La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2020 | FRANCE | N°20/01017

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 17 septembre 2020, 20/01017


N° RG 20/01017 -

N° Portalis DBVX-V-B7E-M3H4









Décision du

Juge de l'exécution

de BOURG EN BRESSE

du 23 janvier 2020



RG : 19/01847

ch n°





[P]



C/



S.A.S. BROKER FRANCE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRET DU 17 Septembre 2020







APPELANT :



M. [T] [P]

né le [Date nais

sance 2] 1976 à [Localité 6] (01)

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475



INTIMEE :



S.A.S. BROKER FRANCE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]



Représent...

N° RG 20/01017 -

N° Portalis DBVX-V-B7E-M3H4

Décision du

Juge de l'exécution

de BOURG EN BRESSE

du 23 janvier 2020

RG : 19/01847

ch n°

[P]

C/

S.A.S. BROKER FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 17 Septembre 2020

APPELANT :

M. [T] [P]

né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 6] (01)

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

INTIMEE :

S.A.S. BROKER FRANCE

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentée par Me Adeline LOUIS, avocat au barreau de LYON, toque : 1942

******

Date de clôture de l'instruction : 23 Juin 2020

Date de mise à disposition : 17 Septembre 2020

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Dominique BOISSELET, président, rapporteur,

- Catherine CLERC, conseiller

- Karen STELLA, conseiller

Vu l'état d'urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience suite à l'accord des parties et en application de l'article 8 de

l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/202030000319/FC.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

La société Broker France exploite depuis 2005 un réseau de franchisés dans le domaine du courtage en crédit immobilier, exploité sous la marque Empruntis l'Agence, composé de plus de 137 agences réparties sur l'ensemble du territoire français.

Le 22 novembre 2012, la société Broker France a conclu un contrat de franchise avec [W] [K] et [T] [P], agissant au nom et pour le compte de la SARL [J] Coeur Finances en cours de formation, pour une durée de 7 ans à compter du jour de son entrée en vigueur, le franchiseur concédant au franchisé :

- le droit de créer et d'exploiter une agence d'intermédiaire en crédit immobilier conformément au concept et sous l'enseigne Broker France au sein du Point de Vente,

- le droit d'utiliser les méthodes et le savoir faire de Broker France ainsi que les améliorations successives qu'il pourra y apporter,

- le droit d'utiliser les marques, enseignes et autres signes de ralliement de la clientèle.

Un litige est survenu entre la société Broker France et [T] [P], la première reprochant au second des actes de concurrence déloyale à travers une société [J] [B] Finances, domiciliée à la même adresse que la société [J] Coeur Finances à [Localité 6], ainsi que par un réseau d'agences d'une société NB Courtage.

Suivant ordonnance de référé en date du 7 juin 2018, le président du tribunal de commerce de Paris a, notamment :

- enjoint à [T] [P] de cesser immédiatement toute activité concurrente, dans un délai d'un mois suivant la décision de l'ordonnance, sous peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard, et ce pendant 30 jours, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

- laissé au juge de l'exécution le soin de liquider l'éventuelle astreinte,

- enjoint à [T] [P] de communiquer le chiffre d'affaires de l'année civile 2017 de la société [J] Coeur Finances, certifié par un cabinet d'expertise comptable, dans un délai de 8 jours, suivant la décision de l'ordonnance,

- condamné solidairement la société [J] Coeur Finances et [T] [P] à payer à la société Broker France la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties.

Cette ordonnance a été signifiée à M. [P] le 27 juin 2018.

Par courrier de son conseil en date du 12 juillet 2018, la société Broker France a, notamment, accusé réception au conseil de la société [J] Coeur Finances et de M. [P] des attestations de chiffres d'affaires de la société [J] Coeur Finances pour les exercices 2016, 2017 et 2018 et lui a demandé de justifier de la cessation par M. [P] de ses activités concurrentes.

Par courriel en réponse du 12 juillet 2018, le conseil de M. [P] a indiqué que ce dernier n'exerçait aucune activité concurrente et qu'il n'y avait donc pas lieu d'y mettre un terme et encore moins d'en justifier.

Par requête en date du 28 août 2018, la société Broker France, arguant d'actes de concurrence déloyale de M. [P] et des sociétés [J] Coeur Finances, NB Courtage et [J] [B] Finances en violation du contrat de franchise, a sollicité auprès du président du tribunal de commerce de Paris des mesures d'instruction, d'une part, à Bourg-en-Bresse, au siège de la société [J] Coeur Finances et de la société [J] [B] Finances, et, d'autre part, à Ville-la-Grand (Savoie), au siège de la société NB Courtage.

Par deux ordonnances du 28 août 2018, le président du tribunal de commerce de Paris a fait droit aux mesures d'instruction et a commis pour y procéder la SELARL Asperti-Duhamel, huissier de justice.

Les opérations de constat ont été réalisées par les huissiers désignés le 26 septembre 2018 qui ont appréhendé des documents susceptibles, pour certains, de ne pas être portés à la connaissance de la société Broker France.

Par ordonnance de référé en date du 5 juillet 2019, le président du tribunal de commerce de Paris a, notamment, ordonné à la SELARL Asperti-Duhamel :

la communication des pièces de catégorie 'A' répertoriées en vert à la société Broker France,

la destruction des pièces de catégorie 'B' répertoriées en bleu après épuisement des délais d'appels éventuels,

la communication des pièces énumérées au dispositif appartenant à la catégorie 'C' répertoriées en rouge.

Par acte d'huissier en date du 17 juin 2019, la société Broker France a fait assigner [T] [P] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse à l'audience du 4 juillet 2019 aux fins de voir liquider l'astreinte provisoire prononcée par l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris en date du 7 juin 2018 et assortir l'injonction de cesser ses activités concurrentes de ladite ordonnance de référé d'une astreinte définitive de 10.000 euros par jour de retard.

L'affaire a été renvoyée à la demande des parties, pour échange des pièces et des conclusions, successivement aux audiences des 19 septembre et 3 octobre 2019, date à laquelle elle a été retenue.

A cette audience, la société Broker France, représentée par son conseil, a demandé notamment à la juridiction :

de liquider l'astreinte provisoire à un montant de 30 000 euros,

de condamner en conséquence M. [P] à lui payer cette somme,

d'assortir l'injonction de cesser ses activités concurrentes de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris en date du 07 juin 2018 d'une astreinte définitive de 10 000 euros par jour de retard,

de dire que cette astreinte courra à compter du jugement à intervenir et ce pour une durée à déterminer par le juge de l'exécution et ne pouvant être inférieure à 9 mois.

M. [P], représenté par son conseil, a soutenu le débouté des demandes adverses.

Par jugement avant dire droit du 28 novembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Bourg en Bresse a :

ordonné la réouverture des débats à l'audience du 19 décembre 2019,

enjoint à la société Broker France de produire l'assignation introductive d'instance délivrée le 21 novembre 2017 et ses dernières écritures du 12 janvier 2018 présentées devant le président du tribunal de commerce de Paris, ainsi que la signification de l'ordonnance de référé du 07 juin 2018,

enjoint à M. [P] de produire ses dernières écritures présentées devant le président du tribunal de commerce de Paris en vue de l'ordonnance de référé du 7 juin 2018,

enjoint aux parties, de présenter leurs observations sur le fait que l'astreinte prenait effet à une date qui ne pouvait être antérieure au jour où la décision portant obligation avait été notifiée,

enjoint aux parties de produire l'annexe 5 du contrat de franchise,

réservé l'ensemble des demandes, ainsi que le sort des dépens.

Par jugement en date du 23 janvier 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse a :

liquidé l'astreinte provisoire prononcée par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris en date du 7 juin 2018 à la somme de 30.000 euros,

condamné M. [P] à payer à la société Broker France la somme de 30.000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire pour la période du 28 juillet 2018 au 26 août 2018,

débouté la société Broker France de sa demande de fixation d'une astreinte définitive,

condamné M. [P] à payer à la société Broker France la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [P] aux dépens de l'instance,

rappelé que la décision est exécutoire de plein droit,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

M. [P] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 février 2020.

Par ordonnance du 14 février 2020, le président de la chambre, faisant application des dispositions des articles 905 du code de procédure civile et R.121-20 al.2 du code des procédures civiles d'exécution a fixé l'affaire à l'audience du 23 juin 2020 à 13h30. Cette audience n'ayant pu se tenir dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les parties ont été avisées par l'intermédiaire de leurs conseils que l'affaire serait examinée par la Cour sans audience, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020.

En ses conclusions du 13 mars 2020, [T] [P] demande à la Cour ce qui suit :

- déclarer M. [P] recevable et bien fondé en son appel,

y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse du 23 janvier 2020, en ce qu'il a liquidé l'astreinte provisoire et condamné M. [P] à régler à la société Broker France la somme de 30.000 euros ainsi que la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles et dépens,

et, jugeant à nouveau,

- débouter la société Broker France de sa demande visant à voir liquider l'astreinte provisoire à l'encontre de M. [P],

- débouter la société Broker France de sa demande au titre des frais irrépétibles,

à titre infiniment subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions le montant de l'astreinte provisoire sollicitée par la société Broker France,

- condamner la société Broker France à verser la somme de 4.000 euros à M. [P] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions du 13 avril 2020, la SAS Broker France demande à la Cour de statuer comme suit, au visa des articles L.131-1, L. 131-2, et L.131-3, L.131-4 et R.131-4 du code des procédures civiles d'exécution :

- débouter M. [P] de toutes ses prétentions,

- confirmer le jugement du juge de l'exécution du 23 janvier 2020 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Broker France de sa demande de fixation d'une astreinte définitive,

en conséquence,

- condamner M. [P] à payer la somme de 30.000 euros à la société Broker France,

- assortir l'injonction de cesser ses activités concurrentes de l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris en date du 7 juin 2018, d'une astreinte définitive de 10.000 euros par jour de retard,

- dire que cette astreinte définitive courra à compter de l'arrêt à intervenir et ce pour une durée à déterminer par la cour d'appel et ne pouvant être inférieure à 9 mois,

- condamner M. [P] au paiement de la somme de 5.000 euros à la société Broker France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [P] aux entiers dépens.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la période de l'astreinte

En appel, la société Broker France ne soutient plus, comme devant le premier juge, que l'astreinte a couru dès le jour du prononcé de l'ordonnance de référé du 7 juin 2018.

Il résulte de l'article 503 du code de procédure civile que les décisions de justice ne peuvent être exécutées qu'après avoir été notifiées, hors le cas d'exécution volontaire.

Le libellé de l'ordonnance de référé, enjoignant à [T] [P] de cesser immédiatement toute activité concurrente, dans un délai d'un mois 'suivant la décision de l'ordonnance' est une maladresse de plume dès lors que la décision ne pouvait être exécutoire qu'à compter de la signification de l'ordonnance.

Cette signification étant intervenue le 27 juin 2018, l'astreinte a couru après l'expiration du délai d'un mois le 28 juillet 2018 comme l'a exactement retenu le premier juge.

Sur la mise en oeuvre de l'astreinte

Au soutien de ses prétentions, la société Broker France a fait valoir ce qui suit devant le juge de l'exécution :

- Le contrat de franchise définissait en son article 10 les obligations du franchisé parmi lesquelles figurait à l'article 10.8 une clause de non-concurrence d'activité pendant toute la durée de vie du contrat, quel que soit le territoire.

- Elle a découvert au début de l'année 2018 que M. [P] a créé une activité concurrente, a priori au début de l'année 2017 ; ainsi, le 24 janvier 2017, le défendeur a immatriculé une SARL [J] [B] Finances dont il est le gérant et l'associé unique et qui a pour objet social le courtage en opérations de banques et services de paiements courtier en assurance, cette société se trouvant à la même adresse que l'agence Empruntis de M. [P] à [Localité 6].

- Le 8 mars 2017, ce dernier a adressé à tous ses collaborateurs un long courriel dans lequel il décrivait en détail le réseau d'agences qu'il envisageait de créer, à son insu, promettant une prime à ceux qui trouveraient le nom du nouveau réseau.

- Au cours de la première instance en référé, il est apparu que le défendeur a ouvert plusieurs agences concurrentes au travers d'une société dénommée NB Courtage dont la gérante est sa compagne, alors que la marque NB Courtage a été initialement enregistrée au nom de [T] [P].

- Lors des opérations de constat effectuées par les huissiers désignés, un nombre très important d'emails a été saisi au siège de l'agence Empruntis de M. [P] à [Localité 6] et il est apparu que les collaborateurs Empruntis signaient leurs courriels sous la marque NB Courtage.

- M. [P] concurrence le réseau Empruntis au travers d'une société dénommée [P] Suisse Finances Sarl, immatriculée en Suisse le 21 mars 2017, dont le défendeur est le gérant et le seul associé.

- Elle a découvert que cette société suisse propose ses services de courtier avec la société NB Courtage, les deux sociétés ayant conclu un mandat de recherche de financement bancaire le 23 mars 2019.

- L'article 10.8 du contrat de franchise interdit au défendeur d'exercer toute activité concurrente du réseau Empruntis, peu importe que cette activité soit en Suisse.

- Les pièces saisies qui lui ont été communiquées établissent que M. [P] concurrence le réseau Empruntis au travers de ses différentes sociétés, et principalement celle de sa compagne NB Courtage dont il est le gérant de fait.

- Le défendeur a poursuivi ses activités concurrentes bien après l'injonction du juge des référés.

- Les collaborateurs d'Empruntis ont démarché activement hors du territoire réservé à M. [P] dans le contrat de franchise.

- Au total, ce dernier est derrière quatre sociétés, à savoir NB Courtage, NB Courtage Groupe, [J] [B] Finances et [P] Suisse Finances Sarl.

- M. [P] n'a jamais cessé ses activités concurrentes et il ne justifie d'aucune impossibilité de déférer à l'injonction du juge des référés.

[T] [P] a répondu par les arguments suivants :

- A la suite de la conclusion du contrat de franchise, visant le territoire de la commune de [Localité 6], et aux bons résultats obtenus, il a demandé en 2016 à son franchiseur d'être autorisé à ouvrir une agence Empruntis à [Localité 5].

- A cette fin, la société [J] [B] Finances a été constituée le 27 janvier 2017.

- La société Broker France a adhéré à ce projet et lui a remis le 25 janvier 2017 un DIP (document d'information pré-contractuel) et un projet de contrat mais a imposé des sujétions illégales en prétendant fixer et imposer les prix.

- C'est à la suite de cet incident qu'il a envisagé de quitter la franchise et qu'il a envoyé un courriel du 8 mars 2017 ; toutefois, la société [J] Coeur Finances et lui ont finalement choisi de renoncer à leurs projets de développement et de départ de la franchise Empruntis afin de ne pas entrer en litige avec leur franchiseur.

- La société [J] [B] Finances a été réorientée vers une activité d'intermédiaire en assurances, autorisée par le contrat de franchise, pour amortir les frais engagés pour le projet d'ouverture.

- Les saisies réalisées le 26 septembre 2018 visaient à consulter et appréhender tous les documents sous toutes formes possibles portant sur l'ensemble des activités des sociétés [J] Coeur Finances, [J] [B] Finances et NB Courtage, au motif de rechercher la preuve d'un manquement de sa part à l'engagement de non-concurrence figurant à l'article 10.8 du contrat de franchise ; ces saisies ont été demandées pour la période du 1er janvier 2017 au 26 septembre 2018, soit bien antérieurement à l'ordonnance du 7 juin 2018.

- Par ordonnance du 05 juillet 2019, le tribunal de commerce de Paris n'a ordonné que très partiellement la levée du séquestre ; ainsi, sur les pièces saisies au sein de la société [J] Coeur Finances, 6 documents et 31 courriels considérés 'rouge', c'est-à-dire dont la communication a été refusée, ont été communiqués et lesdits documents n'établissent pas d'actes de concurrence déloyale.

- La requérante ne rapporte pas la preuve dont elle a la charge qu'il puisse avoir commis des actes de concurrence déloyale ; elle a avoué n'avoir que des indices pour la période avant l'ordonnance de référé et les opérations de levée de séquestre n'ont pas révélé d'actes de concurrence déloyale.

- Conformément aux règles contractuelles de droit commun, la société Broker France ne démontre pas que, via la société [J] Coeur Finances, il a commis une faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles et que ce manquement a contribué à la réalisation du préjudice allégué.

- L'intimée n'a jamais cru devoir résilier de manière anticipée le contrat.

- La clause prévue à l'article 10.8 du contrat de franchise ne saurait recevoir application dans la mesure où elle constitue par nature une restriction à l'activité commerciale du contractant et l'interdiction faite au franchisé d'exercer toute activité potentiellement similaire à celle de la société Broker France hors du périmètre d'exclusivité revêt un caractère manifestement déséquilibré au sens des articles 1171 du code civil et L.442-6 du code de commerce, de sorte que la nullité de la clause sera soutenue lorsque le fond du dossier sera abordé.

- L'annexe 5 du contrat fixe l'étendue de la non-concurrence et le territoire de la Suisse n'en fait nullement partie.

- La société Broker France réalise toujours le même chiffre d'affaires qu'auparavant.

- L'astreinte n'a qu'un caractère accessoire, de sorte que celle-ci échappe à la liquidation lorsque l'obligation principale se révèle infondée, l'obligation de non-concurrence dont dépend l'astreinte n'étant pas établie, l'astreinte ne pouvait être liquidée.

- L'injonction de cesser immédiatement toute activité concurrente est imprécise ; les faits retenus par la motivation de l'ordonnance de référé du 07 juin 2018, outre qu'ils ne constituaient pas une 'activité concurrente' mais des indices aux yeux du juge des référés, n'expliquent pas davantage ce qu'il lui est concrètement interdit de faire.

- L'ordonnance laisse donc au juge de l'exécution le soin d'apprécier s'il y a eu activité concurrente dans la période couverte par l'astreinte qui ne doit commencer à courir qu'à compter de la signification de l'ordonnance, soit le 27 juin 2018. Les pièces produites par la société Broker France sont impropres à faire la preuve, qui lui incombe, de faits avérés d'activité concurrente qu'il a accomplis personnellement pendant la période comprise entre le 27 juin 2018 et le 28 juillet 2018, ce qui n'est pas le cas.

Sur ce, il est rappelé que le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de changer les termes de la décision fixant l'obligation sanctionnée à peine d'astreinte. La défense de M. [P] est inopérante en ce qu'elle aborde le fond du litige en débattant de la validité de l'interdiction contractuelle imposée au franchisé ou de l'absence de préjudice du franchiseur.

M. [P] soutient que l'ordonnance de référé du 7 juin 2018 est imprécise, n'explicitant notamment pas ce qu'il faut entendre par 'activité concurrente', faute de viser des faits et actes concrets.

Cependant, l'appelant ne peut ignorer que la décision du juge des référés est nécessairement fondée sur l'obligation contractuelle de non concurrence telle qu'elle est libellée à l'article 10.8 du contrat de franchise :

« Pendant toute la durée d'exécution du Contrat, le Franchisé ne commercialisera ni n'exercera directement ou indirectement une activité commerciale identique ou similaire aux Services Contractuels, que ce soit en qualité de commerçant ou de salarié, en son nom et pour son compte ou au nom et/ou pour le compte d'autrui. Le Franchisé ne fournira en conséquence aucun service concurrent de BROKER FRANCE et/ou ne vendra pas de services qui

puissent entrer en concurrence avec les Services Contractuels

Le Franchisé ne participera pas personnellement ou par personne interposée à la commercialisation ou à la vente de tels services par un tiers.

De même, le Franchisé s'interdit de s'associer, d'adhérer ou de s'affilier directement ou indirectement à toutes entreprises, groupements, réseaux ou chaînes exploitant une activité identique ou similaire aux Services Contractuels ou d'avoir des intérêts dans une telle entreprise.

A l'exception de l'activité d'assurance que le Franchisé est expressément autoriser à exercer dans les limites fixées au préambule du présent Contrat, le Franchisé s'interdit de s'impliquer directement ou indirectement dans une quelconque activité autre que celle faisant l'objet du présent Contrat, sans en informer le Franchiseur pour accord écrit et préalable.

En cas de refus du Franchiseur, le Franchisé devra renoncer à son projet d'activité autre.

A défaut, le Franchiseur pourra exiger la cessation du Contrat dans les conditions prévues à l'article 17 du Contrat et faire valoir ses droits en raison du préjudice subi, sans qu'il soit possible au Franchisé d'exiger une quelconque indemnité.

Pour les besoins du présent article 10.8, Monsieur [W] [K] et Monsieur [T] [P] déclarent ne détenir le Contrôle d'aucune société ou groupement autre que les sociétés ou groupement figurant à l'Annexe 3 ».

Etant observé que les parties ont convenu que M. [P] (comme son associé M. [K]) est tenu personnellement et solidairement de toutes les obligations mises à la charge du franchisé (la société [J] Coeur Finances) aux termes du contrat (p.2).

Dans le contexte du litige débattu devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, M. [P] ne pouvait se méprendre sur la portée de l'ordonnance du 7 juin 2018 en ce qu'elle devait le conduire à cesser l'activité d'intermédiation en prêts immobiliers à travers les sociétés concurrentes du réseau Empruntis, à savoir [J] [B] Finances et le réseau NB Courtage.

Concernant la société [J] [B] Finances, dont l'objet social inclut le courtage en opérations de banque et services de paiement, M. [P] prétend sans en justifier qu'elle aurait une activité de courtage d'assurances.

Concernant le réseau NB Courtage qu'il a créé, il ne peut nier que celui-ci poursuit une activité directement concurrente du réseau Empruntis.

Cela sans discuter de l'activité de la société suisse [P] Suisse Finances Sarl, qui ne semble pas avoir été évoquée devant le juge des référés, et dont, à ce stade du litige, on ignore si elle a un rôle effectif de concurrence du réseau Broker France sur le territoire français, son objet social prévoyant une activité en Suisse et en France.

Le juge de l'exécution a exactement considéré que [T] [P] est débiteur d'une obligation de faire et non de ne pas faire, dans la mesure où l'intéressé, pour respecter l'obligation de non concurrence, devait avoir une démarche active :

- soit en mettant fin à l'activité d'intermédiation en prêts immobiliers de la société [J] [B] Finances et du réseau NB Courtage, en sa qualité de dirigeant de droit ou de fait de ces entités,

- soit en se retirant de ces entreprises, en renonçant personnellement à tout intérêt et tout rôle de direction, directs ou indirects.

En l'occurrence, M. [P], qui a la charge de justifier du respect de l'obligation sanctionnée à peine d'astreinte, ne prétend et ne justifie pas avoir satisfait à cette obligation par l'une de ses démarches.

Par ailleurs, l'appelant soutient qu'aucun document n'établit qu'il aurait violé l'obligation de non concurrence pendant la période précise sanctionnée par l'astreinte, soit entre le 28 juillet et le 27 août 2018. Ce moyen est inopérant ce qu'il inverse la charge de la preuve qui lui incombe et, à supposer que les sociétés considérées n'aient eu aucune activité pendant cette période estivale, M. [P] n'en serait pas moins débiteur de la justification d'une démarche active comme rappelée ci-dessus.

Sur la liquidation de l'astreinte

Aux termes de I'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de I'astreinte provisoire est Iiquidé en tenant compte du comportement de celui à qui I'injonction a été adressée et des difficultés qu'iI a rencontrées pour I'exécuter. L'astreinte est supprimée en tout ou partie s'iI est établi que l'inexécution ou le retard dans I'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Au regard des éléments du dossier, en l'absence d'allégation et de justification de difficultés particulières rencontrées par M. [P] pour se conformer à l'obligation impartie à peine d'astreinte, c'est à bon droit que le juge de l'exécution a liquidé l'astreinte prévue par le juge des référés à raison de 1.000 euros par jour pendant 30 jours.

Sur la demande de fixation d'une astreinte définitive

La société Broker France soutient que le seul moyen pour que M. [P] cesse ses activités concurrentes était de prononcer de nouvelles astreintes plus élevées.

Dans son jugement du 23 janvier 2020, le juge de l'exécution a rejeté cette demande en observant que le contrat de franchise liant les parties prenait fin le 10 février 2020.

La société Broker France fait valoir que le juge a omis la clause de l'article 11.3.1 [en réalité 18.3.1] du contrat de franchise qui interdit notamment à M. [P] de créer un réseau concurrent pendant une durée de 2 ans après la fin du contrat, soit jusqu'au 11 février 2022.

L'article 18.3.1 du contrat de franchise prévoit effectivement ce qui suit : 'Pendant une durée de deux (2) ans à compter de la Fin du Contrat, le Franchisé s'interdit, également, sur l'intégralité du territoire national, de créer, directement ou indirectement, un réseau concurrent du réseau Broker France.'

La société Broker France expose que M. [P] poursuit et développe son activité par l'intermédiaire du réseau NB Courtage qui est passé de 5 agences en juin 2019 à 11 agences aujourd'hui. La dimension de ce réseau justifie, selon l'intimée, la fixation d'une astreinte quotidienne significative de 10.000 euros.

M. [P] ne répond pas sur ce point dans ses écritures d'appel mais avait soutenu devant le premier juge que, si le contrat prévoit une clause de non concurrence post-contractuelle, celle-ci ne fait pas l'objet des décisions antérieures, ni du présent débat ; il ajoutait que s'il était fait droit à la demande d'astreinte définitive, celle-ci devrait être réduite à de plus justes proportions.

Sur ce, l'article L.131-1 al.2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

En l'espèce, en dépit de sa motivation elliptique, l'ordonnance rendue le 7 juin 2018 par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris répond à une demande de cessation de toute activité concurrente de celle de la société Broker France. Cette demande s'inscrit nécessairement dans les engagements contractuels des parties qui incluent la période pendant laquelle le contrat achevé produit encore ses effets par la clause de non concurrence prévue par l'article 18.3.1 précité, l'interdiction de créer un réseau concurrent dans les 2 années après la fin du contrat n'étant pas distincte de l'interdiction similaire prévue pour la durée de vie du contrat.

Par ailleurs, la clause litigieuse, en ce qu'elle interdit la création d'un réseau concurrent, s'interprète comme ne se limitant pas à la création stricto sensu d'une entité concurrente mais comme interdisant nécessairement le développement et l'exploitation du dit réseau. Il en résulte que la poursuite par M. [P] du développement et de l'exploitation du réseau NB Courtage, s'il en a conservé la direction de fait, relèverait de la violation de l'interdiction faite par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris.

En conséquence, la société Broker France est fondée en sa demande de fixation d'une nouvelle astreinte.

Il n'y a cependant pas lieu de prononcer une astreinte définitive, la complexité de la situation litigieuse justifiant que le juge de l'exécution conserve une faculté d'appréciation de la sanction s'il doit y avoir lieu à nouvelle liquidation d'astreinte.

Pour être dissuasive, l'astreinte est fixée à 3.000 euros par jour, avec un délai d'exécution de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt pour que M. [P] se conforme à ses obligations. La mesure courra jusqu'au 10 février 2022, date de la fin de l'interdiction contractuelle.

Sur les demandes accessoires

M. [P], partie perdante, supporte les dépens de première instance et d'appel, conserve la charge des frais irrépétibles qu'il a exposés et doit indemniser la société Broker France de ses frais à concurrence de 1.500 euros en appel, en sus de l'indemnité allouée par le premier juge.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement prononcé le 23 janvier 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Assorti l'injonction faite à [T] [P] de cesser ses activités concurrentes de la SA Broker France, faite par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris du 7 juin 2018, d'une astreinte provisoire de 3.000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter du jour de la signification du présent arrêt et jusqu'au 10 février 2022,

Condamne [T] [P] aux dépens d'appel,

Condamne [T] [P] à payer à la SA Broker France la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes des parties.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01017
Date de la décision : 17/09/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon 06, arrêt n°20/01017 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-17;20.01017 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award