N° RG 21/05853 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NX44
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond du 27 mai 2021
RG : 18/11857
ch n°1 cab 01 A
[T]
C/
[S]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 10 Mai 2022
APPELANT :
M. [Y] [R] [L] [T]
né le 06 Janvier 1944 à [Localité 5] (69)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par la SCP RIEUSSEC & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 548
INTIMÉE :
Mme [N] [S] veuve [M]
née le 04 Octobre 1936 à [Localité 6] (69)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine BOURGADE, avocat au barreau de LYON, toque : 118
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Date de clôture de l'instruction : 22 Février 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 Mars 2022
Date de mise à disposition : 10 Mai 2022
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Olivier GOURSAUD, président
- Laurence VALETTE, conseiller
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Stéphanie LEMOINE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
De l'union de Mme [N] [S] épouse [M] (Mme [S]) et [E] [M], est née [C] [M], laquelle a contracté mariage avec M. [T].
[C] [M] est décédée le 1er février 2012 et a laissé pour recueillir sa succession, M. [T], son époux et Mme [S], sa mère.
Par testament olographe du 12 février 2009 inscrit au fichier national des dernières volontés, [C] [M] indique qu'elle déshérite son mari de tout droit dans sa succession, à l'exception de l'usufruit des biens et droits immobiliers, soit un appartement, un garage, un parking et un garage situés à [Localité 7], ainsi que les meubles meublants et bibelots garnissant ces biens immobiliers.
Par acte d'huissier de justice du 25 octobre 2013, Mme [S] a assigné M. [T] devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins, notamment, de commettre un notaire pour procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession.
Par un jugement irrévocable du 4 février 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [C] [M];
- désigné Maître [F], notaire à [Localité 5], pour procéder aux opérations ;
- désigné le juge de la mise en état de la 1ère chambre du tribunal pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficultés ;
- dit que le legs en usufruit reçu par M. [T] s'imputera sur les droits de celui-ci dans la succession d'[C] [M] ;
- dit que la somme de 44.860 euros au titre du droit de retour conventionnel sur les deux donations-partages du 30 août 1999 et du 19/01/2001 rectifié le 27 février 2001, doit être portée au passif successoral ;
- débouté Mme [S] de sa demande en remboursement de la somme de 43.090,42 euros perçue par M. [T] au titre du contrat souscrit par [C] [M] auprès de la société Aviva vie ;
- dit que le capital assuré auprès de la Caisse d'épargne dans le cadre du contrat souscrit par [C] [M] auprès de cette société devra être réparti entre Mme [S] et M. [T] à hauteur d'un quart au profit de la première et à hauteur de trois quarts au profit du second;
- dit qu'il incombera au notaire désigné de procéder à l'établissement des masses actives et passives de la succession sur la base des éléments figurant dans le jugement.
Me [F], notaire commis, a dressé un procès-verbal de difficulté le 18 octobre 2018 auquel elle a annexé un projet d'acte liquidatif.
Par acte d'huissier de justice du 14 janvier 2019, Mme [S] a assigné M. [T] en homologation du projet d'acte de partage.
Par jugement du 27 mai 2021, le tribunal judiciaire de Lyon a notamment :
- déclaré recevable la demande en homologation du projet d'acte de partage du 18 octobre 2018,
- homologué le projet d'acte de partage établi par Me [F] le 18 octobre 2018,
- renvoyé les parties devant Me [F] pour signature de l'acte définitif de partage de la succession d'[C] [M],
- rejeté la demande de dommages-intérêts formée par Mme [S].
Par déclaration du 13 juillet 2021, M. [T] a interjeté appel du jugement.
Par conclusions notifiées le 29 novembre 2021, il demande à la cour d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de :
A titre principal,
- dire et juger que c'est à tort que le tribunal judiciaire de Lyon a ordonné l'homologation du projet d'acte de partage dressé par Me [F] sans qu'il soit porté atteinte à l'autorité de la chose jugée,
- déclarer en conséquence Mme [N] [S] irrecevable et mal fondée en sa demande d'homologation du projet en première instance et en cause d'appel,
A titre subsidiaire,
- rejeter la demande d'homologation du projet d'acte de partage établi par Me [F],
- dire et juger qu'en l'état le projet dressé par Me [F] ne peut être homologué,
- dire et juger que conformément au jugement du 4 février 2016, le legs en usufruit perçu par M. [T] s'impute sur ses droits de conjoint successible dans le cadre de la succession d'[C] [M], lesdits droits s'élevant à trois quarts de l'actif net successoral au visa des articles 757-1 et 758-6 du code civil,
- ordonner que le projet d'acte liquidatif soit rectifié en conséquence,
- condamner Mme [S] à verser à M. [T] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Rieussec & associés, avocat.
Par conclusions notifiées le 29 octobre 2021, Mme [S] demande la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts et, statuant à nouveau de :
- condamner M. [T] à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- condamner M. [T] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles en appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [T] aux dépens de l'instance, excepté les frais de liquidation de la succession partagés et prélevés par le notaire sur les sommes séquestrées de la succession.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée
M. [T] soutient que la demande d'homologation du projet d'acte de partage formée par Mme [S] est irrecevable, en ce qu'elle contrevient à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 4 février 2016, ayant ordonné que 'le legs en usufruit reçu par M. [T] s'imputera sur les droits de celui-ci dans la succession de Mme [C] [M]', alors que le projet d'acte de partage affirme qu'aux termes 'd'un jugement rendu par le TGI de Lyon le 4 février 2016, il a été ordonné que le legs d'usufruit s'imputait sur les droits réservataires du conjoint survivant'.
Mme [S] soutient que c'est à bon droit que sa demande tendant à homologuer l'acte de partage a été déclarée recevable par le jugement déféré, s'agissant d'un point de désaccord entre les parties sur lequel le tribunal est tenu de statuer en application de l'article 1375 du code de procédure civile.
Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
En l'espèce, le jugement du 4 février 2016, qui a ordonné l'ouverture des opérations liquidatives de la succession d'[C] [M], n'a pas statué sur une demande tendant à voir homologuer un projet d'acte de partage.
En conséquence, il convient de déclarer la demande d'homologation du projet d'acte de partage du 18 octobre 2018 recevable et de confirmer le jugement de ce chef.
2. sur la demande d'homologation de l'acte de partage
M. [T] sollicite le rejet de la demande d'homologation de l'acte de partage du 18 octobre 2018 et sa rectification, de telle sorte que le legs en usufruit qu'il a perçu s'impute sur ses droits de conjoint successible, lesquels s'élèvent selon lui aux trois quarts de l'actif net successoral conformément aux dispositions des articles 757-1 et 758-6 du code civil.
Il soutient qu'en imputant le legs d'usufruit sur les droits réservataires du conjoint survivant, le jugement du 4 février 2016 est dénaturé puisqu'il devait conduire à faire une application stricte de l'article 758-6 du code civil, de sorte que si le legs est inférieur aux droits définis par l'article 757-1 du code civil au bénéfice du conjoint survivant, il peut prétendre à un complément, soit, avec les droits qui lui ont été consentis par voie testamentaire, les trois quarts des actifs successoraux. M. [T] réfute ainsi la position du notaire, puis du tribunal qui consiste à combiner les articles 914-1 et 758-6 du code civil et ajoute que Mme [S] ne rapporte pas la preuve qu'il n'aurait droit qu'à la réserve dans la succession de son épouse.
Mme [S] fait valoir que c'est seulement en l'absence de dispositions contraires, que les droits du conjoint survivant sont portés aux trois quarts en application de l'article 757-1 du code civil, lorsqu'il n'y a pas de descendants et que l'un des deux ascendants est pré-décédé. Selon elle, en raison du testament établi par [C] [M], M. [T] ne peut prétendre qu'à la réserve légale d'un quart prévue par l'article 914-1 du même code.
En l'espèce, en l'absence de descendants, M. [T], qui vient en concours avec la mère de la défunte, est héritier réservataire du quart de la succession, en application de l'article 914-1 du code civil.
Par ailleurs, selon le testament olographe du 12 février 2009, établi par [C] [M], M. [T] est déshérité de tout droit dans la succession de son épouse, 'à l'exception du bénéfice de l'usufruit des biens et droits immobiliers, soit un appartement, un garage et un parking et une cave'à [Localité 7], ainsi que les meubles meublants et bibelots les garnissant.
Il résulte de ces dispositions qu'[C] [M], qui a expressément mentionné qu'elle déshéritait son conjoint, a entendu limiter ses droits dans la succession à la réserve héréditaire, de sorte que le legs particulier en usufruit qu'elle lui a consenti doit s'imputer sur celle-ci et non pas sur la quotité disponible, de laquelle il est privé.
Cette interprétation, qui correspond au projet d'acte liquidatif établi par le notaire commis, ne contredit pas le jugement du 4 février 2016, qui retient que 'le legs en usufruit reçu par Monsieur [Y] [G] s'imputera sur les droits de celui-ci dans la succession de Madame [C] [M]' et est, en outre, conforme à l'article 758-6 du code civil, selon lequel les libéralités reçues par le conjoint survivant s'imputent sur ses droits légaux.
En conséquence, il convient de débouter M. [T] de sa contestation et de confirmer le jugement de ce chef.
Sur les autres demandes
L'exercice d'une action en justice ne dégénère en faute pouvant donner lieu à des dommages-intérêts que si le demandeur a agi avec intention de nuire, légèreté blâmable ou s'il a commis une erreur équipollente au dol, tous faits insuffisamment caractérisés en l'espèce.
En conséquence, il convient de débouter Mme [S] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive et de confirmer le jugement de ce chef.
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [S] en appel. M. [T] est condamné à lui payer à ce titre la somme de 3.000 €.
Les dépens d'appel sont à la charge de M. [T] qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne M. [Y] [T] à payer à Mme [N] [S] la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
Condamne M. [Y] [T] aux dépens de la procédure d'appel, excepté les frais de liquidation de la succession partagés et prélevés par le notaire sur les sommes séquestrées de la succession, et accorde aux avocats de la cause le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT