La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/07/2022 | FRANCE | N°20/06474

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 12 juillet 2022, 20/06474


N° RG 20/06474 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NH3L















Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond du 13 octobre 2020



RG : 18/00815

ch n°4









[K]

[L]



C/



Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORM ANDIE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 12 Jui

llet 2022







APPELANTS :



Mme [F] [O] [K]

née le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 12] (94)

[Adresse 6]

[Localité 8]



Représentée par Me Merveilles SEUBERT, avocat au barreau de LYON, toque : 826



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale num...

N° RG 20/06474 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NH3L

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON

Au fond du 13 octobre 2020

RG : 18/00815

ch n°4

[K]

[L]

C/

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORM ANDIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 12 Juillet 2022

APPELANTS :

Mme [F] [O] [K]

née le [Date naissance 5] 1965 à [Localité 12] (94)

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Merveilles SEUBERT, avocat au barreau de LYON, toque : 826

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/28455 du 03/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)

M. [N] [Z] [I] [L]

né le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 10] (50)

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Merveilles SEUBERT, avocat au barreau de LYON, toque : 826

INTIMÉE :

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE NORMANDIE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par la SAS IMPLID AVOCATS ET EXPERTS COMPTABLES, avocats au barreau de LYON, toque : 768

******

Date de clôture de l'instruction : 04 Octobre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Avril 2022

Date de mise à disposition : 21 Juin 2022, prorogée au 12 Juillet 2022, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Laurence VALETTE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Laurence VALETTE, conseiller

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par acte notarié du 23 décembre 2005, la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie (le Crédit agricole ou la banque) a consenti à la SARL [N] et [F], représentée par M. [N] [L] agissant en qualité de gérant, deux prêts de 100 000 et 55 000 euros, soit au total 155 000 euros pour l'acquisition d'un fonds de commerce d'hôtel bar restaurant à [Localité 9] (Manche). Aux termes du même acte, Mme [F] [K] et M. [N] [L] se sont portés cautions solidaires de SARL [N] et [F] à hauteur de 120 000 euros chacun pour le prêt de 100 000 euros, et à hauteur de 66 000 euros chacun pour le prêt de 55 000 euros.

La SARL [N] et [F] a fait I'objet d'une procédure de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire le 4 juin 2009.

Le Crédit agricole a déclaré sa créance au titre des deux prêts pour 60 152,69 euros et 36 360,83 euros.

Par courriers des 29 juin 2009, le Crédit agricole a mis en demeure les cautions des deux prêts de satisfaire leur obligation de garantie.

Par actes des 19 et 22 janvier 2018, le Crédit Agricole a fait assigner les cautions devant le tribunal de grande instance de Lyon.

Dans ses dernières conclusions, le Crédit Agricole demandait au tribunal de les condamner solidairement à lui payer la somme de 74 120,70 euros arrêtée au 12 novembre 2018 outre intérêts postérieurs au taux de 6,60% ; subsidiairement, s'il devait être déchu des intérêts, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 34 927,08 arrêtée au 12 novembre 2018, outre intérêts postérieurs.

Il soutenait que la preuve du caractère manifestement disproportionné du cautionnement n'est pas établi par les cautions, soulevait la prescription de l'action en responsabilité pour le manquement au devoir d'information et de mise en garde invoqué en défense, cette demande n'ayant été présentée qu'en juin 2018, avoir informé annuellement les cautions conformément aux exigences légales et qu'en tout état de cause, l'article L 341-6 du code de la consommation ne prévoit aucune règle d'imputation des paiements.

Dans leurs dernières conclusions, Mme [K] et M. [L] demandaient au tribunal, à titre principal, de prononcer la nullité de leurs engagements de caution en application de I'article L. 341-4 du code de la consommation et de débouter le Crédit Agricole de toute demande de condamnation et, à titre subsidiaire, de dire que le Crédit Agricole a délibérément manqué à son obligation d'information annuelle à leur égard.

Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :

Condamné solidairement Mme [K] et M. [L] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 74 120.70 euros, outre intérêts au taux de 6,60% à compter du 13 novembre 2018 sur 38 430,14 eurs, les intérêts de retard échus du 31 mars 2013 au 27 février 2017 devant être déduits selon compte à établir entre les parties ;

Dit que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie pourra capitaliser les intérêts échus pour une année entière à compter du 18 janvier 2018 dans les conditions prévues à I'article 1343-2 du code civil ;

Condamné in solidum Mme [K] et M. [L] à payer à Ia Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté les demandes pour le surplus ;

Condamné in solidum Mme [K] et M. [L] aux dépens avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 20 novembre 2020, Mme [K] et M. [L] ont relevé appel des dispositions du jugement ayant :

- Condamné solidairement Madame [K] et M. [L] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 74 120.70 euros, outre intérêts au taux de 6,60% à compter du 13 novembre 2018 sur 38 430,14 eurs, les intérêts de retard échus du 31 mars 2013 au 27 février 2017 devant être déduits selon compte à établir entre les parties ;

- Dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie pourra capitaliser les intérêts échus pour une année entière à compter du 18 janvier 2018 dans les conditions prévues à I'article 1343-2 du code civil ;

- Condamné in solidum Mme [K] et M. [L] à payer à Ia Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté les demandes pour le surplus.

Au terme de conclusions notifiées le 19 février 2021, Mme [K] et M. [L] demandent à la cour de :

Vu les articles L. 341-4 et L. 341-6 et du code de la consommation, et 1147 du code civil, en vigueur au moment de la souscription des engagements de caution litigieux, L. 313-22 du code monétaire et financier, et 244-1 et 1343-5 du code civil,

Déclarer recevable et bien fondé leur appel ;

Y faisant droit :

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- CONDAMNE solidairement Madame [K] et Monsieur [L] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 74 120,70 euros, outres intérêts au taux de 6,60% à compter du 13 novembre 2018 sur 38 490,14 euros, les intérêts de retard échus du 31 mars 2013 au 27 février 2017 devant être déduits selon compte à établir entre les parties ;

- DIT que la caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie pourra capitaliser les intérêts échus pour une année entière à compter du 18 janvier 2018 dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil ;

- CONDAMNE in solidum Mme [K] et M. [L] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Normandie la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- REJETTE les demandes pour le surplus.

ET STATUANT A NOUVEAU :

A titre principal :

JUGER que les engagements de caution souscrits par M. [N] [L] et Mme [F] [K], le 23 décembre 2005 étaient manifestement disproportionnés par rapport à leurs revenus et patrimoine ;

En conséquence

ORDONNER que les engagements de caution souscrits par M. [N] [L] et Mme [F] [K] soient privés de tous effets de droit ;

DÉBOUTER par conséquent le Crédit Agricole de toute demande de condamnation à l'égard de M. [N] [L] et de Mme [F] [K] ;

JUGER que le Crédit Agricole a délibérément manqué à son obligation d'information annuelle à l'égard de M. [N] [L] et de Mme [F] [K] ;

JUGER que les règlements ayant été effectués par la SARL [N] ET [F] sont réputés être imputés sur le capital des prêts du Crédit Agricole ;

ENJOINDRE au Crédit Agricole de verser aux débats un nouveau décompte des montants dus par M. [N] [L] et Mme [F] [K] en leur qualité de caution, prenant en compte la déchéance des intérêts pour toute la période du 23 décembre 2005 au jour des présentes écritures soit le 21 juin 2018 ;

CONSTATER que le Crédit Agricole a gravement manqué à son devoir d'information et de mise en garde envers M. [N] [L] et Mme [F] [K] ;

En conséquence

CONDAMNER le Crédit Agricole à payer à M. [N] [L] et à Mme [F] [K] la somme de 71 710,73 euros ;

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la décision serait confirmée :

CONSTATER que la situation financière de M. [N] [L] et de Mme [F] [K] ne leur permet pas de procéder en une seule fois au règlement des sommes réclamées par le Crédit Agricole ;

ACCORDER à M. [N] [L] et à Mme [F] [K] les plus larges délais de paiement ;

En tout état de cause :

CONDAMNER le Crédit Agricole à payer la somme 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER le Crédit Agricole aux entiers frais et dépens de l'instance.

