N° RG 21/06921 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N2V3
Décisions :
- TGI de BEZIERS du 20 juillet 2009
RG 07/03581
- Cour d'Appel de MONTPELLIER du 22 février 2011
RG 09/6522
- Cour de CASSATION CIV.3
du 13 juin 2012
Pourvoi n°V 11-16.277
Arrêt n°750 FS-P+B
- Cour d'Appel de BASTIA du 19 novembre 2014
RG 12/00874R
chambre civile
- Cour de CASSATION CIV.3
du 16 juin 2016
Pourvoi n°V 15-12.498
Arrêt n°723 FS-D
- Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE
Au fond du 14 novembre 2019
RG : 18/09863
chambre 1-5
- Cour de CASSATION CIV.3
du 17 juin 2021
Pourvoi N°Z 20-13.281
Arrêt n°520 F-D
S.C.I. ARENA
C/
[C]
[G]
[K]
[K]
[K]
[K]
[D]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 12 Juillet 2022
statuant sur renvoi après cassation
APPELANTE :
La S.C.I. ARENA représentée par son liquidateur M. [J] [K]
Lieu-dit Arena Pianiccia
[Localité 26]
Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON, toque : 1547
Assistée de la SCP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés - DROUOT AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉS :
M. [U] [C]
né le 26 Avril 1950 à [Localité 22] (20)
Lieu-dit Arena Pianiccia
[Localité 26]
Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assisté de Me Pierre LORENZI, avocat au barreau de BASTIA
M. [X] [G]
né le 27 Juillet 1958 à [Localité 17] (20)
[Adresse 25]
[Adresse 25]
[Localité 5]
Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assisté de Me Pierre LORENZI, avocat au barreau de BASTIA
M. [J] [K] en sa qualité d'héritier de M. [Z] [K]
Lieu dit ARENA PIANICCIA
[Localité 26]
Représenté par Me Maxime GHIGLINO, avocat au barreau de LYON, toque : 3231
Mme [I] [K] épouse [M] en sa qualité d'héritière de M. [Z] [K]
[Adresse 7]
[Localité 8]
Représentée par Me Maxime GHIGLINO, avocat au barreau de LYON, toque : 3231
Mme [R] [K] épouse [Y] en sa qualité d'héritière de M. [Z] [K]
[Adresse 20]
[Localité 4]
Représentée par Me Maxime GHIGLINO, avocat au barreau de LYON, toque : 3231
M. [L] [E] veuve [K] en sa qualité de veuve de M. [Z] [K]
Lieu dit ARENA PIANICCIA
[Localité 26]
Représenté par Me Maxime GHIGLINO, avocat au barreau de LYON, toque : 3231
M. [W] [D]
[Adresse 3],
[Adresse 19]
[Localité 6]
Non constitué
******
Date de clôture de l'instruction : 25 Avril 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Mai 2022
Date de mise à disposition : 28 Juin 2022, prorogée au 12 Juillet 2022, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Laurence VALETTE, conseiller
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Olivier GOURSAUD a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉDE L'AFFAIRE
Par acte authentique du 7 avril 1961, M. [H] [K] a constitué avec ses fils la société civile Arena ayant pour objet l'acquisition, la location la vente de toute propriété rurale, et a acquis des terres sur la commune de [Localité 26] en Haute-Corse.
À la suite du décès de M. [H] [K] le 11 décembre 1986, un conflit est né entre les héritiers.
Par jugement du 18 septembre 1989, le tribunal de grande instance de Béziers a prononcé la dissolution anticipée de la société civile Arena et a commis Maître [F] [B] en qualité de liquidateur.
Celui-ci a saisi le tribunal de grande instance de Béziers afin d'être autorisé à vendre le domaine de 70 ha 69 ares 69 centiares situé à [Localité 26] aux conditions précisées par la SAFER de Corse, soit 300 000 francs.
Par jugement du 7 décembre 1992, le tribunal de grande instance de Béziers a donné acte à M. [Z] [K], fils de [H], de son offre de rachat du domaine de [Localité 26] au prix de 320 000 francs et a autorisé Maître [B] ès qualités à céder ledit domaine à M. [Z] [K].
