No RG 17/00279 - No Portalis DBVX-V-B7B-KZHD
Décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon
Au fond du 20 décembre 2016
Chambre 9 cab 09 G
RG : 14/03764
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRÊT DU 25 Mars 2021
APPELANTE :
Mme [M] [X]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] (GARD)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par la SCP DESBOS BAROU et ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1726
INTIMES :
M. [U] [A] [F]
né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 3] (VAR)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Mme [G] [N]
née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 5] (DOUBS)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par la SELARL C3LEX, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 205
Et ayant pour avocat plaidant Me Alexis KIEFFER, avocat au barreau de TOULON, toque : P1012
INTERVENANTE :
SELARL. SBC MJ, prise en la personne de Maître [R] [T] agissant en qualité de mandataire judiciaire de Madame [M] [X]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par la SCP DESBOS BAROU et ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1726
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Date de clôture de l'instruction : 08 Septembre 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Janvier 2021
Date de mise à disposition : 25 Mars 2021
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Anne WYON, président
- Françoise CLEMENT, conseiller
- Annick ISOLA, conseiller
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l'audience, Françoise CLEMENT a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CLEMENT, conseiller pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Madame [X] qui avait contracté un prêt auprès de la société Crédit mutuel pour l'acquisition d'un bien immobilier situé [Adresse 4], a rencontré des difficultés l'ayant conduite à ne plus pouvoir rembourser ce prêt ; l'établissement bancaire a alors engagé une procédure de saisie immobilière portant sur le bien acquis, affecté en hypothèque à son profit.
Par jugement d'orientation du 20 juillet 2010, le juge de l'exécution a autorisé Madame [X] à procéder à la vente amiable de sa propriété au prix minimum de 220 000 euros et taxé les frais de poursuite à la somme de 5 052,81 euros, en disant que ces frais devraient être réglés par l'acquéreur en sus du prix de vente.
Par acte sous-seing privé du 26 octobre 2010, Madame [X] a vendu à Monsieur [F] et Madame [N], sous condition suspensive de l'obtention par ces derniers d'un prêt, son bien immobilier moyennant le versement par les acquéreurs d'un prix de 240 000 euros net vendeur et d'une commission de 18 000 euros à l'agence immobilière Bourse immobilier.
Alors que la réitération du compromis de vente par acte authentique devait intervenir au plus tard le 28 février 2011, Monsieur [F] et Madame [N] ont, par l'intermédiaire de leur notaire, informé le notaire de la venderesse le 21 février 2011 qu'ils n'entendaient pas poursuivre l'acquisition au motif qu'ils venaient de découvrir que des frais de poursuite d'un montant de 5 052,81 euros devaient être versés par eux en sus du prix d'acquisition.
Considérant ce comportement comme fautif, Madame [X] a, par acte d'huissier de justice du 6 mars 2014, fait citer Monsieur [F] et Madame [N] devant le tribunal de grande instance de Lyon, pour obtenir leur condamnation in solidum à l'indemniser de son préjudice à hauteur des sommes de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts, 70 000 euros au titre de son préjudice financier et 10 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par jugement du 20 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a rejeté les demandes en dommages-intérêts présentées tant par Madame [X] que par Monsieur [F] et Madame [N] ainsi que les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamnant la demanderesse aux dépens.
Selon déclaration du 11 janvier 2017, Madame [X] a formé appel à l'encontre de ce jugement.
Par arrêt rendu le 28 février 2019, la cour d'appel de Lyon, informée de l'existence d'une procédure collective ouverte à l'égard de Madame [X], a révoqué l'ordonnance de clôture et renvoyé la procédure à la mise en état en invitant Madame [X] à justifier de sa situation, tant lors de la déclaration d'appel qu'actuelle et Monsieur [F] et Madame [N] à justifier de leur déclaration de créance à la procédure collective de l'intéressée.
Par ordonnance du 1er octobre 2019, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel formé par Madame [X] le 11 janvier 2017, et invité cette dernière à attraire à la procédure, avant le 6 décembre 2019, la SELARL [T] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement prononcé à son égard le 18 mai 2017.
Madame [X] a finalement fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par le tribunal de grande instance d'Alès le 14 novembre 2019 ; la SELARL SBC MJ, prise en la personne de Maître [T] en qualité de mandataire judiciaire de Madame [X] est intervenue volontairement à la procédure par conclusions déposées le 15 mai 2020.
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2020 par la SELARL SBC MJ, prise en la personne de Maître [T] en qualité de mandataire judiciaire de Madame [X] qui conclut à la recevabilité de son intervention volontaire en demandant à la cour de constater qu'aucune créance n'a été déclarée par Monsieur [F] et Madame [N] au passif de la liquidation judiciaire de Madame [X], à la réformation du jugement susvisé et à la condamnation in solidum de ces derniers à lui payer la somme de 74 947,19 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en rejetant l'ensemble de leurs demandes,
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées le 8 juillet 2020 par Monsieur [F] et Madame [N] qui concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté Madame [X] de ses demandes, fins et conclusions et demandent à la cour de débouter la SELARL SBC MJ, prise en la personne de Maître [T] en qualité de mandataire judiciaire de Madame [X] de toutes ses demandes fins et conclusions en la condamnant à titre reconventionnel ès qualités, à leur payer les sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral outre les dépens et une indemnité de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance de clôture de la procédure en date du 8 septembre 2020.
MOTIFS ET DÉCISION
I Sur les demandes en dommages-intérêts présentées par la SELARL SBC MJ, prise en la personne de Maître [T] en qualité de mandataire liquidateur de Madame [X] :
La SELARL SBC MJ, prise en la personne de Maître [T] ès qualités soutient qu'il n'a jamais été prétendu ni demandé par Madame [X] aux futurs acquéreurs de prendre à leur charge le coût des frais de la saisie immobilière en sus du prix défini pour la vente et qu'en cela le refus de réitérer cette vente est fautif de la part de ces derniers puisque les conditions suspensives se trouvaient toutes réalisées.
Il ajoute que Madame [X] a subi un préjudice financier important et un préjudice moral certain, cette dernière ne recherchant pas l'application de la clause pénale prévue au compromis mais l'indemnisation de ses préjudices, l'exigence d'aucune mise en demeure n'étant prévue en la matière.
Monsieur [F] et Madame [N] soutiennent que la simple lecture du jugement d'orientation contredit les allégations de leurs adversaires qui ne justifient en rien que les frais de poursuite devaient être prélevés sur le prix de vente ou que la venderesse se serait engagée à les régler à leur place ; ils ajoutent que la procédure de saisie immobilière existante n'a d'ailleurs jamais été portée à leur connaissance et considèrent en conséquence que le compromis signé entre les parties n'était pas conforme au dit jugement.
Ils considèrent, comme le premier juge, que ces circonstances caractérisent une modification fautive par la venderesse du prix de vente sur lequel s'étaient accordées les parties, les autorisant à ne pas poursuivre la vente.
Ils contestent encore tout lien de causalité entre le préjudice invoqué par la SELARL SBC MJ, prise en la personne de Maître [T] ès qualités et l'absence de signature du compromis, n'étant eux-mêmes pour rien dans le fait que le bien a été finalement vendu pour une somme de 170 000 euros alors même que l'intéressée ne justifie d'aucune démarche visant la recherche d'un nouvel acquéreur.
Sur ce :
Il ressort du jugement rendu le 20 juillet 2010, qu'après avoir ordonné la suspension de la procédure de saisie immobilière initiée par la société Crédit mutuel, autorisé Madame [X] à procéder à la vente amiable du bien au prix minimum de 220 000 euros, taxé les frais de poursuite à la somme de 5 052,81 euros en disant qu'ils devront être réglés par l'acquéreur en sus du prix de vente, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lyon a ordonné le rappel de l'affaire à l'audience du 16 novembre 2010.
Aux termes du jugement d'adjudication du 16 juin 2011, il est indiqué qu'à l'audience de rappel du 16 novembre 2010, un ultime délai a été accordé à Madame [X] pour parvenir à la vente amiable ; qu'à l'audience du 22 février 2011, le conseil du créancier poursuivant a sollicité la reprise de la procédure de saisie immobilière en l'absence de toute pièce écrite de la partie saisie de nature à justifier l'existence d'une vente et que le 8 mars suivant a été ordonnée la vente forcée par adjudication judiciaire de l'immeuble ayant fait l'objet de la promesse synallagmatique de vente conclue entre madame [X] d'une part et Monsieur et Madame [F] et [N] d'autre part.
Il était pourtant possible à Madame [X], par application des dispositions des articles R 322-20 à 25 du code des procédures civiles d'exécution, de justifier de la promesse de vente intervenue et de la faire valider par le juge de l'exécution pour l'audience du 16 novembre 2010 et l'audience de rappel du 22 février suivant, en demandant à ce dernier d'inclure dans le prix à payer par les futurs acquéreurs, le montant des frais de poursuite devant être mis à la charge exclusive des acquéreurs aux termes de l'article R 322-25 susvisé.
En faisant état seulement le 21 février 2011, de l'existence d'une procédure de saisie immobilière à l'égard des futurs acquéreurs, par la simple transmission au notaire de ces derniers du jugement d'orientation du 16 novembre 2010, alors même que la date butoir prévue pour la réitération de la vente par acte authentique avait été fixée au 28 février suivant, Madame [X] a ainsi pu légitimement convaincre ces derniers et leur notaire, qu'ils seraient débiteurs, en sus du prix de vente de 240 000 euros, du montant des frais de poursuite taxés par le juge de l'exécution à hauteur de la somme de 5 082, 20 euros mise à leur charge exclusive conformément aux termes de l'article R 322-25 du code des procédures civiles d'exécution.
Il s'ensuit que comme le soutiennent les consorts [F]/[N], en application des dispositions de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction en vigueur au moment de la vente, la dissimulation et la modification unilatérale significative ainsi intervenue dans le montant du prix de vente de la part de la venderesse, qui à aucun moment, en l'absence de toute demande de sa part en ce sens présentée au juge de l'exécution, n'a assuré ces derniers de ce que les frais de poursuite seraient inclus dans le prix de 240 000 euros fixé au titre du compromis, autorisaient les intéressés à renoncer légitimement à conclure l'acte authentique de vente.
Le jugement critiqué qui a rejeté les demandes en dommages-intérêts présentées par Madame [X] sera donc confirmé par substitution de motifs.
II Sur les demande en dommages-intérêts pour préjudice moral et procédure abusive présentées par Monsieur [F] et Madame [N] :
Monsieur [F] et Madame [N] soulignent l'attitude déloyale de la venderesse qui leur a causé un préjudice né de l'impossibilité de réaliser la vente annoncée ; ils font état par ailleurs d'une procédure d'appel particulièrement abusive de la part de leur adversaire.
Aucune déclaration de créance en dommages-intérêts n'est justifiée avoir déposée par Monsieur [F] et Madame [N] à la procédure collective ouverte à l'égard de Madame [X].
Indépendamment du sort de la créance non déclarée, et même si celle-ci n'est pas éteinte, la déclaration de créance constitue toujours le préalable nécessaire à la poursuite de l'instance interrompue.
Il s'ensuit que les demandes indemnitaires susvisées ne peuvent faire l'objet d'aucun examen par la cour.
III Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Aucune indemnité n'a lieu d'être allouée en l'espèce à l'une quelconque des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable l'intervention volontaire de la SELARL SBC MJ, prise en la personne de Maître [T] ès qualités,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Lyon en date du 20 décembre 2016,
Y ajoutant,
Dit que les demandes en dommages-intérêts présentées par Monsieur [F] et Madame [N] ne peuvent faire l'objet d'aucun examen par la cour en l'absence de déclaration au passif de la procédure collective,
Rejette les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laisse les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de Madame [X].
LE GREFFIER Pour LE PRÉSIDENT empêché