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07/06/2022 | FRANCE | N°19/07804

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 07 juin 2022, 19/07804


N° RG 19/07804 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWDH









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 14 octobre 2019



RG : 14/11392

ch n°4









Société [Localité 9] PARC AUTO



C/



SASU RODAMCO FRANCE

S.A.R.L. PARLYO 55





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 07 Juin 2022






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La Société [Localité 9] PARC AUTO, SA

[Adresse 5]

[Localité 9]



Représentée par la SELARL CONCORDE ' DROIT IMMOBILIER, avocats au barreau de LYON, toque : 406









INTIMÉES :



La société RODAMCO FRANCE

[Adresse 10]

[Localité 13]



Représ...

N° RG 19/07804 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MWDH

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 14 octobre 2019

RG : 14/11392

ch n°4

Société [Localité 9] PARC AUTO

C/

SASU RODAMCO FRANCE

S.A.R.L. PARLYO 55

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 07 Juin 2022

APPELANTE :

La Société [Localité 9] PARC AUTO, SA

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par la SELARL CONCORDE ' DROIT IMMOBILIER, avocats au barreau de LYON, toque : 406

INTIMÉES :

La société RODAMCO FRANCE

[Adresse 10]

[Localité 13]

Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON, toque : 1547

Assistée de la SCP SCP CASTON TENDEIRO, avocats au barreau de PARIS, toque : P0156

La société GROUPE PARADIS, venant aux droits de la société LE PARADIS DU FRUIT venant elle-même aux droits de la société PARLYO 55, par suite de leur dissolution anticipée

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représentée par Me Anne-lise BERNARDI, avocat au barreau de LYON, toque : 820

Assistée de la SELARL CBA-CABINET BENAYOUN ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque : L0135

La société SUD GROUPE, SAS

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée par la SELARL BARRE - LE GLEUT, avocats au barreau de LYON, toque : 42

La Compagnie EUROMAF, prise en sa qualité d'assureur de la société SUD GROUPE

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par la SELARL BARRE - LE GLEUT, avocats au barreau de LYON, toque : 42

La société PIERRES CONSTRUCTION, SARL

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentée par Me Bruno METRAL, avocat au barreau de LYON, toque : 773

La SAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MUTUELLE AGRICOLES DE RHONE ALPES AUVERGNE dite GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me Bruno METRAL, avocat au barreau de LYON, toque : 773

La MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF) en qualité d'assureur de la société OPUS CERTUM

[Adresse 4]

[Localité 14]

Non constituée

La Société OPUS CERTUM

[Adresse 7]

[Localité 11]

Non constituée

******

Date de clôture de l'instruction : 16 Septembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Mars 2022

Date de mise à disposition : 07 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Laurence VALETTE, conseiller

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Olivier GOURSAUD a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt de défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

La société [Localité 9] Parc Auto était gestionnaire d'un parc de stationnement dans le centre commercial de la [Localité 9].

Suivant acte authentique en date du 14 avril 2008, la société Rodamco France est devenue propriétaire du volume situé au dessus du parc de stationnement, à savoir l'esplanade menant du centre commercial à la tour LCL et à l'auditorium.

En 2009, la société Rodamco France a entrepris d'importants travaux de transformation de cette esplanade.

Il a été créé sur l'esplanade 4 locaux commerciaux à usage de restaurants dont 'le Paradis du Fruit'.

La société Rodamco France a assuré la réfection de l'étanchéité de la toiture terrasse sous la maîtrise d'oeuvre d'exécution de la société Sud Groupe, le gros oeuvre de l'enveloppe des bâtiments étant confié à la société Pierre Constructions, et elle a livré ces locaux à usage de restaurants à des preneurs à bail commercial qui ont exécuté les travaux d'aménagement, notamment le restaurant 'le Paradis du Fruit', exploité par la société Parlyo 55.

En raison d'infiltrations constatées après l'ouverture des restaurants qui l'aurait contrainte à condamner un tiers de ces places de stationnement, la société [Localité 9] Parc Auto a sollicité en référé l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire et par ordonnance en date du 13 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a ordonné l'expertise sollicitée confiée à Mr [G], au contradictoire de la société Rodamco France, de la société Parlyo 55 et de diverses entreprises et de leurs assureurs.

M. [G] a déposé un rapport le 8 avril 2013.

Par exploits d'huissier des 29 septembre et 1er octobre 2014, la société [Localité 9] Parc Auto a fait assigner la société Rodamco France et la société Parlyo 55, en sa qualité de preneur du bien, devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins d'obtenir l'indemnisation d'un préjudice financier et d'un préjudice d'image.

Elle a fondé ses prétentions sur la responsabilité du fait des choses et sur les troubles anormaux du voisinage.

La société Parlyo 55 a appelé en cause la société Opus Certum, maître d'oeuvre d'exécution des travaux d'étanchéité dans le restaurant 'le Paradis du Fruit' et son assureur la Mutuelle des Architectes Français, ci-après la MAF.

La société Opus Certum a à son tour appelé en cause la société Snad ayant réalisé des travaux de plomberie dans son local et son assureur, la société l'Auxiliaire.

De son côté, la société Rodamco France a appelé en cause la société Pierre Constructions qui avait réalisé les travaux de gros oeuvre et la société Sud Groupe, maîtres d'oeuvre des dits travaux ainsi que leurs assureurs respectifs, la société Groupama et la société Euromaf.

Par jugement du 14 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- écarté la fin de non recevoir tenant au défaut d'intérêt à agir de la société [Localité 9] Parc Auto,

- déclaré irrecevable l'ensemble des demandes formées par la société [Localité 9] Parc Auto en l'absence de qualité pour agir,

- condamné la société [Localité 9] Parc Auto à supporter le coût des entiers dépens de l'instance,

- condamné la société [Localité 9] Parc Auto à verser à la société SNAD, la MAF, la société Opus Certum, la société l'Auxiliaire, la société Pierre Constructions, la société Groupama, la société Rodamco France, la société Sud Groupe et la société Euromaf la somme de 1.200 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Parlyo 55 de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration du 14 novembre 2019, la société [Localité 9] Parc Auto a interjeté appel de ce jugement en intimant la société Rodamco France et la société Parlyo 55.

Par exploits en date du 9 et 12 mars 2020, la société Rodamco France a fait assigner la société Pierre Constructions, la société Groupama, la société Sud Groupe et la société Euromaf en appel provoqué.

Par exploits en date du 13 juillet 2020, la société Groupe Paradis venant aux droits de la société le Paradis du Fruit venant elle même aux droits de la société Parlyo 55 a fait assigner la société Opus Certum et son assureur la MAF en appel provoqué.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 4 mai 2021, la société [Localité 9] Parc Auto demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle :

- a déclaré irrecevable l'ensemble des demandes formulées par elle en l'absence de qualité pour agir,

- l'a condamnée à supporter le coût des entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de la scp Baufume-Sourbe, de Maître Laurent Prudon, de Maître Bruno Metral, de la scp Balas et Metral, de Maître Frédérique Barre, de la selarl Barre-Legleut, de Maître Corinne Michel,

-l'a condamnée à verser à la société SNAD, la MAF, la société Opus Certum, la société l'Auxiliaire, la société Pierre Constructions, la société Groupama, la société Rodamco France, la société Sud Groupe et la société Euromaf la somme de 1.200 € à chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- dire et juger qu'elle a qualité pour agir afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices qu'elle a subis suite aux infiltrations dans le parc de stationnement [Localité 9],

- condamner in solidum Rodamco et Parlyo 55 à lui payer la somme de 12.515 € HT au titre de l'indemnisation des préjudices financiers subis,

- condamner in solidum Rodamco et Parlyo 55 à lui payer la somme de 10.000 € en indemnisation de son préjudice d'image causé par l'existence de fuites et la fermeture partielle du parc pendant 5 ans,

- condamner in solidum Rodamco et Parlyo 55 à lui payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure de première instance,

- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire, réglés par elle à hauteur de 25.916.35 €,

- condamner in solidum Rodamco et Parlyo 55 à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d'appel,

- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens de l'appel,

- rejeter toutes demandes et prétentions contraires,

- débouter les intimées de toutes demandes dirigées contre elle.

Au terme de ses conclusions notifiées le 9 juillet 2020, la société Rodamco France demande à la cour de :

à titre principal,

- rejeter l'appel de la société [Localité 9] Parc Auto comme irrecevable et mal fondé,

en conséquence,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Dans l'hypothèse où la cour viendrait à statuer à nouveau :

A) nullité du rapport d'expertise de M. [G] :

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [G], déposé le 8 avril 2013,

B) mal fondé des demandes de la société [Localité 9] Parc Auto :

- constater et dire que la société [Localité 9] Parc Auto ne justifie d'aucun justificatif appuyant et fondant ses demandes, hormis un justificatif partiel à hauteur de 3.049,80 €, et qu'elle ne démontre pas ses fautes ou sa responsabilité, ni l'existence de ses préjudices allégués,

- dire que les demandes de la société [Localité 9] Parc Auto dirigées à son encontre, qu'elles soient fondées sur «le trouble anormal du voisinage» ou sur la responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle, sont mal fondées en fait comme en droit, puisque les ouvrages qui seraient à l'origine des fuites ne sont pas sa propriété, et dans la mesure où elle n'a commis aucun fait, ni aucune faute ou manquement qui seraient à l'origine des dommages prétendument subis par [Localité 9] Parc Auto,

en conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société [Localité 9] Parc Auto, dirigées à son encontre, en ce qu'elles sont irrecevables et mal fondées en fait comme en droit.

C) dans l'hypothèse où la cour entrerait en voie de condamnation à son encontre :

- constater que sur les remboursements sollicités, seule la somme de 3.049,80 € est justifiée

en conséquence,

- limiter sa condamnation à la somme de 3.049,80 €, seule somme susceptible d'être justifiée.

D) à titre subsidiaire, demandes de garantie :

dans l'hypothèse d'une éventuelle condamnation qui serait prononcée à son égard,

- condamner in solidum à la relever indemne et garantir intégralement les parties suivantes:

- la société Parlyo 55 dit «restaurant le paradis du fruit», et ce, sur le fondement des articles 1134 et 1147 du code civil, voire subsidiairement sur le fondement des dispositions de l'article 1384 alinéa 1 du code civil ;

- les sociétés Pierre Constructions et Sud Groupe et leurs assureurs respectifs, Groupama Rhône Auvergne et Euromaf, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, notamment la garantie décennale, puis subsidiairement, sur celui de leur responsabilité contractuelle tirée des articles 1147 et suivants du code civil, et ce, en leurs qualités de constructeurs au titre des ouvrages et travaux exécutés pour le compte de Rodamco France, maître d'ouvrage,

- les sociétés Pierre Constructions et son assureur Groupama Rhône Auvergne, Pierre Constructions étant également dans cette hypothèse recherchée sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle tirée des articles 1382 et 1384 du code civil au titre des ouvrages et travaux exécutés par cette dernière pour le compte des différents preneurs, maîtres d'ouvrage, dont Woko et Parlyo 55,

en toute hypothèse,

- condamner la société [Localité 9] Parc Auto ou le cas échéant, tous succombants, à lui payer la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles exposés pour sa défense, et ce, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront les frais et honoraires de l'expertise judiciaire, avec distraction au profit de la scp Baufume-Sourbe dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions en date du 8 janvier 2021, la société Groupe Paradis venant aux droits de la société le Paradis du Fruit venant elle même aux droits de la société Parlyo 55 demande à la cour de :

à titre liminaire,

- recevoir l'intervention volontaire de la société Groupe Paradis venant aux droits de la société le Paradis du Fruit, elle-même aux droits de la société Parlyo 55, par suite de leur dissolution anticipée ;

à titre principal,

- rejeter l'appel de la société [Localité 9] Parc Auto comme étant irrecevable et mal fondé, celle-ci ne justifiant toujours pas d'un mandat pour agir légalement établi et n'ayant donc pas qualité à le faire,

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

dans l'hypothèse où la cour viendrait à statuer à nouveau,

à titre principal,

- dire et juger que l'expert judiciaire a outrepassé sa mission,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [G] en date du 8 avril 2013,

en conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société [Localité 9] Parc Auto,

- condamner la société [Localité 9] Parc Auto à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [Localité 9] Parc Auto aux entiers dépens de l'instance.

à titre subsidiaire,

- dire et juger que les fuites D1 et D7 ont pour origine des fautes commises par les sous-traitants de la société Opus Certum, à savoir la société CD Home et la société SNAD Augayard Delaige,

en conséquence,

- dire et juger que la société Opus Certum a commis des fautes dans l'exécution de sa mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution,

- dire et juger que la société Opus Certum engage sa responsabilité vis à vis de la société Groupe Paradis venant aux droits de la société le Paradis du Fruit, venant elle-même aux droits de la société Parlyo 55 en raison des fautes commises par ses sous-traitants,

en conséquence,

- dire et juger que la société Opus Certum est responsable des désordres constatés consécutifs aux travaux effectués dans le restaurant le Paradis du Fruit, par ses sous-traitants sous sa maîtrise d'oeuvre,

- constater que la société Opus Certum était assurée au moment du chantier auprès de la Mutuelle des Architectes Français (MAF),

- la dire et juger bien fondée à obtenir la garantie solidaire de la société Opus Certum et de son assureur, la Mutuelle des Architectes Français,

- condamner in solidum la société Opus Certum et la Mutuelle des Architectes Français (MAF) à la relever et garantir de toutes les condamnations et obligations de faire qui pourraient être prononcées à son encontre y compris :

- le montant des préjudices financier et d'image qu'aurait subi la société [Localité 9] Parc Auto,

- le montant des frais et dépens de première instance, en ce compris le montant de l'expertise judiciaire qui a été diligentée.

- condamner in solidum la société Opus Certum et la Mutuelle des Architectes Français (MAF) à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner in solidum la société Opus Certum et la Mutuelle des Architectes Français (MAF) aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Anne-Lise Bernardi, avocat sur son affirmation de droit.

Au terme de leurs dernières conclusions en date du 11 décembre 2020, la société Sud Groupe et la société Euromaf demandent à la cour de :

- confirmer purement et simplement le jugement rendu le 14 octobre 2019 en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- condamner la société [Localité 9] Parc Auto et la société Rodamco à leur payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance

en tout état de cause,

- déclarer irrecevables les demandes formulées par la société [Localité 9] Parc Auto, cette dernière n'ayant ni qualité, ni intérêt à agir,

en conséquence,

- déclarer sans objet l'appel en garantie diligenté par la société Rodamco France à leur encontre,

- constater que la société Sud Groupe n'est intervenue qu'au titre des travaux sous la maîtrise d'ouvrage de la société Rodamco France ayant consisté en la livraison des locaux bruts, chaque preneur des locaux commerciaux réalisant, sous sa propre maîtrise d'ouvrage, en collaboration avec sa propre maîtrise d'oeuvre, les travaux d'aménagement de leurs locaux.

- constater que les désordres trouvent leur origine dans les travaux réalisés par les différents preneurs et notamment la société Parlyo 55, exerçant sous l'enseigne Le Paradis du Fruit,

en conséquence,

- les mettre purement et simplement hors de cause,

- dire et juger que les fuites n°12 et 13 et le grief D6 ne sont pas à l'origine des fuites alléguées par la société [Localité 9] Parc Auto,

en conséquence,

- les mettre purement et simplement hors de cause,

en tout état de cause,

- dire et juger que seule la somme de 280 € HT est susceptible de concerner les intervenants à l'acte de construire du bâtiment hors d'eau hors d'air,

- dire et juger que la société Sud Groupe n'a commis aucune faute,

en conséquence,

- la mettre purement et simplement hors de cause,

si par impossible une quelconque condamnation venait à être prononcée à leur encontre,

- dire et juger, en tout état de cause, qu'elles sont bien fondées à être relevées et garanties in solidum par la société Pierre Constructions, solidairement avec sa compagnie d'assurance, la société Groupama, la société SNAD solidairement avec sa compagnie d'assurance l'Auxiliaire, et ce, par application des dispositions des articles 1240 du code civil et L 124-3 du code des assurances,

- dire et juger que la société Euromaf est bien fondée à opposer sa franchise contractuelle,

- condamner la société Rodamco France ou qui mieux le devra à leur payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Frédérique Barre, avocat associée de la selarl Barre le Gleut sur son affirmation de droit.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2020, la société Pierre Constructions et la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles de Rhône-Alpes Auvergne dite Rhône-Alpes Auvergne Groupama, demandent à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement rendu le 14 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de [Localité 9] en ce qu'il juge la société [Localité 9] Parc Auto dénuée de qualité pour agir et déclare irrecevable ses demandes,

à titre subsidiaire et liminaire,

- dire et juger que M. [G] a dépassé irrégulièrement le périmètre de la mission qui lui a été confiée par ordonnance du 13 septembre 2011,

en conséquence,

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [G], déposé le 8 avril 2013,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société [Localité 9] Parc Auto,

en tout état de cause,

- constater que l'entreprise Pierre Constructions n'est concernée que par les désordres désignés «Fuite N°12», «Fuite N°13», «D4» et «D6» dans le rapport d'expertise,

- constater que les désordres désignés « Fuite N°12 », «Fuite N°13 », «D4» et «D6» dans le rapport d'expertise sont sans lien avec les préjudices subis par la société [Localité 9] Parc Auto,

en conséquence,

- débouter purement et simplement la société Rodamco France, la société Sud Groupe et la société Euromaf de toute demande à leur encontre,

- condamner la société Sud Groupe et la société Euromaf à les relever et garantir intégralement des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et prétentions formulées contre elles,

- condamner la société Rodamco France, ou tout succombant, au paiement d'une somme de 3.000 € à l'entreprise Pierre Constructions et au paiement d'une somme de 3.000 € à la société Groupama sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Bruno Metral, avocat associé au sein de la scp Balas et Metral sur son affirmation de droit.

La société Opus Certum et son assureur la MAF, assignées à domicile, n'ont pas constitué avocat et il convient de statuer par arrêt de défaut.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 septembre 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes tendant à voir 'constater' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour, de même que les demandes tendant à voir 'dire et juger ' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Par ailleurs, les sociétés Rodamco France et Groupe Paradis ne sont pas recevables à solliciter devant la cour l'irrecevabilité de l'appel dont l'appréciation relève de la seule compétence du conseiller de la mise en état, étant précisé que le moyen qu'elles invoquent tiré de l'absence de qualité à agir faute d'un mandat affecte en réalité la recevabilité de leur action sur laquelle il convient de statuer ci-après.

La société Groupe Paradis expose que le 1er février 2018, la société le Paradis du Fruit a décidé de la dissolution anticipée de la société Parlyo 55 dont elle était l'associée unique puis que le 20 novembre 2019, elle a elle même décidé de la dissolution de la société le Paradis du Fruit dont elle était l'associée unique et qu'elle vient ainsi aux droits de la société le Paradis du Fruit qui vient elle même aux droits de la société Parlyo 55.

Au regard de ses explications, il y a lieu de recevoir l'intervention volontaire de la société Groupe Paradis venant aux droits de la société le Paradis du Fruit, elle même aux droits de la société Parlyo 55, ce point ne faisant pas discussion.

1. sur la qualité à agir :

La société [Localité 9] Parc Auto déclare justifier d'une qualité à agir en indemnisation du préjudice financier résultant des travaux d'entretien et de maintenance indispensables pour la continuité du service public et la sécurité des utilisateurs et l'indemnisation d'un préjudice d'image et fait valoir que :

- une société ayant reçu délégation de service public est recevable à agir en justice s'agissant de la gestion de l'exploitation du service public qui lui a été confié,

- elle agit directement en son nom et pour son propre compte et n'a pas besoin d'un mandat ad hoc pour agir et demander l'indemnisation des préjudices personnels et certains subis du fait de l'exploitation du service qui lui a été confié,

- aux termes de la convention de délégation de service public, elle assure l'exploitation de l'ouvrage à ses frais et risques, elle est seule et entièrement responsable du service public parc de stationnement et sa mission implique d'exécuter l'ensemble des travaux de renouvellement, gros entretien et investissement et en cas de dommages, le contrat stipule que les indemnités seront réglées au délégataire qui devra se charger des travaux de remise en état,

- les travaux d'entretien et de maintenance dont elle sollicite l'indemnisation ont été entrepris dans le cadre de ses obligations découlant de la délégation de service public.

Elle précise que pour pallier à toute difficulté, elle a obtenu de la Métropole de [Localité 9] un document confirmant que sa qualité de délégataire d'une concession de service public lui donne capacité à agir.

La société Rodamco France soutient que les demandes de la société [Localité 9] Parc Auto sont irrecevables pour défaut de qualité à agir dés lors que :

- agissant par délégation de service public, elle aurait dû justifier d'un mandat exprès du délégant à ester en justice, la Communauté Urbaine de [Localité 9] étant propriétaire du parc de stationnement,

- rien dans la délégation n'autorise la société [Localité 9] Parc Auto à ester en justice au titre de la réparation des biens,

- le mandat établi et produit tardivement après la prescription du délai d'action, est inopérant à justifier de la qualité à agir de la société [Localité 9] Parc Auto.

La société Groupe Paradis déclare également que la société [Localité 9] Parc Auto ne justifie d'aucune qualité à agir car elle n'est pas propriétaire des emplacements de stationnement touchés par les dégâts des eaux, qu'elle n'est que gestionnaire du parc en vertu d'une délégation de service public, que la généralité des termes de la convention ne suffit pas à démontrer une qualité à agir en justice, que le courrier du vice-président de la Métropole de [Localité 9] qui ne justifie pas de ses pouvoirs ne peut à lui seul permettre à la société [Localité 9] Parc Auto de justifier d'une qualité à agir et que cette régularisation en appel est manifestement tardive.

La société Sud Groupe et la société Euromaf demandent également la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société [Localité 9] Parc Auto pour défaut de qualité à agir en raison de l'absence d'un mandat et de ce que la société [Localité 9] Parc Auto n'est pas propriétaire de l'ouvrage.

La société Pierre Constructions et la société Groupama concluent à leur tour à l'irrecevabilité de la demande faisant valoir que la société [Localité 9] Parc Auto n'est pas propriétaire des emplacements de parkings objet des désordres, qu'il n'est pas justifié d'un mandat et que le 'mandat' produit en cause d'appel n'est pas de nature à régulariser la procédure.

Sur ce :

Il est constant qu'en vertu d'une convention de délégation de service public, la Courly (délégant) propriétaire du parking, a délégué à la société [Localité 9] Parc Auto (délégataire) la gestion du parc de stationnement, objet du sinistre, mais qu'elle n'en n'est pas propriétaire.

La cour relève toutefois que les demandes de la société [Localité 9] Parc Auto tendent à la réparation d'un préjudice financier résultant de l'exécution de mesures conservatoires (peinture au sol de la zone fermée, mise en place de barrières) ou de nettoyage et d'un préjudice d'image et non pas de réparer les biens qui auraient été dégradés par les inondations.

Il n'est pas discuté que les dépenses qu'elle a ainsi été amenée à exposer personnellement l'ont été dans le cadre de sa délégation de service public telle que résultant de la convention la liant au [Localité 9].

Il s'agit donc d'une action en réparation d'un préjudice que la société [Localité 9] Parc Auto a subi à titre personnel dans le cadre de sa mission de délégation de service public et elle a donc de ce seul fait qualité pour exercer cette action sans avoir pour cela besoin d'un mandat pour agir délivré par le délégant.

Ce point est d'ailleurs confirmé par le courrier de M. [B], vice-président au [Localité 9], qui ne constitue pas la régularisation d'un mandat pour agir délivré a posteriori mais la précision que la qualité de délégataire de la concession de service public lui donne capacité à agir en justice pour tous les litiges et réclamations pouvant survenir à l'occasion de l'exploitation du service et de l'exécution des prestations qui lui ont été confiées.

Il convient, réformant le jugement, de déclarer la société [Localité 9] Parc Auto recevable en son action.

2. sur le bien fondé des demandes de la société [Localité 9] Parc Auto :

* sur la responsabilité des sociétés Rodamco France et Groupe Paradis :

La société [Localité 9] Parc Auto qui expose que des fuites provenant du lot appartenant à la société Rodamco France et exploité par la société Parlyo 55 ont causé des dommages dans le parc auto qu'elle exploite, fait valoir au visa des articles 1382, 1383 et 1384 1er et 544 du code civil, qu'en sa qualité de propriétaire, la société Rodamco France est responsable des désordres causés par la chose dont elle a la garde dans le parking voisin et qui sont constitutifs d'un trouble anormal du voisinage.

Elle soutient que la mission de l'expert n'a jamais été limitée à l'examen de13 places de parking et que les désordres visés dans la mission de l'expert portaient sur l'existence de fuites au niveau du parc.

Sur l'origine des désordres, elle déclare que les canalisations apparentes d'eaux de pluie fuyardes récoltent les eaux pluviales de la terrasse appartenant à la société Rodamco France, que les ouvrages lui appartenant sont donc en cause et que s'agissant des autres fuites, les désordres proviennent également de ses ouvrages ou de ceux de ses locataires dont elle doit répondre.

La société Rodamco France demande la nullité du rapport d'expertise, ou à tout le moins son inopposabilité, au motif que l'expert aurait, sans autorisation, dépassé le périmètre de la mission confiée par l'ordonnance de référé qui avait limité cette mission à l'examen de 13 places de parking.

Elle fait valoir sur la responsabilité que les ouvrages à l'origine des fuites ne sont pas sa propriété dés lors que :

- certaines fuites (N°1 et 9) concernent des ouvrages existants de la société [Localité 9] Parc Auto,

- les fuites cause des désordres n'ont pas pour origine ses ouvrages et ne les ont même jamais traversés,

- elles sont consécutives aux travaux d'édification des ouvrages réalisés au dessus du parking sous la maitrise d'ouvrage des sociétés WKTL [Localité 9] dit restaurant Woko et Parlyo dit restaurant le Paradis du Fruit pour leur compte exclusif,

- les ouvrages ainsi construits au dessus de la dalle du parking sont la seule propriété des sociétés exploitant les restaurants puisqu'en fin de bail, le preneur doit restituer le local sans les aménagements dans l'état originel.

La société Groupe Paradis se prévaut également de la nullité du rapport d'expertise au motif que l'expert en élargissant sa saisine à 54 places de parking, a outrepassé sa mission alors que les pièces produites par la société [Localité 9] Parc Auto ne faisaient état que de 13 places de parking,

La société Sud Groupe et son assureur Euromaf font valoir que :

- les fuites n'ont pas pour origine les travaux, propriété de la société Rodamco, lesquels ont été exécutés sous la maitrise d'ouvrage des différents preneurs, notamment la société Parlyo 55, dit restaurant 'le Paradis du Fruit', et n'ont pas été réalisés sous sa maitrise d'oeuvre,

- les preneurs sont en effet entièrement responsables de la réalisation des travaux d'aménagement et sont restés propriétaires des dits aménagements.

La société Pierre Constructions et la société Groupama font valoir également que le rapport d'expertise doit être annulé, l'expert ayant élargi sa mission à 54 places de parking sans y avoir été autorisé par le tribunal.

Sur le fond, elles déclarent que certains ouvrages identifiés comme étant à l'origine des fuites ne sont pas la propriété de la société Rodamco France et n'ont pas été exécutés par elle et l'expert ne retient sur les 11 désordres identifiés que 4 relevant en partie de la responsabilité de la société Pierre Constructions.

Sur ce :

L'ordonnance de référé du 13 septembre 2011 a donné pour mission à l'expert de vérifier les désordres allégués et détaillés dans l'assignation et les pièces auxquelles elle renvoie et vise expressément les dites pièces, à savoir un constat d'huissier et des rapports Polyexpert.

Or, le constat d'huissier ainsi visé dans l'ordonnance, en date du 4 avril 2011, mentionne que sa saisine à la requête de la société [Localité 9] Parc Auto porte sur l'existence d'un grand nombre de désordres au niveau des canalisations dans la partie Est du parking 1 bis, et plus précisément au niveau des allées F, G et H et que face à ces désordres, la requérante s'est vue dans l'obligation de fermer un tiers de la capacité du parking 1 bis (allée F, G et H).

Les constatations de l'huissier qui a visité les allées F, G et H ont porté sur l'ensemble des fuites constatés dans ces allées et ne se sont pas limitées à 13 places.

D'ailleurs l'assignation en référé fait également état de fuites au niveau 1 bis du parking situé sous la toiture terrasse et de la condamnation d'un tiers des places de stationnement ce qui représente, selon ce qu'elle déclare sans avoir été contredite sur ce point, plus de 54 places et il n'est nullement question de limitation des désordres à 13 places de stationnement.

Ainsi, en portant ses investigations sur l'ensemble des fuites constatées sur les trois allées du niveau 1 bis du parking, l'expert judiciaire n'a pas excédé les termes de sa mission.

Le moyen de nullité des opérations d'expertise tiré de ce que l'expert aurait, sans autorisation, dépassé le périmètre de la mission qui lui a été confiée est donc rejeté.

Dans son rapport, M. [G] a constaté l'existence de fuites au niveau 1 bis du parc de stationnement [Localité 9] Parc Auto à l'aplomb sous la galerie technique et les quatre locaux commerciaux situés sur l'esplanade concernant les places de stationnement 264 à 339 et indique que ces désordres empêchent le stationnement des véhicules dans le parking de [Localité 9] Parc Auto situé en dessous à l'aplomb du niveau 1 bis, soit 54 places concernées.

Il ressort de ces investigations que les fuites ont pour siège :

- une ancienne canalisation d'eaux pluviales existante avec le raccordement eaux pluviales en PVC (fuite 1) et une ancienne liaison d'évacuation d'eaux pluviales d'un tabouret dans la coursive des locaux commerciaux pour liaison avec les chutes verticales (fuite 9),

- le raccord PVC d'eaux pluviales horizontale sur la colonne d'évacuation (fuite 12),

- le coude de descente des eaux pluviales dans la galerie (fuite 13),

- des places de stationnement sous les restaurants (gonflement du flocage sous dalle ...) et particulièrement le restaurant 'le Paradis du Fruit'.

Au titre des causes, l'expert :

- relève que les fuites N°1 et 9 concernent un problème de maintenance et d'entretien entre [Localité 9] Parc Auto et Rodamco et les fuites N° 12 et 13, la maitrise d'oeuvre d'exécution/suivi de travaux Sud Groupe et entreprise Pierre Constructions,

- mentionne qu'il existe un défaut d'étanchéité des sols carrelés dans le restaurant 'le Paradis du Fruit', notamment au niveau des raccordements avec des bondes de sol sur l'ensemble de la cuisine, un problème d'évacuation du tampon PVC de vidange de l'adoucisseur dans le local poubelle concernant également l'exploitation du restaurant Parlyo 55,

- indique qu'il existe un problème d'étanchéité du sol local plonge et raccord avec la bonde de sol et le réseau d'eau grasse dans le restaurant Woko,

- relève dans la galerie technique, une absence d'évacuation des eaux usées au droit des poubelles stockées dans la galerie, un regard abandonné non étanché et l'étanchéité d'un autre regard non réalisé.

Ainsi et même si les causes des infiltrations apparaissent multiples, il résulte de ces investigations qu'elles concernent :

- dans une certaine mesure, des fuites sur les canalisations récoltant les eaux pluviales de la terrasse, mais dont la preuve n'est pas rapportée au vu des pièces produites qu'elles soient la propriété de la société Rodamco France, l'expert faisant état de canalisations dans le parking ce qui milite plutôt pour une appartenance au propriétaire du parking,

- pour l'essentiel, des fuites consécutives aux travaux dans les restaurants situés au dessus du parking et telle est d'ailleurs la conclusion de l'expert en page 43 de son rapport.

La société [Localité 9] Parc Auto fonde ses prétentions à l'encontre de la société Rodamco France et de la société Groupe Paradis sur les dispositions des articles 1384 alinéa 1er et 1382 anciens du code civil et les troubles anormaux du voisinage.

En application des conventions souscrites avec les différentes sociétés exploitant les restaurants, la société Rodamco France donne à bail aux preneurs un local avec terrasse, qualifiée de coque 'brute de gros oeuvre' (page 44 convention avec la société Parlyo 55 ) dans lequel il est convenu que le preneur exécute à ses frais des travaux d'aménagement et de décoration intérieure.

Il est stipulé dans les conventions que le preneur assume toutes les responsabilités pouvant résulter de l'exécution des travaux et qu'il est tenu de souscrire une assurance notamment décennale au titre des travaux.

Même si au regard de ces stipulations, il peut être considéré que la garde des locaux où sont exploités les restaurants à été transmise au preneur, il n'en reste pas moins que la survenance d'infiltrations provenant du fonds situé au dessus et générant des difficultés d'exploitation pour l'exploitant du fond situé en dessous s'analyse en un trouble anormal du voisinage engageant de plein droit la responsabilité du propriétaire du dit fond qui ne peut s'exonérer de cette responsabilité par le seul fait de son preneur.

Les conventions souscrites entre la société Rodamco France et les différents preneurs n'emportent pas transfert de la propriété des biens, cela ne pouvant être déduit de la clause stipulée dans une convention, selon laquelle le preneur doit restituer le local en fin de bail dans l'état originel brut de gros oeuvre, qui en tout état de cause est inopposable aux tiers.

Il convient en conséquence, et en l'absence de faute démontrée à l'encontre de la société [Localité 9] Parc Auto, de retenir la responsabilité de la société Rodamco France en sa qualité de propriétaire du fonds à l'origine des troubles.

Par ailleurs, la responsabilité de la société Groupe Paradis venant aux droits de la société Parlyo 55 exploitant le restaurant 'le Paradis du Fruit' est incontestablement engagée en sa qualité de gardienne des locaux d'où proviennent les infiltrations et elle ne la discute d'ailleurs pas, sa contestation portant exclusivement sur l'absence de motivation et de justification des préjudices.

Il convient dés lors de déclarer la société Rodamco France et la société Groupe Paradis responsables des conséquences de ces désordres d'infiltration et de les condamner in solidum à réparer le préjudice qui en est résulté pour la société [Localité 9] Parc Auto.

* sur l'indemnisation des préjudices de la société [Localité 9] Parc Auto

La société [Localité 9] Parc Auto sollicite l'indemnisation des frais qu'elle a dû exposer directement en raison des fuites à savoir les travaux de peinture au sol sur les zones fermées au public à cause du risque d'incendie, la mise en place de barrières et le nettoyage du parc à la suite des inondations et l'indemnisation d'un préjudice d'image.

La société Rodamco France déclare que la société [Localité 9] Parc Auto produit seulement deux factures, les autres pièces n'étant que des commandes, que le préjudice d'image n'est pas davantage établi, que le parking a été démoli il y a trois ans et que le montant des frais d'expertise n'est pas justifié , aucune ordonnance de taxe n'étant produite.

La société Groupe Paradis soutient également que la société [Localité 9] Parc Auto qui ne motive pas sa demande financière et se contente de renvoyer au rapport d'expertise, ne produit pas de factures ou justificatifs du montant sollicité ni de justifications des frais de l'expertise judiciaire et ne démontre pas qu'elle soit à l'origine d'un préjudice d'image et que, le parking étant détruit et en l'absence de factures, aucun élément ne permet de démontrer qu'elle a engagé ses frais.

L'expert indique que seule la zone comprise entre les places 258/285 et 316/339 devait être interdite à la circulation et au stationnement en raison d'un risque pour la propagation des flammes en cas d'incendie d'un véhicule au droit des sondages réalisés ne rendant pas le plancher séparatif, que des barrières de condamnation ont été installées et fixées et que le reste du parking a été rendu à la circulation.

La société [Localité 9] Parc Auto verse aux débats :

- la commande de travaux de peinture au sol de la zone fermée au public et le devis correspondant pour un montant de 3.800 € ht,

- la commande de prestations pour la mise en place et le devis correspondant pour un montant de 6.165 € ht,

- deux factures d'intervention pour le nettoyage du parc de 1.200 € et de 1350 €.

Ces travaux ont été validés par l'expert qui indique en page 26 de son rapport que les travaux correspondant ont été mis en place à la suite.

La société [Localité 9] Parc Auto justifie donc d'un préjudice financier de 12.515 €.

Il n'est pas contestable par ailleurs que la présence de fuites dans une partie du parking puis de barrière interdisant l'accès à certaines places a occasionné un préjudice d'image que la cour fixe au vu des éléments d'appréciation dont elle dispose à 2.000 €.

Il convient par conséquent de condamner la société Rodamco France et la société Groupe Paradis in solidum à lui payer les dites sommes qui portent intérêts au taux légal à compter de ce jour s'agissant d'une créance de nature indemnitaire

3. sur les appels en garantie :

* sur les recours en garantie de la société Rodamco France :

La société Rodamco France forme un recours en garantie à l'encontre de :

- la société Parlyo 55 aujourd'hui la société Groupe Paradis sur le fondement des dispositions des articles 1134 et 1147, et subsidiairement 1384 anciens, du code civil,

- les sociétés Pierre Constructions et Sud Groupe et leurs assureurs respectifs Groupama et Euromaf sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, subsidiairement 1147 ancien du code civil ou 1382 et 1384 ancien du code civil.

La société Sud Groupe et la société Euromaf sollicitent leur mise hors de cause en faisant valoir que :

- la société Sud Groupe n'est intervenue liée par un contrat de maitrise d'oeuvre avec la société Rodamco France qu'au titre de la coque des travaux,

- les fuites n'ont pas pour origine les travaux propriété de la société Rodamco France mais ceux réalisés sous la maitrise d'ouvrage des différents preneurs et notamment la société Parlyo 55 et elle n'est pas intervenue à ce titre,

- les trois fuites relevées par l'expert susceptibles de concerner la société Sud Groupe au titre de la maitrise d'oeuvre d'exécution ne constituent que de menues malfaçons ponctuelles qui ne sont pas à l'origine des fuites alléguées par la société [Localité 9] Parc Auto et sans commune mesure avec les nombreuses malfaçons d'exécutions constatées par l'expert dans les locaux de la société Parlyo 55.

La société Pierre Constructions et la société Groupama concluent également au rejet des demandes formulées à leur encontre et déclarent que :

- selon l'expert, en conclusion de son rapport, les désordres constatés concernant des fuites consécutives aux travaux réalisés dans les restaurants,

- les 4 désordres imputables à la société Pierre Constructions relevant du chantier de l'enveloppe hors d'eau/hors d'air ne sont pas à l'origine des désordres subis par la société [Localité 9] Parc Auto.

Il ressort des investigations de l'expert que l'origine des désordres d'infiltrations constatés dans le parking exploité par la société [Localité 9] Parc Auto est pour partie due aux travaux réalisés pour le compte de la société Parlyo 55 (restaurant 'le Paradis du Fruit') aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Groupe Paradis.

L'expert retient notamment :

- au titre du défaut d'étanchéité des sols carrelés notamment au niveau des raccordements avec des bondes de sol sur l'ensemble de la cuisine un défaut d'exécution de l'entreprise de carrelage/étanchéité,

- un problème de branchement provisoire non fixé au niveau de l'évacuation souple du tampon PVC de vidange de l'adoucisseur dans le local poubelle,

- un problème d'étanchéité du regard T7 non réalisé dans le cadre des travaux de raccordement du restaurant 'le Paradis du Fruit'.

Aux termes de la convention de bail souscrite entre la société Rodamco France et la société Parlyo 55 il est stipulé que les travaux d'aménagement et de décoration intérieure seront exécutés par le preneur et que celui-ci assumera toutes les responsabilités pouvant résulter de l'exécution des travaux.

Il en résulte que la société Parlyo 55 s'est contractuellement engagée vis à vis de la société Rodamco France à répondre des conséquences dommageables des travaux qu'elle a fait réaliser dans le restaurant.

Les désordres imputables aux travaux réalisés dans le restaurant 'le Paradis du Fruit' ayant concouru à la réalisation de l'entier dommage, il convient de condamner la société Groupe Paradis à garantir la société Rodamco France de l'intégralité des condamnations mises à sa charge.

Par ailleurs, l'expert relève dans son analyse des causes des désordres et des responsabilités que :

- la fuite N°12 (restaurant 'le Paradis du Fruit') relative au raccord PVC eaux pluviales sur la colonne d'évacuation concerne la maitrise d'oeuvre d'exécution (suivi des travaux) Sud Groupe et l'entreprise Pierre Constructions,

- la fuite N°13 (restaurant 'le Paradis du Fruit') relative au coude de descente des eaux pluviales dans la galerie concerne également la maitrise d'oeuvre d'exécution (suivi des travaux) Sud Groupe et l'entreprise Pierre Constructions,

- le désordre D4 (restaurant Woko) relatif à la canalisation du cuiseur pates déformé sous l'effet de la chaleur (inadéquation du matériau utilisé) concerne l'entreprise Pierre Constructions pour les réseaux,

- le désordre D6 (restaurant 'le Paradis du Fruit') relatif au problème de l'abandon dans la galerie du regard T4 non étanché et non réalisé concerne la maitrise d'oeuvre d'exécution Sud Groupe et l'entreprise Pierre Constructions.

La simple formulation de l'expert dans sa conclusion selon laquelle les désordres constatés concernent des fuites consécutives aux travaux réalisés dans les restaurants ne vise que l'origine des fuites mais ne contredit pas son analyse des responsabilités détaillée dans le corps de son rapport ci-dessus rappelée qui met en cause clairement l'intervention de la société Sud Groupe, maître d'oeuvre d'exécution, et de la société Pierre Constructions, entreprise de gros oeuvre.

D'ailleurs en réponse à un dire du conseil de la société Sud Groupe, tout en indiquant que la société Sud Architecte, maître d'oeuvre de conception n'est pas concernée par les désordres, il maintient son avis concernant la société Sud Groupe chargé du suivi des travaux.

Il est donc établi que les désordres d'infiltrations imputables aux travaux réalisés par ou sous la maîtrise d'oeuvre de la société Pierre Constructions et de la société Sud Groupe ont concouru à la réalisation de l'entier dommage.

Ils proviennent d'ouvrages considérés par l'expert comme non étanches et étant ainsi incontestablement de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination, ils engagent la responsabilité décennale de la société Sud Groupe et de la société Pierre Constructions.

Il convient en conséquence de les condamner in solidum avec la société Groupe Paradis , et avec leurs assureurs qui ne discutent pas leur garantie, à garantir la société Rodamco France de l'intégralité des condamnations mises à sa charge.

* sur les recours en garantie de la société Groupe Paradis :

La société Groupe Paradis forme un recours en garantie à l'encontre de la société Opus Certum, maître d'oeuvre d'exécution des travaux qu'elle a fait réaliser au sein du restaurant 'le Paradis du Fruit' et de son assureur, la MAF.

Il est constant que les travaux que la société Parlyo 55 a fait réaliser dans le restaurant 'le Paradis du Fruit' l'ont été sous la maitrise d'oeuvre de conception et d'exécution de la société Opus Certum.

L'expert judiciaire retient dans le restaurant 'le Paradis du Fruit' :

- un défaut d'étanchéité des sols carrelés au niveau des raccordements avec des bondes de sol au niveau de la cuisine (D1) dû à un défaut d'exécution de l'entreprise de carrelage/étanchéité CD Home,

- un défaut d'étanchéité d'un regard (D7) non réalisé dans le cadre des travaux de raccordement concernant la maitrise d'oeuvre d'exécution Opus Certum et l'entreprise Snad Augayard Delaigle (Réseaux d'eaux usées).

Ces éléments conduisent la cour à retenir la responsabilité décennale de cette entreprise et la garantie de son assureur, la MAF.

Il convient de les condamner in solidum à garantir la société Groupe Paradis des condamnations mises à sa charge.

* sur les recours en garantie de la société Sud Groupe, de la société Pierre Constructions et de leurs assureurs :

Les personnes responsables de plein droit en application des articles 1792 et suivants du code civil peuvent agir en garantie contre les autres responsables tenus avec elles et au même titre sur le fondement de la responsabilité de droit commun applicable dans leurs rapports et la charge finale de la condamnation, formant contribution à la dette se répartit en fonction de la gravité de leurs fautes respectives.

Il convient de relever que la société Sud Groupe et son assureur sont irrecevables en leur demande de garantie vis à vis de la société Snad et de son assureur, l'Auxiliaire, dés lors que ces deux parties n'ont pas été intimées en cause d'appel.

En l'espèce, au regard de la gravité de leurs fautes respectives telles que ressortant des conclusions expertales, mettant en cause à la fois des malfaçons d'exécution imputables à la société Pierre Constructions et un défaut de surveillance imputable à la société Sud Groupe la cour répartit la charge finale de la condamnation à raison de la moitié chacun.

4. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Malgré les observations des différentes parties, la société [Localité 9] Parc Auto n'a toujours pas cru devoir justifier du montant des frais d'expertise.

Il ne peut être en l'état fait droit à sa demande en paiement d'une somme de 25.916,35 € et il convient de condamner in solidum la société Rodamco France et la société Groupe Paradis aux dépens de première instance lesquels comprendront les frais d'expertise judiciaire sur justification aux parties concernées de l'ordonnance de taxe, et aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société [Localité 9] Parc Auto et lui alloue pour l'ensemble de la procédure la somme de 8.000 € mise à la charge de la société Rodamco France et de la société Groupe Paradis.

La société Rodamco France et la société Groupe Paradis sont garanties de ces condamnations par la société Sud Groupe, la société Pierre Constructions et leurs assureurs respectifs en ce qui concerne la société Rodamco France et par la société Opus Certum et son assureur en ce qui concerne la société Groupe Paradis.

L'équité commande également de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Rodamco France et de la société Groupe Paradis et leur alloue à chacune d'entre elles la somme de 3.000 €.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des autres parties à l'instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Constate l'intervention volontaire de la société Groupe Paradis venant aux droits de la société le Paradis du Fruit, elle même aux droits de la société Parlyo 55.

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

statuant de nouveau et y ajoutant,

Déclare la société [Localité 9] Parc Auto recevable en son action.

Déclare la société Rodamco France et la société Groupe Paradis responsables in solidum des conséquences des désordres d'infiltration subis dans le parking de stationnement [Localité 9].

Condamne la société Rodamco France et la société Groupe Paradis in solidum à payer à la société [Localité 9] Parc Auto avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

- la somme de 12.515 € en réparation de son préjudice financier,

- la somme de 2.000 € en réparation de son préjudice d'image,

Condamne in solidum la société Groupe Paradis, la société Sud Groupe et son assureur la société Euromaf, ainsi que la société Pierre Constructions et son assureur la société Groupama à garantir la société Rodamco France de l'intégralité des condamnations mises à sa charge.

Condamne in solidum la société Opus Certum et son assureur la société Groupama à garantir la société Groupe Paradis de l'intégralité des condamnations mises à sa charge.

Condamne la société Sud Groupe et la société Euromaf in solidum à relever et garantir la société Pierre Constructions et la société Groupama des condamnations mises à leur charge dans la proportion de la moitié.

Condamne la société Pierre Constructions et la société Groupama in solidum à relever et garantir la société Sud Groupe et la société Euromaf des condamnations mises à leur charge dans la proportion de la moitié.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société Rodamco France et la société Groupe Paradis in solidum à payer à la société [Localité 9] Parc Auto la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la société Rodamco France est garantie de cette condamnation par la société Groupe Paradis, la société Sud Groupe et son assureur la société Euromaf, la société Pierre Constructions et son assureur la société Groupama, in solidum.

Dit que la société Groupe Paradis est garantie des condamnations mises à sa charge au titre des frais irrépétibles par la société Opus Certum et son assureur la Mutuelle des Architectes Français, in solidum ;

Condamne la société Sud Groupe et son assureur la société Euromaf, la société Pierre Constructions et son assureur la société Groupama à payer à la société Rodamco France la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Opus Certum et son assureur, la Mutuelle des Architectes Français, à payer à la société Groupe Paradis la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la charge finale des condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile est répartie entre la société Sud Groupe et la société Pierre Constructions à concurrence de la moitié chacune et condamne chaque entreprise concernée ou leurs assureurs à garantir l'autre des condamnations mises à leur charge à titre définitif dans la proportion ci-dessus définie.

Condamne in solidum la société Rodamco France et la société Groupe Paradis aux dépens de première instance, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire sur justification aux parties concernées de l'ordonnance de taxe, et aux dépens d'appel, garanties en cela selon les mêmes modalités que ci-dessus.

Accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/07804
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;19.07804 ?
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