Par arrêt du 27 juillet 1994, la cour d'appel de Montpellier a confirmé le jugement du 7 décembre 1992 du tribunal de grande instance de Béziers.
Par ordonnance du 16 mars 2000, M. [A] [T] a été désigné en qualité de liquidateur de la société civile Arena en remplacement de Maître [F] [B].
Parallèlement, eu égard à l'inculture du domaine de [Localité 26], à la requête de la SAFER de Haute-Corse, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bastia, par un jugement du 30 mars 1993, a autorisé cet organisme à exploiter les dites parcelles appartenant aux consorts [K] et à la société Arena, a fixé les conditions de jouissance et le montant du fermage en rappelant que la SAFER disposait d'un délai de deux ans pour céder le bail. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Bastia 22 février 1994.
Par acte du 22 février 1996, la SAFER a cédé son droit au bail sur les terres appartenant aux consorts [K] et à la société Arena à M. [W] [D], M. [U] [C] et M. [X] [G].
Par lettre recommandée avec avis de réception du 27 juin 2000, le notaire chargé de la vente, Maître [N], notaire à [Localité 16], a notifié à chacun des preneurs la vente projetée avec M. [Z] [K] pour un montant de 320 000 francs.
Par lettre recommandée du 11 août 2000, les trois preneurs ont fait connaître au notaire leurs décisions d'exercer leur droit de préemption sur les parcelles qu'ils exploitent chacun.
À la requête de M. [Z] [K], par ordonnance de référé du 27 mars 2007, il a été fait défense à M. [A] [T] es qualités de liquidateur de la société Arena de conclure la vente avec les preneurs.
Par exploits des 26 octobre et 5 novembre 2007, M. [Z] [K] a assigné M. [A] [T] ès qualités, M. [D], M. [C] et M. [G] afin qu'il soit enjoint à M. [A] [T] ès qualités de signer la vente du domaine de la société civile Arena situé à [Localité 26] en exécution du jugement du 7 décembre 1992 du tribunal de grande instance de Béziers confirmé par l'arrêt du 27 juillet 1994 de la cour d'appel de Montpellier.
Entre-temps par jugement du 17 décembre 2007, le tribunal paritaire des baux ruraux de Bastia a notamment donné acte de la résiliation du bail conclu entre la société Arena et M. [D].
Par jugement du 20 juillet 2009, le tribunal de grande instance de Béziers a :
- rejeté la requête en rabat de l'ordonnance de clôture,
- rejeté l'exception d'incompétence,
sur le fond,
- débouté M. [Z] [K] de l'intégralité de ses fins, moyens et conclusions,
- dit que le droit de préemption prévu par l'article L. 412-1 du code rural est applicable à la vente autorisée par l'arrêt du 27 juillet 1994 de la cour d'appel de Montpellier au profit de MM [G] et [C],
- rejeté toutes demandes contraires ou plus amples des parties,
- rejeté la demande d'exécution provisoire,
- condamné M. [Z] [K] aux entiers dépens,
- condamné M. [Z] [K] à payer à MM. [D], [C] et [G] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Z] [K] a relevé appel de cette décision par déclaration du 25 septembre 2009.
Par arrêt du 22 février 2011, la cour d'appel de Montpellier a :
- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par les consorts [D], [C] et [G],
- réformé le jugement dans ses autres dispositions,
et statuant à nouveau,
- dit que l'attribution à M. [Z] [K], associé de la société Arena, selon l'arrêt en date du 27 juillet 1994, des terres situées à [Localité 26] (Haute-Corse) et appartenant à cette société moyennant le prix de 320.000 francs ne constitue pas une aliénation à titre onéreux donnant aux consorts [D], [C] et [G] le bénéfice du droit de préemption,
- débouté en conséquence les consorts [D], [C] et [G] de toutes leurs demandes,
- enjoint à M. [A] [T] pris en sa qualité de liquidateur de la société Arena de signer l'acte authentique portant cession par lui-même ès qualités à M. [Z] [K] moyennant le prix de 48.783,69 € des terres appartenant à cette société située à [Localité 26] (Haute-Corse), ainsi cadastrées :
- section C, n°[Cadastre 9], lieudit [Localité 18], d'une superficie de 18 ha 86 a 56 ca,
- section C, n°[Cadastre 10], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 7 ha 12 a 79 ca,
- section C, n°[Cadastre 12], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 7 ha 10 a 0 ca,
- section C, n°[Cadastre 12], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 31 ha 78 a 50 ca,
- section C, n°[Cadastre 13], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 2 ha 2 a 89 ca,
- section C, n°[Cadastre 14], lieudit [Localité 21], d'une superficie de 2 ha 42 a 32 ca,
- section D, n°[Cadastre 1], lieudit [Localité 24], d'une superficie de 1 ha 8 a 74 ca,
- section D, n°[Cadastre 2], lieudit [Localité 24], d'une superficie de 29 a 87 ca,
soit une superficie totale de 70 ha, 71 ares 69 centiares,
- condamné M. [X] [G], M. [W] [D] et M. [U] [C] à payer chacun à M. [Z] [K] la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes,
- condamné les consorts [D], [C] et [G] aux dépens de première instance et d'appel.
Sur pourvoi de M. [X] [G] et de M. [U] [C], par arrêt du 13 juin 2012, la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt du 22 février 2011, a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Bastia et a condamné M. [K] aux dépens et à payer à MM [C] et [G] la somme globale de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 19 novembre 2014, la cour d'appel de Bastia a :
-infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Béziers en date du 20 juillet 2009,
et statuant à nouveau,
- dit que les parcelles litigieuses dépendent du régime indivisaire entre associés,
- débouté M. [C] et M. [G] de leurs demandes,
- condamné M. [C] et M. [G] à payer chacun à M. [K] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [C] et M. [G] aux dépens.
Sur pourvoi de MM. [C] et [G], par arrêt du 16 juin 2016, la Cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 19 novembre 2014 par la cour d'appel de Bastia et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, a condamné M. [K] aux dépens ainsi qu'à payer à MM. [C] et [G] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
La cour d'appel d'Aix-en-Provence a été saisie par déclaration du 13 juin 2018 de la SCI Arena représentée par son liquidateur, M. [J] [K], désigné à cette fonction par ordonnance en date du 25 juillet 2017 du président du tribunal de grande instance de Béziers.
M. [Z] [K] étant décédé le 6 décembre 2016, ses héritiers, soit sa veuve Mme [L] [E], et ses trois enfants, [R], [V] et [J] [K] ont été attraits à la cause.
Par arrêt du 14 novembre 2019, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :
- déclaré recevable la déclaration de saisine de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 13 juin 2018 à l'initiative de la SCI Arena,
- infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Béziers en date du 20 juillet 2009 sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence territoriale,
et statuant à nouveau,
- dit que M. [U] [C] et M. [X] [G] ne peuvent se prévaloir du droit de préemption prévu à l'article L 412-1 du code rural s'agissant de la vente autorisée par l'arrêt du 27 juillet 1994 de la cour d'appel de Montpellier entre la SCI Arena et M. [Z] [K] des parcelles situées à [Localité 26] ( Haute Corse) ainsi cadastrées:
- section C n°[Cadastre 9] lieudit [Localité 18] d'une superficie de 18 ha 86 a 56 ca,
- section C n°[Cadastre 10] lieudit [Localité 23] d'une superficie de 7 ha 12 a 79 ca,
- section C n°[Cadastre 11] lieudit [Localité 23] d'une superficie de 38 ha 88 a 50 ca,
- section C n°[Cadastre 13] lieudit [Localité 23] d'une superficie de 2 ha 02 a 89 ca,
- section C n°[Cadastre 14] lieudit [Localité 21] d'une superficie de 2 ha 42 a 32 ca,
- section D n°[Cadastre 1] lieudit [Localité 24] d'une superficie de 1 ha 8 a 74 ca,
- section D n°[Cadastre 2] lieudit [Localité 24] d'une superficie de 29 a 87 ca,
- débouté, en conséquence, M. [U] [C] et M. [X] [G], de leurs demandes,
- condamné M. [U] [C] et M. [X] [G] à payer à la SCI Arena la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [U] [C] et M. [X] [G] à payer à Mme [L] [K] née [E], Mme [R] [K] épouse [Y], Mme [V] [K] épouse [M] , M. [J] [K] la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [U] [C] et M. [X] [G] aux entiers dépens.
Sur pourvoi de MM. [C] et [G], par un arrêt du 17 juin 2021, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi, l'arrêt rendu le 14 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence,
- remis, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon,
- condamné la SCI Arena aux dépens et condamné cette société à payer à M. [C] et M. [G] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile..
Par déclaration du 9 septembre 2021, la SCI Arena a saisi la cour de renvoi.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 20 avril 2022, la SCI Arena, ayant pour représentant son liquidateur M. [J] [K], demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Béziers le 20 juillet 2009 en ce qu'il a écarté l'application de l'article 412-5 du code rural au bénéfice de M. [D],
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Béziers le 20 juillet 2009 pour le surplus,
statuant à nouveau,
à titre principal,
- constater que la vente des parcelles sises sur la commune de [Localité 26] (Haute-Corse) désignées ci-après, entre la SCI Arena et les héritiers d'[Z] [K], à savoir Mme [R] [K] épouse [Y], Mme [V] [K] épouse [M] et M. [J] [K], moyennant le prix de 48.783,69 € est définitive depuis le 7 décembre 1992 :
- section C, n°[Cadastre 9], lieudit [Localité 18], d'une superficie de 18 ha 86 a 56 ca,
- section C, n°[Cadastre 10], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 7 ha 12 a 79 ca,
- section C, n°[Cadastre 11], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 38 ha 88 a 50 ca,
- section C, n°[Cadastre 13], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 2 ha 02 a 89 ca,
- section C, n°[Cadastre 14], lieudit [Localité 21], d'une superficie de 2 ha 42 a 32 ca,
- section D, n°[Cadastre 1], lieudit [Localité 24], d'une superficie de 1 ha 8 ares 74 ca,
- section D, n°[Cadastre 2], lieudit [Localité 24], d'une superficie de 29 ares 87 ca.
- dire que l'arrêt qui sera rendu et qui vaudra vente sera publié au bureau des hypothèques du lieu de la situation des parcelles,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que MM. [U] [C] et [X] [G] ne peuvent se prévaloir d'un quelconque droit de préemption,
- lui donner acte de ce qu'elle n'entend plus vendre le domaine de [Localité 26] dans les conditions du jugement du tribunal de grande instance de Béziers du 7 décembre 1992,
en tout état de cause,
- débouter MM [U] [C] et [X] [G] et [W] [D] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement MM [U] [C], [X] [G] et [W] [D] à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement MM [U] [C], [X] [G] et [W] [D] aux entiers dépens de l'instance.
La SCI Arena fait valoir que :
- la vente autorisée par la cour d'appel de Montpellier par son arrêt du 27 juillet 1994 est devenue parfaite au profit d'[Z] [K] du fait d'un accord sur la chose et sur le prix, au plus tard le 7 décembre 1992, date à laquelle le tribunal de grande instance de Béziers, confirmé par la cour d'appel de Montpellier, a autorisé la vente,
- à cette date, les consorts [C] et [G] n'étaient pas encore preneurs puisque le bail rural consenti par la SAFER Corse est intervenu postérieurement, soit le 22 février 1996, et ils n'avaient donc pas de qualité pour solliciter un quelconque droit de préemption,
- les consorts [C] et [G] sont par ailleurs mal fondés à revendiquer l'existence d'une occupation précaire des lieux faute de le démontrer et au surplus, si comme ils l'affirment, ils étaient occupants des lieux au titre d'une occupation précaire consentie par la SAFER, ils n'avaient aucune relation contractuelle avec la SCI de sorte qu'une telle occupation précaire ne leur conférerait aucun droit de préemption,
- si la cour estime que la vente entre la SCI et M. [K] n'était pas parfaite, il ne peut pour autant être reconnu aux consorts [C] et [G] un quelconque droit de préemption dés lors que lorsque des notifications leur ont été adressées par le notaire le 27 juin 2000, plus aucun projet de vente n'était existant,
- en effet, du fait des modifications importantes sur les biens loués par les preneurs, notamment en ayant arraché les parcelles de vigne pour exercer une activité d'élevage de bovins, M. [Z] [K] ne souhaitait plus acheter et la SCI Arena ne souhaitait plus vendre car son passif avait été apuré,
- en tout état de cause, les fermiers n'ont pas valablement exercé leur droit de préemption en le notifiant au seul notaire et faute d'avoir notifié leur réponse au propriétaire vendeur conformément à l'article L 412-8 du code rural,
- enfin, le projet de vente est dans tous les cas devenu caduc du fait de l'absence de réitération de l'acte de vente dans un délai raisonnable, puisqu'aucune démarche n'a été accomplie pendant 7 ans,
- le notaire n'a en effet notifié à M. [K] la cession imminente du domaine à leur profit que le 14 février 2007.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 14 avril 2022, MM [G] et [C] demandent à la cour de :
- débouter la SCI Arena des fins de son appel,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Béziers du 20 juillet 2009,
- condamner l'appelante à leur payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- les condamner aux dépens.
MM [G] et [C] font valoir que :
- ils remplissaient les conditions pour exercer leur droit de préemption au moment de la vente puisqu'ils occupaient l'ensemble des terrains mis en vente depuis le mois d'avril 1993, date à laquelle la SAFER Corse a obtenu le droit d'exploiter la propriété dont s'agit qui se trouvait à l'abandon et leur a confiée en qualités d'occupants précaires dans un premier temps, puis en leur cédant le droit au bail de la propriété en août 1995,
- ils étaient donc déjà sur les lieux depuis plus d'un an à la date de l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier du 27 juillet 1994, et depuis cette période, ils ont payé leurs loyers sans interruption depuis 29 ans,
- ils exploitaient la propriété depuis au moins 5 ans lorsque le notaire instrumentaire chargé de la vente leur a notifiée cette dernière le 27 juin 2000,
- la SCI Arena ne peut se prévaloir de l'abandon du projet de vente dès lors que M. [Z] [K] a toujours prétendu vouloir acquérir le domaine de [Localité 26], notamment tout au long des différentes procédures et que l'existence du projet de vente entre la SCI Arena et M. [Z] [K] pour un prix de 320.000 francs était manifeste au moment de l'exercice de leur droit de préemption,
- le moyen de nullité tiré de ce que l'acte de préemption du 11 août 2000, n'a été adressé qu'au notaire alors qu'il aurait dû l'être à la SCI Arena, est irrecevable car tardif, une telle nullité devant être soulevée avant toute défense au fond,
- en outre, cette nullité n'est prévue par aucun texte et la SCI Arena ne prouve pas au surplus le grief que lui cause l'irrégularité qu'elle allègue,
- la SCI Arena a été immédiatement informée de la demande de préemption des preneurs par le notaire, par l'administrateur de la SCI et par son conseil, et c'est d'ailleurs grâce à ces informations que la SCI Arena et les consorts [K] ont pu engager les procédures en contestation du droit de préemption.
Les consorts [K] ont constitué avocat devant la cour mais n'ont pas de nouveau conclu.
Dans leurs dernières conclusions notifiées devant la cour d'appel d'Aix en Provence, Mme [L] [E] épouse [K], Mme [R] [K] épouse [Y], Mme [V] [K] épouse [M] et M. [J] [K] demandaient à la cour de :
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance du 20 juillet 2019,
statuant à nouveau,
à titre principal,
- juger que M. [C] et M. [G] ne peuvent se prévaloir d'aucun droit de préemption,
à titre subsidiaire,
- constater que la vente des parcelles sises sur la commune de [Localité 26] désignées ci-après entre la SCI Arena et les héritiers de M. [Z] [K] moyennant le prix de 48.783,69 € est définitive depuis le 7 décembre 1992,
- dire que l'arrêt à intervenir sera publié au service de la publicité foncière de [Localité 15],
à titre infiniment subsidiaire,
- constater que M. [C] et M. [G] sont occupants sans droit ni titre des parcelles sises sur la commune de [Localité 26],
- dire que M. [C] et M. [G] ne peuvent se prévaloir du droit de préemption de l'article L 145-1 du code rural,
en tout état de cause,
- débouter M. [C] et M. [G] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner M. [C] et M. [G] à leur payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
M. [D], assigné à sa personne, n'a pas constitué avocat ni conclu.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l'article 634 du code de procédure civile, les parties qui ne formulent pas de moyens nouveaux ou de nouvelles prétentions sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée. Il en est de même de celles qui ne comparaissent pas.
La cour s'en tient donc en ce qui concerne les consorts [K] aux conclusions qu'ils avaient déposées devant la cour d'appel d'Aix en Provence.
S'agissant de M. [D], qui n'a plus constitué avocat postérieurement à la procédure devant la cour d'appel de Montpellier, il est constant que celui-ci ne revendique plus rien dans le cadre de la présente instance, étant rappelé qu'il avait résilié son bail et renoncé à ses droits de fermier qu'il détenait sur les parcelles du domaine de [Localité 26], ainsi que constaté par le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Bastia en date du 17 décembre 2007.
1. sur l'exercice du droit de préemption par les consorts [C] et [G] :
Il ressort des pièces produites que par courriers en date du 27 juin 2000, Maître [N], notaire, agissant pour le compte de M. [B], liquidateur judiciaire de la SCI Arena a notifié à M. [U] [C] et M. [X] [G], ainsi d'ailleurs qu'à M. [W] [D], son intention de vendre à M. [Z] [K] la propriété rurale, située à [Localité 26].
C'est donc à cette date qu'il convient de se placer pour apprécier la qualité de preneur de M. [C] et de M. [G].
Or, à la date du 27 juin 2000, M. [C] et M. [G] avaient incontestablement la qualité de preneur des biens en litige et ce en vertu d'un acte de cession du droit au bail consenti par la Safer Corse en date du 22 février 1996 avec effet au 9 août 1995.
Le moyen invoqué par la SCI Arena tiré de ce qu'à la date à laquelle la vente était parfaite, les consorts [C] et [G] n'étant pas encore preneurs des biens en litige est donc inopérant.
Le moyen tiré de ce qu'à cette date, ce projet de vente était caduc car ni M. [Z] [K] ni la SCI Arena n'avaient entendu poursuivre la réalisation de cette vente ne peut davantage être retenu car il n'est étayé par aucune pièce sérieuse dés lors qu'en effet, le courrier de M. [F] [B] en date du 31 juillet 1998 adressé à M. [Z] [K] selon lequel celui-ci n'avait pas donné suite à son intention d'acquérir le domaine d'Arena est contredit par la notification postérieure par le notaire à la demande de ce même M. [B] du projet de vente du domaine à M. [Z] [K] et par les demandes formulées devant la cour tendant à constater que la vente est définitive entre la SCI Arena et les héritiers d'[Z] [K].
La SCI Arena fait valoir par ailleurs que l'exercice de leur droit de préemption par les consorts [C] et [G] n'a pas été exercé régulièrement au motif qu'il n'a pas été notifié au propriétaire vendeur.
Les consorts [C] et [G] soulèvent l'irrecevabilité de ce moyen tendant à constater la nullité de l'acte de préemption en raison de son caractère tardif et postérieur à toute défense au fond.
L'article L 412-8 du code rural et de la pêche maritime dispose en son 3ème alinéa que :
'Le preneur dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l'acte d'huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l'offre aux prix, charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption. Sa réponse doit être parvenue au bailleur dans le délai de deux mois ci-dessus visé, à peine de forclusion, son silence équivalant à une renonciation au droit de préemption'.
En application de cette disposition, la déclaration adressée au notaire est inopérante et ne peut pallier à l'absence de notification au propriétaire lui-même et il en est autrement, par exception, que lorsqu'il est constaté que le notaire a reçu mandat, de la part du vendeur, de recevoir une telle notification.
Ainsi, la notification du droit de préemption au seul notaire a pas pour effet de rendre nul le dit acte mais seulement de le priver d'efficacité.
Le courrier de Maître [N], notaire, aux trois preneurs en date du 27 juin 2000 précise que la notification vaut offre de vente à condition qu'ils remplissent toutes les conditions pour bénéficier de ce droit et leur demande de bien vouloir indiquer au vendeur, dans le délai de deux mois à compter de la réception du présent courrier, s'ils entendent exercer leur droit de préemption au prix et conditions fixées, et qu'à défaut de réponse dans ce délai de deux mois, ils seront censés avoir renoncé à leur droit de préemption.
Par ailleurs, ce courrier contient toutes les précisions relatives à l'identité et l'adresse du propriétaire vendeur auprès duquel les preneurs devait notifier leur volonté d'exercer leur droit de préemption.
En l'espèce, ainsi que rappelé dans l'exposé des faits, M. [C] et M. [G] ont notifié leur souhait d'exercer leur droit de préemption à la SCP notariale [S] et [N] et non pas au liquidateur de la SCI Arena, propriétaire vendeur du domaine.
Ils ne justifient pas, ni ne soutiennent, qu'un mandat spécial ait été donné au notaire pour recevoir une telle notification ou plus généralement gérer les opérations de vente pour le compte de la SCI Arena.
Il convient par conséquent de constater que M. [C] et M. [G] n'ont pas notifié leur volonté d'exercer leur droit de préemption dans le délai de l'article L 412-8 du code rural et de la pêche maritime et par suite, infirmant le jugement, de les débouter de leur demande.
2. sur la vente des parcelles entre la SCI Arena et les héritiers de M. [Z] [K] :
Par suite de l'arrêt du 27 juillet 1994 de la cour d'appel de Montpellier confirmant le jugement du 7 décembre 1992 du tribunal de grande instance de Béziers par lequel le tribunal a donné acte à M. [Z] [K] de son offre de rachat du domaine de [Localité 26] au prix de 320.000 francs et a autorisé Maître [B] ès qualités de liquidateur de la SCI Arena à lui céder ledit domaine et par application de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite du fait de l'accord sur la chose et sur le prix.
Conformément à la demande, il y a lieu de dire que le présent arrêt vaudra vente et sera publié au bureau des hypothèques du lieu de la situation des parcelles.
3. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCI Arena et des consorts [K], héritiers de M. [Z] [K], en cause d'appel et il leur est alloué à ce titre les sommes respectives de 3.000 € et 2.000 €.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties à l'instance.
Les dépens qui comprennent ceux exposés devant le tribunal de grande instance de Béziers et devant les différentes juridictions dont les décisions ont été cassées, sont à la charge de M. [C] et de M. [G].
PAR CES MOTIFS
LA COUR
statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme le jugement sauf en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de M. [W] [D] ,
statuant de nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [U] [C] et M. [X] [G] de toutes leurs demandes :
Dit que le présent arrêt vaut vente entre la SCI Arena et les héritiers de M. [Z] [K] des parcelles suivantes :
- section C, n°[Cadastre 9], lieudit [Localité 18], d'une superficie de 18 ha 86 a 56 ca,
- section C, n°[Cadastre 10], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 7 ha 12 a 79 ca,
- section C, n°[Cadastre 11], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 38 ha 88 a 50 ca,
- section C, n°[Cadastre 13], lieudit [Localité 23], d'une superficie de 2 ha 02 a 89 ca,
- section C, n°[Cadastre 14], lieudit [Localité 21], d'une superficie de 2 ha 42 a 32 ca,
- section D, n°[Cadastre 1], lieudit [Localité 24], d'une superficie de 1 ha 8 ares 74 ca,
- section D, n°[Cadastre 2], lieudit [Localité 24], d'une superficie de 29 ares 87 ca.
Dit que le présent arrêt sera publié au bureau des hypothèques du lieu de la situation des parcelles à l'initiation de la partie la plus diligente ;
Condamne M. [U] [C] et M. [X] [G] in solidum à payer à la SCI Arena représenté par son liquidateur, M. [J] [K] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [U] [C] et M. [X] [G] in solidum à payer aux héritiers de M. [Z] [K], ensemble, la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [U] [C] et M. [X] [G] aux dépens de première instance qui comprennent ceux exposés devant le tribunal de grande instance de Béziers et devant les différentes décisions cassées,
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT