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07/06/2022 | FRANCE | N°19/02007

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 07 juin 2022, 19/02007


N° RG 19/02007 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MIKL









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 19 décembre 2018



RG : 16/03548

ch n°9 cab 09 G









[K]



C/



[E]

SARL DUGUESCLIN TRANSACTIONS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 07 Juin 2022







APPELANT :



M. [D] [K]

né le 12 Mars 1979 à [Localité 11] (69)

[Adresse 2]

[Localité 1]



Représenté par la SELARL LINK ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1748









INTIMÉS :



M. [C] [B] [G] [E]

né le 20 Janvier 1975 à [Localité 9] (42)

[Adresse 5]

[Localité 8]
...

N° RG 19/02007 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MIKL

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 19 décembre 2018

RG : 16/03548

ch n°9 cab 09 G

[K]

C/

[E]

SARL DUGUESCLIN TRANSACTIONS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 07 Juin 2022

APPELANT :

M. [D] [K]

né le 12 Mars 1979 à [Localité 11] (69)

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par la SELARL LINK ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1748

INTIMÉS :

M. [C] [B] [G] [E]

né le 20 Janvier 1975 à [Localité 9] (42)

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Stéphane ANDREO, avocat au barreau de LYON, toque : 2194

La Société DUGUESCLIN TRANSACTIONS, SAS

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par la SELARL VALERIE BERTHOZ, avocats au barreau de LYON, toque : 1113

******

Date de clôture de l'instruction : 17 Juin 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Mars 2022

Date de mise à disposition : 07 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Laurence VALETTE, conseiller

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Stéphanie LEMOINE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Le 9 mars 2009, M. [E] a confié à la société Duguesclin Transactions, un mandat exclusif de vente portant sur le lot n°38 d'un immeuble en copropriété, sis [Adresse 6].

Suivant acte notarié du 26 novembre 2009, M. [E] a vendu à M. [K] ledit bien, désigné ainsi : «un grenier aménagé, équipé de WC, douche, lavabo, lit réfrigérateur, plaque chauffage, rangement, portant sur le n°8 côté sud-ouest, bâtiment A avec deux petites fenêtres sur la [Adresse 10], couloir commun avec les lots 16,17,19 et 20 et une petite pièce.»

Le bien a été vendu au prix de 56.525 euros pour 9,95 m2.

Suivant arrêté du 3 novembre 2015, la préfecture du Rhône a déclaré insalubre le logement en question et a interdit définitivement l'habitation, estimant impossible de remédier à son insalubrité, compte tenu de l'impossibilité technique d'exécuter les travaux nécessaires dans l'enveloppe actuelle du logement. L'insalubrité est justifiée par les motifs suivants :

- surface et hauteur sous plafond de la pièce principale insuffisantes,

- absence de ventilation efficace et réglementaire,

- absence de séparation entre le WC et la cuisine,

- dysfonctionnement de l'installation des eaux usées des locaux du 5ème étage,

- risque de chocs frontaux en raison de la présence d'éléments de charpente et la pente du plafond.

Par acte d'huissier de justice du 3 mars 2016, M. [K] a assigné M. [E] et la société Duguesclin Transactions devant le tribunal de grande instance de Lyon, afin de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Lyon a déclaré l'action de M. [K] irrecevable en raison de sa prescription et l'a condamné à payer à M. [E] et à la société Duguesclin Transactions la somme, à chacun, de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 18 mars 2019, M. [K] a relevé appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 10 mai 2021, M. [K] demande l'infirmation du jugement et la condamnation in solidum de M. [E] et de la société Duguesclin Transactions à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 14 mai 2021, M. [E] demande la confirmation du jugement déféré et la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Andreo, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 17 mars 2020, la société Duguesclin Transactions demande la confirmation du jugement et la condamnation de M. [K] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens, distraits au profit de la SELARL Valérie Berthoz, avocat.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2021.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la prescription de l'action de M. [K]

M. [K] sollicite la condamnation in solidum de M. [E] et de la société Duguesclin Transactions à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts, en raison, en ce qui concerne le premier, du manquement à son devoir de délivrance, et en ce qui concerne le second, du manquement à son devoir de conseil.

Il fait valoir que M. [E] lui a vendu une surface à usage d'habitation ne répondant pas aux conditions posées par :

- le décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent, qui dispose en son article 4 que «le logement dispose au moins d'une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes.»,

- et par l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation, qui dispose que «la surface et le volume habitables d'un logement doivent être de 14 mètres carrés et de 33 mètres cubes au moins par habitant prévu lors de l'établissement du programme de construction pour les quatre premiers habitants et de 10 mètres carrés et 23 mètres cubes au moins par habitant supplémentaire au-delà du quatrième.»,

de sorte que par arrêté du 3 novembre 2015, le préfet du Rhône a déclaré que le logement qu'il a acquis était «insalubre à titre irrémédiable» et en a interdit l'habitation, en raison notamment de la surface et de la hauteur sous plafond de la pièce principale insuffisantes et de l'impossibilité «de remédier à l'insalubrité compte tenu de l'impossibilité technique d'exécuter les travaux nécessaires dans l'enveloppe actuelle du logement..».

M. [K] ajoute qu'il n'est pas un professionnel de l'immobilier et qu'il n'a pu se rendre compte de cette non-conformité qu'à compter du prononcé de cet arrêté.

M. [E] et la société Duguesclin Transactions soutiennent que M. [K] était informé par l'acte de vente que le bien immobilier ne répondait pas aux critères de décence exigés par le décret du 30 janvier 2002 précité, de sorte que son action, exercée le 3 mars 2016, soit plus de cinq ans après la vente, qui a eu lieu le 26 novembre 2009, est prescrite.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.».

Dès lors, afin de déterminer si la demande de dommages-intérêts formée par M. [K] est prescrite, il convient de rechercher la date à laquelle il a connu ou aurait dû connaître le caractère inhabitable du bien qu'il a acquis.

En l'espèce, l'acte authentique du 26 novembre 2009 régularisant la vente entre M. [E] et M. [K] stipule :

- page 6, que la vente porte sur le lot n°38, consistant en «un grenier aménagé équipé de WC, douche, lavabo, lit, réfrigérateur, plaque chauffante, rangement, portant le numéro 8, côté sud-ouest, bâtiment A, avec deux petites fenêtres sur la [Adresse 10], couloir commun avec les lots 16, 17, 19 et 20, et une petite pièce.»,

- page 22, que «la superficie de la partie privative des biens, objet des présentes soumis à ladite loi ainsi qu'à ses textes subséquents, est de 9, 95 m2 pour le lot n°38 (ex lot 18), ainsi qu'il résulte d'une attestation demeurée ci-annexée établie par AVD Diagnostics - [Adresse 3] le 2 février 2009.»,

- page 28, «notion de logement décent», «le notaire avertit l'acquéreur qu'aux termes des dispositions légales actuellement en vigueur, le logement dit «décent» se caractérise par une pièce principale d'au moins neuf mètres carrés et d'une hauteur sous plafond au moins égale à deux mètres vingt, soit un volume habitable de vingt mètres cubes au minimum. La pièce principale doit être dotée d'une ouverture à l'air libre, d'une cuisine ou d'un coin cuisine, d'une douche ou d'une baignoire, d'un water-closets séparé. (...) Il est précisé que ces conditions sont obligatoires pour toute location, sauf une location saisonnière ou une mise à disposition à titre gratuit. (...).».

Le certificat de mesurage établi par AVD Diagnostics le 2 février 2009, annexé à l'acte authentique de vente mentionne que :

- la surface privative loi Carrez du bien est de 9, 95 m2 et la surface hors Carrez (hauteur de moins d'1,80 m) est de 7,05 m2,

- la superficie Carrez de la pièce principale est de 7,90 m2 et la superficie inférieure à 1,80 m est de 7,05 m2,

- la superficie de la salle de bains/WC est de 2,05 m2.

Le compromis de vente régularisé entre les parties le 15 octobre 2009 mentionnait déjà que: «le rédacteur des présentes avertit l'acquéreur qu'aux termes des dispositions légales actuellement en vigueur, le logement dit «décent» se caractérise par une pièce principale d'au moins neuf mètres carrés et d'une hauteur sous plafond au moins égale à deux mètres vingt, soit un volume habitable de vingt mètres cubes au minimum. La pièce principale doit être dotée d'une ouverture à l'air libre, d'une cuisine ou d'un coin cuisine, d'une douche ou d'une baignoire, d'un water-closets séparé. (...) Il est précisé que ces conditions sont obligatoires pour toute location, sauf une location saisonnière ou une mise à disposition à titre gratuit. (...).».

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [K] a été informé dès la signature du compromis de vente, le 15 octobre 2009, puis lors de la signature de l'acte authentique le 26 novembre 2009 :

- que la location d'un bien ne répondant pas aux critères de décence caractérisée notamment par une pièce principale d'au moins neuf mètres carrés et d'une hauteur sous plafond au moins égale à deux mètres vingt était interdite ;

- que la superficie de la pièce principale du bien vendu était de 7,90 m2 pour la partie supérieure à 1,80 m2.

En conséquence de ces informations claires, M. [K] a connu ou aurait dû connaître, au sens de l'article 2224 du code civil, la non-conformité du bien qu'il acquerrait à la location qu'il projetait, dès la signature du compromis de vente ou à tout le moins, à la date de la vente.

La circonstance que la superficie inférieure à 1,80 m de la pièce principale soit de 7,05 m2 n'a pu induire en erreur M. [K] sur la superficie de cette pièce au sens du décret de 2002, sachant qu'il lui a été rappelé, dans les actes qu'il a signés, que la pièce principale doit cumulativement être dotée d'une surface d'au moins 9 m2 et d'une hauteur sous plafond d'au moins 2,20 mètres.

De même, le fait que le bien lui ait été vendu loué n'induit pas que cette location était régulière et surtout, ne l'empêchait pas d'en vérifier les conditions au regard des informations qui lui avaient été données.

En conséquence, le point de départ de l'action de M. [K] doit être fixé au plus tard à la date de la signature de la vente, le 26 novembre 2009, de sorte que l'action engagée le 3 mars 2016, soit plus de cinq après, est prescrite.

Le jugement est donc confirmé.

2. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit M. [E] et la société Duguesclin Transactions en appel. M. [K] est condamné à payer, à chacun, à ce titre la somme de 2.000 €.

Les dépens d'appel sont à la charge de M. [K], qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne M. [K] à payer M. [E] la somme de 2.000 € et à la société Duguesclin Transactions celle de 2.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamne M. [K] aux dépens de la procédure d'appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/02007
Date de la décision : 07/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-07;19.02007 ?
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