Au terme de conclusions notifiées le 17 mai 2021, le Crédit Agricole demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants, et 2305 du code civil,

CONFIRMER le jugement attaqué en intégralité, sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels du Crédit agricole pour la période du 31 mars 2013 au 27 février 2017.

Y ajoutant,

DÉCLARER irrecevable comme nouvelle en appel, la demande de M. [N] [L] et de Mme [F] [K], aux fins de voir priver de tous effets juridiques les cautionnements.

DÉCLARER irrecevable comme prescrite la demande de M. [N] [L] et de Mme [F] [K] aux fins de condamnation du Crédit agricole à des dommages-intérêts pour manquement à son devoir d'information et de mise en garde.

En conséquence,

CONDAMNER solidairement M. [N] [L] et Mme [F] [K] au

paiement de la somme de 74 120,70 euros arrêtée au 12 novembre 2018 outre intérêts postérieurs au taux de 6.60%.

Subsidiairement, si le Crédit Agricole Normandie devait être déchu des intérêts,

CONFIRMER le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que la déchéance ne devait porter que sur la période du 31 mars 2013 au 27 février 2017 et a condamné solidairement M. [N] [L] et Mme [F] [K] à la somme de 74 120,70 euros outre intérêt au taux de 6,60% à compter du 13 novembre 2018 sur 38 490,14euros,

Subsidiairement, si le Crédit agricole Normandie devait être déchu des intérêts et que la cour

devait considérer que la Banque devait être intégralement déchue de son droit aux intérêts contractuels, CONDAMNER solidairement M. [N] [L] et Mme [F] [K] au paiement de la somme de 34 927,08 euros arrêtée au 12 novembre 2018, outre intérêts postérieurs.

DÉBOUTER M. [N] [L] et Mme [F] [K] de l'ensemble de leurs

prétentions.

ORDONNER la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

CONDAMNER solidairement M. [N] [L] et Mme [F] [K], au

paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Pierre-Yves CERATO, avocat, sur son affirmation de droit.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine de la cour

A titre liminaire, il sera rappelé :

- qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif,

- que les 'demandes' tendant à voir 'constater' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; qu'il en est de même des 'demandes' tendant à voir 'dire et juger' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur le caractère manifestement disproportionné ou pas des cautionnements

L'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de

l'ordonnance du 14 mars 2016, prévoit que 'Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.'.

1/ sur la recevabilité de la demande

En première instance, M. [L] et Mme [K] se prévalaient déjà du caractère manifestement disproportionné de leurs engagements de caution. Le premier juge a rejeté leur demande de nullité formée à ce titre au motif que la sanction prévue par l'article 341-4 du code de la consommation précité est l'inopposabilité du cautionnement au créancier et non pas la nullité de l'engagement de caution.

En cause d'appel, ils demandent à la cour d'ordonner que leurs engagements de caution soient 'privés de tous effets de droit' et par voie de conséquence de débouter la banque de toute demande à leur encontre. Cette demande tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges à savoir le rejet des prétentions de la banque au titre de leurs engagements de cautions, ce que permettent les dispositions de l'article 565 du code de procédure civile.

La fin de non recevoir est en conséquence rejetée.

2/ sur le fond

Il résulte de l'article L. 341-4 du code de la consommation précité que la disproportion du cautionnement aux biens et revenus de la caution s'apprécie lors de la conclusion de l'engagement, au regard du montant de celui-ci, de la valeur des biens et du montant des revenus de la caution ainsi que de son endettement global.

La preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement repose sur la caution.

Les avis d'imposition de M. [L] et Mme [K] font état revenus de respectivement 23 500 et 18 250 euros pour 2005.

La fiche de renseignement sur la caution qu'ils ont signée le 5 novembre 2005 mentionne un prêt souscrit antérieurement pour l'acquisition en 2002 d'un appartement à usage locatif à [Localité 11], dont les échéances mensuelles de remboursement sont de 980 euros pour un loyer perçu de 880 euros, soit un endettement effectif de 100 euros par mois, et que ce bien est estimé 300 000 euros et hypothéqué à hauteur de 114 300 euros.

M. [L] et Mme [K] font état d'un autre prêt d'un montant de 90 000 euros mais ce prêt a été souscrit par la SARL [N] et [F].

M. [L] fait état de ce qu'il devait régler une pension alimentaire de 400 euros par mois pour ses deux enfants mais n'en justifie pas, et n'a pas déclaré cette pension alimentaire dans la fiche de renseignements sur la caution.

Au vu de ces éléments, la cour considère que M. [L] et Mme [K] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que leurs engagements de caution à hauteur de 186 000 euros chacun étaient, lors de leur conclusion, manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus.

En conséquence, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur leur patrimoine au moment ou ils ont été appelés, M. [L] et Mme [K] doivent être déboutés de leur demande tendant à ce que la banque soit déboutée de toute demande de condamnation à leur encontre.

Dès lors, le jugement est confirmé, par substitution de motif, en ce qu'il a rejeté leur demande de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts

M. [L] et Mme [K] soutiennent que la banque a manqué à son devoir d'information et de mise en garde. Ils font valoir qu'ils ne disposaient pas des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux engagements de caution qu'ils ont consentis. S'agissant du devoir d'information, ils précisent qu'en exigeant un engagement global de 186 000 euros par caution, soit un engagement supérieur de 20% au montant des deux obligations principales, la banque a violé les dispositions de l'article 2290 du code civil. Ils ajoutent que la banque s'est en outre dispensée de ses obligations dans l'acte notarié en y faisant préciser que 'la caution dispense le prêteur de toute obligation d'information, outre celles prévues par la loi et/ou les textes en vigueur' ; que c'est pour cette raison que la banque ne leur a pas fait signer, comme il est d'usage, une fiche de renseignements afin de s'enquérir de leur capacité à prendre en charge de tels engagements de caution , et ce alors qu'ils étaient déjà personnellement endettés auprès de cette banque à hauteur de 227 204 euros ; que le risque de surendettement était évident au vu tant de leur reste à vivre qui était de l'ordre de 5% au moment de la souscription, que leur situation financière qui ne permettait à chacun de dégager par an qu'un revenu inférieur à 10% du total de l'engagement de caution souscrit.

La banque oppose, comme en première instance, l'irrecevabilité de cette demande pour cause de prescription. Le premier juge n'a pas statué sur cette fin de non recevoir dans la mesure où elle n'était pas énoncée dans le dispositif des conclusions de la banque et qu'il n'en était donc pas saisi.

En cause d'appel, la banque qui, dans le dispositif de ses conclusions demande à la cour de déclarer cette demande irrecevable, fait valoir qu'elle a mis les cautions en demeure de respecter leurs engagements de cautions le 29 juin 2009 ; que les cautions avaient donc jusqu'au 29 juin 2014 pour agir à son encontre ; mais que le grief tiré du prétendu manquement du Crédit agricole à son devoir de mise en garde a été soulevé pour la première fois par conclusions notifiées à l'audience de mise en état du 21 juin 2018 devant le tribunal de grande instance de Lyon.

Les cautions ne développent aucun moyen en réponse à cette fin de non recevoir.

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il résulte des articles 2224 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité, pour défaut de mise en garde, exercée par la caution contre la banque est fixé au jour où la caution a su, par la mise en demeure qui lui a été adressée, que les obligations résultant de son engagement allaient être mises à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal.

En l'espèce, la banque justifie avoir adressé le 29 juin 2009 à chacune des cautions des mises en demeure de payer le solde restant dû au titre des deux prêts consentis à la SARL [N] et [F].

Il n'est pas contesté que ce n'est que par conclusions notifiées en vue de l'audience de mise en état du 21 juin 2018 devant le tribunal de grande instance de Lyon que les cautions ont sollicité pour la première fois la condamnation de la banque à leur payer des dommages-intérêts pour violation de son devoir de mise en garde.

Dès lors, la demande des cautions apparaît prescrite et donc irrecevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

L'article L. 341-6 du code de la consommation, dans sa version applicable en l'espèce, prévoyait que : 'Le créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, il rappelle la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. A défaut, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.'.

Les cautions font valoir, comme en première instance, que la banque s'est délibérément dispensée de son obligation d'information annuelle dans l'acte notarié alors que cette obligation est d'ordre public ; que les constats d'huissier qui ont consisté à vérifier par sondage s'ils ont bien reçu des courriers du Crédit agricole, ne peuvent valoir preuve du respect par ce dernier de son obligation d'information annuelle, cette manière de procéder par sondage n'étant pas un gage de réception régulière des lettres d'information et ne permettant pas de s'assurer du contenu envoyé.

La banque qui forme appel incident de ce chef, soutient avoir satisfait à son obligation d'information ; que cette obligation n'est soumise à aucun formalisme et que la preuve de son exécution peut être faite par tous moyens ; qu'elle n'a jamais entendu se soustraire à son obligation d'information annuelle dont il est précisé dans l'acte que 'dans le cas où l'information annuelle de la caution est légalement obligatoire, elle s'effectuera par écrit adressé au prêteur à la caution avant le 31 mars de chaque année' ; que l'attestation de Maître [D] [U] démontre que M. [L] et Mme [K] ont parfaitement été informés de leurs engagements de caution de manière annuelle.

C'est par une exacte analyse des éléments communiqués, en particulier de l'attestation de Maître [U] du 31 janvier 2018 et de ses procès verbaux de constat dressés chaque année entre 2010 et 2014 inclus, et par de justes et pertinents motifs adoptés par la cour et répondant aux moyens d'appel, que le premier juge a retenu que la banque a respecté son obligation légale d'information, sauf pour les années 2014, 2015 et 2016, et qu'il a, en conséquence, déchargé les cautions des seuls intérêts de retard échus depuis le 31 mars 2013, date de la précédente information, jusqu'au 27 février 2017, date de la nouvelle information.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur le montant de la condamnation des cautions

Le premier juge a condamné les cautions à payer à la banque la somme de 74 120,70 euros, outre intérêts au taux de 6,60% à compter du 13 novembre 2018 sur 38 430,14 euros, les intérêts de retard échus du 31 mars 2013 au 27 février 2017 devant être déduits selon compte à établir entre les parties, correspondant au solde restant dû, après déduction de la somme de 50 384,69 euros perçue par la banque du mandataire liquidateur de la SARL [N] et [F]. Ce montant n'est pas contesté. Le premier juge a également répondu aux interrogations des cautions sur le fait que la banque n'a pas pu faire jouer son droit de suite, par des motifs pertinents que la cour adopte.

Le jugement est confirmé

Sur la demande de délai de paiement

M. [L] et Mme [K] sollicitent 'les plus larges délais de paiement' sans autre précision.

Ils font valoir que M. [L] est sans emploi depuis le mois d'avril 2020 ; que Mme [K] qui a des problèmes de santé, travaille à temps partiel et qu'ils disposent de restes à vivre de, respectivement, 374 et 181 euros par mois.

La banque s'y oppose en mettant en avant, d'une part, que les cautions ont déjà bénéficié, de fait, d'un délai de 12 ans pour payer et, d'autre part, qu'ils ne proposent aucun calendrier et ne démontrent pas que des délais leur permettraient de régulariser leur dette.

L'article 1343-5 du code civil prévoit que : 'Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment.'

La cour considère qu'au vu du montant de la dette, des délais dont ont déjà disposé les cautions pour payer, et des sommes mensuelles restant à vivre dont elles se prévalent, que l'octroi de délai de paiement n'est ni justifié ni opportun.

M. [L] et Mme [K] sont déboutés de cette demande.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé sur ces deux points.

Les dépens doivent être mis à la charge de M. [L] et Mme [K] qui seront en outre condamnés à payer à la banque la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande indemnitaire formée par M. [N] [L] et Mme [F] [K] pour manquement de la banque à son devoir d'information et de mise en garde ;

Déboute M. [N] [L] et Mme [F] [K] de leur demande de délais de paiement ;

Condamne in solidum M. [N] [L] et Mme [F] [K] à payer à la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Normandie, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne également aux dépens d'appel, dans la proportion de moitié chacun, dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile en ce qui concerne M. [N] [L], et conformément aux règles applicables en matière d'aide juridictionnelle en ce qui concerne Mme [F] [K].

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 20/06474
Date de la décision : 12/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-12;20.06474 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award