N° RG 21/00296 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NK7N
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond du 03 novembre 2020
RG : 18/04497
ch n°4
[X]
[B]
C/
S.A. LE CREDIT LYONNAIS - LCL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 12 Juillet 2022
APPELANTS :
M. [U] [X]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 8] (17)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Stéphanie MOUNIER, avocat au barreau de LYON, toque : 1929
Mme [F] [B] épouse [X]
née le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 7] (17)
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Stéphanie MOUNIER, avocat au barreau de LYON, toque : 1929
INTIMÉE :
Société LCL - LE CREDIT LYONNAIS, SA
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1102
Assistée de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocats au barreau de PARIS, toque : L0056
******
Date de clôture de l'instruction : 14 Octobre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Avril 2022
Date de mise à disposition : 21 Juin 2022, prorogée au 12 Juillet 2022, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Audience présidée par Laurence VALETTE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Laurence VALETTE, conseiller
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
En 2013, le Crédit agricole a consenti à M. [U] [X] et Mme [F] [B] épouse [X], un prêt immobilier pour financer l'acquisition de leur résidence principale (achat du terrain et construction de la maison), ainsi que deux prêts destiner à financer des dépenses d'équipement de la maison ou de travaux.
Souhaitant réaménager ces crédits afin de se dégager une capacité de crédit supplémentaire pour réaliser des travaux dans leur maison, M. et Mme [X] ont sollicité la SA LCL (LCL ou le Crédit Lyonnais). Cette dernière leur a donné un accord de principe le 7 mars 2017 pour un rachat de prêt immobilier puis leur a fait une offre de prêt immobilier qu'ils ont acceptée le 14 avril 2017
Entre-temps, ils ont sollicité le Crédit agricole qui leur a fait une offre de crédit à la consommation qu'ils ont acceptée le 13 avril 2017.
Par courriel du 6 mai 2017, le Crédit Lyonnais leur a fait part d'une difficulté pour le déblocage de leur prêt au motif qu'il ne s'agirait pas de regrouper trois prêts immobiliers mais un prêt immobilier et deux crédits à la consommation. Le Crédit Lyonnais leur ayant alors proposé un nouveau montage, ils ont accepté que l'offre initiale soit annulée. Par courrier du 11 août 2017, le Crédit Lyonnais leur a annoncé qu'après étude de leur demande de financement, elle ne pouvait y donner une suite favorable.
S'estimant victimes d'une rupture abusive de son engagement par le Crédit Lyonnais, M. et Mme [X] l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon le 5 avril 2018 pour obtenir, sur le fondement des articles 1240, 1113, 1103, 1104, 1193 et 1231-1 du code civil, sa condamnation à leur verser les sommes de 20 722,12 euros en réparation de leur préjudice financier, 3 600 euros en réparation de leur préjudice moral, 10 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive et 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens, avec exécution provisoire.
Par jugement du 3 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :
- débouté M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes;
- dit que les dépens seront supportés in solidum par M. et Mme [X] et autorisé le cas échéant le conseil de la SA LCL à recouvrer directement contre eux ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision
- condamné, in solidum, M. et Mme [X] à verser à la SA LCL la somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a été signifié à M. et Mme [X] par exploit du 14 décembre 2020.
Par déclaration du 13 janvier 2021, M. et Mme [X] ont relevé appel de ce jugement.
Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2021, M. et Mme [X] demandent à la cour de :
Vu les articles 1103, 1104, 1217, 1240 et 1193 du code civil,
INFIRMER le jugement rendu le 3 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Lyon en toutes
ses dispositions ;
En conséquence,
DÉCLARER recevables et bien fondées les demandes de M. et Mme [X] ;
CONDAMNER la société LCL à verser à M. et Mme [X] les sommes de :
* 5 613,6 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel ;
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral;
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la société LCL aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Stéphanie Mounier, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Au terme de ses conclusions notifiées le 12 juillet 2021, la SA LCL - Le Crédit lyonnais, demande à la cour de :
Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Débouter les époux [X] de l'ensemble de leurs demandes,
Condamner les époux [X] à la somme de 1 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être recouvrés par la SELARL De Fourcroy en la personne de Maître Vincent De Fourcroy conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. et Mme [X] recherchent la responsabilité tant contractuelle que délictuelle du Crédit Lyonnais. Il leur appartient donc de rapporter la preuve d'une faute de cette banque, d'un préjudice et d'un lien de causalité direct et certain entre les deux.
En cause d'appel, ils se prévalent d'un préjudice matériel et moral. Ils ne sollicitent plus d'indemnisation au titre de la résistance abusive.
