N° RG 19/04090 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MNL6
Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON (4ème chambre)
Au fond du 28 mai 2019
RG : 15/14823
[L]
[O]
C/
SA CRÉDIT LYONNAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 26 Mai 2020
APPELANTS :
M. [W] [L]
né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Mme [E] [O]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentés par la SELARL P&S AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 176
Assistés de Me Julien MALLET, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
SA CRÉDIT LYONNAIS
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 140
Assistée par la SELARL CABINET CUSIN, avocat au barreau de PARIS
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Date de clôture de l'instruction : 06 Novembre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Mars 2020
Date de mise à disposition : 05 Mai 2020
Vu l 'état d'urgence sanitaire, la décision prorogée est rendue le 26 mai 2020.
Audience présidée par Laurence VALETTE, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Florence PAPIN, conseiller
- Laurence VALETTE, conseiller
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
La notification du présent arrêt est opérée par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/2020030000319/FC.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
Suivant offre du 23 février 2004 acceptée le 11 mars 2004, la SA Crédit Lyonnais a consenti à Mme [E] [O] et M. [W] [L] un prêt immobilier pour l'achat d'une maison à usage de résidence principale, prêt intitulé 'Logipret à taux fixe' d'un montant de 250 000 euros remboursable en 180 mensualités, au taux d'intérêt conventionnel de 4,150 % l'an, le taux effectif global (TEG) - comprenant des frais de commission/caution de 3 950 euros et des frais d'intermédiaire (CAFPI) de 760 euros -, s'établissant à 4,433 % l'an (avec renvoi à la note 6 : 'hors coût des frais liés aux garanties, leur montant ne pouvant être déterminé avec précision ce jour'), et le TEG de la période à 0,369 % (avec renvoi à la note 7 : 'taux semestriel si les échéances sont semestrielles, taux trimestriel si les échéances sont trimestrielles, taux mensuel dans les autres cas').
Ce prêt a été entièrement remboursé par anticipation le 27 octobre 2015.
Invoquant notamment que la banque a pris pour base de calcul une année de 360 jours, Mme [O] et M. [L] ont, par acte d'huissier de justice du 11 décembre 2015, fait assigner le Crédit Lyonnais devant le tribunal de grande instance de Lyon pour voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt et condamner la banque à leur verser l'excédent d'intérêts indus, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté, et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens.
Par jugement du 28 mai 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- déclaré irrecevable tant l'action en nullité de la stipulation des intérêts conventionnels que l'action en déchéance du droit aux intérêts,
- débouté Mme [O] et M. [L] de leur demande de dommages-intérêts,
- condamné Mme [O] et M. [L] à payer au Crédit Lyonnais la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que, in solidum au dépens avec droit de recouvrement directe en application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Pierre Buisson, avocat,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 13 juin 2019, Mme [O] et M. [L] ont interjeté appel.
Au terme de conclusions notifiées le 26 juillet 2019, Mme [O] et M. [L] demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondés en l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- dire et juger que l'offre de prêt émise par la société Crédit Foncier de France, acceptée par eux, ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires ci-dessus visées,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance du 28 mai 2019 en l'ensemble de ses dispositions,
A titre principal,
- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts contenue dans l'acte de prêt liant les parties en raison :
1/ de l'utilisation par le Crédit Lyonnais de l'année de 360 jours pour calculer les intérêts du prêt,
2/ des erreurs du Crédit Lyonnais dans la détermination du taux de période, de l'absence d'affichage de la durée de la période, du TEG, de l'absence d'équivalence des flux, de l'année utilisée pour la durée de la période unitaire,
- condamner le Crédit Lyonnais au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, à savoir la somme de 43 340 euros, à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter du 21 septembre 2015, date de la mise en demeure,
- fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir,
- condamner le Crédit Lyonnais à produire un nouvel échéancier pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
A titre subsidiaire,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en application de l'article L312-33 dernier alinéa (ancien) du code de la consommation,
- condamner le Crédit Lyonnais au remboursement de l'excédent d'intérêts indus, à savoir la somme de 43 340 euros, à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêt légal à compter du 21 septembre 2015, date de la mise en demeure,
- fixer le taux applicable au contrat de prêt à hauteur du taux d'intérêt légal pour la période restant à courir à compter de la décision à intervenir,
- condamner la société Crédit Lyonnais à produire un nouvel échéancier pour le contrat de prêt en cause, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
En tout état de cause :
- condamner le Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations d'information, de loyauté et d'honnêteté,
- débouter le Crédit Lyonnais de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner le Crédit Lyonnais à leur payer les sommes de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance, et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile d'appel,
- condamner le Crédit Lyonnais aux entiers dépens de l'instance.
Au terme de conclusions notifiées le 24 octobre 2019, le Crédit Lyonnais demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter en tout cas et subsidiairement les consorts [L] [O] en toutes leurs contestations et prétentions comme étant sans fondement,
- les condamner solidairement par application de l'article 700 du code de procédure civile à lui payer, au titre de ses frais irrépétibles en appel, une indemnité de 3 000 euros, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre préliminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif, et que les demandes des parties tendant à voir 'constater', 'donner acte' ou 'dire et juger' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions.
Sur la recevabilité des actions
Les appelants font valoir qu'à la date de la convention, ils ne disposaient pas d'une compétence suffisante pour déceler par eux-mêmes l'erreur affectant le calcul du TEG et du taux de période ; que ce n'est qu'à compter de l'analyse mathématique effectuée par la société Humania Consultants qu'ils ont été en mesure de prendre connaissance du caractère erroné des informations de base indispensables au calcul du TEG présentées par la banque ; que c'est cette analyse qui leur a également révélé que le Crédit Lyonnais a usé de l'année dite lombarde de 360 jours pour calculer les intérêts du prêt ; qu'ils ne disposaient en effet pas des compétences nécessaires pour effectuer seuls, 'sur la base de période de mise à disposition des fonds qui intervient obligatoirement après la régularisation du contrat de prêt, la vérification de l'utilisation par le Crédit Lyonnais d'une année civile ou non pour le calcul des intérêts' ; que c'est à la suite de différents articles dont celui de l'association UFC QUE CHOISIR du mois de septembre 2012 et de la consultation de différents sites Internet qu'ils ont décidé de faire vérifier la régularité du prêt en cause ; qu'il ne saurait leur être fait grief de ne pas s'être inquiétés dans les cinq ans de la conclusion du prêt, de la régularité du TEG, du taux de période et du taux d'intérêts affichés dans l'offre de prêt ; que c'est à compter des analyses mathématiques de la société Humania Consultants qu'ils ont été en mesure de prendre connaissance du caractère erroné des informations de base indispensables au calcul des taux présentés par la banque.
Le Crédit Lyonnais fait valoir que Mme [O] et M. [L] soutiennent en premier lieu que les intérêts de leur prêt seraient calculés sur la base d'une année de 360 jours en se référant à la clause 2 figurant dans les conditions générales de ce prêt en page 4/11 à savoir : 'Les intérêts courus entre deux échéances seront calculées sur la base de 360 jours ...' qu'ils reproduisent dans leurs écritures ; qu'aucune autre démonstration de ce prétendu mode de calcul sur 360 jour par an n'est fourni ; que leur expert ne se livre lui non plus à aucune démonstration, par exemple par un calcul comparatif selon une année de 360 et de 365 jours (dont le résultat montre qu'ils ont tort) ; que leur argumentation n'est donc tiré que de la seule lecture de la clause 2 des conditions générales du contrat ; que c'est donc la date de ce contrat qui constitue le point de départ de la prescription ; qu'il en est de même des autres griefs relatifs au TEG (absence de proportionnalité au taux de période et absence de prise en compte du coût de l'assurance emprunteur) et de la durée de la période applicable au calcul des intérêts.
En l'espèce, le dispositif des conclusions des appelants ne tire aucune conséquence spéciale de l'une ou l'autre de leurs deux actions engagées sur des fondements différents puisque les demandes qu'ils forment au titre de chacune d'entre elles sont identiques, remboursement de l'excédent d'intérêts, application du taux d'intérêt légal 'pour la période restant à courir' et établissement d'un nouvel échéancier.
L'action en déchéance du droit aux intérêts comme l'action en nullité de la stipulation d'intérêts sont soumises au délai de prescription prévu par l'article L 110-4 du code de commerce qui dans sa rédaction applicable à la date du prêt souscrit le11 mars 2004 prévoyait que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants, et entre commerçants et non commerçants, se prescrivent par 10 ans. Ce délai a été ramené à 5 ans à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, sans que sa durée totale ne puisse excéder 10 ans.
S'agissant d'un crédit consenti à un consommateur ou à un non professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.
La prescription de l'action ne s'apprécie pas grief par grief de sorte que la découverte d'erreurs dont les emprunteurs n'ont pu avoir connaissance par la seule lecture du contrat ne permet pas de reporter le point de départ de la prescription lorsque certains des griefs invoqués étaient détectables par le simple examen de l'offre.
Les appelants reprochent en premier lieu à la banque d'avoir eu recours à l'année lombarde de 360 jours pour calculer les intérêts.
Il ressort de la lecture de l'offre de prêt qu'elle stipule (en page 4/11, clause 2 des conditions générales) que : '...Les intérêts courus entre deux échéances seront calculées sur la base de 360 jours l'an. En cas de remboursement anticipé les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exacts de la période écoulée, rapportée à 360 jours l'an. Nous vous précisons que le taux effectif global des prêts est indiqué sur la base du montant exactes intérêts rapportés à 365 jours l'an...'.
Dès lors, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que le grief, constitué ou pas, tiré du caractère illicite de cette stipulation était accessible par une simple lecture de l'acte, dont la compréhension était évidente pour toute personne sachant lire la langue française et ce dès la remise de l'offre, et au plus tard dès la signature du contrat.
C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, qu'il en a déduit que Mme [O] et M. [L] étaient en mesure de déceler des anomalies éventuelles et de contester le taux effectif global et la clause d'intérêts, peu important à cet égard qu'ils n'aient pas vu les autres irrégularités invoquées, puisqu'ils pouvaient, dès cette date, mandater un analyste pour établir des calculs et vérifier les autres conditions du prêt, comme ils l'ont fait pour la présente procédure, et qu'il a considéré qu'une irrégularité alléguée étant décelable depuis le 11 mars 2004, l'action engagée le 11 décembre 2015 était prescrite.
Sur la demande indemnitaire
C'est par de justes et pertinents motifs que le premier juge a débouté Mme [O] et M. [L] de leur demande d'indemnisation.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement doit être confirmé.
Les dépens d'appel doivent être mis à la charge de Mme [O] et M. [L] qui seront en outre condamnés, in solidum, à payer la somme de 3 000 euros au Crédit Lyonnais en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [E] [O] et M. [W] [L] à payer à la SA Crédit Lyonnais la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum Mme [E] [O] et M. [W] [L] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,