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29/09/2020 | FRANCE | N°18/05772

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 29 septembre 2020, 18/05772


N° RG 18/05772 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L3XT









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 05 avril 2018



RG : 15/01590

ch n°1 cab 01 A









SA LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL



C/



[V]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 29 Septembre 2020







APPELANTE :



La

Société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par la SELARL SEIGLE BARRIE ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 855

Assistée de Me Christian BEER, avocat au barreau de PARIS, toque : E107









INTIMÉE :



Mme [T] [V]

née ...

N° RG 18/05772 - N° Portalis DBVX-V-B7C-L3XT

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 05 avril 2018

RG : 15/01590

ch n°1 cab 01 A

SA LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 29 Septembre 2020

APPELANTE :

La Société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par la SELARL SEIGLE BARRIE ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 855

Assistée de Me Christian BEER, avocat au barreau de PARIS, toque : E107

INTIMÉE :

Mme [T] [V]

née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 7] (91)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938

Assistée de Me Elise MIALHE, avocat au barreau de PARIS

******

Date de clôture de l'instruction : 21 Novembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 31 Août 2020

Date de mise à disposition : 29 Septembre 2020

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Agnès CHAUVE, président

- Florence PAPIN, conseiller

- Laurence VALETTE, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Agnès CHAUVE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

La société ALTI IMMO a fait construire à [Localité 8] (Haute Garonne) un immeuble à vocation de résidence de tourisme à destination locative dénommé [Adresse 6], après l'avoir vendu en l'état futur d'achèvement, par lots, sous le régime de la copropriété, dans le cadre d'un dispositif légal de défiscalisation.

Le 24 novembre 2006, Mme [T] [V] a conclu avec la société ALTI IMMO, par l'intermédiaire de la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL un contrat de réservation portant sur un appartement type T3 et un emplacement de parking dans la résidence [Adresse 6].

Par acte du 19 janvier 2007, elle a conclu avec la société SODEREV TOUR RÉSIDENCES, futur exploitant de la résidence de tourisme, un bail commercial portant sur le logement meublé pour une durée de 9 ans prenant effet à la date de mise à disposition effective du bien immobilier moyennant un loyer annuel de 6 972 € HT payable trimestriellement et un loyer en nature correspondant à deux semaines d'occupation par an.

Afin de financer cette acquisition immobilière, Mme [V] a souscrit un prêt de 171 000 € auprès de la CAISSE DE CRÉDIT AGRICOLE CHARENTE MARITIME DEUX SEVRES.

La vente en l'état futur d'achèvement a été régularisée par acte authentique du 4 juillet 2007 moyennant un prix de 171 000 € HT soit 204 516 € TTC.

La société SODEREV TOUR RÉSIDENCES a été placée sous sauvegarde le 28 septembre 2012.

Le loyer du 3ème trimestre 2012 n'a pas été payé. Mme [V] a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.

Celui-ci a proposé à l'ensemble des investisseurs la signature d'un avenant au contrat de bail comportant un loyer commercial minoré ainsi qu'un dédommagement au titre du loyer du 3ème trimestre 2012 à hauteur de 25%.

Suivant avenant au bail du 5 mai 2013 à effet du 1er avril 2013, il a été convenu d'un loyer annuel de 4 052 € HT.

Invoquant ses pratiques commerciales trompeuses, Mme [T] [V] a, par acte d'huissier du 6 janvier 2015, fait assigner la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL devant le tribunal de grande instance de LYON à l'effet d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 5 avril 2018, le tribunal a :

- déclaré l'action recevable,

- condamné la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL à payer à Mme [T] [V] la somme de 10 039,23 € en réparation de son préjudice financier et la somme de 2 500 € en réparation de son préjudice moral,

- débouté Mme [T] [V] du surplus de ses demandes,

- condamné la SA LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL à payer à Mme [T] [V] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL a interjeté appel.