Sur la faute
1/ Sur l'annulation de la première offre de crédit
M. et Mme [X] soutiennent que le Crédit immobilier a annulé de manière abusive sa première offre de crédit.
Ils font valoir que la banque avait connaissance du fait que l'opération concernait le rachat d'un crédit immobilier et de deux crédits à la consommation ; qu'ils n'ont jamais dit qu'il s'agissait de trois crédits immobiliers mais que dès le premier rendez-vous avec le conseiller clientèle, ils ont indiqué qu'il était question d'un crédit immobilier et de 'deux crédits travaux qui étaient une rallonge du crédit immobilier souscrit lors de la construction' en lui remettant les trois offres de crédits à regrouper ; que la liste des pièces justificatives demandées par le Crédit Lyonnais, communiquée en appel, démontre que la banque était bien en possession de l'ensemble des documents justifiant de la nature des crédits objet de la demande de rachat et des tableaux d'amortissements ; que contrairement à ce que soutient la banque, les offres de crédits faisaient également nécessairement partie de la liste des pièces demandées sous l'intitulé 'documents relatifs au(x) prêt(s) racheté(s)' ; qu'en tout état de cause, si la société LCL nie avoir été en possession de ces trois offres de crédits, elle n'a en revanche jamais contesté avoir reçu les tableaux d'amortissements dont elle précise que 'Il est apparu à la lecture des tableaux d'amortissements adressés par les époux [X] que deux des contrats de prêt, objets du rachat, étaient en réalité des prêts à la consommation' ; que la banque reconnaît donc que les époux [X] lui avaient bien communiqué les éléments sollicités pour l'établissement de l'offre de crédit ; que la société LCL n'a jamais contesté avoir reçu les relevés de compte des époux [X] de janvier à mars 2017 sur lesquels figurent les prélèvements des crédits litigieux, lesquels sont clairement notés comme 'Prêt personnel'.
Ils ajoutent que la banque a manqué tant à son devoir de vigilance dans l'établissement de l'offre de crédit au motif qu'elle aurait du déceler le problème dès réception des justificatifs, les offres de crédit du Crédit Agricole étant claires sur la nature des prêts, qu'à ses obligations d'information et de conseil, M. et Mme [X] ignorant l'importance de la nature des crédits objet de leur demande de regroupement. Ils soulignent que l'agence LCL de Royan a reconnu ses fautes en leur proposant un remboursement des frais de dossier du prêt immobilier ainsi que des frais occasionnés par leur crédit en cours auprès du Crédit Agricole.
Le Crédit Lyonnais conteste avoir commis une faute.
Il fait valoir que M. et Mme [X] lui ont dissimulé la nature des prêts à racheter ; qu'il ressort tant des échanges entre ces derniers et la banque que de leur demande de prêt, que l'objet de cette demande était le rachat de trois crédits immobiliers ; que c'est à partir de leurs déclarations que LCL a proposé la mise en place d'un prêt immobilier garanti par une assurance auprès de CACI 'solution projet immo à taux fixe' et par l'organisme Crédit Logement ; que la demande de prêt indique qu'en cas d'erreur, omission ou fausse déclaration, le dossier pourrait être refusé ou le crédit annulé , que M. et Mme [X] ont certifié sur l'honneur l'exactitude des renseignements donnés ; que l'accord de principe de LCL visait un projet de rachat de prêt immobilier ; que dans l'accord de principe seuls les tableaux d'amortissements étaient sollicités, pas les offres de prêts ; que M. et Mme [X] affirment pour la première fois en cause d'appel avoir adressé les offres de prêts mais n'en rapportent pas la preuve ; que l'offre de prêt éditée sur la base des déclarations de M. et Mme [X], et signée par eux précise qu'elle est 'faite en considération des renseignements communiqués dans la demande de prêt. En cas d'inexactitude, notre établissement aurait la faculté de reconsidérer sa position et, à sa seule appréciation, de ne pas mettre en place le financement, même après votre acceptation' ; qu'il est apparu à la lecture des tableaux d'amortissements adressés par les époux [X] que deux des contrats de prêt, objet du rachat, étaient en réalité des prêts à la consommation ; mais que, contrairement à ce qu'affirment les époux [X], la difficulté n'est pas apparue à la transmission des tableaux d'amortissements mais au moment du déblocage de leur prêt ainsi que cela ressort du courriel du 6 mai 2017 dans lequel LCL fait part de difficulté rencontrée pour le déblocage du prêt et indique '...vous avez indiqué un regroupement de trois prêts immobiliers ; or il semblerait que nous soyons sollicités pour le remboursement d'un prêt immobilier et de deux crédits à la consommation. Le confirmez-vous '..'. Elle précise que si elle avait été avisée de la nature des prêts à racheter elle n'aurait pas proposé la garantie de Crédit Logement qui exclut sa garantie pour les prêts à la consommation ; que le montant limité de deux prêts à la consommation ne pouvait permettre de présumer de leur nature.
Elle fait valoir qu'elle n'était tenue d'aucun devoir de vigilance particulier à l'égard de M. et Me [X]. Elle ajoute que, sollicitée pour le rachat de trois prêts immobiliers, elle a proposé, sur la base des informations données par ses clients, un prêt immobilier classique répondant aux objectifs de ses clients.
Sur ce :
M. et Mme [X] ont signé le 18 mars 2017 une demande intitulée 'demande de prêt immobilier' mentionnant comme projet à financer 'Rachat de prêt immobilier' et trois montant différents de rachats prêts immobiliers.
Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [X], il ne ressort pas de la liste des justificatifs à fournir telle que jointe à l'accord de principe, liste communiquée en cause d'appel, que les offres de prêts rachetés devaient nécessairement être fournies. Ils ne rapportent pas la preuve de ce qu'ils auraient remis ces offres au conseiller clientèle LCL. Il ressort au contraire des échanges de courriels du mois de mai 2017 que la banque n'avait pas été informée de la nature différente des trois prêts, et que M [X] lui-même reconnaissait avoir évoqué un crédit immobilier et deux crédits travaux qui étaient une 'rallonge' (entre guillemets dans le courriel) du crédit immobilier souscrit lors de la construction.
C'est par une exacte analyse des autres éléments du dossier, en particulier des tableaux d'amortissement et de l'offre de crédit, et de justes et pertinents motifs que le premier juge a considéré qu'aucune faute contractuelle ne peut être reprochée au Crédit Lyonnais dans la rupture de son engagement.
M. et Mme [X] ne rapportent pas la preuve qu'eu égard à la nature de leur demande et des éléments qu'ils lui ont communiqués à l'appui de cette demande, le Crédit Lyonnais était tenu à un devoir de vigilance, et a manqué à son obligation d'information.
Dès lors, M. et Mme [X] ne rapportent pas plus qu'en première instance, la preuve d'une faute de nature contractuelle du Crédit lyonnais dans le cadre de la première offre de crédit annulée.
2/ Sur le refus de la seconde offre
M. et Mme [X] prétendent que le Crédit Lyonnais aurait fait preuve de mauvaise foi et aurait abusé de leur confiance dans le cadre de l'examen de leur nouvelle demande de crédit en leur faisant croire qu'un nouveau crédit leur serait accordé alors qu'elle savait que cette nouvelle demande serait refusée en raison de leur nouveau taux d'endettement.
Le Crédit Lyonnais met en avant que M. et Mme [X] ont contracté un autre crédit à la consommation auprès du Crédit Agricole avant le rachat effectif de leurs prêts par le Crédit Lyonnais et en cachant à ce dernier cette aggravation de leur endettement mais également un crédit à la consommation souscrit auprès de CGL ; que leur taux d'endettement au moment de la seconde demande de prêt était de 42,35 %.
Il est établi et non contesté que M. et Mme [X] ont accepté une offre de prêt du Crédit Agricole le 13 avril 2017 pour le financement de leur travaux, soit après l'émission par le Crédit Lyonnais de la première offre de crédit annulée et avant d'avoir accepté cette première offre du Crédit Lyonnais. De sorte que, comme l'a justement retenu le premier juge :
- leur situation était différente lorsque le Crédit Lyonnais a étudié leur demande de crédit dans un deuxième temps, leur capacité d'emprunt s'étant trouvée obérée par suite de l'augmentation certaine de leur endettement ;
- ils ne sauraient donc reprocher à la banque un fait dont eux seuls ont pris la responsabilité, à savoir d'avoir fait le choix de souscrire ce nouveau prêt auprès du Crédit Agricole avant que le financement lié à l'offre de prêt immobilier du Crédit immobilier ne soit débloqué.
Ils ne rapportent pas la preuve qu'ils ont avisé le Crédit Lyonnais de la souscription de ce nouveau crédit et donc de la mauvaise foi de cette banque dont ils se prévalent en cause d'appel.
En conséquence, la cour ne peut qu'approuver le premier juge en ce qu'il a considéré qu'aucune faute engageant la responsabilité délictuelle du Crédit Lyonnais n'est établie.
En définitive, en l'absence de faute engageant la responsabilité contractuelle ou délictuelle du Crédit Lyonnais, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes, étant rappelé qu'en cause d'appel, ces derniers sollicitent l'indemnisation d'un préjudice matériel et d'un préjudice moral mais plus d'indemnisation au titre de la résistance abusive.
Sur les dépens et l'application des articles 699 et 700 du code de procédure civile
Le jugement est confirmé sur ces trois points.
Les dépens d'appel doivent être mis à la charge de M. et Mme [X] qui seront en outre condamnés à payer au Crédit Lyonnais la somme de 1 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Le conseil du Crédit Lyonnais qui en a fait la demande, est autorisé à recouvrir directement à leur encontre les dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré ;
y ajoutant,
Condamne insolidum M. [U] [X] et Mme [F] [B] épouse [X] à payer à la SA LCL - Le Crédit Lyonnais la somme de 1 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [U] [X] et Mme [F] [B] épouse [X] aux dépens d'appel ;
Autorise la SELARL De Fourcroy, avocat, à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT