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01/04/2021 | FRANCE | N°17/01183

France | France, Cour d'appel de Lyon, 01 avril 2021, 17/01183


No RG 17/01183
No Portalis DBVX - V - B7B - K3IG


Décisions :


- du tribunal de grande instance d'AIX-EN-PROVENCE (1ère section A)
Au fond du 05 février 2009


RG : 08/03203






-de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE (4c chambre A) en date du 16 septembre 2011


RG / 09/05050






- de la Cour de cassation (3ème chambre civile) en date du 28 mai 2013


pourvoi no D 12-17.738
arrêt no 628 F-D






- de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE (4e chambre B) en date du 13 mai

2015


RG : 13/22395






- de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE (arrêt sur requête 4e chambre A) en date du 18 février 2016


RG : 15/12950






- de la Cour de cassa...

No RG 17/01183
No Portalis DBVX - V - B7B - K3IG

Décisions :

- du tribunal de grande instance d'AIX-EN-PROVENCE (1ère section A)
Au fond du 05 février 2009

RG : 08/03203

-de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE (4c chambre A) en date du 16 septembre 2011

RG / 09/05050

- de la Cour de cassation (3ème chambre civile) en date du 28 mai 2013

pourvoi no D 12-17.738
arrêt no 628 F-D

- de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE (4e chambre B) en date du 13 mai 2015

RG : 13/22395

- de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE (arrêt sur requête 4e chambre A) en date du 18 février 2016

RG : 15/12950

- de la Cour de cassation (3ème chambre civile) en date du 29 septembre 2016

pourvoi no Y 15-22.414
C 15-25.017
Jonction

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 01 Avril 2021

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTS :

M. [E] [W]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Mme [G] [C] épouse [W]
née le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentés par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 938
et pour avocat plaidant la SCP SVA, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

M. [L] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représenté par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 719
et pour avocat plaidant la SCP RIBON KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

******

Date de clôture de l'instruction : 13 Novembre 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 Février 2021

Date de mise à disposition : 01 Avril 2021

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne WYON, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Annick ISOLA, conseiller

assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier

A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CLEMENT, pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

Monsieur et Madame [W], propriétaires du lot no 15 situé dans le lotissement [Établissement 1] à [Localité 3], l'ont divisé en trois nouveaux lots, un bâti (C) et deux non bâtis (A et B) ; il ont vendu le lot bâti (C) aux époux [S] et par acte du 19 septembre 2007 dressé par Me [X], notaire, le lot A moyennant le prix de 143 000 euros comprenant la commission d'agence immobilière de 10 000 euros, à Madame [G] et Monsieur [V], ces derniers ayant alors entrepris l'édification d'une maison et d'un garage.

Plusieurs autres co-lotis, estimant ce projet de construction contraire au cahier des charges du lotissement, ont assigné en démolition, Monsieur et Madame [W] ainsi que Madame [G] et Monsieur [V], lesquels ont formé une demande subsidiaire en nullité de la vente et ont appelé Monsieur [X] en garantie.

Par jugement du 5 février 2009, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a :

- rejeté la fin de non-recevoir relative au défaut de publication à la conservation des hypothèques compétente, de la demande d'annulation de la vente immobilière,

- dit que l'article 3-02 du cahier des charges du lotissement [Établissement 1], [Adresse 3], établi le 6 juin 1978 et déposé au rang des minutes de Me [R], notaire, par acte du 22 septembre 1978, a une valeur contractuelle,

- condamné Madame [G] et Monsieur [V] à démolir la construction édifiée en violation de cet article 3-02 du cahier des charges, sur la parcelle A cadastrée section BW no [Cadastre 1], issue du lot no 15, dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'issue de ce délai,

- prononcé la nullité de la vente passée par Me [X] le 19 septembre 2007 entre les époux [W] d'une part et Madame [G] et Monsieur [V] d'autre part,

- ordonné aux époux [W] de restituer le prix de vente soit la somme de 133 000 euros à Madame [G] et Monsieur [V], avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2008,

- ordonné à Madame [G] et Monsieur [V] de restituer l'immeuble aux époux [W],

- dit que Monsieur [X], notaire, a failli à son devoir de conseil,

- condamné Monsieur [X] à payer à Madame [G] et Monsieur [V] la somme de 135 318,45 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamné Monsieur [X] à payer aux époux [W] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamné in solidum Madame [G] et Monsieur [V] ainsi que les époux [W] à payer aux autres co-lotis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [X] à payer aux époux [W] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [X] à payer à Madame [G] et Monsieur [V] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné in solidum Madame [G] et Monsieur [V] et les époux [W] ainsi que Monsieur [X] aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Sur appels de Madame [G] et Monsieur [V] et de Monsieur [X], la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 16 septembre 2011, a :

- confirmé le jugement du 5 février 2009 en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de la demande de nullité de la vente au bureau des hypothèques,

- réformé le jugement en ce qu'il a dit que l'article 3-02 du cahier des charges du lotissement a une valeur contractuelle, ainsi que des chefs de la nullité de la vente, de ses conséquences de droit, de la responsabilité de Me [X] et des condamnations mises à la charge de Monsieur et Madame [W] et de Me [X] au titre des frais irréductibles et des dépens,

et statuant à nouveau, a :

- débouté Madame [G] et Monsieur [V] ainsi que les autres co-lotis de leurs demandes à ces titres,

- mis Monsieur et Madame [W] hors de cause,

- condamné in solidum les autres co-lotis à payer à Monsieur et Madame [W] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- avant-dire droit sur le sort de la construction édifiée par Madame [G] et Monsieur [V] et sur les autres demandes entre les autres co-lotis et ces derniers,

- renvoyé les autres co-lotis à saisir la juridiction administrative pour faire annuler le permis de construire,

- ordonné la radiation,

- condamné les autres co-lotis aux entiers dépens.

Par arrêt rendu le 28 mai 2013, la Cour de cassation a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il déboute les époux [U] et les époux [K] de leurs demandes, met hors de cause Monsieur [X] et les époux [W] et renvoie les demandeurs à saisir la juridiction administrative pour faire annuler le permis de construire, l'arrêt rendu le 16 septembre 2011, renvoyant la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Par arrêt du 13 mai 2015, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a :

- écarté des débats les conclusions de Monsieur [X] déposées le 10 mars 2015,

- confirmé le jugement déféré, sauf en ce qui concerne le délai accordé à à Madame [G] et Monsieur [V] pour démolir leur maison et en ce qu'il condamne Monsieur [X] à payer à ces derniers la somme de 135 318,45 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts aux époux [W],

- statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

- dit que Madame [G] et Monsieur [V] devront avoir fait procéder à la démolition de leur maison dans le délai de 8 mois à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte, passé ce délai, de 500 euros par jour de retard pendant trois mois à l'expiration desquelles il pourra à nouveau être statué,

- condamné Monsieur [X] à payer aux époux [W] une indemnité de 110 000 euros en réparation de leur préjudice matériel,

- condamné Monsieur [X] à payer à Madame [G] et Monsieur [V], pris ensemble :

- une indemnité de 165 636,94 euros en réparation de leur préjudice matériel résultant des dépenses qu'ils ont exposées et des travaux qu'ils ont faits en pure perte,

- une indemnité de 43 056 euros à réévaluer en fonction de la variation de l'indice BT 01 entre le 27 mars 2009 et la date de l'arrêt, en réparation de leur préjudice matériel résultant de la condamnation à démolir leur maison,

- une indemnité de 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- dit que les indemnités ci-dessus produiront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

- condamné les époux [W] ainsi que à Madame [G] et Monsieur [V], in solidum, aux dépens d'appel exposés par les époux [U] et les époux [K],

- laissé à la charge de Monsieur [X] les dépens d'appel qu'il a exposés,

- condamné Monsieur [X] aux dépens d'appel exposés par les époux [W] ainsi que Madame [G] et Monsieur [V],

-condamné Monsieur [X] à relever et garantir les époux [W] ainsi que Madame [G] et Monsieur [V] des condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que des condamnations aux dépens prononcées à leur encontre aux termes du jugement déféré et du présent arrêt.

Par arrêt du 18 février 2016, rendu sur requête en omission de statuer déposée par les époux [W], la cour d'appel a :

- rejeté la demande des époux [W] tendant à la condamnation de Me [X] à leur payer la somme de 133 000 euros avec intérêts légaux depuis le 6 juin 2008, (la demande présentée de ce chef par les intéressés visait à être relevés et garantis des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur notamment de la somme de 133 000 euros)

- condamné les époux [W] aux dépens et à payer à Monsieur [X] une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 29 septembre 2016, la Cour de cassation, saisie de pourvois contre l'arrêt du 13 mai 2015, a cassé celui-ci seulement en ce qu'il condamne Monsieur [X] à payer aux époux [W] une indemnité de 110 000 euros en réparation de leur préjudice matériel, renvoyant l'affaire et les parties, sur ce point, devant la cour d'appel de Lyon.

La cour a considéré que sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait pour évaluer le bien à 365 000 euros et alors que, du fait de l'annulation de la vente consentie à Madame [G] et Monsieur [V], la parcelle devait être restituée à Monsieur et Madame [W] de sorte qu'il devait être tenu compte de cet avantage dans l'évaluation de leur préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.

Selon déclaration du 13 février 2017, Monsieur et Madame [W] ont saisi la cour de renvoi.

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 29 mars 2018 par Monsieur et Madame [W] qui concluent à la condamnation de Me [X] à :

- leur verser la somme principale de 122 000 euros à titre de dommages-intérêts outre intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance du 5 juin 2008,

- prendre en charge les intérêts devant être acquittés au profit de Madame [G] et Monsieur [V] sur la somme de 133 000 euros courant à compter du 6 juin 2008,

- prendre à sa charge et les relever et garantir indemnes de toute condamnation au titre des frais d'actes et frais de toute nature résultant de l'annulation de la vente passée avec Madame [G] et Monsieur [V] et de l'obligation de restitution réciproque par suite d'annulation,

- leur verser une somme de 15 000 euros HTau titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre dépens comprenant le coût du rapport d'expertise réalisé à leur initiative par Monsieur [Y],

Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 25 mai 2018 par Monsieur [X] qui demande à la cour de :

- écarter des débats les pièces adverses no 14 et 15 non régulièrement communiquées,

-déclarer irrecevables les demandes des époux [W] tendant à être relevés et garantis indemnes de toute condamnation au titre des frais résultant de l'annulation de la vente et de prise en charge par le notaire des intérêts sur le prix de vente depuis le 6 juin 2008,

- subsidiairement,

- déclarer prescrite la demande en paiement des intérêts antérieurs au mois de mai 2012,

- débouter les époux [W] de l'intégralité de leurs demandes,

- les condamner aux dépens,

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 13 novembre 2018.

Il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS ET DECISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Monsieur et Madame [W] soutiennent que leur préjudice correspond à la différence entre la somme qu'ils auraient escompté obtenir en vendant de manière unique et globale leur bien et le montant de la vente finalement conclue avec les époux [S] sur une partie de leur parcelle, avec prise en considération de la valeur résiduelle du terrain restitué par Madame [G] et Monsieur [V].

Ils ajoutent qu'à ce préjudice doit être également ajouté le remboursement des intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2008 sur la somme de 133 000 euros due à Madame [G] et Monsieur [V] ainsi que l'ensemble des frais d'actes et frais de toute nature liés à l'annulation de la vente et à la restitution du terrain, de telles demandes qui ne sont pas nouvelles en ce qu'elles sont l'accessoire et le complément nécessaire de leur demande principale, faisant partie de l'ensemble des postes du préjudice subi du fait des manquements du notaire à son obligation de conseil, soumis à l'appréciation de la cour de renvoi.

Monsieur [X] soutient quant à lui que la cour n'est pas saisie de la demande de prise en charge des intérêts sur le prix de vente en l'état de la cassation intervenue qui n'a porté que sur l'indemnisation du préjudice matériel fixé à 110 000 euros.

Il ajoute qu'au surplus d'une part il s'agirait alors d'une demande nouvelle en cause d'appel et donc en cela irrecevable et d'autre part que les intérêts ne peuvent constituer un préjudice indemnisable dans la mesure où la restitution du prix de vente par les vendeurs aux acquéreurs ne peut constituer un préjudice indemnisable mis à la charge du notaire dès lors qu'il tend à l'exécution inversée du contrat.

S'agissant du préjudice matériel subi par Monsieur et Madame [W], Monsieur [X] prétend qu'il ne peut consister qu'en une perte de chance d'avoir vendu le lot dans son intégralité, la valeur de la totalité du terrain ne pouvant résulter de la simple addition des prix de vente des lots divisés ; il relève qu'une expertise non contradictoire est invoquée alors même qu'elle n'a pas été produite au dossier, la preuve de la valeur actuelle des parcelles divisées n'étant nullement établie.

I. Sur la demande tendant à voir écarter les pièces no 14 et 15 communiquées par les époux [W] :

La cour constate que les pièces numérotées 14 et 15 aux termes du dernier bordereau de communication de pièces communiqué avant la clôture de la procédure par les époux [W] le 29 mars 2018, ne correspondent pas à l'intitulé des pièces tel que figurant audit bordereau ; qu'ainsi ni l'attestation de vente du 25 mai 2007 et extrait du compromis de vente conclu entre ces derniers et les époux [S] d'une part, ni le rapport d'expertise établi par Monsieur [Y] d'autre part, annoncés au bordereau n'ont été effectivement communiqués en l'espèce.

Ces documents qui n'ont fait l'objet d'aucune communication régulière entre les conseils des parties avant la clôture de l'instruction, malgré la sommation de communiquer délivrée en ce sens dès 2018 au conseil des époux [W] ne peuvent en aucun cas être loyalement et régulièrement communiqués par le conseil de ces derniers postérieurement à la clôture et dans les jours précédant l'audience de plaidoiries.

Les documents susvisés ne pourront donc être portés à la connaissance de la cour et pris en considération par cette dernière qui ne peut par ailleurs qu'écarter des débats, comme ne correspondant pas aux documents annoncés aux termes du bordereau, les pièces no 14 et 15.

II. Sur le périmètre de saisine de la cour de renvoi :

Il résulte de l'article 625, alinéa 2 du code de procédure civile que la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle cassation, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application de l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

En cas de cassation partielle, la cassation par voie de conséquence n'atteint l'arrêt rectificatif ou statuant sur une omission de statuer que dans la mesure où il est en lien avec les chefs de dispositif censurés.

Dans la présente affaire, l'arrêt du 29 septembre 2016 a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 13 mai 2015 en ce qu'il a condamné Monsieur [X] à payer aux époux [W] une indemnité de 110 000 euros en réparation de leur préjudice matériel.

La cassation est donc intervenue sur un chef de demande intéressant les époux [W] qui réclamaient, aux termes de leurs dernières conclusions, la condamnation du notaire au paiement d'une somme de 148 000 euros correspondant à la différence entre le prix auquel ils auraient pu vendre leur bien et celui auquel ils l'ont vendu.

L'arrêt rendu sur requête en omission de statuer par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 18 février 2016, lequel n'a fait l'objet d'aucun pourvoi en cassation, a rejeté la demande des époux [W] tendant à la condamnation de Monsieur [X] à leur payer la somme de 133 000 euros outre intérêts légaux depuis le 6 juin 2008, correspondant au montant du prix de vente devant être restitué à Madame [G] et Monsieur [V].

Cette décision ne constitue ni la suite, ni l'application du jugement cassé et elle ne s'y rattache pas par un lien de dépendance nécessaire ; elle n'a donc pas été atteinte par la cassation « par voie de conséquence » et ses dispositions définitives s'imposent aux époux [W] qui ne peuvent aujourd'hui réclamer la condamnation du notaire à les relever et garantir du montant des intérêts légaux sur la somme de 133 000 euros depuis le 6 juin 2008.

Monsieur et Madame [W] sollicitent encore la condamnation de Monsieur [X] à les relever et garantir indemnes de toute condamnation au titre des frais d'actes et frais de toute nature résultant de l'annulation de la vente passée avec Madame [G] et Monsieur [V] et de l'obligation de restitution réciproque par suite d'annulation.

Cette demande se trouvait incluse dans leur demande présentée devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence tendant à "la condamnation de Monsieur [X] à les relever et garantir indemnes de toute condamnation susceptible d'être mise à leur charge" ; elle a fait l'objet de la requête en omission de statuer présentée par les intéressés devant la cour et ayant donné lieu à l'arrêt du 18 février 2016, qui les a seulement déboutés, aux termes du dispositif de la décision, de leur demande tendant à la condamnation de Me [X] à leur payer la somme de 133 000 euros avec intérêts légaux depuis le 6 juin 2008.

À aucun moment le juge ne s'est donc prononcé sur cette demande et elle ne peut donc être revêtue de l'autorité de chose jugée.

Il s'avère cependant que la demande des époux [W] qui sollicitent la condamnation de Monsieur [X] à les relever et garantir indemnes de toute condamnation "au titre des frais d'actes et frais de toute nature résultant de l'annulation de la vente passée avec Madame [G] et Monsieur [V]" ne consiste qu'en une formule générale qui ne permet nullement au juge d'identifier l'objet de cette demande de condamnation, alors même d'ailleurs qu'aucune autre condamnation que celle concernant la restitution du prix de vente outre intérêts, n'a été mise à leur charge en dehors des condamnations aux dépens ou au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour lesquelles la condamnation de Monsieur [X] à les relever et garantir a été prononcée ; aucune réponse n'a donc lieu d'être apportée à ce titre par la cour.

III. Sur le préjudice subi par les époux [W] :

Les époux [W] soutiennent que leur préjudice consiste dans la différence entre d'une part le prix qu'ils auraient retiré de la vente totale de leur bien (388 000 euros) et d'autre part l'addition de la somme qu'ils ont finalement perçue au titre de la parcelle bâtie vendue (255 000 euros) et de la valeur des deux parcelles restantes (11 000 euros), soit une somme de 122 000 euros.

Monsieur [X] considère quant à lui que le préjudice des époux [W] ne peut consister que dans la perte de chance d'avoir pu vendre leur bien dans son intégralité laquelle ne peut être équivalente à la différence entre le prix auquel ils ont vendu le terrain divisé et le prix auquel ils auraient pu vendre leur bien non divisé ; il ajoute que le bien vendu en intégralité ne l'aurait pas été au prix de 388 000 euros tel qu'avancé par les intéressés ou même de 365 000 euros tel que retenu par la cour d'appel ; que la valeur des parcelles restantes ne fait l'objet d'aucun élément justificatif puisque l'expertise à laquelle il est référé n'est pas produite au dossier, leur soi-disant caractère invendable n'étant nullement établi alors même qu'il n'est pas impossible que ces parcelles intéressent des propriétaires colotis ou que le cahier des charges soit modifié pour autoriser une construction.

Sur ce :

S'il résulte du compromis de vente établi le 3 mars 2006, entre les époux [W] et Monsieur [H], lequel n'a pu donner lieu à réitération par acte authentique en l'absence de réalisation de toutes les conditions suspensives, que le prix de vente de la partie immobilière du lot no 15 dans son entièreté (1043 m²) avait été fixé à la somme de 388 594 euros, il était indiqué à l'acte qu'était érigée en condition suspensive particulière, une possibilité de division de la parcelle par l'acquéreur ; il s'ensuit qu'en l'absence de toute possibilité de division, le prix susvisé ne peut être considéré comme le juste prix qu'auraient pu espérer percevoir les vendeurs en l'absence de toute faute du notaire.

Il n'est pas discuté par Monsieur [X] que les époux [W] ont vendu aux époux [S] une partie de leur lot, comportant la maison sur un terrain d'une superficie de 422 m², moyennant la somme de 255 000 euros.

Les époux [W] ont désormais réintégré dans leur patrimoine la partie de terrain cédée aux consorts [G]/[V], ayant fait partie du projet de division pour construction d'une maison finalement annulé et il n'est pas discuté que sauf modification du cahier des charges du lotissement, aucune nouvelle construction ne peut y être édifiée par un éventuel nouvel acquéreur.

Cette partie de terrain non constructible ne peut donc avoir pour valeur la somme de 133 000 euros qui avait été convenue aux termes de la vente passée avec les consorts [G]/[V] qui avaient obtenu un permis d'y construire une maison d'habitation et aucun élément ne permet non plus de considérer qu'elle ne vaut que 11 000 euros comme le soutiennent les époux [W] qui ne produisent aucun élément justificatif en ce sens, puisqu'elle peut faire l'objet d'une cession, notamment à un propriétaire mitoyen ou co-loti intéressé pour agrandir sa propriété.

L'ensemble des éléments susvisés, ajoutés à la situation géographique du lotissement [Établissement 1] situé à [Localité 3] (Bouches-du-Rhône), comptant 20 lots pour une surface totale de 22 410 m², une voirie avec parking et des espaces verts, permet à la cour de considérer que le préjudice subi par les époux [W], en lien avec la faute du notaire, consistant dans la perte d'une chance d'avoir pu vendre leur bien non divisé, doit être fixé à la somme de 50 000 euros.

Il convient donc de condamner Monsieur [X] à payer cette somme aux époux [W] à titre de dommages-intérêts.

IV. Sur la demande des époux [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Monsieur [X] doit être condamné aux dépens d'appel, lesquels ne comprendront pas les frais de l'expertise réalisée par Monsieur [Y], laquelle n'a jamais été communiquée par Monsieur et Madame [W].

L'équité et la situation économique des parties commandent l'octroi à Monsieur et Madame [W] d'une indemnité de procédure de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, sur renvoi de cassation, contradictoirement et en dernier ressort,

Statuant dans les limites de la cassation partielle prononcée par l'arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2016,

Ecarte des débats les pièces no 14 et 15 figurant au dernier bordereau de communication de pièces de Monsieur et Madame [W], communiqué avant la clôture de l'instruction,

Constate que les documents consistant d'une part dans l'attestation de vente du 25 mai 2007 et extrait du compromis de vente conclu entre Monsieur et Madame [W] et les époux [S] et d'autre part le rapport d'expertise établi par Monsieur [Y] n'ont jamais été régulièrement communiqués par Monsieur et Madame [W] et que la cour ne peut donc les prendre en considération,

Déclare irrecevable la demande de Monsieur et Madame [W] tendant à voir condamner Monsieur [X] à les relever et garantir de la condamnation prononcée contre eux au titre des intérêts à valoir sur le prix de vente de 133 000 euros à la restitution duquel ils ont été condamnés,

Constate que la cour n'est saisie d'aucune demande de Monsieur et Madame [W] au titre des frais d'actes et frais de toute nature résultant de l'annulation de la vente passée avec Madame [G] et Monsieur [V],

Infirme le jugement rendu le 5 février 2009 par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence en ce qu'il a condamné Monsieur [X] à payer à Monsieur et Madame [W] la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne Monsieur [X] à payer à Monsieur et Madame [W] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice matériel,

Condamne Monsieur [X] aux dépens d'appel, qui ne comprendront pas les frais de l'expertise réalisée par Monsieur [Y],

Déboute Monsieur [X] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à Monsieur et Madame [W] la somme de 4 000 euros à ce titre.

LE GREFFIERpour LE PRESIDENT empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Numéro d'arrêt : 17/01183
Date de la décision : 01/04/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-04-01;17.01183 ?
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