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19/05/2020 | FRANCE | N°19/05255

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 19 mai 2020, 19/05255


N° RG 19/05255 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQE3














Décisions :





- du Tribunal de commerce de Chambéry en date du 18 septembre 2013





RG : 2012F00002





- de la Cour d'appel de Chambéry en date du 31 octobre 2017 (1ère chambre)





RG : 13/02360





- de la Cour de Cassation de PARIS


Au fond du 18 avril 2019





RG : 344 f-d


Arrêt n° 344 F-D











RÉPUBL

IQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE LYON





1ère chambre civile B





ARRET DU 19 Mai 2020





statuant sur renvoi après cassation











APPELANTE :





S.A.R.L. SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION GARAGE DE LA ROSSA


[...]


[...] ...

N° RG 19/05255 - N° Portalis DBVX-V-B7D-MQE3

Décisions :

- du Tribunal de commerce de Chambéry en date du 18 septembre 2013

RG : 2012F00002

- de la Cour d'appel de Chambéry en date du 31 octobre 2017 (1ère chambre)

RG : 13/02360

- de la Cour de Cassation de PARIS

Au fond du 18 avril 2019

RG : 344 f-d

Arrêt n° 344 F-D

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 19 Mai 2020

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTE :

S.A.R.L. SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION GARAGE DE LA ROSSA

[...]

[...]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475

assistée de la SCP BOURGEON-MERESSE-GUILLIN-BELLET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES :

SARL GP SERVICES

[...]

[...]

Représentée par la SCP BERTIN & PETITJEAN-DOMEC ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 53

assistée par la SELARL LGB-BOBANT, avocat au barreau de GRENOBLE

SAS MADIC

[...]

[...]

[...]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

assistée de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocat au barreau de LYON, toque : 656

SELARL ALLIANCE MJ représentée par Maître A... agissant en qualité de mandataire ad'hoc de la société AD SERVICES

[...]

[...]

Non constituée

Société CONCEPTION DÉVELOPPEMENT ENGINEERING

[...]

[...]

Représentée par la SELARL BERTHIAUD ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 711

assistée de la SCP BESSAULT MADJERI SAINT-ANDRE, avocat au barreau de CHAMBERY

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 04 Février 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Février 2020

Date de mise à disposition : 24 mars 2020

Vu l'état d'urgence sanitaire, la décision prorogée est rendue le 19 mai 2020.

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Florence PAPIN, conseiller

- Laurence VALETTE, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Réputé contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

La notification du présent arrêt est opérée par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/2020030000319/FC

* * * *

La société d'exploitation GARAGE DE LA ROSSA a confié à la société S2D SUD, devenue la société AD SERVICES, une mission de mise aux normes et de rénovation de sa station-service.

La société S2D SUD a sous-traité à la société GP SERVICES les travaux de raccordement de l'aire de dépotage à la cuve puis de la cuve à l'aire de distribution ainsi qu'aux évents pour les vapeurs.

Elle a sous-traité à la société MADIC les installations d'automates, de matériel informatique et de logiciels.

La société S2D SUD a acheté à la société CONCEPTION DÉVELOPPEMENT ENGINEERING (CDE) une cuve à carburants.

La société d'exploitation du garage de la Rossa a refusé de payer le solde du marché en raison de malfaçons.

Elle a obtenu en référé l'instauration d'une expertise, confiée à M. G..., ce au contradictoire de la société S2D SUD et de l'assureur de celle-ci.

L'expert désigné, M. G..., a déposé son rapport le 21 novembre 2011.

Par acte du 27 décembre 2011, la société d'exploitation du garage de la Rossa a fait assigner la société S2D SUD et son assureur devant le tribunal de commerce de CHAMBERY aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par acte du 6 février 2012, la société S2D SUD devenue AD SERVICES a fait appeler en cause ses sous-traitants dont la société MADIC et la société GP SERVICES.

Par jugement du 30 octobre 2012, le tribunal de commerce de VIENNE a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société AD SERVICES.

La société d'exploitation du garage de la Rossa a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur et l'a fait appeler en cause.

Par jugement du 18 septembre 2013, le tribunal de commerce a déclaré l'expertise inopposable aux sous-traitants, fixé la créance de la société d'exploitation du garage de la Rossa au passif de la société S2D SUD devenue AD SERVICES à la somme de 52 876,14 € et ordonné la compensation entre cette somme et le solde du marché.

La société d'exploitation du garage de la Rossa a interjeté appel à l'encontre de tous les défendeurs.

Invoquant des fuites sur la cuve, elle a fait assigner la société CDE, fournisseur de cet équipement, en intervention forcée par acte du 27 janvier 2014.

Par ordonnance du 2 octobre 2014, le conseiller de la mise en état a, sur sa demande, ordonné une nouvelle expertise confiée à M. W....

Suivant ordonnance du 27 mai 2016, la société d'exploitation du garage de la Rossa a obtenu la désignation de la SELARL ALLIANCE MJ représentée par Me X... en qualité de mandataire ad hoc de la société AD SERVICES dont la liquidation judiciaire avait été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 3 juin 2014.

M. W... a déposé son rapport le 22 décembre 2015.

Par arrêt du 31 octobre 2017, la cour d'appel de CHAMBERY a :

- réformé le jugement,

- fixé la créance de la société d'exploitation du garage de la Rossa au passif de la procédure collective de la société AD SERVICES à la somme de 44 085,76 € HT outre 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- condamné la société MADIC in solidum avec la société AD SERVICES à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa la somme de 3 826 € TTC,

- condamné la société [...] in solidum avec la société AD SERVICES à payer la somme de 18 394,64 € hors-taxes à la société d'exploitation du garage de la Rossa,

- condamné in solidum les sociétés MADIC et GP SERVICES avec la société AD services à payer à la société d'exploitation garage de la Rossa les sommes de 2 943 €, 11 600 € HT et 3000€ à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

'le tout outre TVA applicable pour les condamnations prononcées hors-taxes, sur justification par la société d'exploitation garage de la Rossa qu'elle en supportera la charge finale',

évoquant pour le surplus,

- condamné in solidum les sociétés CDE et GP SERVICES à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa les sommes suivantes :

' 7 900 € HT représentant le coût de réparation de l'installation, outre TVA applicable, sur justification par la société d'exploitation du garage de la Rossa qu'elle en supportera la charge finale,

' 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour l'atteinte à son image de marque,

' 10 840 € représentant la perte de marge brute pour l'exercice clos au 30 septembre 2014,

' 450 € pour les frais d'approvisionnement de carburant pendant cette période,

' 19 419, 12 € pour la perte de marge brute au 30 novembre 2015,

' 1 387 € par mois pour la perte de marge blute au-delà de cette date, et jusqu'à la date d'exécution des travaux,

' 2 600,20 € pour l'interruption momentanée de l'activité garage pendant les travaux,

' 1 647 € pour les frais d'approvisionnement de carburant arrêtés au 30 novembre 2015,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner la compensation,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné in solidum les sociétés MADIC, [...], AD SERVICES à payer les dépens de référé et les frais de la première expertise, ainsi qu'une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum les sociétés CDE, GP SERVICES, AD SERVICES à payer le surplus des dépens comprenant les frais de la seconde expertise ainsi qu'une indemnité de 4 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur pourvoi de la société GP SERVICES, la cour de cassation, par arrêt du 18 avril 2019, a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a :

- condamné la société GP SERVICES in solidum avec les sociétés MADIC et AD SERVICES, à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa les sommes de 2 943 € au titre de son préjudice financier pour la perte de marge brute sur la vente de carburant lors de la fermeture de la station-service, de 11 600 € pour la perte de marge sur la vente de carburant pendant la fermeture liée aux travaux de remise en état et de 3 000 € au titre du préjudice moral

- et condamné la société GP SERVICES, in solidum avec la société CDE, à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa les sommes de 7 900 € HT, outre la TVA applicable sur justification par la société d'exploitation du garage de la Rossa qu'elle en supportera la charge finale, au titre du coût de réparation de l'installation, de 450 € et de 1 647 € au titre des frais d'approvisionnement de carburant, de 1 387 € par mois pour la perte de marge brute au-delà du 30 novembre 2015 et jusqu'à la date d'exécution des travaux et de 2 600,20 € au titre de l'interruption momentanée de l'activité du garage pendant les travaux,

l'arrêt rendu le 31 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry aux motifs :

- que pour condamner la société GP SERVICES in solidum avec les sociétés MADIC et AD Services, à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa les sommes de 2 943 € au titre de son préjudice financier pour la perte de marge brute sur la vente de carburant lors de la fermeture de la station-service, de 11 600 € pour la perte de marge sur la vente de carburant pendant la fermeture liée aux travaux de remise en état et de 3 000 € au titre du préjudice moral, l'arrêt retenait, d'une part, que les sous-traitants étaient des tiers à l'expertise mais qu'ils avaient été mis en cause dans l'instance au fond et ne formulaient aucune critique du contenu du rapport de sorte que l'expertise de M. G... leur était opposable et, d'autre part, à la fois qu'il était impossible de contredire les explications de la société GP SERVICES selon lesquelles l'expertise ne permettrait de lui reprocher aucune faute et qu'il résultait des explications de l'expert G... que l'exploitation de la station service avait été compromise par les fautes conjuguées des sociétés MADIC et GP SERVICES,

- qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur les seuls éléments d'une expertise non contradictoire et s'est contredite, a violé l'article 16 du code de procédure civile et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 ;

- que pour condamner la société GP SERVICES, in solidum avec la société CDE, à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa les sommes de 7 900 € HT, outre la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable sur justification par la société d'exploitation du garage de la Rossa, qu'elle en supportera la charge finale, au titre du coût de réparation de l'installation, de 450 € et de 1 647 € au titre des frais d'approvisionnement de carburant, de 1 387 € par mois pour la perte de marge brute au-delà du 30 novembre 2015 et jusqu'à la date d'exécution des travaux et de 2 600,20 € au titre de l'interruption momentanée de l'activité du garage pendant les travaux, l'arrêt retenait qu'il convenait d'accorder à la société d'exploitation du garage de la Rossa une indemnisation sur le fondement du préjudice tel qu'apprécié par l'expert judiciaire et qu'il convenait de fixer l'indemnisation en retenant les chiffres HT en réservant à la société d'exploitation du garage de la Rossa la possibilité de justifier ultérieurement de l'impossibilité d'obtenir le remboursement de la TVA,

- qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que la société d'exploitation du garage de la Rossa ne prétendait pas avoir à supporter la charge finale de la TVA et qu'elle ne demandait l'indemnisation de sa perte de marge brute que jusqu'au 1er mai 2018, n'invoquait pas de préjudice pour les frais d'approvisionnement en carburant ni pour l'interruption de son activité de garage pendant les travaux, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile.

La société d'exploitation du garage de la Rossa a saisi la cour d'appel de LYON, désignée comme cour de renvoi par acte du 22 juillet 2019.

Au terme de conclusions notifiées le 3 février 2020, elle demande à la cour de :

- condamner in solidum les sociétés MADIC et GP SERVICES à lui payer :

' la somme de 2 843 € correspondant à la perte de marge brute sur vente de carburant lors de la fermeture de la station-service pour la période antérieure au 11 juillet 2011,

' la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi sur la période antérieure à 2013,

' la somme de 1 140 € en réparation de son préjudice matériel,

- condamner in solidum les sociétés GP SERVICES, CDE et MADIC à lui payer les sommes suivantes :

' 77 730 € correspondant au coùt de réfection de l'installation défectueuse,

' 450 € et 1 647 € au titre des frais d'approvisionnement de carburant,

' 46 356 € en réparation du préjudice lié à la fermeture de la station-service du 1er décembre 2015 au 30 avril 2018,

' 33 720 € en réparation du préjudice lié à la fermeture de garage et de la boutique pendant les travaux en mai et juin 2018,

' 10 000 € pour préjudice moral au titre de la période postérieure au jugement,

' 20 000 € en réparation de l'atteinte à son image du fait des désordres,

- condamner in solidum l'ensemble des intimées au paiement de la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens y compris les frais qu'elle a avancés durant l'expertise pour un montant de 9 977,21 € HT.

Au terme de conclusions notifiées le 21 novembre 2019, la société MADIC demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société d'exploitation du garage de la Rossa de ses demandes dirigées à son encontre,

- déclarer irrecevable la demande de la société d'exploitation du garage de la Rossa tendant à la réparation des préjudices résultant des désordres apparus postérieurement au jugement rendu par le tribunal de commerce de CHAMBÉRY,

En tout état de cause,

- lui déclarer inopposable le rapport d'expertise rendu en 2011,

- la mettre hors de cause,

- débouter la société d'exploitation du garage de la Rossa de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,

- débouter la société CDE de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,

- ordonner la restitution des sommes versées à la société d'exploitation du garage de la Rossa en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY du 31 octobre 2017, soit la somme totale de 12.715,15 €,

- condamner le GARAGE DE LA ROSSA à lui verser la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me LAFFLY.

Au terme de conclusions notifiées le 29 janvier 2020, la société GP SERVICES demande à la cour de :

- lui déclarer inopposable le rapport G...,

- la mettre hors de cause,

- débouter la société d'exploitation du garage de la Rossa de l'ensemble de ses demandes dirigées contre elle,

- condamner la société d'exploitation du garage de la Rossa ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de Me BERTIN,

- subsidiairement, limiter son obligation d'indemnisation au coût de remplacement de la bride cassée soit 7 900 € - 1 889 € HT pour la réfection des ouvrages béton déjà pris en compte par le premier expert, à l'exclusion de la reprise de l'étanchéité des trous d'homme,

- dire qu'au titre du manque gagner consécutif à l'arrêt de la vente du carburant SP 95, elle ne peut être tenue que pour la période allante du 13 février 2015, date de la déclaration de l'installation classée en préfecture, au 1er mai 2016, date à laquelle la société d'exploitation du garage de la Rossa aurait dû engager les travaux de reprise préconisés par M. W..., soit 1387,08 € /4 x 13,5 = 4 681,39 €.

Au terme de conclusions notifiées le 31 janvier 2020, la société CDE demande à la cour de :

- homologuer le rapport d'expertise de Monsieur W... du 22 décembre 2015,

- déclarer irrecevables 'et mal-fondées' et les rejeter 'intégralement sans étude au fond' les demandes formulées à son encontre par la société D'EXPLOITATION GARAGE DE LA ROSSA :

' au titre de la réparation des désordres ( 77 730 € HT)

' au titre de l'atteinte à l'image (20 000 €)

' au titre du préjudice moral (10 000 €)

- débouter la société d'exploitation du garage de la Rossa de ses demandes complémentaires en paiement des sommes de :

' 66 500 € en réparation du préjudice lié à la fermeture de la station-service postérieurement au 1er décembre 2015 jusqu'au 29 juin 2018,

' 33 720 € en réparation du préjudice lié à la fermeture du garage et de la boutique pendant la durée des travaux qui ont eu lieu en mai et juin 2018,

' 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,

- limiter les indemnités dues à la société D'EXPLOITATION GARAGE DE LA ROSSA aux sommes suivantes :

' 1 387,08 € par mois du 1er décembre 2015 au 30 juin 2016 au titre de la perte de marge liée à la fermeture de la station-service du fait des désordres affectant cette installation,

' 520,04 € par jour au titre de la perte de marge affectant l'activité « garage » pendant la durée des travaux (cinq jours) soit la somme de 2 600,20 €,

- rejeter toutes autres demandes.

- ordonner le remboursement par la société d'exploitation du garage de la Rossa de toutes sommes perçues en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBÉRY qui ne seraient pas confirmées par le présent arrêt,

- rejeter la demande de condamnation in solidum formulée à son encontre au titre des préjudices allégués par la société d'exploitation GARAGE DE LA ROSSA et de l'article 700 du code de procédure civile,

- subsidiairement condamner la société GP SERVICES à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre en principal, intérêts, accessoires, frais et dépens, à hauteur de 50%,

- condamner la société d'exploitation du garage de la Rossa et la société GP SERVICES aux dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL BERTHIAUD & Associés.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur l'étendue de la saisine

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées dans le dispositif.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou 'dire et juger' et la cour n'a pas à y répondre.

Sur la responsabilité des sociétés MADIC et GP SERVICES dans les désordres objet de l'expertise de M. G...

La société d'exploitation GARAGE DE LA ROSSA fait valoir :

- que la responsabilité des sous-traitants de la société AD SERVICES n'est plus en discussion devant la présente cour, les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY sur ce point n'ayant pas été cassées,

- que les sociétés MADIC et GP SERVICES, faute de s'être prévalu de la nullité du rapport d'expertise G..., ne sauraient prétendre le voir écarter des débats,

- que le rapport G... vaut à titre de preuve pour avoir été régulièrement communiqué,

- que l'expert a relevé des désordres concernant les tuyauteries reliant la cuve de stockage des carburants à l'automate, et en particulier que le flexible destiné au passage du fluide de sécurité était coudé à angle droit et ne laissait pas passer le liquide de sorte qu'elle est fondée à rechercher la responsabilité de la société GP SERVICES, intervenue dans la fourniture et la pose du détecteur de fuite,

- que le matériel monétique d'une station-service comprend la caisse informatique, la monétique et le TPE et que l'expert G... a relevé que le fonctionnement normal de l'outil informatique et monétique nécessitait l'installation des éléments manquants et une formation complémentaire des époux E... sur les logiciels installés,

- que la société MADIC avait paramétré le système pour un logiciel Jupiter alors qu'elle venait d'installer un logiciel informatique et comptable Winid qui fonctionnait avec un logiciel Eylis de sorte qu'une formation d'une heure et demie avec un paramétrage erroné ne constituait pas une véritable formation,

- qu'il appartenait à la société MADIC en tant qu'installateur du volucompteur de vérifier que la cuve avait bien été éprouvée et que celle-ci avait, en tout état de cause, manqué à son devoir de conseil en ne l'alertant pas sur l'absence de certificat d'épreuve.

La société MADIC fait valoir :

- que le rapport d'expertise de M. G... ne lui est pas opposable et qu'il ne peut servir de fondement exclusif à une décision,

- que l'expertise W... n'a porté que sur l'existence et la cause des fuites affectant la cuve enterrée qui ne pouvaient en aucun cas être liées à son intervention, qu'elle a été définitivement mise hors de cause, la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY retenant la seule responsabilité des sociétés GP SERVICES et CDE n'ayant pas été cassée,

- qu'en sa qualité de sous-traitant, elle n'était tenue qu'à l'exécution de sa prestation contractuelle,

- que la fourniture d'un écran et d'un tiroir caisse n'étaient pas compris dans les prestations qui lui avaient été commandées,

- que suite à l'installation du matériel, elle a comme prévu et le jour-même, 13 octobre 2010, exécuté son obligation de formation auprès du personnel de la station,

- que l'absence d'identification des articles n'était qu'un problème d'utilisation du logiciel Jupiter auquel la formation dispensée aux utilisateurs devait permettre de faire face et ne révèle aucun manquement de sa part,

- que l'expert n'a constaté aucune difficulté de fonctionnement du matériel informatique mais seulement l'absence d'écran et de tiroir caisse et relevé la nécessité d'une formation complémentaire complète des époux E... sur les logiciels installés,

- qu'elle ne saurait en tout état de cause être tenue de l'éventuelle défaillance du maître d'oeuvre et que son obligation éventuelle d'indemnisation ne saurait excéder 3 826,20 €.

La société GP SERVICES fait valoir :

- que le rapport d'expertise G... ne lui est pas opposable,

- que l'autorité de la chose jugée étant limitée aux seules énonciations du dispositif, la cassation intervenue remet en cause le principe même de sa responsabilité,

- qu'en tout état de cause, M. G... ne retient aucune faute à son encontre, qu'elle n'a pas réalisé la pose du fexible d'alimentation en fluide antigel que l'expert estime critiquable, n'étant pas intervenue sur l'installation de sécurité de la cuve qui n'était pas incluse dans son marché,

- qu'elle n'est pas à l'origine du préjudice allégué par l'appelante, la somme de 1 140 € sollicitée au titre d'un préjudice matériel correspondant à des frais irrépétibles au titre du temps passé à la 'gestion du dossier', que le désordre allégué n'a pu provoquer la fermeture de la station service ni justifier des reprises de génie civil ni être source d'un préjudice moral.

Le dispositif de l'arrêt cassé ne comporte aucune disposition expresse quant à la responsabilité conjuguée de la société GP SERVICES et de la société MADIC de sorte que la cassation intervenue sur les condamnations prononcées à l'encontre de ces deux sociétés in solidum remet en cause le principe même de leur responsabilité.

Il ne saurait leur être reproché de n'avoir pas sollicité la nullité du rapport d'expertise dès lors que, n'ayant pas été parties aux opérations d'expertise, cette voie ne leur était pas ouverte.

Un rapport d'expertise judiciaire non contradictoire mais débattu contradictoirement au cours de l'instance peut constituer un des éléments de preuve pris en compte par la juridiction mais ne saurait constituer le fondement exclusif de sa décision.

En l'espèce, la société d'exploitation du garage de la Rossa se fonde exclusivement sur le rapport d'expertise de M. G... pour rechercher la responsabilité conjuguée des sociétés GP SERVICES et MADIC, l'expertise W... portant sur des désordres distincts et ne pouvant servir de complément de preuve à la première.

C'est dès lors par une exacte analyse que le premier juge a retenu que cette expertise ne pouvait servir de fondement exclusif aux demandes de la société d'exploitation du garage ROSSA dirigées contre les sociétés GP SERVICES et MADIC.

La responsabilité des sous-traitants ne peut être recherchée par le maître de l'ouvrage avec lequel ils n'ont pas contracté que sur le fondement d'une faute délictuelle.

Les tiers à un contrat peuvent invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement est directement à l'origine de leur préjudice, un tel manquement constituant en soi une faute délictuelle.

Il ressort du bon de commande souscrit par la société S2D SUD le 28 juillet 2010 que les prestations sous-traitées à la société MADIC consistaient en la pose et la mise en service du matériel de marque [...] consistant en des automates de paiement APL2N, gestion des ventes et monétique Wynd.

La société d'exploitation du garage de la Rossa a fait constater par huissier le 9 décembre 2010 qu'étaient manquants l'écran-client et le tiroir-caisse. Toutefois, il ne ressort pas des pièces contractuelles que la fourniture de ces éléments ait été incluse dans la commande à la société MADIC de sorte que leur absence ne saurait caractériser une défaillance de celle-ci dans l'exécution de son contrat.

S'agissant de la formation, il résulte du document signé des participants en date du 13 octobre 2010 que la formation 'pupitres', 'gestion station' et 'TPV' a été fournie.

Enfin, l'expert G..., qui n'a relevé aucun dysfonctionnement du système informatique, n'impute expressément aucune faute à la société MADIC.

S'agissant des prestations commandées à la société GP SERVICES, il ressort du bon de commande en date du 6 juillet 2010 que celles-ci comportaient la fourniture d'une tuyauterie de remplissage, d'une tuyauterie d'aspiration, d'une tuyauterie d'évent et d'une tuyauterie de récupération de vapeur.

Or il ressort du procès-verbal de constat du 9 décembre 2010 que le flexible présentant un défaut est un flexible de sécurité destiné à permettre le passage d'un liquide de sécurité (antigel) entre les deux enveloppes de la cuve enterrée. Il n'est donc pas établi que ce flexible ait été inclus dans le marché de la société GP SERVICES et que celle-ci ait manqué à son obligation de résultat.

Enfin, l'expert G... n'impute expressément aucune faute de ce chef à la société GP SERVICES dont il n'a pas estimé devoir proposer la mise en cause.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société d'exploitation du garage de la Rossa de ces demandes.

Sur les demandes relatives aux fuites affectant l'installation

Le 3 juin 2014, la société d'exploitation du garage de la Rossa a fermé les pompes en raison de fuites de carburant mises en évidence par l'incohérence entre les bons d'approvisionnement, les quantités annoncées par le système informatique et les données obtenues par jaugeage.

L'expert W... a relevé :

- des défauts d'étanchéité interne de la cuve à carburants fournie par la société CDE,

' au niveau des parois séparatives des compartiments ainsi qu'au niveau de l'enveloppe intérieure, imputables à des défauts de soudure sur les cloisons entre les compartiments de la cuve à l'origine d'un mélange des carburants

' et au niveau de l'enveloppe intérieure, constitués d'un très léger perlement de liquide de détection de fuite,

- des fuites externes à l'installation résultant d'une fente au niveau de l'épaulement de la bride de remplissage en extrémité de la canalisation de dépotage de la cuve 5m3 SP 95, dont il a imputé la responsabilité à la société GP SERVICES, en retenant que la pièce concernée avait été mise en défaut par des effets de contrainte résultant du défaut d'alignement des canalisations.

Il a préconisé la reprise des soudures de la cuve, le remplacement de la bride fuyarde et des canalisations d'évent coupées pour les besoins des investigations de recherche de fuite confiées à la société SLIR.

Il a chiffré le coût des travaux de reprise de la cuve à 6 480 € HT et les travaux de réparation du second désordre à 7 900 € HT.

Il a retenu que l'arrêt de l'exploitation en 2014 était justifié et imputable à parts égales aux deux facteurs en présence, fuite interne et fuite externe, chacun de ces deux facteurs pris séparément justifiant la fermeture de la station-service et chiffré la perte de marge brute consécutive à 1387€ par mois. Il a estimé que la marge brute de l'activité garage, qui devrait être interrompue pendant l'exécution des travaux d'une durée prévisible de cinq jours, était de 520 € par jour.

La société d'exploitation du garage de la Rossa fait valoir :

- que l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY a définitivement jugé que la responsabilité de la société GP SERVICES était engagée, les dispositions non cassées de l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY étant sous-tendues par une déclaration de responsabilité, de sorte que la cour de renvoi n'est saisie que du montant de ses préjudices et que les intimées sont irrecevables à contester leur responsabilité,

- qu'aucune entreprise n'a accepté de prendre la responsabilité d'une simple réparation de la cuve et des tuyauteries défectueuses,

- qu'en l'absence de vérification de la cuve avant et après son installation et alors que les désordres constatés concernaient l'ensemble des soudures, la réfection complète de la station service s'imposait, que le coût de cette opération s'est établi à 77 730,02 € HT,

- que la cassation intervenue l'autorise à formuler des demandes actualisées en fonction de son préjudice réel conformément aux articles 631 et 632 du code de procédure civile,

- que la condamnation in solidum s'impose,

- que la fermeture de la station-service s'est poursuivie du 1er décembre 2015 au 18 juin 2018, soit un préjudice de 40 310 € sur la base de 1 390 € par mois pendant 29 mois, cette somme devant être portée à 46 356 € pour tenir compte de l'accroissement prévisible de son chiffre d'affaires et de sa marge brute par l'effet de la mise aux normes de la station-service,

- que pendant les travaux de remise en état, le garage a été également fermé ce jusqu'au 29 juin 2018 soit une perte d'activité de 60 jours justifiant une indemnité de 33 720 € sur la base d'une perte de marge quotidienne de 562 € par jour,

- qu'il ne saurait lui être reproché de n'avoir pas reconstruit la station avant avril 2018 alors qu'elle était fondée à attendre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY qui n'a statué qu'en octobre 2017, ne disposant pas des moyens financiers pour effectuer les travaux lui permettant de rouvrir la station-service et que la période hivernale en montagne lui interdisait de mettre en route les travaux avant le printemps,

- qu'il existe de nombreux autres distributeurs de carburant dans la vallée située à une quinzaine de kilomètres et que les habitants et les touristes ont pris l'habitude de s'approvisionner ailleurs de sorte que la station service n'a pas atteint les volumes attendus par la mise en place d'un automate.

La société GP SERVICES fait valoir :

- que le désordre affectant la cuve de 5m3 SP 95 est postérieur à son intervention ce que confirme l'absence de constatation de la moindre trace de fuite externe et de casse de la bride avant les opérations expertales du 13 mars 2015 ni lors des contrôles hebdomadaires de l'exploitant, ni par le premier expert, ni par l'huissier mandaté le 24 décembre 2013, ni par les tests d'étanchéité réalisés par la SLIR le 16 janvier 2015,

- que les conclusions de l'expert sur la cause de la rupture de la bride ne permettent pas d'affirmer de façon catégorique que la fuite litigieuse est due à sa prestation de pose,

- que le non alignement avec superposition des tuyauteries existe dans les trous d'homme des autres compartiments à carburant sans qu'il y ait eu de casse, que cette disposition des canalisations ne pose aucun problème ainsi que cela ressort de la documentation technique de son fournisseur et de l'avis technique du cabinet MG CONSULT, que l'expert n'a visé aucune disposition du DTU ni aucun document technique au soutien de ses conclusions, qu'il est en tout état de cause impossible de ne pas superposer et/ou croiser les tuyauteries sur une telle installation de sorte qu'aucune faute de sa part n'est caractérisée,

- qu'en outre la tuyauterie a pu être cassée lors du remblaiement et du compactage réalisés par l'entreprise de génie civil, ou lors de la découpe des tuyauteries par la société SLIR le 12 mars 2015, le bris ayant été constaté immédiatement après,

- que les effets de la cassation ne se limitent pas au montant des indemnités allouées par les dispositions de l'arrêt cassé mais s'étendent au principe même de sa responsabilité, le dispositif de l'arrêt cassé, qui seul a autorité de chose jugée, étant muet sur ce point, de sorte qu'elle reste recevable à contester sa responsabilité,

- qu'en tout état de cause, le remplissage de carburant se faisant par gravitation et non par pression, la fissure de la bride de remplissage n'a pu causer que des fuites mineures et résiduelles et non pas une fuite de 2 000 litres qui en outre aurait nécessairement attiré l'attention beaucoup plus tôt de sorte qu'elle ne saurait être la cause de l'interruption de l'activité de la station-service,

- que la réalisation de l'étanchéité des trous d'homme préconisée par l'expert G... dans son rapport du 21 novembre 2011 aurait permis de détecter immédiatement la fuite et de changer la bride en quelques jours, de sorte que la persistance du préjudice est imputable à la carence du maître de l'ouvrage,

- qu'à supposer qu'elle ait été consécutive à ses travaux, la cassure de la bride aurait dû être identifiée lors du contrôle d'étanchéité incombant à la société AD SERVICES et non réalisé,

- que la société d'exploitation du garage de la Rossa ne peut prétendre mettre à sa charge la réfection de la cuve, s'agissant d'une prestation qu'elle n'a pas fournie,

- que s'agissant des préjudices résultant de la fermeture de la station service, leur charge devrait être à tout le moins divisée à parts égales entre les deux désordres, qu'en outre, la casse de la bride de la seule cuve 5m3 SP95 n'imposait pas la fermeture de la station-service alors que les autres carburants restaient accessibles en particulier le diesel qui représentait 60% des carburants vendus ce qui justifierait une pondération inférieure à la moitié,

- qu'en outre la société d'exploitation du garage de la Rossa n'a déposé son dossier de déclaration d'installation classée que le 13 février 2015 de sorte qu'antérieurement, elle exerçait illégalement,

- qu'elle n'est pas concernée par l'augmentation des demandes de la société d'exploitation du garage de la Rossa, n'étant pas impliquée dans les désordres affectant la cuve elle-même,

- que la tardiveté de la réparation est imputable à la société d'exploitation du garage de la Rossa qui a préféré demander le remplacement de la cuve contre l'avis de l'expert, alors qu'elle aurait pu lancer les travaux de reprise dès le deuxième trimestre 2016,

- que l'appelante ne justifie pas d'un déficit d'image consécutif aux désordres, bénéficiant d'une clientèle captive, qu'en tout état de cause la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY fixant l'indemnité de ce chef à 3 000 € a autorité de la chose jugée faute d'avoir été cassée de sorte que la demande supplémentaire de la société d'exploitation du garage de la Rossa ne saurait prospérer, que l'appelante ne justifie pas plus d'un préjudice moral susceptible de fonder sa demande d'indemnité complémentaire.

La société CDE fait valoir :

- que l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY est définitif sur le montant de l'indemnité de remise en état arrêtée à la somme de 7 900 €, sur le montant des dommages et intérêts pour atteinte à l'image arrêtés à 3 000 € et sur le rejet de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral au motif que la cassation n'a pas porté sur ces dispositions de sorte que la société d'exploitation GARAGE DE LA ROSSA n'est pas fondée à voir porter sa demande de réparation à 77 730 € HT, sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à son image à 20 000 € et à solliciter une indemnité de 10 000 € pour préjudice moral,

- que le défaut d'étanchéité interne de la cuve qu'elle a fournie, s'il n'est pas contestable, aurait dû être identifié lors de l'épreuve d'étanchéité globale incombant à l'installateur avant la mise en service, qu'il n'a en tout état de cause eu d'autre conséquence qu'un mélange de carburant et non une fuite, qu'aucun client n'ayant formulé de réclamation, cette anomalie n'a causé aucun dommage,

- que s'agissant de la fuite externe provenant de la canalisation de dépotage, elle n'en est pas responsable n'ayant pas fourni la bride de remplissage qui s'est rompue,

- qu'il ressort des conclusions de l'expert qu'elle doit garantir les dommages qui lui incombent et répondre par moitié avec la société GP SERVICES des conséquences dommageables de la fermeture de la station-service,

- que les investigations de l'expert judiciaire se sont substituées au certificat d'épreuve puisqu'elles ont permis de vérifier intégralement la cuve et de mettre en évidence les défauts de soudure qui devaient être repris, que ces défauts étaient très ponctuels et de faible gravité s'agissant de simples imperfections de soudure, que l'expert judiciaire a exclu le changement intégral de l'installation et qu'il n'y a aucun argument technique justifiant que les conclusions de l'expert soient écartées,

- qu'elle n'a pas à supporter les conséquences du choix de l'appelante de remplacer la cuve,

- que l'atteinte à l'image est nécessairement limitée, la station-service étant située dans une zone où elle est seule et quasiment sans concurrence de sorte qu'elle bénéficie d'une clientèle captive,

- qu'il a été définitivement statué sur la perte de marge pour l'exercice clos au 30 septembre 2014 et sur la perte de marge jusqu'au 30 novembre 2015, que s'agissant de la perte de marge à compter du 1er décembre 2015, celle-ci doit être retenue sur la base du chiffrage de l'expert et ne prendre en compte la perte de marge de l'activité garage que pendant l'interruption rendue nécessaire par les travaux de reprise de la cuve soit 5 jours,

- qu'elle ne saurait être tenue de la perte de marge au delà du mois de juin 2016, la société d'exploitation du garage de la Rossa ayant été à même à cette date d'avoir fait réaliser les travaux préconisés par l'expert et devant supporter les conséquences de son choix de ne pas y faire procéder, que l'indemnité pour la perte de marge de novembre 2015 à juin 2016 s'établit à 9709,56 €, que la perte de marge au titre de l'activité garage pendant les travaux de reprise s'établit à 520,04 € x 5 = 2 600,20 €.

Selon l'article 624 du code de procédure civile la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation ne laisse rien subsister de la disposition de l'arrêt cassée et remet les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt de sorte que la cour de renvoi est tenue d'examiner tous les moyens soulevés devant elle, quels que soient le ou les moyens qui avaient entraîné la cassation, et qu'aucune autorité de la chose jugée ne s'attache aux éléments de la décision, moyens ayant fait l'objet d'un rejet ou chefs de la décision cassée qui n'avaient pas été expressément critiqués.

Il en résulte que la disposition relative au coût de réparation de l'installation ayant été cassée, la disposition de l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY ne bénéficie sur ce point d'aucune autorité de chose jugée et que la société d'exploitation du garage de la Rossa est recevable à formuler une demande indemnitaire d'un autre montant.

Selon l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent ajouter à leurs demandes soumises au premier juge toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Il en résulte que les demandes de dommages et intérêts sont recevables en ce qu'elles sont le complément de la demande principale.

Les intimées sont irrecevables à contester leur responsabilité dès lors qu'elles ont été définitivement condamnées in solidum à réparer le préjudice d'exploitation du maître de l'ouvrage jusqu'au 30 novembre 2015, ce qui suppose des fautes ayant conduit à un dommage unique.

Toutefois, s'agissant de la réparation du dommage matériel, la disposition ayant été cassée, celle-ci n'a pas autorité de la chose jugée en ce qui concerne l'obligation de réparation in solidum des intimées qui suppose que les manquements de ces dernières, qui sont totalement distincts, soient à l'origine d'un seul et même dommage matériel supposant une mesure réparatoire unique.

Il en va de même s'agissant du préjudice d'exploitation postérieur au 30 novembre 2015, celui-ci étant fonction de l'étendue de l'obligation de réparation respective des intimées.

Il résulte du rapport d'expertise W... que les dommages matériels causés par les défaillances respectives des deux entreprises étaient réparables par des interventions dissociables, l'une sur la cuve elle-même, l'autre sur les canalisations.

S'il retient que, la cuve étant originellement fuyarde, la société CDE avait été défaillante dans la réalisation des mesures d'épreuve préalables à la livraison, l'expert n'en tire pas qu'il était indispensable de procéder à son remplacement.

Il résulte de son rapport que l'étanchéité de la cuve a été intégralement vérifiée par la société SLIR au moyen des dispositifs réglementaires au cours des opérations d'expertise de sorte que la société d'exploitation du garage de la Rossa ne saurait soutenir que le remplacement de la cuve aurait été rendu nécessaire par les incertitudes pesant sur ses soudures.

Il n'est justifié d'aucun élément technique laissant supposer que les reprises préconisées par l'expert seraient insuffisantes.

M. W... n'avait d'autre mission que la recherche de fuites et aucun élément de son rapport ni aucune pièce versée aux débats par la société d'exploitation du garage de la Rossa ne démontrent que la cuve aurait présenté d'autres défauts justifiant son remplacement et non la simple reprise des soudures.

S'agissant de la fuite externe, elle ne justifiait pas plus le remplacement de la cuve mais seulement celui de la bride fuyarde et la reprise des trois canalisations d'évent coupées pour les besoins des investigations du fait du positionnement anormal et du croisement des canalisations dans les cheminées de trous d'homme. L'expert a toutefois admis que les tierces entreprises étaient légitimes à refuser d'intervenir ponctuellement sur des canalisations existantes mais non posées par elles de sorte qu'il convenait d'étendre les reprises à la dépose et au remplacement de la ligne de remplissage de la cuve 5m3 SP 95 et des trois lignes d'évent, y compris les prestations d'amené/repli, balisage, démolition/réfection localisée du dallage béton, pénétration dans les trous d'homme.

Il en résulte que l'appelante n'est pas fondée à obtenir la condamnation in solidum des intimées à l'indemniser du coût de remise en état de la station service.

L'expert a justement tiré de l'absence de toute trace de choc ou d'agression extérieure que la fente affectant la bride de remplissage était intrinsèque à la prestation de la société GP SERVICES et non pas postérieure à son intervention.

S'agissant du positionnement des canalisations dans le trou d'homme, il ressort tant du rapport d'expertise que des photographies de l'installation refaite et des installations de ce type que la superposition et le croisement des diverses canalisations dans les trous d'homme ne sont pas conformes aux règles de l'art de sorte que la faute imputée à la société GP SERVICES est caractérisée.

La cour trouve dans le rapport d'expertise et les factures versées aux débats les éléments lui permettant de fixer les indemnités réparant les dommages matériels, pour ceux imputables à la société CDE, à la somme de 7 480 € HT, incluant une somme de 1 000 € correspondant au coût du contrôle de l'étanchéité par une entreprise spécialisée, et, pour ceux imputables à la société GP SERVICES, à la somme de 7 900 € HT.

S'agissant du préjudice d'exploitation postérieur au 30 novembre 2015, il ne saurait être reproché à la société d'exploitation du garage de la Rossa de n'avoir pas pris d'initiatives pour minorer son préjudice.

Toutefois, au regard de la relative modicité des sommes en jeu et de la faculté d'obtenir sur le fondement des conclusions précises et étayées de l'expert les provisions nécessaires à l'exécution des travaux, il y a lieu de fixer le délai nécessaire à la reprise de l'exploitation à 8 mois à compter du dépôt du rapport.

La cour trouve dans les pièces, notamment comptables, produites par l'appelante, les éléments lui permettant de fixer la perte de marge brute mensuelle sur l'activité de la station-service à 1500 € soit pour 8 mois soit 12 000 € et la perte de marge brute sur l'activité garage pendant la durée des travaux telle qu'estimée par l'expert à 550 € x 5 = 2 750 € soit au total la somme de 14 750 €.

La société d'exploitation du garage de la Rossa justifie de frais d'approvisionnement en carburant exposés pour son activité de garage pendant la fermeture de la station-service pour un montant de 2 097 € au 30 novembre 2015 de sorte qu'il convient de faire droit à ce chef de demande.

La disposition de l'arrêt du 31 octobre 2017 statuant sur l'atteinte à l'image de l'appelante par l'octroi d'une indemnité de 3 000 € a autorité de la chose jugée de sorte que la demande à nouveau formulée de ce chef est irrecevable en l'absence de préjudice d'exploitation postérieur à l'arrêt cassé.

La société d'exploitation du garage de la Rossa ne fait valoir aucun moyen au soutien de sa demande au titre d'un préjudice moral de sorte que sa demande de ce chef doit être rejetée.

Sur la demande de garantie

Les fautes concurrentes des intimées ayant contribué à parts égales aux préjudices immatériels de la société d'exploitation du garage de la Rossa, il convient de faire droit à la demande de garantie formée par la société CDE à l'encontre de la société GP SERVICES à hauteur de 50% des condamnations prononcées in solidum à leur encontre.

Sur les demandes de remboursement des sommes acquittées en vertu de l'arrêt cassé

L'arrêt de la Cour de cassation vaut titre de restitution de toute somme indûment perçue au titre de l'arrêt cassé de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le remboursement des sommes acquittées en vertu des dispositions cassées de l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY.

Sur les demandes accessoires

La société d'exploitation du garage de la Rossa, qui succombe dans ses prétentions d'appel du jugement du 18 septembre 2013, supporte les dépens d'appel et une indemnité de procédure au profit de la société MADIC.

Les sociétés GP SERVICES et CDE qui succombent à titre principal dans le cadre de l'action fondée sur le rapport W..., supportent in solidum les dépens et une indemnité de procédure.

Les frais de constat et les factures SLIR acquittés par la société d'exploitation GARAGE DE LA ROSSA ne constituent pas des dépens comme ne figurant pas dans la liste des frais taxables limitativement énumérée par l'article 695 du code de procédure civile et leur coût sera indemnisé selon ce que commande l'équité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

statuant dans les limites de la cassation,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société d'exploitation du garage de la Rossa à payer à la société MADIC la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Autorise Me LAFFLY à recouvrer directement à son encontre les dépens dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne la société GP SERVICES à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa la somme de 7 900 € en réparation de son préjudice matériel, ce outre intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2017 ;

Condamne la société CDE à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa la somme de 7 480 € en réparation de son préjudice matériel ce outre intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2017 ;

Condamne in solidum la société GP SERVICES et la société CDE à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa :

- la somme de 14 750 € au titre de la perte d'exploitation subie du 1er décembre 2015 au 31 juillet 2016,

- la somme de 2 097 € au titre des frais d'approvisionnement en carburant ;

Déboute la société d'exploitation du garage de la Rossa du surplus de ses demandes et de sa demande au titre d'un préjudice moral ;

Déclare irrecevable la demande au titre d'un préjudice d'image ;

Condamne in solidum la société GP SERVICES et la société CDE à payer à la société d'exploitation du garage de la Rossa la somme de 12 000 € en application de l'artcle 700 du code de procédure civile ;

Les condamne in solidum aux dépens de l'instance sur évocation devant la cour d'appel de CHAMBERY et devant la présente cour, comprenant les frais de l'expertise W... taxés à la somme de 10 332,44 € ;

Dit que dans leurs rapports réciproques la charge définitive des condamnations prononcées in solidum à l'encontre des sociétés GP SERVICES et CDE sera supportée à concurrence de la moitié chacune ;

Condamne en conséquence la société GP SERVICES à relever et garantir la société CDE de ces condamnations à concurrence de 50 % .

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 19/05255
Date de la décision : 19/05/2020

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°19/05255 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-19;19.05255 ?
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