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24/11/2020 | FRANCE | N°19/03217

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 24 novembre 2020, 19/03217


N° RG 19/03217 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MLGY

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Société FERJAC S.E.N.C

C/

SOCIETE PUBLIQUE LOCALE TERRITOIRE D'INNOVATION, LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

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APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Juge de l'expropriation de BOURG EN BRESSE

du 30 Janvier 2019

RG : 18/00009











COUR D'APPEL DE LYON



1ère CHAMBRE CIVILE B - EXPROPRIATIONS





ARRET DU 24 Novembre 2020





APPELANTE :



Société FE

RJAC S.E.N.C., société en Nom Collectif Canadien, gérée par la Société P.G Finances et Participations

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 17] CANADA



Représentée par Me Alexis GRISONI, avocat au barreau de PARIS...

N° RG 19/03217 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MLGY

------------

Société FERJAC S.E.N.C

C/

SOCIETE PUBLIQUE LOCALE TERRITOIRE D'INNOVATION, LE COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

--------------

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Juge de l'expropriation de BOURG EN BRESSE

du 30 Janvier 2019

RG : 18/00009

COUR D'APPEL DE LYON

1ère CHAMBRE CIVILE B - EXPROPRIATIONS

ARRET DU 24 Novembre 2020

APPELANTE :

Société FERJAC S.E.N.C., société en Nom Collectif Canadien, gérée par la Société P.G Finances et Participations

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 17] CANADA

Représentée par Me Alexis GRISONI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

La SOCIETE PUBLIQUE LOCALE TERRITOIRE D'INNOVATION

représenté par son Président Directeur Général, M. [S] [P]

[Adresse 3]

[Localité 15]

Représentée par Me Nicolas GAUTIER de la SELARL BG AVOCATS, avocat au barreau de LYON

En présence de :

M. [I] [B], représentant Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques du département de l'AIN,

Commissaire du gouvernement

Service France Domaines

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Agnès CHAUVE, Présidente de chambre

Madame Florence PAPIN, Conseiller,

Madame Laurence VALETTE, Conseiller,

désignés conformément à l'article L 13-1 du Code de l'expropriation, assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.

A l'audience, Florence PAPIN, a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

DEBATS

A l'audience publique du 12 Octobre 2020

ARRET

Contradictoire

Prononcé à l'audience publique du 24 Novembre 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile ;

signé par Agnès CHAUVE, président de chambre et par Myriam MEUNIER, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu les pièces de la procédure :

- mémoires déposés par l'appelant régulièrement notifiés,

- mémoires déposés par l'intimé régulièrement notifiés,

- conclusions déposées par le commissaire du gouvernement régulièrement notifiées,

- les convocations régulièrement adressées aux parties,

L'affaire ayant été mise en délibéré après clôture des débats, l'arrêt ayant été prononcé le 24 Novembre 2020

'''

'

EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

La communauté des communes a confié à la SOCIÉTÉ PUBLIQUE LOCALE TERRITOIRE D'INNOVATION (SPL) l'aménagement de la ZAC Ferney - Genève dans le cadre d'une concession en date du 27 mars 2014.

Le programme immobilier de la ZAC prévoit la réalisation d'un quartier mixte mêlant logements, activités, école, crèche, commerces, loisirs associés à l'établissement d'entreprises à haute valeur ajoutée, le tout autour d'un concept paysager et dans un contexte de très fortes pressions immobilières et foncières à proximité de la frontière Suisse et de l'aéroport de [Localité 16].

L'arrêté du 22 juillet 2016 du préfet de l'Ain a déclaré l'opération d'utilité publique et mis en compatibilité le plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 15].

Le préfet de l'Ain a déclaré cessible le 10 avril 2018 pour cause d'utilité publique les terrains situés sur le territoire de la commune et nécessaires au projet d'aménagement de la ZAC.

Par ordonnance du 12 septembre 2018, le juge de l'expropriation a déclaré exproprier immédiatement au profit de la SPL les terrains visés par l'arrêté de cessibilité.

La société FERJAC est propriétaire des parcelles de terrain non bâties AO [Cadastre 6], [Cadastre 7],[Cadastre 9] d'une superficie respective de 3 856 m², de 9 640 m² et de 296 m² situées sur le territoire de la commune [Localité 15].

En l'absence d'acceptation par elle de ses propositions, la SPL a saisi, le 22 mai 2018, le juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse sollicitant que l'indemnité principale d'expropriation soit fixée à la somme de 965'440 euros soit 70 euros le mètre carré outre indemnité de remploi de 98'094 euros soit une offre totale de 1'036'534 euros.

Par jugement en date du 30 janvier 2019, le juge du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a fixé les indemnités d'expropriation dues à la société FERJAC à la somme de :

- 1'418'516 euros pour l'indemnité principale sur la base 103 euros le mètre carré,

- 142'851,60 euros pour l'indemnité de remploi.

La société FERJAC a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de son mémoire déposé à la cour le 3 février 2020, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de fixer :

- à titre principal :

l'indemnité principale à la somme de 10'619'840 euros

l'indemnité de remploi à la somme de 1'062'984 euros

soit une indemnité totale de 11'682'824 euros,

- à titre subsidiaire, en tenant compte du profit net à réaliser par l'expropriant, de fixer l'indemnité principale à la somme de 6'245'017,60 euros, l'indemnité de remploi à la somme de 625'501,76 euros soient une indemnité totale de 6'870'519,36 euros,

- à titre infiniment subsidiaire, de fixer l'indemnité d'expropriation à la somme de 1'792'138,88 euros au titre de l'indemnité principale, 172'213,89 rôtis de l'indemnité de remploi soient une indemnité totale de 1'884'352,77 euros et de condamner la SPL territoire d'innovation à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700.

Aux termes de son dernier mémoire, déposé à la cour d'appel le 27 août 2020, la SPL demande à la cour de fixer les indemnités :

- à titre principal, si la date de référence est fixée au 5 février 2014, à la somme de 490'324 euros pour l'indemnité principale et à la somme de 48'992 euros pour l'indemnité de remploi, soit la somme totale de 539'316 euros,

- à titre subsidiaire si la date de référence est fixée au 11 février 2014 à la somme de 965'440 euros d'indemnité principale d'expropriation et à la somme de 97'544 euros d'indemnité de remploi soit la somme totale de 1'062'984 euros,

et de condamner la société FERJAC à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux dépens.

Le commissaire du gouvernement, aux termes de son dernier mémoire, demande la confirmation du jugement déféré sous réserve de la rectification d'une erreur de plume (omission de 20 m²)et demande à la cour de dire que l'indemnisation globale sera fixée à la somme de 1'420'576 euros d'indemnité principale (13'792 m² X103 m²) plus 143.057,60 euros d'indemnité de remploi soit un total de 1'563'633,60 euros.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine :

Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' et qu'il n'y sera par conséquent pas répondu par la cour ; qu'il en est de même des 'demandes' tendant à voir 'dire et juger' lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur la date de référence :

La SPL demande à la cour de fixer à titre principal la date de référence au 5 février 2014 en application de la loi ELAN et à titre subsidiaire au 11/2/2014.

En première instance, elle avait demandé au juge de fixer la date de référence au 11/2/2014 et le juge avait fait droit à sa demande.

La société FERJAC demande à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fixé la date de référence au 11/2/2014.

Le commissaire du gouvernement demande à la cour de fixer la date de référence au 11/2/2014 comme le premier juge l'a fait, cette date étant la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant ou révisant ou modifiant le PLU ; il en déduit que, les biens étant situés en zone 2 AU à cette date, ne peuvent recevoir la qualification de terrains à bâtir.

La cour constate qu'aucune des parties ne demande de fixer une date de référence spécifique concernant la parcelle affectée d'un emplacement réservé (la base du triangle que constitue les parcelles faisant l'objet avec d'autres parcelles d'un emplacement réservé 91).

Selon l'article L.322-2 du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance en fonction de leur nature et de leur usage effectif un an avant l'ouverture de l'enquête d'utilité publique qui constitue la date de référence de principe.

Par dérogation à cette disposition générale, l'article L.213-6 du code de l'urbanisme dispose que :

'Lorsqu'un bien soumis au droit de préemption fait l'objet d'une expropriation pour cause d'utilité publique, la date de référence prévue à l'article L.322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est celle prévue au a de l'article L.213-4.'

L'article L.213-4 prévoit que la date de référence prévue à l'article L.322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique est, pour les biens non compris dans une zone d'aménagement différé, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols, ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d'urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien.

La loi Elan du 23 novembre 2018 entrée en vigueur le 25, a ajouté à l'article L.322-2 la disposition suivante : 'lorsque le bien est situé à l'intérieur du périmètre d'une zone d'aménagement concerté mentionnée à l'article L. 311-1 du code de l'urbanisme, à la date de publication de l'acte créant la zone, si elle est antérieure d'au moins un an à la date d'ouverture de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique.'

Cette disposition est entrée en vigueur postérieurement à l'ordonnance d'expropriation intervenue le 12 septembre 2018.

La loi applicable, s'agissant d'une atteinte au droit de propriété, est celle en vigueur à la date de l'ordonnance d'expropriation emportant dépossession de sorte que la SPL TERRITOIRE D'INNOVATION, n'est pas fondée à voir fixer la date de référence au 4 février 2014.

S'agissant de parcelles soumises à droit de préemption non situées dans le périmètre d'une ZAD, la disposition applicable est celle de l'article L.213-6 du code de l'urbanisme de sorte que c'est à bon droit que le juge de l'expropriation l'a fixée à la date du 11 février 2014, date de l'approbation du PLU de [Localité 15], constituant le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d'occupation des sols et délimitant la zone dans laquelle était situé le bien exproprié et ayant classé lesdites parcelles en zone 2 AU.

Sur les caractéristiques des parcelles :

Les tènements forment une unité foncière de forme triangulaire en terres agricoles ou prairie partiellement arborée.

La zone 2 AU est une zone à urbaniser dont l'ouverture à l'urbanisation nécessite un projet d'ensemble et une modification ou révision du PLU.

Il s'en déduit que les parcelles concernées sont inconstructibles en l'état et ne pourront l'être que dans le cadre d'opérations d'aménagement et de construction portant sur toute ou partie de la zone.

Les réseaux les desservant étant insuffisants pour desservir l'ensemble de la ZAC, les parcelles litigieuses ne peuvent recevoir la qualification juridique de terrains à bâtir.

Leur accessibilité est aisée mais nécessite un aménagement n'étant pas desservies par une voie.

Elles sont grevées de contraintes spécifiques et servitudes urbanistiques fortes :

- nuisances sonores en raison de la proximité de l'aéroport de [Localité 16],

- proximité de la RD 35, axe majeur de circulation, et dans le prolongement d'un rond point d'entrée de ville, les dispositions des articles 111-6 et 111-10 du code de l'urbanisme prévoyant une bande où il est interdit de construire de 100 m de part et d'autre,

- et bordées par le ruisseau du Nant, le SCOT imposant au PLU une bande d'inconstructibilité de 20 m en bordure des cours d'eau.

Sur la valorisation des parcelles :

La société FERJAC revendique à titre principal l'indemnisation des tènements sur le fondement de la réparation d'un préjudice subi par elle du fait de la violation d'une condition particulière souscrite par l'établissement public foncier de l'Ain dans un acte authentique du 31 janvier 2012 et repris à son compte par la SPL lors de la revente à son profit de ces mêmes biens, par acte authentique du 20 octobre 2015, le cessionnaire s'obligeant à livrer tout réseau d'usage en limite sud du groupement formé par les trois parcelles, ces réseaux devant être de taille suffisamment importante pour permettre un raccordement futur pour une opération immobilière d'ensemble à réaliser sur l'ensemble des parcelles précitées.

Elle prétend avoir été dessaisie du fait de l'opération d'utilité publique de tènements ayant la qualité de terrains à bâtir et qui auraient alors pu être aliénés par ses soins et que son préjudice direct, matériel et certain résultant de ces manoeuvres, doit être réparé sur le fondement de l'article 321 - un du code de l'expropriation.

Elle retient à titre principal un montant unitaire de 770 euros le mètre carré pour les parcelles concernées par la condition particulière (montant correspondant à la valeur de revente future du mètre carré de surface plancher suite à l'aménagement de l'ensemble de la zone amputée du coût de réalisation des équipements) soit une indemnité principale d'un montant de 10'619'840.euros,

À titre subsidiaire, elle soutient que la question posée par le dossier est de savoir si un concessionnaire de Zac peut être autorisé à exproprier et grâce au jeu des dispositions indemnitaires dégager d'une opération un profit net lié à la revente des terrains qui représente plus de trois fois le coût d'acquisition et des équipements, que cette situation est choquante et heurte les conditions fondamentales résultant du bloc de constitutionnalité et du droit européen auquel doit rester subordonnée l'atteinte au droit fondamental de propriété, et que l'expropriée ne peut être valablement privée intégralement du profit net dégagé par la réalisation d'une opération dont les terrains dont elle se voit privée constituent l'instrument fondamental.

La société SPL TERRITOIRE D'INNOVATION fait valoir :

- qu'il est erroné d'indiquer qu'elle ne profiterait pas de la condition particulière souscrite à son profit alors qu'elle valorise le terrain exproprié, permettant de considérer qu'il est desservi par les réseaux et permet d'éviter que le tènement exproprié soit considéré comme enclavé,

- que le terrain est inconstructible en raison de son classement au PLU et la clause en cause n'apporte aucune garantie à propos d'une future procédure de modification/ révision du PLU,

- Que cette inconstructibilité du terrain anéantit totalement l'analyse de la société qui est insusceptible de revendiquer une évaluation en tant que terrains à bâtir,

- que le préjudice futur ne peut pas être pris en compte,

- que la perte de chance de réaliser une opération projetée avant l'expropriation, à la supposer démontrée, ne caractérise pas un préjudice certain et que le seul fait de connaître le prix de revente éventuel et en tout état de cause conditionnel d'un ensemble de terrains ne saurait conférer au préjudice allégué un caractère certain,

- que si l'indemnité d'expropriation couvre tous les dommages causés par l'expropriation, l'engagement contractuel qui n'aurait pas été respecté a été stipulé indépendamment de la procédure d'expropriation,

- que les terrains expropriés sont inconstructibles alors qu'elle même cédera des terrains immédiatement constructibles ce qui exclut toute comparaison pertinente,

- que c'est sur la base d'éléments hypothétiques (profit allégué) et incertains qu'elle se fonde pour solliciter l'indemnité principale fixée à 770 euros le mètre carré,

- que le prix de 70 euros le mètre carré correspond aux termes de référence visés par elle.

Le commissaire du gouvernement fait valoir :

- qu'aucune des approches de valorisation des expropriés n'est recevable dès lors qu'à la date de référence, les tènements expropriés étaient inconstructibles,

- que seule la méthode d'évaluation par comparaison doit en l'espèce être appliquée, la méthode compte à rebours ou promoteur étant à exclure dès lors qu'elle est fondée sur un calcul financier prospectif et théorique prenant en compte l'utilisation future du bien exproprié,

- que le préjudice dont la société FERJAC demande réparation n'est pas en relation de causalité directe et certaine avec l'expropriation,

- que l'article L.322-2 du code de l'expropriation prohibe la prise en compte des changements de valeur intervenus depuis la date de référence qui ont été provoqués par l'annonce des travaux ou de l'opération.

Selon l'article L.321-1, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation et sont fixées en considération d'éléments portant sur des biens comparables permettant de déterminer la valeur du marché immobilier local pour de tels biens.

Selon l'article 322-2 dernier alinéa, quelle que soit la nature des biens, il ne peut être tenu compte, même lorsqu'ils sont constatés par des actes de vente, des changements de valeur subis depuis cette date de référence, s'ils ont été provoqués par l'annonce des travaux ou opérations dont la déclaration d'utilité publique est demandée, par la perspective de modifications des règles d'utilisation des sols ou par la réalisation dans les trois années précédant l'enquête publique de travaux publics dans l'agglomération où est situé l'immeuble.

Si les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation, les expropriés ne peuvent bénéficier de la plus-value apportée à leurs immeubles par les opérations d'urbanisme prévues par l'autorité expropriante.

Il n'y a pas d'atteinte au droit de propriété à déterminer la valeur d'un bien par rapport à son classement, l'existence d'une réglementation d'urbanisme étant indispensable dans une société organisée et les possibilités de construction et d'exploitation telles que fixées par les règles d'urbanisme déterminantes de la valeur des terrains.

Par acte du 31 janvier 2012, la société FERJAC a vendu à l'EPF de l'Ain 8 parcelles situées dans la [Localité 20] d'une superficie de 7ha 56 a 10 ca . Dans une clause intitulée 'condition particulière', il a été convenu que l'acquéreur s'engageait à livrer tous réseaux et voies divers, assainissement, eau, électricité, téléphone, voie d'accès et plus généralement tous réseaux d'usage en installant ces voies et réseaux en limite Sud du groupement formé par les parcelles cadastrées AO [Cadastre 9], [Cadastre 7] et [Cadastre 6] appartenant au vendeur et aux parcelles cadastrées AO [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 13], [Cadastre 11], [Cadastre 8], [Cadastre 10] et [Cadastre 12] appartenant à l'indivision [X].

L'acte précisait que les voies et réseaux mis en place pour la desserte de l'opération projetée par la collectivité devaient être de taille et de puissance suffisamment importantes pour permettre un raccordement futur pour une opération immobilière d'ensemble qui serait réalisée sur les parcelles conservées par la société FERJAC et celles des consorts [X].

Le préjudice invoqué par la société FERJAC du fait du non respect par l'EPF de l'Ain de la clause particulière contenue dans l'acte du 31 janvier 2012 n'est pas en lien de causalité direct et certain avec l'expropriation, s'agissant d'une clause stipulée dans un acte étranger à la procédure d'expropriation,

Le juge de l'expropriation, qui n'a en matière d'indemnisation que la compétence que lui confère l'article L.311-5 du code de l'expropriation, n'est pas compétent pour statuer sur un préjudice autre que celui né de la dépossession de sorte qu'il ne peut apprécier ni l'existence d'un principe de responsabilité de l'autorité expropriante ni ses éventuelles conséquences.

En tout état de cause, l'indemnisation du préjudice allégué ne permettrait pas de valoriser les parcelles en cause au prix du terrain à bâtir, s'agissant d'un terrain ne répondant pas à la qualification juridique de terrain à bâtir à la date de référence,

La privation de propriété ne constitue pas une atteinte excessive au droit au respect des biens protégé par l'article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'Homme, dès lors qu'elle est indemnisée en rapport avec la valeur du bien exproprié et que l'expropriation est justifiée par des objectifs légitimes d'utilité publique,

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a valorisé les parcelles litigieuses selon la méthode de comparaison sans prendre en compte leur usage futur ou la plus value apportée par les opérations urbanistiques prévues par l'autorité expropriante.

La société FERJAC ne produit aucun terme de comparaison.

Les termes de comparaison évoqués par la SPL ne peuvent être retenus relevant de zonage distinct au PLU et correspondant pour la majorité d'entre eux à des tènements relevant d'un double zonage distinct de celui concernant les parcelles expropriées.

Il y a lieu d'écarter des termes de comparaison la vente en date du 14 octobre 2015 au juste motif que le coût de démolition de la construction avait été mis à la charge exclusive du cédant.

Les termes de comparaison retenus par le commissaire du gouvernement portent au sein d'une zone de 20 km par rapport aux parcelles litigieuses sur des transactions récentes concernant des biens aux caractéristiques proches. Les valeurs extrêmes ont été écartées car non représentatives du marché.

Il y a lieu de retenir la mutation à titre onéreux en date du 4 octobre 2013 sur la commune de [Localité 19] malgré son ancienneté car portant sur des immeubles non bâtis situés dans un périmètre peu distant des biens expropriés.

En raison de la même proximité géographique, il y a lieu de retenir la mutation à titre onéreux en date du 30/11/2017 sur la commune de [Localité 18] moyennant une valeur unitaire de 75 euros le mètre carré.

Au vu de ces éléments, et compte tenu des contraintes spécifiques et servitudes urbanistiques fortes décrites au paragraphe précédent, il convient de confirmer le jugement déféré sous réserve de la rectification d'une erreur matérielle (omission de 20 m²) et de dire que l'indemnisation globale sera fixée à la somme de 1'420'576 euros d'indemnité principale (13'792 m² multipliée par 103 m²) plus 143.057,60 euros d'indemnités de remploi soit un total de 1'563'633,60 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société FERJAC est condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer la somme de 2 000 euros à la SPL.

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement la décision déférée en ce qui concerne le montant total des indemnités,

Statuant à nouveau

- Fixe à la somme de 1'420'576 euros l'indemnité principale (13'792 m² multipliée par 103 m²)

- Fixe à la somme de 143 057,60 euros l'indemnité de remploi

soit une indemnité totale de 1'563'633,60 euros.

Y ajoutant,

Condamne la société FERJAC à verser à la SOCIÉTÉ PUBLIQUE LOCALE TERRITOIRE D'INNOVATION une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société FERJAC aux dépens de l'appel,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/03217
Date de la décision : 24/11/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°19/03217 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-24;19.03217 ?
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