N° RG 21/00790 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NMDX
Décision de la Commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction de Lyon
du 22 janvier 2021
RG : 20/00096
[N]
C/
Groupement FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERROR ISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 25 Mai 2022
APPELANTE :
Mme [G] [N], ès qualité de représentante légale de sa fille mineure [O] [D], née le [Date naissance 1] 2014 à [Localité 7] (38)
née le [Date naissance 3] 1981 à PEKIN (CHINE)
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Xavier MOROZ, avocat au barreau de LYON, toque : 1589
INTIMEE :
LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Valérie ORHAN-LELIEVRE de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 716
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Date de clôture de l'instruction : 21 Septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Avril 2022
Date de mise à disposition : 25 Mai 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Dominique BOISSELET, président
- Evelyne ALLAIS, conseiller
- Stéphanie ROBIN, conseiller
assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier
A l'audience, Evelyne ALLAIS a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
Le 30 décembre 2018 à [Localité 8], [O] [D], née le [Date naissance 1] 2014 à [Localité 7] (38), a eu l'extrémité du pouce gauche sectionnée à la suite de la fermeture brutale d'une porte dans l'appartement où elle se trouvait.
Par requête du 25 février 2020, Mme [G] [N],ès-qualités d'administratrice légale de sa fille mineure [O] [D], a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales du tribunal judiciaire de Lyon (la CIVI).
Mme [N],ès-qualités, sollicitait en dernier lieu de voir ordonner une expertise médicale de sa fille et de voir allouer à celle-ci une provision à valoir sur le préjudice .
Le Fonds de Garantie concluait au rejet de ces demandes, au motif que Mme [N],ès-qualités, n'établissait pas que les faits dont avait été victime sa fille présentaient le caractère matériel d'une infraction.
Par décision du 22 janvier 2021, la CIVI a :
- déclaré irrecevable la demande présentée par Mme [N],ès-qualités,
- débouté Mme [N],ès-qualités, de ses demandes,
- dit que les dépens seraient laissés à la charge du Trésor.
Par déclaration du 3 février 2021, Mme [N],ès-qualités, a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 juillet 2021, Mme [N], ès-qualités, demande à la Cour, au visa des articles 706-3 et suivants, R. 50-1 du code de procédure pénale,
recevant comme régulier et bien fondé son appel,
- infirmer la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable sa requête et l'a déboutée de ses demandes,
- recevoir sa demande aux fins d'indemnisation du préjudice subi par sa fille suite aux violences dont celle-ci a été victime le 30 décembre 2018 à [Localité 8],
avant dire droit,
- lui allouer une provision d'un montant de 2.000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de l'entier préjudice de sa fille, [O] [D],
- ordonner une expertise médico-légale et commettre à cette fin tel expert qu'il plaira à la commission avec mission habituelle,
- laisser les dépens à la charge du Trésor Public.
A l'appui de ses prétentions, Mme [N], ès-qualités, fait valoir que :
- elle a déposé plainte le 31 décembre 2018 à l'encontre de M. [P] [H], lequel a volontairement claqué la porte sur le pouce de [O] [D] ; sa plainte a été classée sans suite le 19 mars 2019, ce dont elle n'a eu connaissance qu'après un courrier adressé par elle le 13 janvier 2020 aux services compétents ; elle a fait un recours hiérarchique à l'encontre de ce classement sans suite en application de l'article 40-3 du code de procédure pénale mais aucune décision n'a encore été prise quant à son recours,
- le procès-verbal de synthèse du commissariat de police du 17 janvier 2019 révèle que le dommage subi par sa fille a été causé par l'intervention fautive d'un tiers, même si ce dernier conteste le caractère intentionnel des faits dont la mineure a été victime.
Dans ses conclusions notifiées le 22 juillet 2021, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions (le Fonds de garantie), demande à la Cour, au visa de l'article 706-3 du code de procédure pénale, de :
- confirmer en tous points le jugement,
- laisser les dépens à la charge de l'État.
A l'appui de ses prétentions, le Fonds de Garantie fait valoir que :
- Mme [N],ès-qualités, ne démontre pas que le dommage subi par sa fille est imputable à l'intervention fautive d'un tiers, nonobstant le procès-verbal de synthèse de police produit en cause d'appel,
- le procès-verbal de synthèse susvisé ne constitue pas en soi une pièce de procédure, consistant en un simple résumé des faits laissés à l'appréciation du policier rédacteur ; en outre, il fait apparaître que M. [H] conteste catégoriquement le caractère volontaire des blessures et la plainte de Mme [N],ès-qualités, a été classée sans suite.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2021.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l'article 706-3 du code de procédure pénale, dans sa rédaction applicable, toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne sous réserve de certaines conditions.
Aussi, il incombe à Mme [N],ès-qualités, d'établir que sa fille [O] a subi un préjudice résultant d'une infraction pénale.
Le premier juge a déclaré la requête de Mme [N],ès-qualités, irrecevable au motif que les pièces versées aux débats n'étaient pas suffisantes pour prouver que le préjudice subi par [O] [D] avait pour origine l'intervention fautive d'un tiers.
Il ressort de la plainte de Mme [N] du 31 décembre 2018 ainsi que du procès-verbal de synthèse du commissariat de police des [Localité 8] du 17 janvier 2019 produit en cause d'appel que :
- le 30 décembre 2018 vers 12 h 30, Mme [N] ainsi que ses filles [K] et [O] [D], âgées alors de 6 et 4 ans, se trouvaient dans l'appartement d'une amie avec M. [P] [H], nouveau compagnon de celle-ci,
- M. [H] a reconnu avoir fermé avec force la porte entre le salon et la cuisine adjacente de l'appartement mais a affirmé ne pas avoir vu [O] [D] venant de la cuisine, dont le doigt était dans l'encadrement de cette porte ; il a précisé avoir fermé la porte à cause d'un courant d'air venant de la cuisine et avoir poussé fort la porte car elle était lourde et résistait,
- Mme [N], qui n'a pas assisté à ces faits, a déclaré que M. [H] était énervé par les deux fillettes qui continuaient de courir dans l'appartement bien qu'il leur ait demandé d'arrêter en criant et avait attendu que [O] arrive pour claquer volontairement très fort la porte grande ouverte,
- Mme [N] et M. [H] sont restés chacun sur leur position.
Un certificat médical hospitalier du 17 février 2020 précise que l'incapacité totale de travail subie par [O] [D], hospitalisée dans les suites d'un doigt de porte pouce gauche survenu le 30 décembre 2018, était estimée à 30 jours.
La procédure pénale ayant été classée sans suite et M. [H] contestant le caractère volontaire des violences, les seules allégations de Mme [N], laquelle n'a pas vu le déroulement des faits, ne sont pas suffisantes pour établir que sa fille aurait été victime de violences volontaires de la part de M. [H].
Aux termes de l'article 222-20 du code pénal, le fait de causer à autrui, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.
Or, Mme [N], ès-qualités, ne prouve pas en l'espèce que le préjudice subi par sa fille résulte d'une violation manifestement délibérée par M. [H] d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement et par voie de conséquence de l'infraction pénale susvisée.
En l'absence de démonstration de l'existence d'une infraction pénale à l'origine du préjudice de [O] [D], la décision sera confirmée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Mme [N],ès-qualités, mais infirmée en ce qu'elle l'a déboutée de ses prétentions, lesquelles n'ont pas été examinées au fond.
Mme [N], ès-qualités, qui n'obtient pas gain de cause dans le cadre de son recours, sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Confirme la décision en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Mme [N],ès-qualités, et dit que les dépens seraient laissés à la charge du Trésor Public ;
L'infirme pour le surplus, sans qu'il y ait lieu de statuer à nouveau ;
Condamne Mme [N],ès-qualités, aux dépens d'appel ;
Rejette le surplus des demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT