N° RG 20/01133 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M3QA
Décision du
Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE
Au fond du 07 janvier 2020
RG : 18/03517
[L]
C/
[K]
[M]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 28 Juin 2022
APPELANTE :
Mme [O] [T] [U] [L] épouse [E]
née le 28 Septembre 1950 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par la SELARL LEXFACE, avocats au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉS :
M. [A] [Y] [Z] [K]
né le 25 Décembre 1947 à [Localité 10] (42)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON, toque : 1547
Assisté de Me Bernard PEYRET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : C 66
Mme [T] [M] épouse [K]
née le 03 Février 1949 à [Localité 10] (42)
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON, toque : 1547
Assistée de Me Bernard PEYRET, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : C 66
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Date de clôture de l'instruction : 16 Septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Mai 2022
Date de mise à disposition : 28 Juin 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Laurence VALETTE, conseiller
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Stéphanie LEMOINE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Mme [O] [L] épouse [E] est propriétaire sur la commune de [Localité 8] d'un tènement immobilier cadastré section AH n°[Cadastre 6].
Alléguant que le mur situé à l'arrière de l'immeuble, sis [Adresse 4], appartiendrait à M. et Mme [K], propriétaires de la parcelle cadastrée AH n°[Cadastre 5], Mme [E] leur a demandé de participer à sa réfection.
Par assignation en référé du 22 septembre 2015, Mme [E] a sollicité l'organisation d'une mesure d'expertise. Par ordonnance du 5 novembre 2015, le juge des référés a ordonné la réalisation d'une expertise et désigné M. [F] en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 31 mars 2017.
Par acte d'huissier de justice du 16 octobre 2018, Mme [E] a fait assigner M. et Mme [K] devant le tribunal de grande instance de Saint-Etienne, aux fins de les voir condamner à procéder aux réparations rendues nécessaires par l'état du mur litigieux et déterminées par l'expert, à défaut de l'autoriser à les faire réaliser aux frais avancés des époux [K], et à titre subsidiaire, si le tribunal venait à lui reconnaître la propriété du mur litigieux, les condamner à maintenir leurs terres par tout autre moyen que l'appui sur le mur qui est sa propriété, les condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais d'expertise.
Par jugement du 7 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :
- homologué le rapport d'expertise judiciaire de M. [F] du 31 mars 2017,
- débouté Mme [E] de toutes ses demandes,
- condamné Mme [E] à payer à M. et Mme [K] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- condamné Mme [E] à payer à M. et Mme [K] la somme de 1.000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [E] aux entiers dépens, dont ceux de référé et d'expertise judiciaire, distraits au profit de Me Bernard Peyret, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Par déclaration du 12 février 2020, Mme [E] a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Au terme de conclusions notifiées le 20 avril 2021, Mme [E] demande à la cour de :
Avant dire droit,
- ordonner une nouvelle mesure d'expertise judiciaire en cause d'appel,
- désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :
- se rendre sur place après avoir convoqué les parties et recueillir leurs explications,
- prendre connaissance des documents de la cause,
- retracer l'historique du mur et les étapes de sa construction,
- constater et vérifier l'état du mur en cause,
- préciser les causes, notamment de la dégradation du crépi,
- donner son avis sur la nature, le coût prévisionnel et la durée des travaux propres à remédier aux dommages constatés,
- donner son avis sur la mitoyenneté du mur,
- préconiser le cas échéant les travaux conservatoires qui seraient nécessaires et en chiffrer le coût,
- donner tout élément permettant de déterminer la propriété du mur, au besoin avec l'aide d'un sapiteur géomètre,
- fournir tous éléments techniques et de fait permettant de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices de toute nature subis ; chiffrer ces derniers,
- donner plus généralement tout élément d'information utile.
- dire et juger que les frais avancés d'expertise seront partagés par moitié,
Au fond, infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne, et statuant à nouveau,
- dire et juger que le mur de soutènement séparant les parcelles AH [Cadastre 5] et AH [Cadastre 6] est mitoyen,
- dire et juger que les travaux de remise en état du mur devront être pris en charge par moitié entre Mme [E] et les consorts [K],
- débouter M. et Mme [K] de leurs demandes inhérentes à leur prétendu préjudice moral,
- condamner M. et Mme [K] à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. et Mme [K] aux dépens de référé, de première instance et d'appel, comprenant notamment le coût de l'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Pierre Berger, de la SELARL Lexface.
Au terme de conclusions notifiées le 31 mai 2021, M. et Mme [K] demandent à la cour de :
- débouter Mme [E] de sa demande de nouvelle expertise judiciaire,
- confirmer le jugement prononcé le 7 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Etienne en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- condamner Mme [E] à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [E] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Baufumé Sourbé, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 septembre 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la demande d'une nouvelle expertise
Alléguant qu'il existe des lacunes et approximations dans le rapport d'expertise établi par M. [F], Mme [E] sollicite que soit ordonnée une nouvelle expertise. Elle ajoute qu'elle a fait procéder à une expertise amiable, réalisée le 20 mars 2017 par M. [V], qui conclut, à l'inverse de M. [F], que le mur, qui se compose de deux parties distinctes, est mitoyen. Enfin, elle indique que le coût de la remise en état du mur chiffré par le premier expert à la somme de 32.280 euros, n'est corroboré par aucun devis.
M. et Mme [K] s'opposent à une nouvelle expertise, l'expert ayant, selon eux, procédé à toutes les investigations utiles.
