No RG 22/04326
No Portalis DBVX-V-B7G-OLM7
Nom du ressortissant :
[K] [U]
[U]
C/
PRÉFET DE L'ISÈRE
COUR D'APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 14 JUIN 2022statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 03 janvier 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,
Assistée de Manon CHINCHOLE, greffier,
En l'absence du ministère public,
En audience publique du 14 Juin 2022 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
M. [K] [U]
né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 12] (ALBANIE)
de nationalité Albanaise
Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 9] [Localité 10]
comparant assisté de Maître Sébastien GUERAULT, avocat au barreau de LYON, commis d'office et avec l'assistance de Monsieur [F] [V], interprète en langue albanaise inscrit sur liste CESEDA, serment prêté à l'audience,
ET
INTIME :
M. PRÉFET DE L'ISÈRE
[Adresse 2]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de Lyon, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO et CORDIER, avocats au barreau de l'AIN,
Avons mis l'affaire en délibéré au 14 Juin 2022 à 16 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Par arrêté du 07 décembre 2017, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire a été édictée par le préfet de l'Isère. Cette décision a été notifiée à notifiée à [K] [U] le 04 janvier 2018.
Saisi d'un recours, le tribunal administratif de Grenoble par jugement du 12 juin 2018 confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon le 10 décembre 2018 l'a rejeté et validé l'arrêté préfectoral.
[K] [U] a demandé l'asile, requête rejetée par l'OFPRA dont la décision a été confirmée par la cour nationale du droit d'asile le 22 décembre 2019.
Le 27 décembre 2019, une obligation de quitter le territoire français a été notifiée à [K] [U] par le préfet de Saône et Loire.
Le 16 juin 2020 [K] [U] a été éloigné du territoire français.
Le 06 juin 2022 [K] [U] a fait l'objet d'un contrôle routier à l'issue duquel il a été placé en retenue administrative.
Le 09 juin 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d'une interdiction de retour pendant un an a été notifiée à [K] [U] par le préfet de l'Isère.
Le 09 juin 2022, le préfet de l'Isère a ordonné le placement de [K] [U] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement
Suivant requête du 10 juin 2022, reçue le jour même à 14 heures 57, le préfet de l'Isère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.
Le conseil de [K] [U] a déposé des conclusions devant le juge des libertés et de la détention par lesquelles il soulève l'irrégularité de la procédure et le rejet de la requête préfectorale.
Dans son ordonnance du 11 juin 2022 à 11 heures 54 , le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a rejeté les exceptions soulevées et ordonné la prolongation de la rétention de [K] [U] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 9] [Localité 10] pour une durée de vingt-huit jours.
Par déclaration au greffe le 13 juin 2022 à 10 heures 21, [K] [U] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation outre sa mise en liberté.
Il soutient que la durée de 1H15 entre le moment du contrôle et le placement en retenue est excessive puisque la distance kilométrique ne la justifie pas et qu'aucune mention au dossier ne vient l'expliciter. Le recours à un interprète ne peut pas non plus justifier un tel délai. De même que l'avocat de permanence n'a été avisé qu'à minuit alors que la notification des droits a été faite à 20H40. Pendant 1H35 il a été privé de l'exercice de ses droits : interprète, avocat, médecin, famille, autorités consulaires. Il soutient que la nullité est d'ordre public et qu'à tout le moins les dispositions de l'article 813-5 du CESEDA ne sont pas satisfaites ce qui lui fait grief et que l'article 5 de la CEDH n'est pas respecté ce qui doit entraîner l'irrégularité de la procédure.
A titre subsidiaire, il est sollicité l'assignation à résidence d'[K] [U] qui a remis l'original de son passeport en cours de validité et peut-être domicilié chez un cousin, [Adresse 4].
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 14 juin 2022 à 10 heures 30.
[K] [U] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat.
Le conseil de [K] [U] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.
Le préfet de l'Isère, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.
[K] [U] a eu la parole en dernier. Il explique que s'il doit rester au centre, il voudrait repartir le plus vite possible.
MOTIVATION
Sur la procédure et la recevabilité de l'appel
Attendu que l'appel de [K] [U] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ;
Sur l'irrégularité invoquée de la retenue administrative
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 813-5 du CESEDA l'étranger placé en retenue est « aussitôt informé » des motifs de son placement en retenue, de la durée maximale de la mesure et du fait qu'il bénéficie des droits suivants :
« 1o Etre assisté par un interprète ;
2o Etre assisté, dans les conditions prévues à l'article L. 813-6, par un avocat désigné par lui ou commis d'office par le bâtonnier, qui est alors informé de cette demande par tous moyens et sans délai ;
3o Etre examiné par un médecin désigné par l'officier de police judiciaire ; le médecin se prononce sur l'aptitude au maintien de la personne en retenue et procède à toutes constatations utiles ;
4o Prévenir à tout moment sa famille et toute personne de son choix et de prendre tout contact utile afin d'assurer l'information et, le cas échéant, la prise en charge des enfants dont il assure normalement la garde, qu'ils l'aient ou non accompagné lors de son placement en retenue, dans les conditions prévues à l'article L. 813-7 ;
5o Avertir ou de faire avertir les autorités consulaires de son pays » ;
Que si le texte ne prévoit pas la possibilité d'un délai entre l'interpellation et l'arrivée au poste de police ou de gendarmerie où la notification des droits peut se faire, cette réalité ne peut être occultée et qu'il appartient au juge judiciaire de vérifier que la notification des droits est alors intervenue dans les meilleurs délais ;
Qu'au cas d'espèce le conseil de M. [U] fait grief à la procédure d'une notification tardive de la mesure de retenue et des droits y afférents au motif que cette notification a eu lieu à 20H40 alors que l'intéressé a été interpellé à 19H05 ;
Que la procédure établit que les policiers, le 08 juin 2022 à 19H05, ont procédé au contrôle d'un véhicule de marque Citroën qui circulait en effectuant des zigzags sur la voie de droite ; Que le procès-verbal établit qu'ils circulaient au point kilométrique 046.000 sur la commune de [Localité 11] et qu'ils n'ont réussi à intercepter l'intéressé qu'au point kilométrique 061.000 sur la commune de [Localité 7] ;
Que faisant application de l'article 78-2 du code de procédure pénale les gendarmes ont procédé au contrôle d'identité du contrevenant et ont ainsi constaté qu'il était démuni de toute pièce d'identité et de document sous couvert desquels il était autorisé à circuler sur le territoire national et l'ont emmené au bureau de leur unité à [Localité 8], soit à une distance de 7 kilomètres environ d'après les documents produits par le conseil de la personne retenue ;
Attendu que la procédure ne permet pas d'établir l'heure exacte à laquelle les gendarmes et M. [U] sont arrivés à la brigade de [Localité 8] ni de vérifier les délais entre l'interpellation, le trajet nécessaire pour arriver à la brigade, l'arrivée à la brigade et le moment de la notification des droits en rétention ;
Que force est de constater qu'aucun élément ne caractérise que la retenue et les droits y afférents ont été notifiés dès l'arrivée au poste ; Que l'irrégularité existe donc ;
Attendu que la nullité sanctionnant le non respect d'une notification des droits dans les meilleurs délais ne peut être relevée que si elle porte atteinte aux intérêts de M. [U] ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article L. 743-12 du CESEDA et qu'il ne peut donc pas être valablement soutenu qu'il s'agit d'une nullité d'ordre public sauf à vider le texte susvisé de tout son sens ;
Attendu qu'au cas d'espèce la procédure établit que [K] [U] :
- a été assisté par un interprète par voie téléphonique ,
- qu'il a pu informer une personne de son choix, à savoir [R] [U] le 08 juin 2022 à 22 H,
- que les autorités consulaires de son pays, soit le consulat d'Albanie ont été avisées par un message téléphonique sur le répondeur et par un mail,
- que l'avocat de permanence a été avisé le 08 juin à minuit ;
Que les procès-verbaux dressés révèlent qu'[K] [U] a toujours été entendu en présence constante de son avocat et avec le truchement d'un interprète ; Qu'il a également pu voir un médecin et s'alimenter ;
Que dès lors il ne peut pas être valablement soutenu que ses droits ont été bafoués alors qu'ils ont été exercés et qu'il n'est pas justifié d'une atteinte à ces droits ;
Qu'il ne peut pas non plus être soutenu qu'[K] [U] a été « privé de sa liberté » au sens de l'article 5 de la CEDH, son contrôle d'identité étant consécutif à un contrôle routier au cours duquel il a tardé à obtempérer ;
Qu'en conséquence ainsi que l'a retenu le premier juge, il n'est caractérisé aucun grief ni aucune atteinte aux droits et aux intérêts de M. [U] et qu'aucune irrégularité de la procédure n'est donc établie ;
Sur l'assignation à résidence
Attendu que l'article L 743-13 du CESEDA permet au juge des libertés et de la détention d'ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives et après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original de son passeport et de tout document justificatif de son identité;
Qu'au cas d'espèce il n'est pas contesté qu'[K] [U] a remis son passeport en cours de validité ;
Attendu qu'il est constant que les garanties de représentation, pour être suffisantes, doivent porter sur l'effectivité des garanties d'hébergement et de ressources et l'absence d'obstacle par l'intéressé à la mesure d'éloignement, autrement dit sa volonté de ne pas se soustraire à la mesure d'éloignement et permettre à l'autorité administrative de la mettre à exécution ;
Que s'il produit une attestation de M. [I] [U] qui déclare l'héberger à titre gratuit à son domicile situé à Grenoble, force est de constater que dans son audition devant les services de gendarmerie [K] [U] a déclaré vivre depuis 4 ans au [Adresse 3] ; Qu'il a également indiqué clairement qu'il n'exécuterait pas la mesure d'éloignement dans ces termes : « Non. J'ai peur de rentrer en Albanie. Je n'y suis resté qu'un seul jour pour renouveler mon passeport » ; Que s'il affirme l'inverse au jour de l'audience, ceci procède de ses seules affirmations ;
Que par ailleurs [K] [U] a déjà fait l'objet en 2020 d'une mesure d'éloignement qui a du être exécutée de manière forcée par la préfecture ;
Attendu en conséquence et ainsi que l'a retenu le premier juge, il parait difficile d'asseoir la confiance indispensable à l'octroi d'une assignation à résidence alors qu'il n'a pas exécuté spontanément les précédentes mesures et qu'il n'est pas caractérisé une volonté réelle de se soumettre à l‘exécution de la mesure d'éloignement telle qu'elle sera fixée par l'autorité administrative ;
Qu'il y a lieu de confirmer la décision du premier juge en ce qu'il a rejeté sa demande d'assignation à résidence ;
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable l'appel formé par [K] [U],
Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Le greffier,Le conseiller délégué,
Manon CHINCHOLEIsabelle OUDOT