Au terme de conclusions notifiées le 29 avril 2019, elle demande à la cour de :

- réformer le jugement et 'constater' que l'action des intimés est prescrite depuis le 18 juin 2013,

- en tout état de cause, débouter Mme [T] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [T] [V] à lui verser la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit du CABINET SEIGLE BARRIE ET ASSOCIÉS.

Elle fait valoir :

- que le délai de prescription, s'agissant d'un manquement au devoir de mise en garde, a commencé à courir à compter du jour de la signature de l'acte authentique de vente de sorte que la prescription était acquise à la date de l'introduction de l'instance,

- que Mme [T] [V] n'a pas contesté le rejet de sa déclaration de créance à la procédure collective de la société SODEREV TOUR,

- que Mme [T] [V] ne rapporte pas la preuve qu'elle n'aurait pas effectué l'acquisition si elle avait été informée du risque de déconfiture de l'exploitant,

- que l'acquéreur a bénéficié d'avantages fiscaux, raison principale de ce type d'investissement, à savoir la récupération de la TVA et les déductions fiscales sur ses revenus,

- que la conclusion d'un bail n'est qu'une des conditions permettant l'accès aux avantages fiscaux,

- que n'étant pas le vendeur, elle ne s'est pas engagée sur le montant du loyer, que les informations qu'elle a délivrées ont été intégralement fournies par le promoteur,

- que l'avenant à effet du 1er avril 2013 a garanti un loyer aux investisseurs et leur a permis de bénéficier des avantages fiscaux,

- que les conditions de la pratique commerciale trompeuse ne sont pas réunies, que la seule production de plaquettes publicitaires sans valeur contractuelle ne suffit pas à démontrer un manquement au devoir d'information et de conseil, qu'aucune information fausse ou mensongère n'a été délivrée aux acquéreurs, que le comportement économique du consommateur n'a pas été altéré, Mme [T] [V] ne rapportant pas la preuve que son consentement ait été vicié ou contraint,

- que le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information n'est qu'une perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses, qu'en l'espèce, Mme [T] [V] ne rapporte pas la preuve de la perte de chance dont elle se prévaut, ni d'un préjudice moral.

Au terme de conclusions notifiées le 29 juillet 2019, Mme [T] [V] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation pour la période allant du 1er avril 2016 à la fin du bail commercial (31 décembre 2017) et en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice moral à la somme de 2 500 €,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- condamner en outre la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL à lui payer :

' 'tous les trimestres' (sic) la somme HT représentant la différence entre le montant du bail initial et celui de l'avenant tenant compte des indices de révision sur la période allant du 1er avril 2016 à la fin du bail commercial (31 décembre 2017) soit la somme de 5 153 €,

' la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice moral,

- débouter la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL à leur payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de Me LAFFLY.

Elle fait valoir :

- que la prescription n'a commencé à courir qu'à compter de la réalisation du dommage soit fin septembre 2012 de sorte qu'aucune prescription n'est acquise à l'appelante,

- que la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL a omis de l'informer sur les risques de l'opération, qu'elle lui a présenté les loyers comme garantis, qu'il s'agissait pour elle d'une caractéristique essentielle du produit acquis, qu'elle a été induite en erreur par les termes des documents publicitaires, que dûment informée, elle aurait refusé de souscrire à une telle acquisition,

- que le fait que la société LPC ne soit pas partie au contrat de vente n'est pas de nature à l'exonérer de son obligation d'information et de conseil, s'agissant d'une professionnelle spécialisée dans l'investissement en immobilier locatif, qu'elle appartient en outre au groupe LAGRANGE GESTION dont le métier est commercialisateur et gestionnaire de résidences de tourismes, qu'elle a été son unique interlocuteur,

- qu'elle ne disposait pas d'autre choix que d'accepter de signer l'avenant au bail commercial compte tenu des dispositions du dispositif fiscal Demessine et du risque de perte des avantages fiscaux y attachés,

- que les mentions des plaquettes publicitaires affirmant la sécurité de l'investissement et la garantie des loyers ainsi que l'absence d'information sur les risques encourus en cas de déconfiture du preneur ont été de nature à la convaincre de l'absence de tout risque et caractérisent des pratiques trompeuses au sens de l'article 7 de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005,

- que le montant des loyers étant 'l'une des composantes majeures de la cause essentielle et déterminante de la souscription du produit', son préjudice n'est pas constitué d'une simple perte de chance mais du manque à gagner sur le montant garanti,

- que la déconfiture de la société SODEREV lui a occasionné un préjudice moral, la mettant en difficulté pour rembourser l'emprunt et l'empêchant de réaliser d'autres projets personnels.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées dans le dispositif.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou 'dire et juger' et la cour n'a pas à y répondre.

Sur la recevabilité

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

S'agissant de l'action fondée sur l'article 1382 (devenu 1240) du code civil, elle a pour point de départ la date de la manifestation du dommage.

C'est par une exacte analyse et de justes et pertinents motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a rejeté la fin de non recevoir de prescription.

Sur la responsabilité de la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL

En sa qualité d'agent immobilier ayant assuré la commercialisation de l'appartement acquis par Mme [V] dans le cadre d'un dispositif légal de défiscalisation, la société LAGRANGE PATRIMOINE IMMOBILIER était tenue d'informer les investisseurs sur les caractéristiques essentielles, y compris les moins favorables, du placement qu'elle lui proposait ainsi que sur les risques qui lui étaient associés et qui pouvaient être le corollaire des avantages annoncés.

En l'espèce, la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL ne justifie pas avoir fourni aux investisseurs d'autres informations que celles qui ressortaient d'une plaquette publicitaire de la résidence 'Le Belvédère' vantant la sécurisation du placement par la qualité des professionnels intervenant à l'opération et par la perception de loyers garantis par un bail commercial de longue durée consenti à une société présentant des gages de sérieux de sorte qu'elle ne démontre pas avoir informé Mme [V] des risques de l'opération projetée en particulier du risque de non-perception des loyers auxquels elle se trouvait exposée en cas de déconfiture du preneur à bail commercial.

C'est par conséquent à bon droit que le premier juge a retenu que la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL avait manqué à son obligation d'information et de conseil.

Sur le préjudice

C'est par une exacte analyse et de justes et pertinents motifs que le premier juge a retenu que le préjudice de Mme [V] ne pouvait se résoudre en une perte de chance dès lors que la sécurité de l'opération avait été déterminante de son consentement et que, si elle avait été informée des aléas, elle aurait refusé de souscrire à l'investissement.

Mme [V] est dès lors fondée à obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

Le premier juge a justement retenu que Mme [V] n'avait pas la possibilité de refuser la baisse de loyers sauf à perdre les avantages fiscaux attachés à l'opération et que son préjudice correspondait au montant de la perte de loyers subie.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à Mme [T] [V] une indemnité de 10 039,23 € au titre de la perte de loyers subie du 1er juillet 2012 au 31 mars 2016.

S'agissant de la perte subie pour la période du 1er avril 2016 au 31 décembre 2017, Mme [V] justifie que la perte de loyers s'est établie à 5 153 € de sorte qu'il convient également de faire droit à cette demande.

Le premier juge a fait une juste appréciation de l'indemnité réparant le préjudice moral de sorte que le jugement est confirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réforme le jugement en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande au titre de la perte de loyers postérieure au 31 mars 2016 ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SA LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL à payer à Mme [T] [V] la somme de 5 153 € en réparation de son préjudice financier pour la période d'avril 2016 à décembre 2017 ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Condamne la société LAGRANGE PATRIMOINE CONSEIL à payer à Mme [T] [V] la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens ;

Autorise Me LAFFLY à recouvrer directement à son encontre les dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 18/05772
Date de la décision : 29/09/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°18/05772 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-29;18.05772 ?
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