Le rapport remis par M. [F], expert désigné par la juridiction des référés, qui est suffisamment motivé et détaillé, répond à l'intégralité des questions posées dans sa mission.
En conséquence, il convient de débouter M. [E] de sa demande tendant à voir ordonner une nouvelle expertise.
2. Sur la propriété du mur litigieux et son entretien
M. [F], expert judiciaire, désigné par le juge des référés pour procéder à l'expertise, s'est fait assister par M. [C], expert géomètre, en qualité de sapiteur.
L'expert a conclu au terme de son rapport que le mur en cause est propriété exclusive de la parcelle n°AH [Cadastre 6], et donc propriété de Mme [E].
Pour en arriver à cette conclusion, l'expert a fait intervenir M. [C], qui a retenu que:
- que les titres ne contiennent pas d'informations sur la propriété du mur,
- que la symbolique de représentation cadastrale (petit trait du côté Ouest du mur) indique la propriété du mur à la parcelle AH [Cadastre 6], ce qui constitue un indice d'appartenance de ce mur à la parcelle AH[Cadastre 6],
- le mur présente un retour à chaque angle côté Nord et côté Sud et ces retours s'appuient sur la façade Est du bâtiment construit sur la parcelle AH[Cadastre 6]. Ce mur profite à la parcelle AH[Cadastre 6], qu'il ferme donc intégralement,
- les couvertines de protection du sommet du mur ont toutes un sens d'écoulement orienté dans la cour, ce qui constitue un indice d'appartenance de ce mur à la parcelle AH[Cadastre 6],
- le propriétaire de la parcelle AH[Cadastre 6] se comporte en propriétaire du mur par la réalisation unilatérale de travaux (enduit, carottages),
- dans la partie principale du mur, entre AH[Cadastre 5] et AH[Cadastre 6], il s'agit d'un mur de soutènement et non d'un mur de clôture,
- la parcelle AH [Cadastre 5] n'a pas fait l'objet d'un remblaiement significatif dans sa partie Ouest, tandis que la partie Est de la parcelle AH[Cadastre 6] (cour) se trouve fortement excavée,
- à l'est du mur de soutènement, il existe une clôture ancienne grillagée, qui est décalée du mur, ce qui est un signe de non-mitoyenneté du mur,
- la présence d'appentis accolés au mur apporte un indice d'appartenance du mur de soutènement à la parcelle AH[Cadastre 6],
- le mur de soutènement présente un intérêt architectural évident pour la construction de l'immeuble sur la parcelle AH94, en permettant, à partir de l'excavation réalisée, la création d'une cour, laquelle permet de créer une dépendance ainsi que des ouvertures dans le mur Est de l'immeuble et d'assainir le pied du mur Est de l'immeuble. A l'inverse, le mur a un intérêt architectural limité pour la parcelle AH[Cadastre 5], dont la construction est située à environ 25 mètres en contre-haut du mur.
La circonstance que l'expertise amiable réalisée par M. [V], à la demande exclusive de Mme [E], conclut au caractère mitoyen du mur, ne saurait remettre en cause les conclusions de l'expert judiciaire, qui sont précises et parfaitement étayées.
Ainsi, il est démontré, d'une part, que la construction de l'immeuble de Mme [E], avec ses cours et dépendances, n'aurait jamais été possible sans l'excavation qui a été réalisée, qui avait pour corollaire l'édification d'un mur de soutènement important et indispensable. D'autre part, il n'est pas établi que l'exhaussement de 2,25 mètres en partie haute serait intervenu dans un deuxième temps pour remblayer et mettre à niveau le fonds appartenant à M. et Mme [K], alors que M. [C] a relevé que 'la présence d'un talus entre les parcelles AH [Cadastre 7] et AH [Cadastre 5] indique que la parcelle AH [Cadastre 5] n'a pas fait l'objet d'un remblaiement significatif dans sa partie Ouest (aucun ouvrage de soutènement, maintien des terres à cet endroit). Le niveau est sensiblement équivalent le long de la crête du mur de soutènement litigieux. La partie Est de la parcelle AH [Cadastre 6] (cour) se trouve fortement excavée.'
En conséquence de l'ensemble de ces éléments, il convient de retenir que le mur litigieux appartient exclusivement à Mme [E] et que son entretien lui incombe en totalité. Il y a donc lieu de la débouter de sa demande tendant à voir condamner M. et Mme [K] à prendre en charge la moitié des travaux de remise en état du mur et de confirmer le jugement.
3. Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Au regard de l'expertise amiable produite, Mme [E] pouvait légitimement croire que le mur litigieux était un mur mitoyen, de sorte qu'en introduisant la présente procédure, elle n'a commis aucune faute ni aucun abus.
En conséquence, il convient de débouter M. et Mme [K] de leur demande de dommages-intérêts et d'infirmer le jugement de ce chef.
4. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. et Mme [K] en cause d'appel et leur alloue, à ce titre, la somme globale de 3.000 euros.
Les dépens d'appel sont mis à la charge de Mme [E], qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné Mme [O] [E] à payer à M. et Mme [K] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral.
Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,
Déboute M et Mme [K] de leur demande de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral;
Déboute Mme [O] [E] de sa demande tendant à voir ordonner une nouvelle expertise judiciaire;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne Mme [O] [E] à payer à M. et Mme [K] la somme globale de 3.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Condamne Mme [O] [E] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT