N° RG 19/04003 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MNDT
Décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon
Au fond du 24 mai 2019
RG : 18/04779
ch n°9 cab 09 G
[M]
SAS KEY INVEST
C/
SASU LURI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 26 Mai 2020
APPELANTS :
M. [K] [M]
né le [Date anniversaire 1]/1984 à [Localité 1] (RHONE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
SAS KEY INVEST
[Adresse 2]
[Adresse 1]
Représentés par la SELARL C&S AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1246
INTIMEE :
SASU LURI
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jean-marc HOURSE, avocat au barreau de LYON, toque : 346
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Date de clôture de l'instruction : 18 Février 2020
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Février 2020
Date de mise à disposition : 14 avril 2020
Vu l 'état d'urgence sanitaire, la décision prorogée est rendue le 26 mai 2020.
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Florence PAPIN, conseiller
- Laurence VALETTE, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Laurence VALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
La notification du présent arrêt est opérée par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/2020030000319/FC.
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EXPOSÉ DU LITIGE :
Par acte sous seing privé en date du 10 février 2017 passé en l'étude de Maître [Z], notaire, la société par actions simplifiée LURI - dont le président est M. [E] [U], et dont les activités principales sont 'Marchands de biens, la gestion de tous biens mobiliers ou immobiliers', a vendu à M. [K] [M], avec faculté de substitution, au sein de l'ensemble immobilier '[Localité 2]', situé [Adresse 4], les lots [Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] dans le bâtiment A et [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7], [Cadastre 8] et [Cadastre 9] dans le bâtiment B, moyennant le versement d'un prix de 1 620 000 euros, sous diverses conditions suspensives et notamment :
- l'obtention d'une déclaration préalable autorisant le changement de destination des biens vendus en habitation,
- l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du changement de destination et de la division des lots.
L'acte prévoyait le versement d'un dépôt de garantie de 10 000 euros en l'étude de Maître [Z] dans les dix jours de sa signature sous peine de caducité.
La date de réitération par acte authentique était fixée au plus tard le 31 mai 2017, 'sauf prorogation jusqu'à l'obtention de la dernière pièce nécessaire au notaire rédacteur, pour l'établissement de l'acte'.
La société par actions simplifiée dénommée KEY INVEST, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 27 janvier 2015, ayant pour président M. [M] et pour activités : 'Marchand de biens. Location de biens immobiliers nus ou meublés. Conseil en immobilier. Par sous traitance : travaux de rénovation, maîtrise d'oeuvre et travaux de second oeuvre', s'est substituée à M. [M] dans les droits et objets du compromis de vente.
Le 6 mars 2017, la ville [Localité 1] a informé la société LURI que sa demande de changement de destination des biens objet du compromis, de bureaux en logement, a obtenu son avis favorable.
Le 9 janvier 2018, les modifications et travaux présentés par la société LURI ont été refusés par l'assemblée générale ordinaire des copropriétaires qui a souhaité qu'un nouveau projet lui soit soumis lors d'une prochaine réunion. Un rendez-vous a été prévu dès le 16 janvier 2018 entre M. [M] et notamment M. [C], syndic. Par courriel du 8 février 2018, M. [U] a fait savoir à M. [M] qu'il était 'd'accord pour une convocation de l'AGE pour le 5 mars et si accord de la copropriété réitération dans les jours suivants'. La société LURI a donné mandat à M. [M] de la représenter à l'assemblée générale des copropriétaires du 22 mars 2018. Les copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Localité 2]' , réunis en assemblée générale extraordinaire le 22 mars 2018, ont accepté les demandes de changement de destination et de division des lots présentées par la société KEY INVEST, futur acquéreur de lots appartenant à la société LURI.
La société LURI lui ayant ensuite fait part de son refus de procéder à la réitération de la vente, M. [M] l'a, par acte d'huissier du 9 avril 2018, sommée d'avoir à se présenter le 18 avril 2018 dans les locaux de l'étude Maître [A], notaire à [Localité 1], pour réitérer la vente.
Par courrier de son conseil en date du 10 avril 2018, la société LURI a fait savoir à Maître [A], notaire de M. [M], qu'elle ne se présenterait pas en l'étude notariale le 18 avril 2018 considérant que le compromis est caduc. Elle ne s'est effectivement pas présentée. Le notaire établi un procès verbal de carence en date du 18 avril 2018.
Par acte d'huissier du 19 avril 2018, M. [M] et la société KEY INVEST ont assigné la société LURI devant le tribunal de grande instance de Lyon afin de voir déclarer la vente parfaite.
Par jugement du 24 mai 2019, le tribunal de grande instance de Lyon a :
- débouté M. [M] et la société KEY INVEST de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné M. [M] et la société KEY INVEST à faire procéder à la levée de la publication de l'assignation au Bureau des hypothèques,
- débouté la société LURI de sa demande de dommages et intérêts,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- rejeté les demandes formulées en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [M] et la société KEY INVEST aux dépens,
- assorti le présent jugement de l'exécution provisoire,
Par déclaration du 10 juin 2019, M. [M] et la société KEY INVEST ont interjeté appel.
Par ordonnance de référé du 17 juillet 2019, le premier président de la cour d'appel de Lyon a arrêté l'exécution provisoire ordonnée par le jugement du 24 mai 2019.
Au terme de conclusions notifiées le 17 février 2020, M. [M] et la société KEY INVEST, demandent à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1170, 1304, 1582, 1583, et 1589 et 1176 anciens du code civil, et 32-1 et 564 du code de procédure civile, de :
- infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la société LURI de sa demande de dommages et intérêts et en ce qu'il a rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
réformer ledit jugement et :
- déclarer parfaite la vente intervenue entre la société LURI et M. [M] auquel la société KEY INVEST s'est substituée, dans les conditions stipulées au compromis de vente signé en date du 10 février 2017,
- ordonner que le jugement rendu vaille titre de propriété et soit publié au service de publicité foncière compétent,
- dire et juger que la société KEY INVEST doit payer le prix de vente à la société LURI dans les conditions stipulées au compromis de vente signé en date du 10 février 2017,
- condamner la société LURI à payer à la société KEY INVEST la somme de 162 000 euros au titre de la clause pénale,
- ordonner la compensation des sommes dues respectivement entre les parties au titre de la vente,
- rejeter la demande de résolution du compromis formulée à titre subsidiaire par la société LURI,
- rejeter la demande de la société LURI tendant à obtenir la condamnation solidaire de M. [M] et de la société KEY INVEST à lui payer la somme de 51 791,83 euros,
- condamner la société LURI à payer à chacun de M. [M] et de la société KEY INVEST la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire,
- condamner la société LURI à verser à chacun des demandeurs la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant pour la première instance que la procédure d'appel
- condamner la même aux entier dépens de première instance et d'appel.
Ils font valoir :
* que la demande de résolution du compromis sur le fondement des articles 1224 à 1230 du code civil, présentée pour la première fois en cause d'appel, ne peut qu'être rejetée en application de l'article 564 du code civil,
* que le compromis de vente n'est pas caduc :
- qu'en application de l'article 1589 du code civil, la promesse de vente vaut vente, que dans une promesse de vente synallagmatique sous conditions suspensives, l'obligation essentielle du cédant est de vendre le bien une fois toutes les conditions suspensives réalisées, que la clause du compromis selon laquelle la caducité pouvait être invoquée par le vendeur 'si bon lui semble au vendeur, de plein droit et sans autre formalité' et donc à tout moment, même après la réalisation des conditions suspensives, est contraire à la volonté des parties qui était qu'en cas de défaut de versement, le vendeur invoque rapidement cette clause afin d'être libéré du compromis, et non pas qu'il attende seize mois, entre la promesse et les premières conclusions adverses du 5 juin 2018, pour l'invoquer alors que toutes les conditions suspensives avaient été réalisées ; qu'à défaut d'avoir été invoquée rapidement cette clause a eu pour effet de priver de sa substance l'obligation essentielle de la société LURI qui était de vendre son bien immobilier, que cette clause doit être considérée comme réputée non écrite ;
- que ni la société LURI, ni son conseil et/ou son notaire n'ont sollicité le versement du dépôt de garantie, qu'ils n'ont pas plus exprimé ou fait le constat de la caducité du compromis avant les conclusions de première instance ; que la société LURI y a clairement renoncé en confirmant la réitération de la vente par mail du 8 février 2018, en donnant pouvoir à M. [M] de la représenter à l'AG extraordinaire du 22 mars 2018, en faisant préparer par son notaire un avenant de prorogation du compromis puis en faisant délivrer à M. [M] le 14 février 2019 (soit après la clôture de la procédure de première instance intervenue 24 janvier 2019) une sommation d'avoir à se présenter le 26 février 2019 à l'office notariale de Maître [A] afin de réitérer l'acte authentique de vente ; que tous ces actes positifs caractérisent la volonté non équivoque, ferme et irrévocable de la société LURI de renoncer au droit de se prévaloir de la caducité du compromis, et formalisent son accord à la réitération de l'acte sur la base du compromis ; que contrairement à ce que soutient la société LURI, il n'y a pas eu de 'nouvel accord postérieurement au compromis signé' sauf celui de vouloir en prolonger les effets ;
- que la date prévue pour la réitération n'étant pas impérative, l'écoulement du délai fixé pour la réitération de l'acte n'a pas entraîné sa caducité, qu'aucune date n'était stipulée pour la réalisation des conditions suspensives, que selon les termes du compromis, la caducité n'était pas automatique, qu'il n'y avait aucune formalité à respecter pour faire constater que la vente était parfaite ; que la vente est donc, automatiquement, devenue parfaite le 22 mars 2018, date à laquelle la dernière des conditions suspensives a été réalisée ; qu'antérieurement à cette date la société LURI ne s'est jamais prévalue de la prétendue caducité du compromis ;
- que c'est uniquement pour les besoins de la cause, afin d'éviter les condamnations pécuniaires demandées par M. [M] et la société KEY INVEST, et espérer revendre son bien à meilleur prix, et de parfaite mauvaise foi, que la société LURI a invoqué la caducité du compromis au cours de la procédure de première instance ;
* que la vente est parfaite ;
- qu'aucune date n'était fixée pour la réalisation des conditions suspensives qui pouvaient donc toujours être accomplies tant qu'il n'était pas certain qu'elles ne se réaliseraient pas ; que la réitération par acte authentique ne constituait pas une condition de validité du compromis et n'était assortie d'aucune sanction ; que juridiquement le compromis vaut vente et que, contrairement à ce qu'à retenu le premier juge, le dépôt de garantie ne doit pas être considéré comme une condition suspensive mais comme une clause à part ; que l'obligation de vendre et d'acheter ne dépendait pas de cet événement ; que la prorogation des effets du compromis n'était pas, aux termes de l'acte, conditionnée à la régularisation d'un avenant ;
- que la vente est devenue parfaite le 22 mars 2018, date de réalisation de la dernière condition suspensive ; que le 14 février 2019, la société LURI a fait délivrer à M. [M] une sommation d'avoir à se présenter le 26 février 2019 à l'office notariale de maître [A] afin de réitérer l'acte authentique de vente ce qui prouve que la société LURI acceptait définitivement et clairement de vendre à la société KEY INVEST dont M. [M] est l'associé unique ; que c'est en violation de ses obligations contractuelles que la socité LURI a refusé de réitérer la vente par acte authentique ;
- que M.[M] et sa société avaient obtenu deux accords de prêt de la part de la BRA en janvier et décembre 2018 ; que contrairement à ce que prétend la société LURI, la BRA ne finance pas l'intégralité du prix d'achat puisque son accord est subordonné à un apport en fonds propres de la société KEY INVEST de 380 000 euros que cette dernière détient ; que le versement de la somme de 8 000 euros au titre des frais d'étude et de gestion, ne devait avoir lieu qu'au moment du déblocage du prêt ;
- que les termes du compromis continuent de produire leurs effets y compris en ce qui concerne la fixation du prix.
Au terme de conclusions notifiées le 14 janvier 2020, la société LURI demande à la cour de :
Vu l'article 1187 et suivants du code civil,
- constater l'absence de renonciation de M. [M] aux conditions suspensives avant la date butoir du 31 mai 2017,
- constater le non versement de la somme de 10 000 euros en la comptabilité du notaire,
- en conséquence, constater la caducité du compromis signé le 10 février 2017,
- confirmer le jugement sur ce point,
Vu la convocation du 26 février 2019 et le constat dressé par Maître [N], huissier de justice
- constater l'incapacité de M. [M] à réunir le prix de vente ;
- constater la caducité des relations contractuelles ;
- à tout le moins prononcer la résolution du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1230 du code civil
En conséquence,
- débouter M. [M] et la société KEY INVEST de l'ensemble de leurs prétentions et arguments, tant en ce qui concerne la réitération de l'acte qu'au titre de la clause pénale,
- à tout le moins ramener la clause pénale à l'euro symbolique,
- à titre reconventionnel, (appel incident), condamner in solidum M. [M] et la société KEY INVEST à payer les sommes de :
* 365 000 euros, au titre du manque à gagner avec la société AJR,
* 51 791,83 euros, au titre des charges sur les exercices 2017, 2018 et 2019,
- condamner in solidum M. [M] et la société KEY INVEST à procéder à la radiation de leur publication au Bureau des Hypothèques, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
- condamner les mêmes aux entiers dépens, outre une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- que la condition suspensive d'obtention d'un vote de l'assemblée générale des copropriétaires sur un projet de travaux et d'aménagement n'ayant pas connu une suite favorable le 9 janvier 2018, cette condition, rédigée dans le seul intérêt de l'acquéreur, n'a pas été obtenue et que tant les parties signataires que leurs notaires respectifs ont alors fait le constat de la caducité du compromis et de la nécessité de régulariser un avenant ou un nouvel acte dans l'hypothèse où des discussions et démarches devraient se poursuivre ; que M. [M] a entendu poursuivre ses démarches auprès de la copropriété début 2018, qu'à cette même période 'la société AJR transaction a approché la société LURI en vue d'acquérir les mêmes lots sur une base financière revue à la hausse. M. [E] [U] a laissé une chance à M. [M] d'obtenir un accord de la copropriété et de régulariser un nouvel acte avec un prix majoré. Par la suite, prenant acte de la caducité du premier engagement et de l'incapacité du promoteur à respecter ses engagements verbaux, la société LURI a régularisé un nouveau compromis, le 27 mars 2018, avec AJR transaction' ; que M. [M] et la société KEY INVEST ne pouvaient ignorer la caducité du compromis puisqu'elle leur avait été précisée par Maître [A] en réponse à la sommation de réitérer, que M. [M] et sa société de promotion ont saisi le tribunal de grande instance et publié l'assignation au bureau des hypothèques, que dans ces conditions AJR Transaction a refusé d'aller plus avant et de signer un compromis ;
- que M. [M] ayant été défaillant dans son obligation de verser en la comptabilité du notaire du vendeur la somme de 10'000 euros, la caducité du compromis est acquise ; que la société LURI n'a jamais renoncé au bénéfice de cette clause de caducité ; que la caducité du compromis est également acquise du fait de l'analyse faite tant par les notaires que par les parties du refus de l'assemblée générale du 9 janvier 2018 d'autoriser les travaux ; que l'acte comportant une date impérative pour la réitération, la seule manière de le proroger était de régulariser un avenant ; que M. [M] qui s'est réservé le droit d'invoquer cette condition suspensive jusqu'à une date postérieure à l'expiration du compromis, n'a pas sollicité la régularisation d'un avenant ou d'un nouvel acte comme l'avait suggéré son propre notaire, y compris après avoir su que la société LURI avait trouvé un nouvel acquéreur pour un prix supérieur, préférant 'jouer la carte du prix initialement convenu' et solliciter l'exécution forcée d'un acte caduc ;
- que l'acte ne prévoyait aucun formalisme pour faire constater cette caducité ; que cette caducité ayant mis fin au compromis, ce dernier ne produit plus aucun effet juridique ; que M. [M] ne peut donc se prévaloir ni du mail adressé par M. [U] le 8 février 2018, ni du pouvoir régularisé par ce dernier en vue d'une nouvelle assemblée générale puisque 'dans l'esprit de M. [U], il s'agissait de laisser à son partenaire une nouvelle chance de sortir ce dossier, mais en régularisant un nouveau compromis, lequel aurait de surcroît entériné une augmentation de prix', AJR TRANSACTION étant disposé à acheter sur une base de 1 985 000 euros au lieu de 1 620 000 euros prévus dans le premier compromis, M. [U] n'avait aucun intérêt à maintenir les effets d'un compromis caduc qui lui faisait perdre 365 000 euros ;
- qu'il ne saurait être tiré argument de la convocation de M. [M] par huissier de justice le 14 février 2019, pour signature le 26 février 2019, due à l'initiative des deux notaires pour tenter de sortir de l'impasse et mettre un terme à la présente instance judiciaire, 'initiative notariale à laquelle M. [U] a accepté de participer en sachant pertinemment que le candidat acquéreur n'avait pas à sa disposition la somme de 1 734 000 euros pour réaliser cette acquisition', au cours de laquelle les parties ont comparu en personne et M. [M] a annoncé ne pas avoir les fonds, déclaration qui a été consignée par l'huissier de justice présent ; qu'il est fallacieux d'invoquer que cet huissier aurait mal saisi les propos de M. [M] ; qu'il est également fallacieux d'invoquer le bénéfice d'un crédit bancaire nécessitant le dépôt de 8 000 euros qui n'a pas été réalisé ; que l'absence de fonds est d'autant plus incompréhensible que l'appelant expose dans ces écritures avoir eu l'usage d'un prêt bancaire depuis le mois de décembre 2018 ; que M. [M] a 'refusé de signer l'avenant préparé pour l'occasion' ; que dès lors, même si la cour considérait que le compromis de février 2017 a perduré au-delà du 31 mai 2017, elle fera le constat que la relation contractuelle a pris fin le 26 février 2019, que M. [M] ne peut revendiquer le bénéfice d'un compromis qu'il n'a pas respecté, et, à tout le moins, prononcera la résolution de ce compromis ; que cette demande de résolution ne constitue pas une demande nouvelle mais un nouveau moyen de défense, d'autant que la tentative de réitération du 26 février 2019 est intervenue après la clôture de la procédure devant le tribunal ;
- que M. [M] ayant renoncé au bénéfice d'une condition suspensive d'obtention d'un crédit bancaire, la société LURI était en droit de penser qu'il avait la disponibilité financière ; que l'offre de la BRA du 14 décembre 2018 de financer à certaines conditions l'intégralité du prix d'achat y compris les frais notariés avec une enveloppe globale de 1'989'000 euros, n'était valable que pendant trois mois et nécessitait que M. [M] retourne un chèque de 8000 euros 'qui resteront acquis à la banque en tout état de cause' ; que connaissant les difficultés permanentes de trésorerie de M. [M], 'il serait très surprenant qu'il ait décaissé 8000 euros en pure perte' ; qu'aucun document bancaire ou comptable n'est d'ailleurs communiqué de nature à établir qu'il a versé ce chèque de 8 000 euros en vue d'obtenir son crédit bancaire ; que de surcroît les appelants ont fait le choix de produire le courrier de la BRA du 14 décembre 2018 mais pas la première offre de janvier 2018 ; que les appelants sollicitent un transfert de propriété sur la base de l'arrêt à venir mais ne se soucient guère du règlement du prix ; que la cour ne fera pas droit à cette demande car le prix ne sera jamais payé à la société LURI alors qu'il s'agit un élément constitutif de la vente ;
- que la clause pénale n'a de sens que si les conditions suspensives sont réalisés dans le délai prévu, et, subsidiairement si la cour fait droit à cette demande complémentaire, que la clause pénale doit être ramenée à l'euro symbolique,
- que la publication de l'assignation qui n'était pas obligatoire, a été réalisée dans le seul but de nuire à la société LURI dont le préjudice est constitué par la différence de prix entre le compromis signé avec M. [M] et celui signé avec AJR TRANSACTION, soit 365 00 euros ; que la société LURI a également du régler pour les années 2018 et 2019, des taxes foncières (15 948 euros,14 295 et 656 euros) et des charges de copropriété et des honoraires de la régie BOUDARD (d'un montant cumulé de 20 892,83 euros), soit au total 51 791,83 euros, qu'elle n'aurait pas payé si elle avait vendu les biens à AJR TRANSACTION en 2018 ; que dans l'hypothèse où la cour considérerait que M. [M] est propriétaire depuis 2017, il appartiendrait à ce dernier de rembourser l'ensemble de ces charges à la société LURI.
MOTIFS :
A titre préliminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif, et que les demandes des parties tendant à voir 'constater', 'donner acte' ou 'dire et juger' ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais uniquement la reprise de moyens développés dans le corps des conclusions.
Sur la caducité du compromis
Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, le compromis conclu le 10 février 2017, prévoit que 'L'acquéreur déposera à la suite des présentes par virement bancaire, et ce au plus tard 10 jours à compter de la signature des présentes par toutes les parties, à titre de dépôt de garantie, à un compte ouvert à son nom à la comptabilité de l'Etude de Me [T] [Z] la somme de DIX MILLE EUROS (10 000 €).
A défaut de virement bancaire à ladite date, les présentes seront caduques si bon semble au vendeur, de plein droit et sans autre formalité.'
Ce dépôt de garantie de 10 000 euros constituait la première obligation contractuelle de M. [M] en contrepartie de la promesse de vente.
M. [M] ne conteste pas que ce dépôt de garantie n'a pas été versé, que ce soit par lui ou par la société KEY INVEST, dans le délai de 10 jours qui leur était imparti ni même au-delà de ce délai.
C'est à juste titre que le premier juge a considéré que la rédaction de cette clause est claire et ne prévoit aucune limite de temps ou formalité à la charge du vendeur pour s'en prévaloir, et qu'il en a déduit que la société LURI 'si bon lui semblait' était en droit de faire état de la caducité du compromis découlant du défaut de versement par M.[M] et/ou la société KEY INVEST du dépôt de garantie, jusqu'à la réitération de la vente, laquelle n'est jamais intervenue.
C'est également à juste titre et à bon droit, la renonciation ne se présumant pas, que le premier juge a considéré que le fait que la société LURI n'ait pas mis en demeure M. [M] et/ou la société KEY INVEST de verser cette somme et qu'elle ait continué à négocier avec eux y compris après le rejet de leur projet par l'assemblée générale extraordinaire en date du 9 janvier 2018, ne saurait être considéré comme une renonciation à cette clause.
Aussi convient-il, sans avoir à entrer plus avant dans le détail de l'argumentation des parties sur ce point et sans avoir à examiner leurs autres demandes relatives à la vente y compris la question de la recevabilité de la demande de résolution du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1230 du code civil, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] et la société KEY INVEST de l'intégralité de leurs demandes.
Sur les demandes de la société LURI
1/ Eu égard à la solution donné à la demande principale, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [M] et la société KEY INVEST à faire procéder à la levée de la publication de l'assignation au bureau des hypothèques. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
2/ En première instance, la société LURI demandait, à titre reconventionnel, la condamnation in solidum de M. [M] et de la société KEY INVEST à lui payer la somme de 365 000 euros au titre du manque à gagner consécutif à la renonciation par la société AJR Transaction avec laquelle elle avait signé un nouveau compromis de vente le 27 mars 2018, à l'acquisition des biens en cause, reprochant à M. [M] et la société KEY INVEST d'être à l'origine de cette renonciation en ayant pris attache avec le notaire de cette société pour lui faire part du litige et de la publication de l'assignation au bureau des hypothèques. Dans le cadre de son appel incident, la société LURI fait valoir en outre que la publication de l'assignation qui n'était pas obligatoire, n'a été réalisée par les appelants que dans le but de lui nuire.
C'est par une exacte analyse des pièces produites dans cette affaire et notamment du courriel envoyé le 16 mai 2018 par l'avocate de la société KEY INVEST, représentée par M. [M], au notaire de la société AJR Transaction, et du courriel du même jour envoyé par ce notaire au notaire de la société LURI, et de justes et pertinents motifs adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que :
- la société LURI ne démontre pas que la société AJR Transaction a renoncé à la promesse de vente signée le 27 mars 2018,
- l'article 37 de l'ordonnance du 10 juin 2010 prévoit expressément la possibilité de faire publier les demandes en justice tendant à obtenir la réitération ou la réalisation en la forme authentique des promesses unilatérales de ventes,
- dans la mesure où la société LURI avait poursuivi les négociations jusqu'au mois de mars 2018 en acceptant expressément que la société KEY INVEST présente son projet à l'assemblée générale une seconde fois, cette dernière pouvait légitimement croire, une fois l'accord de l'assemblée obtenu et alors que la société LURI ne s'était pas jusqu'alors prévalu de la clause relative au dépôt de garantie, que son action pouvait prospérer.
La cour d'appel ajoute que la société LURI qui ne communique aucun élément nouveau à l'appui de cette demande, ne démontre pas l'intention de nuire qu'elle allègue.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société LURI de cette demande d'indemnisation.
3/ En cause d'appel, la société LURI demande à la cour de condamner in solidum M. [M] et la société KEY INVEST à lui payer la somme globale de 51 791,83 euros correspondant à des taxes foncières pour les années 2018 et 2019, et des charges de copropriété et des honoraires de la régie BOUDARD, au motif que la procédure engagée par les appelants a maintenu le bien immobilier dans son patrimoine alors que si elle avait pu vendre l'immeuble à la société AJR Transaction elle n'aurait pas acquitté ses charges.
Pour les mêmes motifs qu'évoqués au point précédant et, en outre, parce que, à supposer même que la société AJR Transaction ait effectivement renoncé à acheter les biens en cause, la société LURI ne démontre pas que c'est du fait de M. [M] et de la société KEY INVEST et notamment de la procédure qu'ils ont engagée, la société LURI doit être déboutée de cette demande.
Sur les demandes accessoires
M. [M] et la société KEY INVEST doivent être condamnés, in solidum, aux dépens d'appel et à payer à la société LURI la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la société LURI de sa demande en paiement de la somme de la somme de 51 791,83 euros ;
Déboute la société LURI de sa demande d'assortir d'une astreinte la condamnation de M. [K] [M] et de la société KEY INVEST à faire procéder à la levée de la publication de l'assignation au bureau des hypothèques ;
Condamne in solidum M. [K] [M] et la société KEY INVEST à payer à la société LURI la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [K] [M] et la société KEY INVEST aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,