payer à M. et Mme [P] la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [W] aux entiers dépens distraits au profit de Maître Laurent BURGY, Avocat.

- Condamner M. [W] à payer le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l'article A 444-32 du code de commerce.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 27 avril 2020, la SCP 'Marielle TISSOT, Maxime GRENIER, Catherine SOUARES, Caroline GROSJEAN', Notaires associés, agissant en qualité de successeur de la SCP 'GRENIER, [L], BOY, TISSOT', demande à la cour de

Vu les dispositions des articles 1240 et 1641 et suivants du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1240 du code de procédure civile,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté tant M. [W] que M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs prétentions,

Subsidiairement,

- Dire et juger que M. et Mme [P] sont défaillants dans la démonstration d'une faute du Notaire directement génératrice pour eux d'un préjudice indemnisable,

- Débouter M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs prétentions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SCP 'Marielle Tissot, Maxime Grenier, Catherine Souares, Caroline Grosjean', Notaires associés,

- Condamner M. et Mme [P] a payer à la SCP 'Marielle Tissot, Maxime Grenier, Catherine Souares, Caroline Grosjean', Notaires associés, la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SAS Tudela et associés, Avocat postulant, sur son affirmation de droit conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

L'instance ayant été introduite avant le 1er octobre 2016, date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l'action doit être jugée conformément à la loi ancienne.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire, il sera rappelé :

- qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif,

- que les 'demandes' tendant à voir 'constater' et 'Dire et juger' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour lorsqu'elles développent en réalité des moyens.

Sur l'action en garantie des vices cachés

Selon l'article 1641 du code civil : 'Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.'

Selon le premier alinéa de l'article 1646 du code civil : 'L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.'.

Il est de jurisprudence constante qu'avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés devait également être mise en oeuvre à l'intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun. L'article 2262 du code civil, disposait alors que : 'Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.'

L'article 2224 du code civil issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, prévoit désormais que : 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'.

M. et Mme [P] soutiennent que l'action en garantie des vices cachés est prescrite et qu'en tout état de cause M. [W] avait connaissance de la présence d'amiante depuis 2006. Ils se prévalent de ce que dès le 31 octobre 2006, ce dernier leur a écrit afin de leur rappeler leurs obligations en matière d'information relatives à l'amiante à l'occasion d'une vente immobilière ; qu'il a évoqué la présence d'amiante dans un courrier de son conseil en date du 7 mai 2013 ; qu'il occupait le bien avant la vente et y exploite une société de travaux publics qui effectue des travaux de terrassement courants, des travaux préparatoires à la construction et entrepose des matériaux de construction sur le site ; que son activité est sans lien avec leur activité d'agriculteurs ; qu'il s'agit d'un professionnel du bâtiment qui, comme l'a indiqué l'expert, ne peut raisonnablement prétendre n'avoir eu connaissance de la présence d'amiante qu'à la date du 30 septembre 2013, date de l'établissement du diagnostic.

La SCP notariale conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que l'action engagée par M. [W] sur le fondement de la garantie des vices cachés est prescrite. Elle reprend à son compte les observations de l'expert sur le fait que M. [W] est un professionnel du bâtiment qui ne pouvait vraisemblablement pas ignorer la nature des plaques en toiture d'usage extrêmement courant sur les bâtiments agricoles ou industriels. Elle soutient qu'il n'est pas envisageable que M. [W] n'ait fait cette découverte qu'en septembre 2013. Elle précise que lors de la régularisation de l'acte de vente en 2006, la vérification de la présence d'amiante dans la toiture n'était pas imposée par la réglementation.

Pour soutenir que son action n'est pas prescrite, M. [W] prétend que ce n'est qu'à compter du 30 septembre 2013, date du rapport du laboratoire Protec, qu'il a acquis la 'connaissance certaine' de la présence d'amiante dans la toiture et à compter du 8 juillet 2015, la présence de poussière d'amiante dans le bâtiment ; qu'aucun diagnostic amiante n'ayant été été réalisé et communiqué avant le 30 septembre 2013, il ne peut être considéré que le vice pouvait être connu antérieurement. Il soutient que l'acte de vente a été signé au domicile des vendeurs ; que ces derniers ont indiqué que le bâtiment ne comportait pas d'amiante ; que le notaire, Maître [L], leur a alors rappelé qu'ils avaient l'obligation légale de fournir un diagnostic amiante à transmettre au plus tôt à son étude ; mais qu'ils n'ont jamais communiqué ce diagnostic ; que le fait de solliciter un diagnostic amiante comme celui d'avoir été locataire du bien avant la vente ne signifie pas qu'il était informé de la présence d'amiante ; qu'exploitant une entreprise de terrassement et VRD appartenant à la catégorie des travaux préparatoires, il ne dispose pas de connaissance particulière dans le domaine du bâtiment et en particulier dans ceux de la charpente, toiture, isolation et a fortiori de l'amiante.

M. [W] ne rapporte pas la preuve que les vendeurs avaient connaissance de la présence d'amiante dans le bâtiment et qu'ils auraient affirmé le contraire au moment de la vente passée à leur domicile. Il vise sur ce point une attestation qui n'est pas probante, rien ne permettant notamment de retenir que l'acte de vente a été passé chez M. et Mme [P], cet acte authentique mentionnant au contraire qu'il a été fait et passé en l'étude notariale.

Il ressort du courrier en date du 31 octobre 2006 que M. [W] a adressé à M. et Mme [P], qu'il s'est interrogé sur la présence d'amiante dès la vente du bien. Il ne le conteste pas dans ses écritures. Il n'a toutefois pas exigé que lui soit remis un 'diagnostic amiante' pour reprendre les termes de son courrier, ou 'un constat précisant la présence, ou le cas échéant l'absence de matériaux contenant de l'amiante dans l'immeuble bâti, au plus tard à la date de la vente' ainsi que l'exigeait alors le code de la santé publique, peu important sur ce point que la législation ne vise alors expressément que les plafonds, puisque comme le soutient M. [W] lui-même les plaques litigieuses constituent tout à la fois la toiture (en face externe) et le plafond (en face interne) du bâtiment. Il n'explique pas les raisons pour lesquelles il n'a pas exigé que lui soit remis ce constat.

Il doit en outre être relevé, à toutes fins utiles, que :

- M. [W] est un professionnel du Bâtiment et des Travaux Publics et qu'il est donc peu vraisemblable, comme l'a relevé l'expert judiciaire, qu'au moment de la vente il ignorait la nature amiantifère des plaques utilisées pour la construction du bâtiment antérieurement à l'interdiction de l'amiante, bâtiment qu'au demeurant il connaissait bien pour l'utiliser pour les besoins de son activité professionnelle depuis plusieurs années en tant que locataire ; .

- dans un courrier adressé au conseil de M. et Mme [P] le 7 mai 2013, M. [W] lui demandait de 'les conseiller au mieux afin qu'ils se mettent en conformité avec la législation sur l'amiante ...puisque lors de la vente ils ...auraient dû nous fournir un constat amiante (...) et prendre les mesures conservatoires, ce qui n'a jamais été fait.'.

Au regard de ces éléments, la cour considère qu'au moment de la vente le 28 octobre 2006, M. [W] connaissait ou aurait dû connaître le vice tenant à la présence d'amiante qu'il allègue à l'appui de son action en garantie des vices cachés. La prescription a donc couru à compter de cette date.

Dès lors, l'action engagée au fond le 30 avril 2014, soit plus de cinq ans après le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, est irrecevable comme prescrite.

En conséquence, le jugement est confirmé de ce chef.

Sur l'action engagée à titre subsidiaire pour dol

M. [W] invoque l'existence d'un dol pour la première fois en cause d'appel.

M. et Mme [P] soulèvent l'irrecevabilité de cette action comme étant, d'une part, nouvelle en cause d'appel et, d'autre part, prescrite.

1/ L'article 565 du code de procédure civile énonce que les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, les demandes formées dans le cadre de l'action fondée sur le dol sont les mêmes que celles présentées en première instance dans le cadre de l'action en garantie des vices cachés. En conséquence, elles tendent aux mêmes fins et sont recevables.

2/ M. [W] ne répond pas expressément à la fin de non recevoir tirée de la prescription de son action fondée sur le dol. Il soutient qu'au jour de la vente en 2006, alors que les dangers de l'amiante étaient parfaitement connus et ce matériau interdit depuis 1996, M. et Mme [P], interrogés oralement sur la présence ou non d'amiante dans le bâtiment, ont affirmé que leur bâtiment n'en contenait pas alors qu'ils savaient que la toiture contenait de l'amiante puisqu'ils sont à l'origine de la construction du bâtiment pour lequel ils ont obtenu un permis de construire en 1979 et étaient au courant des matériaux utilisés ; qu'ils n'ont pas non plus effectué les diagnostics techniques amiante obligatoires pour toute vente immobilière.

Il ajoute qu'ils n'ont jamais procédé au repérage des matériaux et produits pouvant contenir de l'amiante comme le prévoit la réglementation, puisqu'ils ont admis par courrier de leur conseil ne pas être en mesure de produire un quelconque diagnostic.

M. et Mme [P] ne contestent pas que la construction du hangar est intervenue sous leur maîtrise d'ouvrage en 1979 mais soutiennent que profanes en la matière, ils ne pouvaient pas soupçonner la présence d'amiante dans les plaques en fibrociment. Ils contestent toute intention dolosive.

L'action engagée pour dol en 2019 dans le cadre des conclusions d'appel, soit plus de cinq ans après le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, est irrecevable comme prescrite.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice ne peut en soi caractériser un abus de droit et il n'est pas démontré que l'action ait été engagée puis que l'appel ait été interjeté par M. [W] de mauvaise foi et dans la seule intention de nuire à M. et Mme [P].

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [P] de cette demande de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel doivent être mis à la charge de M. [W].

Il convient de condamner M. [W] à payer à M. et Mme [P] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

La SCP notariale doit être déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile formée à l'encontre de M. et Mme [P].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Déclare irrecevable car prescrite la demande indemnitaire de M. [K] [W] fondée sur le dol ;

Condamne M. [K] [W] à payer à M. [X] [P] et Mme [C] [T] épouse [P] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la SCP 'Marielle TISSOT, Maxime GRENIER, Catherine SOUARES, Caroline GROSJEAN', Notaires associés, agissant en qualité de successeur de la SCP 'GRENIER, [L], BOY, TISSOT', de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [K] [W] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/05556
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;19.05556 ?
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