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14/06/2022 | FRANCE | N°20/01450

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 14 juin 2022, 20/01450


N° RG 20/01450 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4GR









Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOURG EN BRESSE

Au fond du 09 janvier 2020



RG : 18/01592









Société COOPERATIVE AGRICOLE DU SYNDICAT GENERAL DES VIGNE RONS



C/



[E]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 14 Juin 2022







AP

PELANTE :



La Société COOPERATIVE DU SYNDICAT GENERAL DES VIGNERONS (C.S.G.V.), représentée par M. Luc DEROUILLAT, son Président

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toqu...

N° RG 20/01450 - N° Portalis DBVX-V-B7E-M4GR

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOURG EN BRESSE

Au fond du 09 janvier 2020

RG : 18/01592

Société COOPERATIVE AGRICOLE DU SYNDICAT GENERAL DES VIGNE RONS

C/

[E]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 14 Juin 2022

APPELANTE :

La Société COOPERATIVE DU SYNDICAT GENERAL DES VIGNERONS (C.S.G.V.), représentée par M. Luc DEROUILLAT, son Président

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938

Assistée de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de REIMS, toque : 82

INTIMÉ :

Me Maurice PICARD, adminsitrateur judiciaire

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1813

Assisté de l'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT et associés, avocats au barreau de PARIS, toque : R044

******

Date de clôture de l'instruction : 17 Juin 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Avril 2022

Date de mise à disposition : 07 Juin 2022, prorogée au 14 Juin 2022, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience tenue par Laurence VALETTE, président, et Stéphanie LEMOINE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Stéphanie LEMOINE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Laurence VALETTE, conseiller

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

La société Lacour, dont le siège était [Adresse 5]), était spécialisée dans la conception et la commercialisation de cuves en acier et inox à destination du marché viticole et de l'industrie pharmaceutique ou agro-alimentaire.

Cette société était dirigée par Mme [S] [L], qui avait succédé à son père, M. [I] [L], le 21 juin 2016, assistée par le Cabinet PMA, représenté par M. [G] [V], lequel intervenait en qualité de directeur général délégué.

La société Coopérative du syndicat général des vignerons (la société CSGV) était en relations commerciales depuis de nombreuses années avec la société Lacour.

Par jugement du 6 juillet 2016, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a, sur déclaration de cessation des paiements dont la date a été fixée provisoirement au 1er janvier 2016, admis la société Lacour au bénéfice d'un redressement judiciaire, en ouvrant une période d'observation de six mois et en nommant la SELARL MJ Synergie en qualité de mandataire judiciaire, ainsi que la SELARL AJ Partenaires, représentée par Me [E], en qualité d'administrateur judiciaire, avec pour mission d'assister le débiteur dans la gestion courante de l'entreprise.

Suivant jugement du 7 septembre 2016, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a maintenu la période d'observation jusqu'à son terme, compte tenu de la nécessité d'approfondir l'examen de la situation financière, économique et sociale de l'entreprise et l'élaboration en cours de propositions tendant à la continuation ou à la cession de l'entreprise.

Par jugement du 4 janvier 2017, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a renouvelé la période d'observation pour six mois.

Par jugement du 20 janvier 2017, le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a rejeté l'offre présentée par SERAP Finances et a, en conséquence, prononcé la liquidation judiciaire de la société Lacour sans poursuite de l'activité, mis fin aux fonctions de l'administrateur judiciaire et désigné la SELARL MJ Synergie en qualité de liquidateur.

La société CSGV a, le 27 janvier 2017, régularisé à l'encontre de ce jugement une tierce-opposition, déclarée irrecevable par jugement du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse du 2 février 2017.

Par acte d'huissier de justice du 24 avril 2018, la société CSGV a fait assigner Me [E] devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins de voir reconnaître sa responsabilité personnelle sur le fondement des articles 1382 et 1384 anciens du code civil.

Elle demandait, notamment, au tribunal de dire que Me [E] a commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile personnelle en acceptant, en octobre 2016, qu'elle passe une commande et verse un acompte de 94.080 euros à la société Lacour, alors que :

- Me [E] savait ou aurait dû savoir, en tant qu'administrateur judiciaire de la société Lacour, qu'au regard de sa situation financière et de l'encours existant à cette date, celle-ci n'était pas en mesure de l'honorer,

- Me [E] ne l'a jamais avertie du risque que cette commande ne soit pas honorée.

Par jugement du 9 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :

- dit n'y avoir lieu de se prononcer sur la question de la compétence du tribunal,

- rejeté la fin de non-recevoir formulée par Me [E] tirée du défaut de qualité à agir de la société CSGV,

- débouté la société CSGV de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- condamné la société CSGV à payer à Me [E] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société CSGV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société CSGV aux dépens de l'instance,

- autorisé la SELARL Blanc Larmaraud Bogue Gossweiler à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration du 21 février 2020, la société CSGV a interjeté appel du jugement, en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à Me [E], la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l'instance.

Au terme de conclusions notifiées le 21 mai 2021, elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 9 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, en ce qu'il a reconnu sa qualité et son intérêt à agir,

- infirmer le jugement rendu le 9 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, en ce qu'il :

- l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

- l'a condamnée à payer à Me [E] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance,

Réformant et statuant à nouveau,

- condamner Me [E] à lui verser la somme de 94.080 euros à titre de dommages- intérêts, en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2017 et leur capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code civil,

- condamner Me [E] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel.

Au terme de conclusions notifiées le 4 mai 2021, Me [E] demande à la cour de :

Infirmant le jugement de ce chef,

- déclarer la société CSGV irrecevable en ses actions et demandes, faute de qualité et d'intérêt,

Le confirmant, en tant que de besoin, de ce chef,

- débouter la société CSGV de toutes ses prétentions,

- en toute hypothèse, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société Coopérative du syndicat général des vignerons à lui payer une indemnité procédurale de 2.000 euros ainsi que les entiers dépens et, y ajoutant de ces chefs, la condamner à lui payer 4.000 euros supplémentaires au visa de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à tous les dépens d'appel avec, pour ces derniers, application de l'article 699 du même code au profit de la SA.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir

Il résulte de l'article L. 622-20 du code de commerce que le représentant des créanciers, dont les attributions sont ensuite dévolues au liquidateur, a seul qualité pour agir en réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui causé à l'ensemble des créanciers et l'action individuelle introduite par un créancier, pour demander la réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui causé aux autres créanciers est irrecevable.

Me [E], administrateur judiciaire, soutient que l'action engagée par la société CSGV, pour obtenir la réparation du préjudice résultant de son attitude prétendument fautive, est irrecevable, au motif qu'elle n'est pas distincte du non-paiement d'une créance produite au passif de la société Lacour et qu'elle relève en conséquence du préjudice collectif des créanciers et du monopole du liquidateur.

Cependant, et ainsi que l'a relevé le premier juge, la responsabilité de Me [E] est recherchée, d'une part, pour avoir, en connaissance de la situation compromise de la société Lacour, accepté une nouvelle commande passée avec la société CSGV, postérieurement à l'ouverture de la procédure judiciaire, et d'autre part, pour ne pas l'avoir alertée sur le fait que la commande risquait de ne pas être honorée.

Dès lors, le préjudice invoqué par la société CSGV, résultant de la responsabilité personnelle de Me [E], distinct du préjudice résultant de la simple perte de la commande en raison de la situation de la société Lacour, est un préjudice individuel, dont la réparation ne constituerait pas un actif susceptible d'être distribué à l'ensemble des créanciers de la société Lacour.

En conséquence, il convient de déclarer l'action recevable et de confirmer le jugement de ce chef.

2. Sur la responsabilité de Me [E]

Afin de démontrer que Me [E] a commis une faute dans l'exercice de sa mission, la société CSGV soutient qu'il a fait preuve d'imprudence en acceptant qu'elle passe une nouvelle commande auprès de la société Lacour, d'un montant de 313.600 euros et verse un acompte de 94.080 euros, sans s'assurer que cette commande pourrait être honorée, alors même qu'il avait connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société Lacour, qui n'était déjà plus en mesure d'honorer ses contrats préexistants, en particulier la fabrication de cuves préalablement commandées par la société CSGV et dont les acomptes avaient été encaissés.

La faute éventuelle d'un administrateur doit être appréciée à la date à laquelle a pris naissance la créance du fournisseur, c'est à dire à la date de la commande et consiste, soit à avoir su que la situation était irrémédiablement compromise, soit à avoir induit en erreur le fournisseur par des assurances imprudemment données.

Me [E] a été désigné par le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse le 6 juillet 2016, en tant qu'administrateur judiciaire de la société Lacour, alors en redressement judiciaire, avec pour mission de l'assister pour tous les actes relatifs à la gestion.

Cependant, il n'est pas contesté que Me [E], qui n'était investi que d'une mission d'assistance, ne le substituant pas aux dirigeants sociaux, lesquels demeuraient en charge de la gestion courante, n'a pas passé la commande litigieuse, qui a été conclue directement avec la société Lacour, sans qu'il n'intervienne, ni même n'en soit avisé et n'a donc, a fortiori, fourni aucune assurance à la société CSGV. En effet, la société CSGV, qui a fait le choix de ne pas informer Me [E] au moment où elle passait la commande, n'a pris attache avec lui qu'en mars 2017, soit deux mois après la liquidation judiciaire. C'est donc à tort que la société CSGV soutient que Me [E] a accepté sa commande postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire (p.15 des conclusions de la société CSGV).

Il n'est pas davantage contesté que Me [E] n'a pas été destinataire de l'acompte de cette commande, d'un montant de 94.080 euros, versé par la société CSGV le 12 octobre 2016, dont il n'a appris l'existence que lors de l'exécution d'une opération de décaissement, qu'il a fait déposer sur un compte dédié aux acomptes, affecté au paiement des fournitures nécessaires à l'exécution de la commande.

Par ailleurs, il n'est pas établi qu'à la date du 12 octobre 2016, date présumée de la commande, la situation de la société Lacour était irrémédiablement compromise et qu'elle aurait en conséquence dû cesser d'enregistrer toute commande et d'encaisser tous acomptes, ainsi que le soutient la société CSGV, alors qu'elle était admise, à cette période au bénéfice d'un redressement judiciaire, lequel permet la poursuite de l'exploitation en vue d'un éventuel redressement par voie de continuation ou de cession.

Enfin, la société CSGV a refusé l'offre qui lui a été faite, le 21 mars 2017, par Me [E], de récupérer son encours de production, afin qu'il soit achevé par une autre entreprise.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Me [E] n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société CSGV de sa demande tendant à voir condamner Me [E] à lui verser la somme de 94.080 euros à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice, outre intérêts au taux légal.

4. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Me [E] en appel. La société CSGV est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 3.000 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de la société CSGV qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne la société coopérative agricole à capital variable coopérative du syndicat général des vignerons à payer à Me [E] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamne la société coopérative agricole à capital variable coopérative du syndicat général des vignerons aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 20/01450
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.01450 ?
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