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03/05/2022 | FRANCE | N°20/00248

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 03 mai 2022, 20/00248


N° RG 20/00248 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZPQ









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 17 décembre 2019



RG : 17/06867

ch n°4







[S]



C/



Société CARDIF ASSURANCE VIE

S.A. BNP PARIBAS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 03 Mai 2022







APPELANTE :


r>Mme [W] [S]

née le 25 Mai 1952 à [Localité 8] (69)

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représentée par la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocats au barreau de LYON, toque : 480







INTIMÉES :



La Société CARDIF ASSURANCE VIE

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée...

N° RG 20/00248 - N° Portalis DBVX-V-B7E-MZPQ

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 17 décembre 2019

RG : 17/06867

ch n°4

[S]

C/

Société CARDIF ASSURANCE VIE

S.A. BNP PARIBAS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 03 Mai 2022

APPELANTE :

Mme [W] [S]

née le 25 Mai 1952 à [Localité 8] (69)

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par la SCP YVES HARTEMANN JOSEPH PALAZZOLO, avocats au barreau de LYON, toque : 480

INTIMÉES :

La Société CARDIF ASSURANCE VIE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par la SCP BCF AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 714

La BNP PARIBAS, SA, et les AFFAIRES SPECIALES ET RECOUVREMENT-ASR LYON ACI Z08477A [Adresse 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par la SELARL ADK, avocats au barreau de LYON, toque : 1086

******

Date de clôture de l'instruction : 20 Mai 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 Février 2022

Date de mise à disposition : 03 Mai 2022

Audience tenue par Olivier GOURSAUD, président, et Laurence VALETTE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Laurence VALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Laurence VALETTE, conseiller

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DU L'AFFAIRE

Mme [S], née le 25 mai 1952, a souscrit les 25 février et 9 septembre 2009 deux prêts immobiliers auprès de la société BNP Paribas (la banque) :

- un prêt d'un montant de 90 000 euros remboursable en 168 mensualités, prêt qui après un remboursement partiel anticipé, a été réaménagé suivant un plan de remboursement établi le 5 février 2010 sur la période du 2 mars 2010 au 2 avril 2023 ;

- un prêt à taux 0 pour des travaux d'un montant de 22 877 euros remboursable en 120 mensualités.

Pour chacun de ces prêts, elle a sollicité son adhésion à l'assurance groupe de la BNP Paribas souscrite auprès de la société Cardif assurance, en optant pour la garantie "décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité totale de travail".

Le 6 janvier 2011, Mme [S] a été placée en arrêt de travail et ce jusqu'à sa mise en invalidité le 1er février 2012 par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM). Elle a ensuite été admise à la retraite pour inaptitude à compter du 1er mars 2013, sa retraite prenant le relais de sa pension d'invalidité.

La société Cardif assurance a pris en charge les échéances des prêts de novembre 2011 à décembre 2013.

Le 13 novembre 2013, la société Cardif Assurance a informé Mme [S] que les justificatifs transmis permettaient de régler les échéances des deux prêts de janvier 2014 à mai 2014 et lui réclamait en cas de prolongation de l'arrêt de travail, une attestation de son employeur ou un certificat médical.

Par courrier du même jour, visant les deux prêts, la société Cardif Assurance a informé Mme [S] que "conformément aux clauses de cessation des garanties de votre contrat d'assurance, les prestations servies sont interrompues à la liquidation de toute pension retraite, départ ou mise en pré-retraite ou en retraite', elle ne pouvait donner une suite favorable à sa demande de prise en charge au titre de la garantie incapacité de travail'.

Par acte d'huissier du 27 janvier 2014, Mme [S] a fait assigner la société Cardif ainsi que la BNP Paribas devant le juge des référés du tribunal d'instance de Lyon qui, par ordonnance du 13 juin 2014, a fait droit à sa demande et a condamné la société Cardif au paiement des mensualités échues et restant à courir.

Sur appel de la société Cardif, par arrêt du 26 avril 2016, la cour d'appel de Lyon a infirmé l'ordonnance du juge des référés, débouté Mme [S] de toutes ses demandes et a ordonné une expertise confiée au Docteur [F] [K] avec mission notamment de décrire la ou les affections dont est atteinte ou a été atteinte Mme [S], la date de consolidation de son état et de dire si Mme [S] a un taux d'incapacité supérieur à 66% au sens des contrats d'assurance.

Dans son rapport, déposé le 26 septembre 2016, l'expert a considéré que Mme [S] présentait un taux d'incapacité professionnelle de 100%, un taux d'incapacité de 68% et un taux d'invalidité permanente entre 72 et 78%.

Par courriers officiels en date des 26 septembre et 27 octobre 2016 adressés au conseil de la société Cardif, Mme [S] a demandé la prise en charge de l'intégralité des échéances impayées des deux prêts ainsi que toutes les échéances futures, et la prise en charge des frais du médecin conseil l'ayant accompagnée dans le cadre de l'expertise (840 euros TTC).

Mme [S] a ensuite assigné la société Cardif devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon aux fins de voir dire que cette société est tenue de garantir les échéances impayées depuis le mois de mai 2014 jusqu'au terme des deux prêts.

Par ordonnance du 2 mai 2017, le juge des référés a condamné la société Cardif à régler les échéances des prêts souscrits pour la période du 5 juin 2015 au 5 juin 2017 mais rejeté la demande de Mme [S] de prise en charge des échéances postérieures à cette date, considérant qu'elle se heurte à une contestation sérieuse.

C'est dans ces conditions que par actes des 21 et 26 juin 2017, Mme [S] a assigné la société Cardif assurance vie et la société BNP Paribas devant le tribunal de grande instance de Lyon, aux fins, principalement, de voir dire que la société Cardif est tenue de garantir les échéances impayées du mois de juillet 2017 jusqu'à la fin des deux prêts.

Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- débouté Mme [S] de l'ensemble de ses prétentions

- condamné Mme [S] à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 800 € au profit de la société Cardif ainsi que la somme de 800 € au profit de la BNP Paribas,

- condamné la même aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement

Par déclaration du 10 janvier 2020, Mme [S] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 août 2020, Mme [S] demande à la cour de :

- dire que la société Cardif Assurance est tenue à garantir les échéances impayées du mois de juillet 2017 jusqu'à la fin des deux prêts BNP d'un montant de 90 000 et 22 877 euros et ce jusqu'à leurs termes,

- réformer le jugement attaqué en ce sens du tribunal de grande instance de Lyon en date du 17 décembre 2019.

Subsidiairement,

- dire que la clause du contrat prévoyant la cessation de garantie aux 65 ans est nulle et de nul effet,

En conséquence,

- dire que la société Cardif Assurance est tenue à garantir les échéances impayées jusqu'à leurs termes,

- réformer le jugement attaqué en ce sens.

Très subsidiairement,

- dire que la société Cardif Assurance et la société BNP Paribas ont manqué à leur devoir de conseil,

En conséquence,

- réformer le jugement attaqué en ce sens et condamner la société Cardi Assurance vie solidairement avec la société BNP Paribas à régler à Mme [S] l'intégralité des échéances qu'elle aura payé de mai 2017 jusqu'au terme des deux constats susvisés,

Dans tous les cas,

- condamner la société Cardif à payer à Mme [S] la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société Cardif assurance à payer à Mme [S] la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de la SCP Hartemann & Palazolo, avocat sur son affirmation de droit.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 février 2021, la société Cardif assurance vie demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 17 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

Sur l'opposabilité des conditions générales

- déclarer que les conditions générales du contrat d'assurance police n°4208 et n°2090/463 sont opposables à Mme [S],

Sur la cessation de garantie

- dire et juger que l'article 4 des conditions générales prévoit une cessation de la garantie incapacité totale de travail à compter de la réalisation de l'un des événements cités, notamment au 65ème anniversaire de l'assuré et que la société Cardif Assurance a correctement exécuté ses obligations en prenant en charge les échéances des prêts BNP jusqu'au 5 juin 2017,

Par conséquent,

- rejeter toute demande de prise en charge des échéances des prêts postérieures au 5 juin 2017,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 17 décembre 2019.

Sur l'absence de caractère abusif de la clause de cessation de garantie :

- dire et juger que la clause de cessation de garantie prévue à l'article 4 des conditions générales ne crée aucun déséquilibre significatif entre les parties et ne peut être considérée comme abusive, au sens de l'article L132-1 du code de la consommation

- par conséquent, rejeter toute demande de Mme [S] à ce titre,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 17 décembre 2019,

Sur l'absence de manquement au devoir de conseil

- rejeter toute demande de dommages et intérêts de Mme [S] pour manquement au devoir de conseil, la société Cardif n'ayant commis aucun manquement,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 17 décembre 2019,

Sur la prétendue résistance abusive

- rejeter la demande de Mme [S] de condamnation à la somme de 10 000 € pour résistance abusive, en ce qu'elle est infondée et injustifiée,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 17 décembre 2019,

En tout état de cause

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 17 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

- condamner Mme [S] à verser à la société Cardif assurance la somme de 1 500 euros au stade de l'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 mai 2020, la société BNP Paribas demande à la cour de :

- juger recevable et bien fondées ses demandes,

- débouter Mme [S] des demandes formées à son encontre,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 17 décembre 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

- condamner Mme [S] ou qui mieux le devra à régler à la BNP Paribas la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [S] ou qui mieux le devra aux entiers dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Florence Charvolin, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées

MOTIFS

Sur la garantie

Mme [S] fait valoir que :

- la garantie due par la société Cardif permet d'être garanti au-delà du 65ème anniversaire de l'assuré si ce dernier se trouve dans l'une des autres situations prévues par la clause ; que les quatre événements prévus correspondent à des situations bien différentes ; que le '65ème anniversaire de l'assuré ' ne joue que dans les cas où les autres clauses ne jouent pas ;

- elle a été placée en invalidité pour raison médicale puis en retraite anticipée pour les mêmes raisons, il convient donc de ne pas appliquer la limite d'âge de 65 ans mais bien les stipulations suivantes qui ne prévoient pas de condition d'âge lorsque l'arrêt est justifié par des raisons médicales ;

- que la fiche conseil qu'elle a signée mentionne bien, en gras, l'âge de 70 ans ; qu'il y est stipulé qu'à la date de la dernière échéance de son contrat elle aura cet âge de 70 ans ; que si ce document est intitulé 'fiche conseil', il mentionne son identité exacte, le prêt contracté, est daté, et est signé par elle ; que c'est en fonction de ces conditions particulières du contrat et notamment de la souscription de la garantie jusqu'aux 70 ans , qu'elle a contracté ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les cas de cessation des garanties ne sauraient s'entendre que de manière alternative ; elle en veut pour preuve, le nouveau contrat Cardif qui prévoit désormais plus clairement cette fin de garantie à 70 ans.

La société Cardif Assurance oppose que :

- la cessation de la garantie intervient dès la réalisation d'un des quatre événements prévus au contrat qui sont alternatifs ; que Mme [S] ayant atteint l'âge de 65 ans, c'est à juste titre et conformément aux stipulations contractuelles qu'il a été mis fin à sa garantie ;

- la fiche conseil remplie par Mme [S] et mentionnant qu'elle aurait 70 ans moment de la dernière échéance n'est qu'un document d'information et ne constitue pas des conditions particulières ayant valeur contractuelle ou permettant de déroger aux conditions de cessation de la garantie ; que seules les conditions générales d'assurance signées par Mme [S] et ayant fait l'objet d'avertissement à de nombreuses reprises, ont un caractère contraignant ;

- la notice relative aux conventions d'assurance collective n°2828 et 737 que Mme [S] communique au stade de ses dernières écritures, ne constitue pas la version actualisée du contrat d'assurance qu'elle a conclu mais des conditions générales d'assurance complètement distinctes de celles auxquelles elle a adhéré (n°4208 et 2090/463) ; qu'aucune comparaison n'a donc lieu d'être ; qu'au surplus, si une comparaison devait avoir lieu, la rédaction de la clause de cessation de garanties prévue dans la notice relative aux conventions d'assurance collective n°2828 et 737 permet de confirmer l'interprétation du tribunal dans la mesure où elle précise que la garantie cesse au '65ème anniversaire de l'assuré' ou au '70ème anniversaire de l'assuré dans le cas où l'assuré en a fait la demande lors de l'adhésion et continue d'exercer une activité professionnelle.'.

L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable en l'espèce, prévoit que : 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.'.

En l'espèce, il ressort des demandes d'adhésion à l'assurance groupe n°4208 et aux assurances collectives 2090/463 souscrites par la société BNP Paribas auprès de la société Cardif, signées par Mme [S] les 5 février et 15 juillet 2009 après y avoir apposé la mention 'lu et approuvé', que cette dernière a coché la case 'Option Décès, Perte Totale et Irréversible d'Autonomie, Incapacité Totale de Travail' et qu'elle a reconnu avoir été préalablement informée 'des dispositions de la convention AREAS, avoir reçu, pris connaissance et rester en possession de la Notice jointe à la Demande d'adhésion'.

La notice du contrat d'assurance de Cardif assurance vie groupe n°4208 stipule que : 'Les garanties cessent, pour la garantie Incapacité Totale de Travail' : à la date d'échéance de remboursement qui suit l'un des quatre événements suivants :

- le 65ème anniversaire ou 70ème anniversaire de l'Assuré si celui-ci poursuit une activité salariée au-delà de 65 ans,

- la date de départ à la retraite ou mise en préretraite (sauf pour raisons médicales),

- la cessation définitive d'activité professionnelle (sauf pour raisons médicales),

- la liquidation de toute pension de retraite (sauf pour raisons médicales)'

La notice du contrat d'Assurance collective n°2090/463, stipule que : 'Les garanties cessent, pour la garantie Incapacité Totale de Travail à la date d'échéance de remboursement qui suit l'un des quatre événements suivants :

- le 65ème anniversaire de l'Assuré ;

- le 70ème anniversaire de l'Assuré si celui-ci poursuit une activité salariée au-delà de 65 ans;

- la date de départ à la retraite ou mise en préretraite (sauf pour raisons médicales) ;

- la cessation définitive d'activité professionnelle (sauf pour raisons médicales).'

C'est par une juste interprétation de ces clauses de cessation de la garantie Incapacité Totale de Travail, et une exacte analyse de la fiche conseil de l'assurance groupe n°4208, et par de justes et pertinents motifs adoptés par la cour, que le premier juge a considéré que Mme [S] dont il est établi qu'elle a été inscrite à la retraite à l'âge de 60 ans pour inaptitude au travail, soit pour raisons médicales, et n'a donc, par hypothèse, pas poursuivi une activité salariée au-delà de 65 ans, ne peut pas bénéficier de la garantie Incapacité Totale de Travail au-delà de ses 65 ans.

La cour ajoute que Mme [S] ne peut utilement se prévaloir d'une notice éditée en 2019 relative à des conventions d'assurance collective n°2828 et n°737 à adhésion facultative souscrites par l'union française d'épargne et de prévoyance auprès de Cardif. Dans tous les cas, il ressort de la comparaison de ces notices avec celles relatives aux conventions que Mme [S] a signées en 2009, que la garantie Incapacité Totale de Travail cesse pour les même événements, à savoir :

- la cessation définitive d'activité professionnelle, de départ, mise en retraite ou retraite de l'assuré, sauf pour raisons médicales ;

- le 65ème anniversaire de l'assuré ou

- le 70ème anniversaire de l'assuré dans le cas ou celui-ci (en a fait la demande lors de l'adhésion et) continue d'exercer une activité professionnelle.

En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de sa demande tendant à voir dire que la société Cardif Assurance vie est tenue à garantir les échéances impayées du mois de juillet 2017 jusqu'à la fin des deux prêts BNP n°0047520090129108039 d'un montant de 90 000 euros, et n°30004004750006078071905 d'un montant de 22 877 euros.

Sur le caractère abusif des clauses relatives à la cessation de la garantie

A l'appui de sa demande tendant à ce que la clause de cessation de garantie soit déclarée abusive au sens de l'article L132-1 du code de la consommation, Mme [S] fait valoir que :

- si la garantie cesse à 65 ans, les autres événements n'ont plus aucune utilité

- il résulte de la fiche conseil signée par la banque et elle-même que la dernière échéance de son contrat de prêt interviendrait alors qu'elle serait âgée de 70 ans de sorte qu'il est impératif que les clauses du contrat d'assurance puissent ne pas cesser avant ses 70 ans, sauf si cette cessation intervient pour une raison personnelle ; que la clause qui fait cesser le contrat préalablement, soit à ses 65 ans, est forcément abusive au sens de l'article L.132-1 du code de la consommation ;

- que si son attention avait été attirée sur l'impossibilité d'être garantie en cas de cessation d'activité même pour maladie ou retraite, elle n'aurait jamais contracté un tel prêt immobilier;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que cette stipulation a eu pour objet ou pour effet de créer, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

La société Cardif Assurance soutient que Mme [S] ne démontre pas que cette clause, incluse dans des conditions générales qu'elle a expressément acceptées, aurait pour objet ou pour effet de créer, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Elle fait valoir que :

- l'hypothèse de garantie au 70ème anniversaire aurait très bien pu exister si Mme [S] avait poursuivi son activité professionnelle après 65 ans révolus ;

- c'est à tort que Mme [S] prétend que le fait que la garantie cesse à 65 ans serait abusif puisque les trois autres paragraphes n'auraient plus aucune utilité ; alors que, comme l'a retenu le premier juge, les autres cas prévus permettent l'arrêt des garanties antérieurement et postérieurement au 65ème anniversaire.

L'article L. 132-1 du code de la consommation dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

(...)

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d'ordre public.'

Les clauses litigieuses prévoient, s'agissant de l'Incapacité Totale de Travail, que :

'Les garanties cessent, à la date d'échéance de remboursement qui suit l'un des quatre événements suivants :'

S'agissant du premier contrat :

'- le 65ème anniversaire ou 70ème anniversaire de l'Assuré si celui-ci poursuit une activité salariée au-delà de 65 ans,

- la date de départ à la retraite ou mise en préretraite (sauf pour raisons médicales),

- la cessation définitive d'activité professionnelle (sauf pour raisons médicales),

- la liquidation de toute pension de retraite (sauf pour raisons médicales)'.'

S'agissant du deuxième contrat :

'- le 65ème anniversaire de l'Assuré ;

- le 70ème anniversaire de l'Assuré si celui-ci poursuit une activité salariée au-delà de 65 ans;

- la date de départ à la retraite ou mise en préretraite (sauf pour raisons médicales) ;

- la cessation définitive d'activité professionnelle (sauf pour raisons médicales).'

Ces clauses sont rédigées de manière claire et compréhensible.

Comme l'a justement retenu le premier juge, il ressort de ces clauses que si la garantie peut cesser au 65ème anniversaire, elle peut également cesser avant 65 ans (par exemple en cas de départ à la retraite à un âge légal antérieur à 65 ans ou en cas cessation définitive volontaire de toute activité avant 65 ans), ou au delà de 65 ans en cas de poursuite d'activité, et ce jusqu'au 70ème anniversaire.

Le seul fait que la fiche conseil que Mme [S] et le conseiller de la banque ont signée concernant le premier contrat, ait été complétée par la mention manuscrite '70" (ans) en réponse à la question 'quel sera votre âge à la date de la dernière échéance de votre dernier plan d'amortissement '', n'est pas de nature à établir que la clause du contrat d'assurance est abusive.

Dans ces conditions, Mme [S] ne rapporte, pas plus qu'en première instance, la preuve qui lui incombe, que ces clauses ont pour objet ou pour effet de créer, à son détriment, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

Sur le manquement au devoir de conseil des sociétés Cardif assurance vie et BNP Paribas

Mme [S] soutient que la banque et l'assureur ont manqué à leur obligation de conseil.

Elle fait valoir que la fiche conseil, document émanant tant de la société Cardif assurance vie que de la société BNP Paribas, indique très clairement qu'elle sera couverte 'jusqu'à 70 ans en cas de poursuite d'activité et après la mise à la retraite pour des raisons médicales' ; qu'en lui faisant signer ce document ces deux sociétés se sont engagées à la garantir jusqu'à ses 70 ans ; qu'elles doivent donc être condamnées à lui régler l'intégralité des échéances qu'elle aura réglées sur les deux prêts de 90 000 euros et de 22 877 euros du 26 mai 2017 jusqu'à la fin du contrat.

S'agissant plus précisément de l'assureur, elle fait valoir :

- qu'il doit s'assurer que le contractant est informé de toutes les stipulations du contrat, mais qu'en l'espèce ça n'a pas pu être le cas puisqu'il reconnaît n'avoir eu aucun contact avec elle ;

- que les contrats d'assurance doivent comporter des clauses particulièrement claires et, à défaut, être annulés ;

- qu'ainsi par arrêté du 29 avril 2015, le ministre des finances et des comptes publics a précisé le contenu de la fiche d'information relative à l'assurance ayant pour objet le remboursement d'un prêt ; que cet arrêté mentionne, concernant la garantie ITT, les points suivants sous forme de cases détaillées :

Vous couvre durant toute la durée du prêt

Cesse au plus tard

Couvre à hauteur de '% de l'échéance de remboursement du prêt, l'assuré n'exerçant pas ou plus d'activité professionnelle au moment du sinistre

Ne couvre pas l'assuré n'exerçant pas ou plus d'activité professionnelle au moment du sinistre.

S'agissant de la banque, elle fait valoir que 'l'ambiguïté des conditions' ne lui a pas permis d'être suffisamment renseignée sur les garanties de son contrat ; que 'en considérant que le contrat cessait aux 65 ans alors que Mme [W] [S] signait jusqu'à ses 70 ans, la société BNP Paribas a manqué à son obligation d'information.'.

La société Cardif fait valoir que :

- elle n'est pas en lien direct avec les clients lors de la souscription du contrat d'assurance ;

- la banque qui commercialise les contrats d'assurance, est détentrice de la relation client ; qu'elle seule aurait pu être en mesure de conseiller et d'expliciter les modalités d'assurance à Mme [S] lors de la conclusion des contrats de prêts et des contrats d'assurance subséquents ;

- conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation s'agissant de contrat d'assurance de groupe, aucun devoir de conseil ou de mise en garde n'incombe à l'assureur lors de la conclusion des contrats et qu'il revient ainsi à son cocontractant, c'est-à-dire BNP Paribas, de conseilleur et expliciter les modalités d'assurance ;

- elle a toujours répondu de façon circonstanciée aux demandes de Mme [S] ;

- contrairement à ce qui est soutenu, Mme [S] a été parfaitement informée de toutes les stipulations des contrats d'assurance, les conditions générales lui étant opposables ;

- une fiche standardisée d'information a bien été remise à Mme [S] par la banque.

La société BNP Paribas fait valoir que :

- la seule sanction de l'inexécution d'une obligation contractuelle est l'allocation de dommages et intérêts, de sorte que la demande de règlement des échéances de mai 2017 jusqu'au terme des deux prêts est infondée ;

- elle a parfaitement rempli son devoir de conseil ; elle a étudié la situation de Mme [S] et lui a proposé une assurance en adéquation avec celle-ci ; qu'elle a fait remplir à Mme [S] une déclaration d'état de santé ainsi qu'une «Fiche standardisée d'information et de conseil' reprenant l'intégralité des garanties proposées et leurs conditions de couverture; que Mme [S] a été destinataire du dossier d'information et d'adhésion qui reprend également l'intégralité des garanties et des conditions de couverture ;

- Mme [S] ne démontre pas l'existence d'un préjudice consistant dans la perte d'une chance de trouver de meilleures conditions d'assurance.

Sur ce :

Selon l'article 1147 code civil dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable en l'espèce, 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.'.

Il s'agit en l'espèce d'une assurance collective souscrite par la société BNP Paribas, dispensatrice de crédit, au bénéfice de ses clients emprunteurs. Il n'est pas établi ni même allégué, que l'assureur devait ou serait intervenu lors de la conclusion du contrat d'assurance de groupe en vue de faire adhérer l'assurée. L'obligation pré-contractuelle de conseil incombait donc au banquier intermédiaire qui a fait souscrire l'adhésion et non à l'assureur qui ne se trouvait lié à l'emprunteur qu'à compter de l'adhésion.

L'obligation de conseil et d'éclairer l'assurée sur l'adéquation du risque couvert avec sa situation personnelle pesait ainsi sur la seule société BNP Paribas.

Contrairement à ce que soutient Mme [S] , aucun des documents qu'elle a signés, dont la fiche conseil, ne laissaient entendre qu'elle serait couverte jusqu'à 70 ans dans un autre cas que celui de la poursuite d'activité au-delà de 65 ans, et notamment dans le cas de la mise à la retraite pour des raisons médicales.

Lors de la souscription des contrats de prêts et d'assurances, en février et juillet 2009, d'assurances, Mme [S] née le 25 mai 1952, allait puis venait d'avoir 57 ans. Elle déclarait notamment être assistante maternelle et ne pas avoir de problème de santé. Il est indiqué sur la fiche conseil que lors des dernières échéances de ses prêts, elle aurait 70 ans pour le premier, 69 ans pour le second.

La garantie incapacité totale de travail étant couverte jusqu'au 70ème anniversaire en cas de poursuite d'activité au delà de 65 ans, la quasi totalité des échéances des prêts avait donc vocation à être couverte par la garantie souscrite .

Il n'est donc pas établi, ni même d'ailleurs soutenu, qu'il y avait une inadéquation du risque couvert avec la situation personnelle de Mme [S].

A supposer même que la société BNP Paribas n'ait pas satisfait à ses obligations de conseil et d'éclairer l'assurée sur l'adéquation du risque couvert avec sa situation personnelle, une réparation ne pourrait être accordée que sur le terrain d'une perte de chance. Or force est de constater que Mme [S] ne se prévaut pas d'un tel préjudice et ne demande pas de dommages-intérêts. Elle demande en effet à la banque de payer les échéances qui n'ont pas été couvertes par l'assurance au motif erroné que la banque et l'assureur se seraient engagés à la garantir jusqu'à ses 70 ans y compris après mise à la retraite pour raisons médicales et, d'autre part, au motif que les conditions seraient ambiguës, ce qui n'est pas le cas ainsi qu'il a été dit plus avant.

Elle n'établit d'ailleurs pas que, compte tenu notamment des garanties ayant pu être par ailleurs consenties, elle aurait eu des chances réelles et sérieuses, si elle avait été mieux informée, de prendre une décision différente de celle qu'elle a prise pour l'assurance de ses deux prêts.

Dans tous les cas, il paraît illusoire de trouver une assurance garantissant 'l'incapacité totale de travail' après 65 ans dans le cas ou l'assuré ne poursuit pas d'activité professionnelle au delà de cet âge.

Aussi convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] de cette demande.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la solution donnée au litige, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Le jugement doit également être confirmé s'agissant des dépens et de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel doivent être mis à la charge de Mme [S] qui est en outre condamnée à payer la somme de 1 200 euros à chacune des deux sociétés intimées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [W] [S] à payer à la société Cardif assurance vie et à la société BNP Paribas, la somme de 1 200 euros chacune, soit 2 400 euros au total, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [W] [S] aux dépens d'appel ;

Autorise Maître Florence Charvolin, avocate, à recouvrer directement à son encontre les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 20/00248
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;20.00248 ?
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