N° RG 21/08647 - N° Portalis DBVX-V-B7F-N7FB
Décision du Juge de la mise en état de Saint-Étienne
du 10 novembre 2021
RG : 20/02012
Organisme CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHÔNE
C/
[P]
BIDAUX
[V]
Mutuelle MUTUELLE ASSURANCES CORPS MEDICAL FRANCAIS (MACSF)
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 07 Juillet 2022
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHÔNE
276 cours Emile Zola
69100 Villeurbanne
Représentée par Me Yves PHILIP DE LABORIE de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T.566
INTIMES :
M. [H] [P]
né le 02 Août 1955 à LE CHAMBON-FEUGEROLLES
5 chemin des Bleus
42530 ST GENEST LERPT
Représenté par Me Jean-yves DIMIER de la SCP CROCHET-DIMIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
M. [X] [G]
né le 29 Janvier 1954 à BESSEGES (30160)
3 avenue d'Annecy
73100 AIX LES BAINS
Représenté par Me Isabelle GRANGE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 51
M. [I] [V]
né le 16 Septembre 1961 à PARIS (42500)
5 rue Emile Clermont
42100 SAINT ETIENNE
MUTUELLE ASSURANCES CORPS MEDICAL FRANCAIS (MACSF)
10 rue de Valmy
92800 PUTEAUX
Représentés par Me Philippe CHOULET de l'AARPI CABINET CHOULET AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 183
assisté de Me Jean-yves DIMIER de la SCP CROCHET-DIMIER, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
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Date de clôture de l'instruction : 31 Mai 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Juin 2022
Date de mise à disposition : 07 Juillet 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Dominique BOISSELET, président
- Evelyne ALLAIS, conseiller
- Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier
A l'audience, Stéphanie ROBIN a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
M. [Z] a consulté le docteur [G], ophtalmologue pour une intervention chirurgicale de la cataracte. L'opération a été réalisée le 15 janvier 2007.
Après son réveil, et une vive dégradation de son état de santé, M.[Z] a été hospitalisé au service réanimation du CHU de Saint Etienne, puis au centre médical de l'Argentière le 26 juin 2007, où il est resté jusqu'à son décès le 26 février 2010.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Rhône a versé à son assuré la somme totale de 375.965,67 euros.
La veuve de M. [Z], venant aux droits de son défunt mari, a saisi le tribunal de grande instance de Saint Etienne, aux fins d'expertise, pour déterminer notamment les causes du décès.
Par ordonnance du 17 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Saint Etienne a désigné M. [O], en qualité d'expert judiciaire.
Il a déposé son rapport le 13 octobre 2014. Il a conclu que les causes du décès étaient dues aux antécédents du patient (entre 30 et 40%), à l'aléa thérapeutique (entre 25% et 30%) et concernant les professionnels de santé a fait état des responsabilités suivantes :
- M. [V] ( l'anesthésiste pour les consultations pré anesthésistes) : jusqu'à 10%, en raison de l'absence d'examen clinique des vaisseaux du cou et de consignes explicites de gestion du traitement, lors de la consultation d'anesthésie,
- M. [P] (l'anesthésiste réanimateur) : de 5% à 10%, en raison de l'excès de résultat du traitement de restriction hydrique mis en place,
- M. [G] (l'ophtalmologue) : de 5 à 10%, en raison de l'absence de bilan préopératoire poussé, pourtant nécessaire, et du manquement à son obligation d'information,
- M. [S] (l'anesthésiste) : entre 10 et 15%, en raison de sa négligence dans la complétude de la feuille de soins, de l'absence de réaction de sa part, suite à trois baisses de tension du patient et du non-respect de son obligation d'information.
Par actes d'huissier du 4 mars 2020, 12 mars 2020 et 30 juin 2020, la CPAM du Rhône a assigné M. [V], M. [P], M. [G], M. [S] et la MACSF, assureur de M. [P] et de M.[V], devant le tribunal judiciaire de Saint Etienne, aux fins de :
- dire et juger que M. [V], M. [P], M. [G], et M. [S] doivent supporter solidairement 45% de la perte de chance d'éviter les dommages subis par M. [Z],
- en conséquence les condamner in solidum, ainsi que la MACSF, es qualité d'assureur de M. [V] et de M. [P] à lui régler :
* 45% des prestations servies à M. [Z] soit 150.386,26 euros,
* 1.091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire,
* 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, et les dépens.
Le docteur [S] est décédé le 3 juillet 2020.
Par des conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 3 mai 2021, M. [G] a saisi le juge de la mise en état aux fins de :
- juger que l'action de la CPAM du Rhône est prescrite,
- déclarer irrecevable l'action de la CPAM,
- condamner la CPAM du Rhône, à lui régler la somme de 2.400 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Il soutient ainsi que la saisine du juge judiciaire est intervenue postérieurement au délai de 10 ans, prévu par l'article L 1142-28 du code de la santé publique.
M. [V], et la MACSF, prise en sa qualité d'assureur de M. [S], décédé le 3 juillet 2020, et de M. [V] ont également invoqué la prescription de l'action de la CPAM et l'irrecevabilité de ses demandes.
La CPAM a sollicité principalement le débouté de la fin de non recevoir, liée à la prescription, et a demandé de déclarer recevable son action.
M. [P] n'a pas conclu dans le cadre de l'incident.
Par ordonnance du 8 juillet 2021, le juge de la mise en état a ordonné l'interruption de l'instance, du fait du décès de M. [S], et a sollicité la position de la caisse primaire d'assurance maladie, sur la mise en cause des héritiers ou l'abandon des poursuites, et a demandé la production d'un certificat de décès.
La CPAM du Rhône a répondu par un courrier du 8 octobre 2021, qu'elle n'entendait pas mettre en cause les héritiers de M. [S], mais souhaitait maintenir les demandes relatives à la responsabilité du docteur [S], en les portant directement contre son assureur, la MACSF, laquelle est déjà présente à l'instance.
Par ordonnance du 10 novembre 2021, le juge de la mise en état a :
- déclaré irrecevables comme étant prescrites, les demandes de la CPAM du Rhône,
- condamné la CPAM du Rhône aux dépens et à verser la somme de 500 euros à M. [G] et 500 euros à M. [V] et la MACSF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la CPAM du Rhône aux dépens.
Par déclaration du 3 décembre 2021, la CPAM du Rhône a interjeté appel de l'ordonnance précitée.
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 3 janvier 2022 par voie électronique, la CPAM du Rhône demande à la Cour :
- d'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 10 novembre 2021,
et statuant à nouveau de :
- juger recevable l'action de la CPAM du Rhône,
- condamner in solidum les intimés à verser à la CPAM du Rhône la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code civile,
- réserver les dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle soutient que le délai de prescription de dix ans, posé par l'article L 1142-28 du code de la santé publique, ne court pas ou est suspendu contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir, par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
Le délai ne court donc, qu'à compter de la date à laquelle la victime ou son subrogé a pu intenter une action au fond. Cette dernière n'est possible, que lorsque la connaissance de l'auteur des dommages existe. Ainsi, elle fait valoir qu'elle ne pouvait agir, avant le dépôt du rapport d'expertise, qui a permis de déterminer si des manquements pouvaient être reprochés à des praticiens, et s'ils pouvaient avoir la qualité de tiers responsables, pour permettre à la CPAM d'exercer son recours subrogatoire.
Elle ajoute que, même si des fautes des praticiens pouvaient être envisagées, il convenait de déterminer quels étaient les responsables et leur part de responsabilité, compte tenu du nombre de praticiens étant intervenu.
Elle souligne que la complexité de l'imputation des responsabilités ressort de la densité du rapport d'expertise.
Subsidiairement, si la date du décès était retenue comme point de départ du délai de prescription, elle invoque la suspension de la prescription, résultant de la saisine du juge des référés les 9 et 12 septembre 2011 par Mme [Z].
Elle ajoute qu'il existe une cotitularité des droits entre l'action de Mme [Z], en sa qualité d'ayant droit, et celle de la CPAM en sa qualité de subrogée. Or, elle expose que la prescription extinctive atteint le droit lui-même, et n'affecte pas une action en justice.
Elle estime ainsi que la CPAM, qui exerce les mêmes droits que Mme [Z], bénéficie des effets interruptifs et suspensifs de prescription, même si elle n'était pas représentée lors de la procédure.
Par des conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 13 janvier 2022, Monsieur [P], et son assureur la MACSF, demandent à la Cour de :
- confirmer l'ordonnance attaquée,
y ajoutant,
- de condamner la CPAM du Rhône à payer à M. [P] et à la société MACSF la somme de 2.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, en application de l'article 699 du code de procédure civile, au profit de maître Jean Yves Dimier, avocat de la SCP Crochet Dimier.
Ils soutiennent que dans un arrêt publié, rendu le 31 janvier 2019, la Cour de Cassation a jugé que la suspension de la prescription, en application de l'article 2239 du code civil, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, qui fait le cas échéant, suite à l'interruption de cette prescription au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé et tend à préserver les droits de la partie ,ayant sollicité celle-ci durant le délai de son exécution, ne joue qu'à son profit. Il résulte donc du rapport d'expertise en l'espèce que la consolidation médico légale pouvait être fixée au plus tard, le jour du décès soit le 26 février 2010, de sorte que l'action est precrite.
Ils ajoutent que les arrêts de cours d'appel, invoqués par l'appelante, ne correspondent pas au cas d'espèce, puisqu'ils visent l'article 2234 du code civil, faisant référence à l'interruption ou la suspension de la prescription, lorsque la personne est dans l'impossibilité d'agir, suite à un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, ce que ne démontre pas la CPAM.
Ils s'interrogent également sur la nature de la demande initiale, correspondant à une demande de remboursement de prestations servies. En l'absence de toute faute établie, ils font valoir que la prescription quinquennale, posée par l'article 2224 devrait s'appliquer, l'action étant en tout état de cause prescrite.
Ils indiquent également, contrairement à ce que soutient la CPAM, que cette dernière et Mme [Z] exercent des droits propres et distincts, de sorte que la suspension ou l'interruption de la prescription profitant à l'un, ne peut bénéficier aux autres.
Elle souligne que Mme [Z] disposait en son temps d'une action en responsabilité, qu'elle n'a pas initiée et que la CPAM du Rhône revendique la prise en charge d'une partie de ses débours, sur la base d'une créance qui n'est pas certaine, puisque la faute des praticiens n'est pas établie.
M. [V] et la MACSF demandent à la Cour de :
- déclarer irrecevable, comme manifestement prescrite, les demandes dirigées à leur encontre par la CPAM du Rhône,
- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 10 novembre 2021 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Saint Etienne,
- condamner la CPAM du Rhône aux entiers dépens et à leur verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que l'affirmation de la CPAM selon laquelle, elle n'aurait pas eu la possibilité d'agir avant le dépôt du rapport d'expertise est erronée, dans la mesure où la lecture de l'ordonnance de référé suffit à démontrer qu'elle avait été assignée par Mme [Z], mais qu'elle a fait le choix de ne pas comparaître et de ne pas participer aux opérations d'expertise.
Dès l'assignation de septembre 2011, elle ne pouvait ignorer que les praticiens étaient mis en cause.
En outre, elle précise que la CPAM ne démontre pas, en quoi elle se serait trouvée dans l'impossibilité d'agir au sens des dispositions de l'article 2234, l'attente d'un rapport d'expertise, ne pouvant constituer un motif adapté.
Par ailleurs, la CPAM ne saurait davantage se prévaloir de l'application des dispositions de l'article 2239 du code civil, qui mentionnent la suspension de la prescription, lorsqu'une mesure d'instruction a été ordonnée.
En effet, la mesure d'expertise n'a pas été ordonnée à l'initiative de la CPAM du Rhône et cette dernière est subrogée dans les droits de M. [Z] et non de Mme [Z].
Or, il est rappelé que la jurisprudence récente a précisé que la mesure d'instruction n'a un effet interruptif de prescription, qu'au profit de la partie qui l'a sollicitée, en référé. L'argumentation de la CPAM devra en conséquence être rejetée.
M. [G], par des conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 2 février 2022, demande à la Cour de :
- confirmer l'ordonnance attaquée en toutes ses dispositions,
- déclarer l'action de la CPAM du Rhône prescrite,
- déclarer les demandes de la CPAM du Rhône irrecevables,
et y ajoutant,
- condamner la CPAM du Rhône au paiement de la somme de 2.400 euros et des dépens, dont distraction, au profit de maître [L].
Il fait valoir que la CPAM ne peut invoquer un cas de force majeure, pour expliquer qu'elle a été empêchée d'agir, en l'absence d'élément imprévisible et irrésisistible.
La CPAM ne peut par ailleurs arguer d'une absence de connaissance des responsabilités de chacun et de l'identité des auteurs le cas échéant responsables. En effet, elle ne peut, tout d'abord ignorer le parcours inhabituel de ce patient, se retrouvant en réanimation pour une 'simple' opération de la cataracte.
En outre, elle a remboursé aux différents praticiens leurs prestations, de sorte qu'elle ne peut sérieusement déclarer ignorer leurs noms.
Ensuite, elle ne peut davantage se prévaloir du rapport d'expertise sollicitée par Mme [Z], sa demande ne reposant pas sur le même fondement juridique et la Cour de Cassation ayant expressément rappelé que cette interruption ne peut bénéficier qu'à la partie qui a sollicité la mesure d'expertise.
La clôture de la procédure a été prononcée le 31 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription
Aux termes de l'article L 1142-28 du code de la santé publique,
'Les actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé ou des établissements de santé publics ou privés à l'occasion d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage'. Cette prescription décennale est également opposable aux organismes de sécurité sociale subrogés.
Il existe donc un texte spécifique prévoyant une prescription de dix ans, dont le point de départ est le jour de la consolidation du dommage. Ces dispositions sont applicables en l'espèce, s'agissant d'un texte spécial, dérogeant aux dispositions générales.
Pour échapper à l'acquisition de la prescription, la CPAM du Rhône fait valoir deux moyens principaux qu'il convient d'examiner successivement. Elle soutient, tout d'abord, qu'elle a été dans l'impossibilité d'agir avant le dépôt du rapport d'expertise en 2014, et ce au visa de l'article 2234 du code civil. Ensuite, elle invoque le bénéfice des dispositions de l'article 2239 du code civil, dans le cadre de la mesure d'instruction sollicitée en référé par Mme [Z], qui doit, à son sens, lui profiter également.
- Sur l'impossibilité d'agir en application de l'article 2234 du code civil
En application de l'article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue, contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
En l'espèce, la charge de la preuve de l'impossibilté d'agir incombe à la CPAM du Rhône.
La CPAM du Rhône soutient qu'elle ne pouvait pas agir, avant le rapport d'expertise, qui a déterminé les responsabilités et les identités de chacun. Cependant, un rapport d'expertise n'est qu'une mesure conservatoire, qui n'empêche pas une partie d'agir pour faire établir les responsabilités.
En outre, la CPAM du Rhône ne peut feindre d'ignorer les difficultés et complications survenues dans le cadre d'une intervention au départ banale de la cataracte, même si toute intervention chirgurgicale comporte un aléa, puisque le patient a été hospitalisé peu après l'opération en réanimation.
Elle a également remboursé des prestations aux différents praticiens, de sorte que les arguments sur la méconnaissance des identités ne peut prospérer.
De plus, elle a été attraite par Mme [Z], dans le cadre de la procédure de référé sollicitant une expertise, et elle était donc informée des interrogations posées sur les responsabilités a minima de deux praticiens. L'ordonnance de référé précise à cet égard que Mme [Z] a fait procéder à des assignations en date du 9 et 12 septembre 2011, s'interrogeant sur les circonstances du décès de son mari.
En outre, le délai de dix ans, posé par la loi, est un délai suffisamment long, permettant à la CPAM de solliciter le cas échéant les mesures d'investigation de nature à déterminer les responsabilités des différents professionnels de santé. Son absence de diligence, alors qu'elle était en possession des informations lui permettant, si elle le souhaitait, de déterminer si elle pouvait exercer un recours subrogatoire concernant les tiers responsables ne saurait constituer une impossibilité d'agir.
Ainsi, la CPAM du Rhône est défaillante à rapporter la preuve qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité d'agir, suite à un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure, aucune de ces conditions n'étant réunie.
Le point de départ de la prescription est ainsi fixé à la 'consolidation du dommage' donc en l'espèce, au plus tard, à la date du décès de M. [Z], soit le 26 février 2010.
Au surplus, la règle, selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est empêché d'agir, ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, à la cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription.
Dès lors, même si le raisonnement de la CPAM était retenu, la cessation de l'empêchement correspondrait au dépôt du rapport d'expertise, soit le 13 octobre 2014, ce qui laissait à l'organisme social, un délai de plus de cinq ans pour agir avant l'expiration du délai de prescription. En tout état de cause, la CPAM ne peut en conséquence se prévaloir des dispositions de l'article 2234 du code civil.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée sur point.
- Sur la suspension de la prescription en application de l'article 2239 du code civil
Selon l'article 2239 du code civil, la prescription est également suspendue, lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.
La CPAM du Rhône soutient ainsi que le délai de prescription a été suspendu par la mesure d'expertise ordonnée en référé, à la demande de Mme [Z]
Mais, la suspension de la prescription en application de l'article 2239, lorsque le juge accueille une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès, qui fait le cas échéant suite à l'interruption de cette prescription au profit de la partie, ayant sollicité cette mesure, en référé et tend à préserver les droits de la partie, ayant sollicité celle-ci durant le délai de son exécution, ne joue qu'à son profit.
Dès lors la jurisprudence antérieure différente, invoquée par la CPAM, ne peut être retenue.
Par ailleurs, la CPAM se prévaut d'une cotitularité de droits avec Mme [Z], considérant que celle-ci agit en qualité d'ayant droit de M. [Z] et la CPAM en qualité de subrogé et qu'il s'agit d'une même action, de sorte que le bénéfice de la suspension de la prescription doit s'appliquer à la CPAM.
Toutefois, il convient préalablement de relever que la CPAM du Rhône n'est pas à l'origine de la demande d'expertise devant le juge des référés. Ensuite, la CPAM invoque les dispositions de l'article 1312 du code civil, prévoyant que tout acte qui interrompt ou suspend la prescription à l'égard de l'un des créanciers solidaires, profite aux autres créanciers.
Cependant il est rappelé à l'article 1311 du code civil que la solidarité entre créanciers permet à chacun d'eux d'exiger et de recevoir le paiement de toute la créance, ce qui ne correspond pas au cas d'espèce, la CPAM ne pouvant exiger les mêmes créances, le cas échéant que Mme [Z].
En effet les demandes ne portent pas sur les mêmes préjudices et il n'existe pas de cotitularité de droits comme le soutient la CPAM du Rhône.
La loi confère en effet à la CPAM uniquement un recours subrogatoire sur les sommes qu'elle a réglées. De plus elle est subrogée dans les droits de M. [Z] et non de Mme [Z].
Elle ne peut en conséquence bénéficier de la suspension de la prescription prévue par l'article 2239 du code civil, qui ne bénéficie qu'à Mme [Z].
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la CPAM ne justifie d'aucune cause d'interruption ou de suspension de la prescription de dix ans.
Celle-ci a commencé à courir à compter du 26 février 2010. Les assignations de la CPAM ayant été délivrées le 4 mars 2020, 12 mars 2020 et le 30 juin 2020, soit plus de dix ans après, l'action est prescrite.
C'est donc à bon droit que le juge de la mise en état a déclaré prescrite l'action de la CPAM et en conséquence ses demandes irrecevables.
- Sur les demandes accessoires
Il convient tout d'abord de confirmer les dispositions de l'ordonnance attaquée, concernant les dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, le juge de la mise en état ayant fait une juste appréciation.
En outre, la CPAM du Rhône succombant en appel, elle est condamnée aux dépens de la procédure d'appel, avec distraction au profit de maître [L] avocat, et de maître Jean Yves Dimier, avocat de la SCP Crochet Dimier, en application de l'article 699 du code de procédure civile
Enfin, l'équité commande de la condamner à payer 1.500 euros à M. [G], 1.500 euros à M. [P] et la MACSF en sa qualité d'assureur, 1.500 euros à M. [V] et la MACSF en sa qualité d'assureur, au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la CPAM du Rhône aux dépens de la procédure d'appel, avec distraction au profit de maître [L] avocat, et de maître Jean Yves Dimier, avocat de la SCP Crochet Dimier, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la CPAM du Rhône à payer 1.500 euros à M. [G], 1.500 euros à M. [P] et la MACSF en sa qualité d'assureur, 1.500 euros à M. [V] et la MACSF en sa qualité d'assureur, au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.
Rejette les autres demandes des parties.
LE GREFFIERLE PRESIDENT