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10/11/2020 | FRANCE | N°17/01126

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 10 novembre 2020, 17/01126


N° RG 17/01126 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K3D2









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 01 février 2017



RG : 14/02524

Ch n°1 cab 01 A









[W]

SCI LISA



C/



[P]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 10 Novembre 2020







APPELANTS :



M. [G] [W],

gérant et associé de la SCI LISA

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 10] (ALGÉRIE)

[Adresse 3]

[Localité 6]



Représenté par Me Pierre-Laurent MATAGRIN, avocat au barreau de LYON, toque : 1650

Assisté de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocats au barreau de GRENOB...

N° RG 17/01126 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K3D2

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 01 février 2017

RG : 14/02524

Ch n°1 cab 01 A

[W]

SCI LISA

C/

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 10 Novembre 2020

APPELANTS :

M. [G] [W], gérant et associé de la SCI LISA

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 10] (ALGÉRIE)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Pierre-Laurent MATAGRIN, avocat au barreau de LYON, toque : 1650

Assisté de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocats au barreau de GRENOBLE

La Société civile Immobilière LISA, prise en la personne de son représentant légal M. [W] [G], gérant en exercice

[Adresse 9]

[Localité 7] FRANCE

Représentée par Me Pierre-Laurent MATAGRIN, avocat au barreau de LYON, toque : 1650

Assistée de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocats au barreau de GRENOBLE

INTIMÉ :

M. [U], [Y] [P]

né le [Date naissance 2] 1954 à [Localité 12] (71)

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocats au barreau de LYON, toque : 692

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Mme [J] [D] épouse [W], associée de la SCI LISA

née le [Date naissance 5] 1974 à [Localité 11] (69)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre-Laurent MATAGRIN, avocat au barreau de LYON, toque : 1650

Assistée de la SCP GUIDETTI BOZZARELLI LE MAT, avocats au barreau de GRENOBLE

******

Date de clôture de l'instruction : 21 Novembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Octobre 2020

Date de mise à disposition : 10 Novembre 2020

Audience tenue par Agnès CHAUVE, président, et Laurence VALETTE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Laurence VALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Agnès CHAUVE, président

- Florence PAPIN, conseiller

- Laurence VALETTE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Suivant marché de travaux forfaitaire non révisable d'un montant de 669 700 euros en date du 25 octobre 2005, la SCI Lisa, dont le gérant est M. [G] [W], a confié à la SARL Batithèmes l'édification d'un bâtiment industriel destiné à l'exploitation d'un centre technique de poids lourds et qui devait être donné en location à la société TECHNITEST dès son achèvement.

Les travaux, qui ont débuté le 25 octobre 2005, ont été suspendus à la mi-avril 2006 à la demande de la SCI Lisa qui a mandaté la SAS APAVE aux fins de vérification de la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements dissociables.

Ensuite du passage de l'expert sur le chantier le 20 avril 2006, celui-ci a formulé plusieurs observations concernant le montage de la charpente.

Par lettre du 26 avril 2006, la SCI Lisa a mis la société Batithèmes, qui avait sous-traité le lot charpente à la société Cira, en demeure de réparer les désordres constatés par le bureau de contrôle.

La société Lisa a, par lettre du 4 mai 2006, notifié à la SARL Batithèmes la résiliation de son marché en application de l'article 18 du CCAG à compter de la date de réception du courrier.

Par jugement du tribunal de grande instance de Vienne du 14 octobre 2010 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 18 octobre 2011, cette résiliation a été considérée comme abusive et la SCI Lisa a été condamnée à payer à la société Batithèmes la somme de 162 770,34 euros au titre du solde des travaux effectués, de la marge provisionnelle sur le solde du marché ainsi que des dommages et intérêts. Elle a également été condamnée in solidum avec la société Batithèmes à payer à la société Cira la somme de 76 461,94 euros.

M. [W] a d'autre part été assigné en sa qualité de caution par la Société générale en remboursement du prêt souscrit par la SCI Lisa.

Reprochant à Maître [P], avocat, de ne pas les avoir avisés des dangers d'une résiliation unilatérale, la SCI Lisa et M. [W] l'ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon par acte d'huissier du 10 février 2014 aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 1147 du code civil en ce qui concerne la SCI Lisa et de l'article 1382 du code civil en ce qui concerne M. [W], réparation du préjudice subi du fait de manquements à son devoir de conseil et d'information.

Par jugement du 1er février 2017, le tribunal a :

- déclaré irrecevable la demande de la SCI Lisa et de M. [G] [W],

- condamné la SCI Lisa et M. [G] [W] à verser à Maître [U] [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Lisa et M. [G] [W] aux dépens avec faculté de recouvrement au profit de son conseil.

La SCI Lisa et M. [W] ont interjeté appel.

Mme [J] [D] épouse [W] est intervenue volontairement au côté des appelants par conclusions du 5 mai 2017.

Par arrêt du 18 décembre 2018, la cour a ordonné la réouverture des débats, invité les appelants à inclure dans leurs conclusions récapitulatives le chiffrage des préjudices dont ils demandent réparation et invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office et tiré de l'existence d'un préjudice en lien de causalité avec une faute de l'intimé consistant en une perte de chance.

Au terme de conclusions notifiées le 29 juillet 2019, la SCI Lisa et les époux [W] demandent à la cour de réformer le jugement et de :

- déclarer leur action recevable,

- déclarer Me [P] responsable de leur préjudice,

- condamner Me [P] à payer à la SCI Lisa la somme de 239 232,28 euros en réparation de son préjudice financier,

- condamner Me [P] à payer à M. [W] la somme de 179 118,04 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2016, subsidiairement, surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive à intervenir sur réclamation de la société MJ Synergie,

- déclarer l'intervention volontaire de Mme [W] recevable et condamner Me [P] à lui payer la somme de 3 655,74 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 juillet 2016,subsidiairement, surseoir à statuer dans l'attente de la décision définitive à intervenir sur réclamation de la société MJ Synergie,

- condamner Me [P] au paiement d'une somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me Matagrin.

Ils font valoir :

- que la responsabilité de Me [P] est recherchée au titre d'un manquement à son devoir de conseil dans le cadre de la gestion des relations entre son client et la société Batithèmes, que cette activité extrajudiciaire relève de la responsabilité contractuelle de droit commun relevant de la prescription de l'article 2224 du code civil et non pas de celle de l'article 2225,

- que le point de départ de la prescription est la manifestation du dommage ; que celui-ci ne s'est manifesté qu'à compter des décisions de condamnation intervenues les 18 octobre 2011 et 24 octobre 2013, date à laquelle ils ont découvert que les conseils étaient erronés, et non pas le rapport de l'expert qui ne tranchait pas une question juridique,

- que lorsqu'il a prescrit d'envoyer une lettre de résiliation du marché, Me [P] n'était encore en charge d'aucune procédure, celle-ci n'ayant été introduite par la société Batithèmes que le 26 juin 2006 alors que le modèle de lettre de résiliation avait été adressé par l'avocat au client le 4 mai 2006 et envoyé par celui-ci à Batithèmes le 6 mai,

- que la note d'honoraires du 17 mai 2006 ne fait pas référence à des procédures mais à des rendez-vous avec entretien téléphonique,

- que, devant la situation qui se présentait, il était impératif de laisser le chantier se terminer, ce qui aurait permis à la locataire d'emménager et de commencer à payer un loyer et permis à la SCI de rembourser le prêt souscrit auprès de la Société générale pour lequel M. [W] s'était porté caution,

- que Me [P] a estimé qu'il convenait après mise en demeure à Batithèmes de prononcer unilatéralement la résiliation du marché en cas d'absence de réaction, qu'il a rédigé la lettre de résiliation du marché ce qui lui donne la qualité de rédacteur,

- que le projet de lettre de résiliation a été envoyé à M. [W] dès le 4 mai et avant le rendez-vous suivant fixé au 12 mai afin qu'il puisse l'envoyer sans délai à la société Batithèmes après l'avoir recopié sur du papier à en-tête de la SCI Lisa, que ces diligences n'ont été assorties d'aucune réserve sur les conséquences d'une résiliation hâtive,

- que Me [P] savait que les défauts de conception n'étaient pas de nature à justifier une demande unilatérale de résiliation,

- que le fait de fournir sans réserve un modèle de lettre de résiliation à M. [W] afin qu'il rompe le contrat le liant à la SARL Batithèmes est un manquement fautif de l'avocat à son obligation de conseil et d'information,

- que les condamnations prononcées à l'encontre de la SCI Lisa découlent directement et exclusivement du conseil l'ayant invitée à procéder à la résiliation du contrat de construction de sorte que la théorie de la perte de chance ne devrait pas trouver à s'appliquer,

- que le coût des travaux réalisés sur le chantier constituent une partie du préjudice de la SCI Lisa dès lors qu'ils sont devenus sans utilité, que l'intégralité de ses déboires financiers proviennent de la faute de Me [P],

- que les décisions de condamnation prononcées contre la SCI Lisa au profit des société Batithèmes et Cira sont définitives,

- que les époux [W] sont fondés à réclamer le remboursement des condamnations prononcées à leur encontre personnellement suite à la défaillance de la SCI Lisa,

- que Mme [W] est recevable à intervenir en cause d'appel, compte tenu de l'évolution du litige.

Au terme de conclusions notifiées le 3 mai 2019, Me [P] demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les demandes formées par Mme [W],

- confirmer le jugement,

subsidiairement,

- débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes,

- confirmer le jugement sur l'article 700 et les dépens,

- condamner in solidum la SCI Lisa et M. [W] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de la SCP Juri Europ.

Il fait valoir :

- que Mme [W], qui n'a pas la qualité de partie à la procédure d'appel faute d'être appelante du jugement, n'a aucun titre à solliciter la réformation de celui-ci,

- que l'action des appelants est prescrite en application de l'article 2225 du code civil comme introduite postérieurement à l'expiration du délai de cinq ans ayant couru à compter du 19 juin 2008 en application de la loi du 17 juin 2008, la fin de sa mission datant du 2 mai 2007,

- que l'article 2225 du code civil doit s'appliquer dès lors qu'il n'a pas eu la qualité de rédacteur d'acte et qu'il a bien exercé en l'espèce une activité judiciaire, l'envoi du projet de lettre de résiliation n'étant pas dissociable de la procédure judiciaire qui s'en est suivie,

- qu'en outre l'action de la société Batithèmes pour résiliation abusive a été engagée par acte du 26 juin 2006 ainsi que cela ressort du jugement du 14 octobre 2010, que l'expert avait également conclu dans son rapport du 27 août 2008 que la résiliation n'était pas justifiée au 6 mai 2006 de sorte que la SCI Lisa avait à tout le moins dès cette date connaissance des faits justifiant sa mise en cause,

- qu'en tout état de cause, il n'a commis aucune faute ; qu'à la date du rendez-vous du 2 mai 2006, aucune solution n'avait été arrêtée sur l'orientation du dossier qui devait être examinée lors du rendez-vous suivant fixé au 12 mai, que c'est sur l'insistance de M. [W] qu'il a transmis par fax le projet de lettre de résiliation mais que c'est de la seule initiative de celui-ci que le contrat a été résilié,

- qu'il n'est pas l'auteur des courriers des 12 et 26 avril 2006 demandant à la SARL Batithèmes d'interrompre les travaux puis de les reprendre, qu'il n'a pas conseillé à M. [W] d'envoyer la lettre de résiliation de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir assorti de réserves la transmission de ce qui n'était qu'un projet, ainsi que le mentionnait le document,

- que la SARL Batithèmes avait dès le 25 avril 2006 indiqué son accord pour redémarrer le chantier dès le 2 mai 2006 en tenant compte des remarques éventuelles du bureau de contrôle technique, ce qui démontre que M. [W] et la SCI Lisa avaient pour objectif de mettre un terme au contrat quelles que soient les tentatives de règlement proposées par l'entreprise,

- que les appelants ne justifient pas s'être acquittés des condamnations mises à leur charge de sorte qu'ils ne justifient pas d'un préjudice indemnisable,

- que la SCI Lisa n'est pas fondée à se voir indemniser des sommes mises à la charge des époux [W] suite à sa défaillance dans l'exécution des condamnations prononcées à son encontre, s'agissant des mêmes sommes,

- que les préjudices allégués par les époux [W] restent hypothétiques, en l'absence de décision définitive sur leur montant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'intervention de Mme [W]

Selon l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

En l'espèce, Mme [W] a été assignée sur le fondement de l'article 1857 du code civil par le mandataire liquidateur de la société Batithèmes par acte du 24 avril 2017 en contribution aux condamnations prononcées au profit de cette dernière à l'encontre de la SCI Lisa.

Il en résulte qu'elle a un intérêt à intervenir à la présente procédure d'appel. Ses demandes présentent d'autre part un lien suffisant avec les prétentions originaires dès lors qu'elles tendent à la réparation du préjudice causé par la faute imputée à Maître [P].

Sur la prescription

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Par dérogation à cette disposition, l'article 2225 prévoit que l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

Il en résulte que ce n'est que si l'avocat a représenté ou assisté une partie en justice que l'action en responsabilité dirigée contre l'avocat se prescrit par cinq ans à compter de la fin de sa mission et que l'action en responsabilité à l'encontre d'un avocat à raison de ses activités juridiques, et non judiciaires, se prescrit, quant à elle, par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, la faute reprochée à Maître [P] est de n'avoir pas éclairé la SCI Lisa sur les risques d'une résiliation unilatérale du contrat d'entreprise conclu avec la société Batithèmes et de lui avoir fourni un modèle de lettre de résiliation sans aucune réserve, ce en dehors de toute procédure judiciaire.

Il n'est pas établi qu'à la date de l'envoi de ce document, Maître [P] ait été titulaire d'un mandat ad litem et qu'il ait agi dans le cadre de ce mandat. La mission de Maître [P] à cette occasion ne relevait donc pas d'une mission de représentation ou d'assistance en justice, de sorte que le délai de prescription applicable est le délai de droit commun.

Si, dès le 26 juin 2006, la société Batithèmes a assigné la SCI Lisa aux fins de voir déclarer abusive la résiliation de son marché et d'obtenir la somme de 612 352 euros à titre de dommages et intérêts, le dommage ne s'est réalisé qu'à compter de la décision de condamnation prononcée à l'encontre de la SCI Lisa à savoir le 14 octobre 2010 de sorte que l'action introduite le 10 février 2014 n'est pas prescrite.

Le jugement doit en conséquence être réformé et l'action des appelants déclarée recevable.

Sur la faute de Maître [P]

L'avocat est tenu de l'obligation d'informer et d'éclairer les parties sur les démarches qu'elles peuvent entreprendre ainsi que sur leurs conséquences.

La preuve de la délivrance de l'obligation d'information et de conseil incombe à l'avocat.

Maître [P] ne démontre pas qu'il a informé M. [W] des risques d'une résiliation unilatérale du contrat d'entreprise avant de lui adresser le projet de lettre de résiliation ou lors de l'envoi de ce projet de sorte que le manquement à son devoir d'information et de conseil est caractérisé.

Sur le préjudice

Selon l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le débiteur d'une obligation est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'inexécution de l'obligation toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le droit à réparation de la partie victime de l'inexécution suppose la preuve d'un préjudice en lien de causalité direct et certain avec l'inexécution de l'obligation.

C'est à celui qui se prévaut d'un préjudice en lien de causalité avec une faute d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, le jugement définitif du tribunal de grande instance de Vienne, confirmé par l'arrêt du 18 octobre 2011, a condamné la SCI Lisa à payer :

- à la société Batithèmes les sommes suivantes :

' 100 257,09 euros TTC au titre du solde des travaux effectués et non réglés y compris une somme de 65 298,43 euros à reverser à la société Cira,

' 52 513,25 euros au titre de la marge prévisionnelle perdue sur le marché,

' 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

' 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- à la société Cira, la somme de 76 461,94 euros soit :

' 65 298,43 euros au titre des travaux effectués par cette dernière, ce in solidum avec la société Batithèmes,

' 4 680,36 euros TTC au titre de la marge prévisionnelle sur le solde du marché,

' 3 875,75 euros au titre des frais d'enlèvement des matériaux,

' 1 107,40 euros au titre des constats d'huissier concernant l'état du chantier,

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas établi que les travaux réalisés par les entreprises à la date de résiliation du contrat de construction l'aient été en pure perte de sorte qu'ils ne sauraient constituer un préjudice en lien de causalité direct et certain avec la faute de Maître [P].

Le préjudice né de la résiliation intempestive et injustifiée est constitué de la perte de marge prévisionnelle, des frais d'enlèvement des matériaux, des dommages et intérêts et des indemnités de procédure soit la somme de 52 513,25 euros + 4 680,36 euros + 3 875,75 euros + 1 107,40 euros + 5 000 euros + 1 500 euros = 68 676,76 euros ce outre les intérêts au taux légal tels que fixés par le jugement du 14 octobre 2010.

S'il est acquis que les époux [W], associés de la SCI Lisa, sont recherchés par le mandataire liquidateur de la société Batithèmes en paiement des condamnations prononcées à l'encontre de la SCI Lisa sur le fondement de l'article 1857 du code civil, le préjudice dont ils se prévalent se confond avec celui de la SCI Lisa qui est réparé par les sommes allouées à cette dernière de sorte qu'ils doivent être déboutés de leurs demandes.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déclare Mme [J] [D] épouse [W] recevable en son intervention volontaire ;

Réforme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déclare l'action recevable ;

Condamne Maître [P] à payer à la SCI Lisa la somme de 68 676,76 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2006 sur la somme de 52 513,25 euros, à compter du 11 juillet 2006 sur la somme de 4 680,36 euros et à compter du 14 octobre 2010 pour le surplus ;

Déboute la SCI Lisa et les époux [W] du surplus de leurs demandes ;

Condamne Maître [P] à payer à la SCI Lisa la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le condamne aux dépens ;

Autorise Maître [B] à recouvrer directement à son encontre les dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 17/01126
Date de la décision : 10/11/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°17/01126 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-10;17.01126 ?
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