R.G : N° RG 18/04355 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LYLL
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aux parties le
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
AUDIENCE SOLENNELLE
ARRET DU 12 Décembre 2019
Décision déférée à la Cour : Conseil de discipline des avocats de LYON du 16 mai 2018
DEMANDEUR AU RECOURS :
Monsieur [V] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
présent, à l'audience représenté par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON (Toque 475), assisté de Maître Sabine BEDNAR, avocat au barreau de LYON (Toque 951)
DEFENDEURS AU RECOURS :
Monsieur le Bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de LYON, Maître [J] HAMEL
[Adresse 2]
[Adresse 3]
présent à l'audience
Madame LA PROCUREURE GENERALE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
L'affaire a été débattue en audience publique le 24 Octobre 2019, les parties ne s'y étant pas opposées,
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
- Aude RACHOU, première présidente de chambre
- Françoise CARRIER, présidente de chambre
- Florence PAPIN, conseiller
- Annick ISOLA, conseiller
- Laurence VALETTE, conseiller
assistées pendant les débats de Sylvie NICOT, greffière
lors de l'audience ont été entendus :
- Aude RACHOU, en son rapport
- Maître Sabine BEDNAR en sa plaidoirie
- Jean-Daniel REGNAULD, avocat général, en ses réquisitions
- Maître [J] HAMEL, bâtonnier, en ses observations
- Monsieur [V] [N] ayant eu la parole en dernier
Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d'appel le 12 Décembre 2019, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Aude RACHOU, première présidente de chambre , agissant par délégation du premier président, selon l'ordonnance du 2 Septembre 2019 et par Sylvie NICOT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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Par courrier en date du 21 septembre 2017, M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon a saisi le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon d'une poursuite disciplinaire à l'encontre de M. [N] pour des faits de harcèlement sexuel, violation de la vie privée de Mme [X] et attitude discriminatoire.
Par délibération du 27 septembre 2017, le conseil de discipline a désigné Mme [Y] pour procéder à l'instruction des faits.
Par exploit d'huissier en date du 13 avril 2018, M. [N] a été convoqué pour l'audience fixée au 25 avril 2018.
Par décision en date du 16 mai 2018, le conseil de discipline a :
retenu comme constitué l'ensemble des faits reprochés à M. [N],
dit que ces faits constituent un manquement à l'honneur, la dignité et à l'humanité,
prononcé en conséquence à son encontre une peine d'une année d'interdiction d'exercer, dont six mois assortis d'un sursis,
dit que la décision fera l'objet d'une publicité in extenso (sauf à ce que les noms des avocates victimes soient anonymisés afin de les préserver) par affichage dans les locaux des différents ordres composant le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon, ainsi que sur leurs sites internet respectifs pendant la durée de la suspension.
Par courrier recommandé reçu au greffe de la cour d'appel de Lyon le 13 juin 2018, M. [N] a formé un recours contre cette décision.
L'audience prévue le 22 novembre 2018 a été renvoyée au 16 mai 2019 sur demande de M. [N] et sans opposition des parties, puis à l'audience du 24 octobre 2019.
Dans le cadre de son recours, il demande à la cour de :
Vu l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen,
Vu l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme,
Vu les articles 188 et suivants du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, modifié par le décret du 24 mai 2005,
Dire et juger qu'il existe une seule plainte et une audition de Mme [C] et six témoignages versés au dossier, à savoir ceux de Mmes [I], [V], [X], [S], [L] et [T],
Dire et juger que le rapporteur disciplinaire n'a procédé à aucune audition ni confrontation dans le cadre de sa mission, à l'exception de celle de Me [N],
Dire et juger qu'il n'est pas établi par des pièces cotées et paraphées que le rapport disciplinaire établi par Me [F] [Y] ait été déposé dans les délais impartis
Dire et juger que la procédure pénale n'est pas cotée aux pièces du dossier disciplinaire,
Dire et juger que la procédure [X] n'est pas cotée au dossier disciplinaire
Constater que M. le bâtonnier produit une nouvelle pièce AP 2 qui n'a jamais été cotée ni paraphée au dossier disciplinaire qui est manifestement incomplet
Dire et juger que les moyens de nullités soulevés par Me [N] peuvent l'être devant la présente cour,
Constater que Me [B] [R], membre du conseil de discipline, ayant rendu l'arrêté querellé du 16 mai 2018, est un ami de Me [C], [S], [V] et [X] qui ont toutes témoignées contre Me [N] (pièces n° 2 à 4), sans qu'il ait jugé utile de le signaler à la formation de jugement, ni ne se soit déporté,
Annuler le rapport disciplinaire, l'acte de poursuite et la décision du conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon du 16 mai 2018 pour violation de la procédure disciplinaire et des dispositions des articles 6 et 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et subsidiairement des articles 117 et suivants du code de procédure civile,
Annuler le rapport disciplinaire, l'acte de poursuite et la décision du conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon du 16 mai 2018 pour violation des droits de la défense et des dispositions des articles 6 et 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et subsidiairement des articles 117 et suivants du code de procédure civile,
Subsidiairement :
Déclarer les poursuites prescrites,
Plus subsidiairement, pour les cas où les faits allégués de 2001, 2007 et 2011 ne seraient pas considérés comme prescrits, juger que la poursuite de ces faits porte atteinte aux droits de la défense de Me [N] et au principe d'égalité des armes
Consécutivement, rejeter les poursuites fondées sur les faits allégués de 2001, 2007 et 2011,
Déclarer les poursuites irrecevables,
Consécutivement, rejeter les poursuites fondées sur les faits allégués de 2001, 2007 et 2011,
En tous cas :
Constater que Me [N] nie avec la plus grande vigueur les faits qui lui sont reprochés,
Dire et juger qu'aucun fait de ' harcèlement sexuel ' ni aucun ' ensemble de faits ' ne peut être reproché à Me [N],
Dire et juger que Me [N] n'a pas commis de manquement à l'honneur, à la dignité et à l'humanité,
Débouter le bâtonnier de l'ordre des avocats de Lyon des demandes à l'appui de sa citation du 13 avril 2018,
En conséquence, réformer la décision rendue le 16 mai 2018 par le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon,
A titre infiniment subsidiaire :
Modérer la peine eu égard aux faits reprochés.
M. [N] soutient que :
La procédure disciplinaire doit être annulée puisque, d'une part, la conduite de l'instruction a manqué de sérieux dans la mesure où le rapporteur n'a repris que les auditions réalisées dans le cadre de l'enquête déontologique dirigée contre lui en 2013 ainsi que quatre procès-verbaux d'audition devant les services de police en 2015, d'autre part, le principe du contradictoire et les droits de la défense n'ont pas été respectés puisqu'il a été auditionné devant le conseil de discipline sans avoir reçu communication de la procédure déontologique réalisée en 2013 et que l'ensemble des pièces de la procédure pénale ne figure pas au dossier de la procédure disciplinaire.
Un tel moyen de nullité est d'ordre public et donc recevable à tout moment de la procédure.
L'absence de délai à l'écoulement duquel l'action disciplinaire dirigée contre un avocat serait prescrite porte atteinte aux droits de la défense. Tel est le cas en l'espèce et l'action disciplinaire doit donc être dite prescrite.
Les poursuites disciplinaires exercées contre lui sont irrecevables puisque le rapport d'enquête déposé le 28 octobre 2013, dans le cadre d'une action disciplinaire le visant pour les mêmes faits et les mêmes manquements, a déjà conclu à une absence de tout élément permettant de poursuivre cette action.
Les auditions à charge réalisées en 2013 ne concordent pas avec les pièces produites par ses soins (sincères félicitations de Mme [S] pour la naissance de son fils, candidature de Mme [V] pour une collaboration au sein de son cabinet, invitation par Mme [X] à son mariage etc.).
La sanction prononcée se doit d'être proportionnée aux faits commis, ce qui n'est pas le cas d'une mesure d'interdiction d'exercer pendant une année assortie d'un sursis de 6 mois, ni de la mesure de publicité de la décision.
M. le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon demande à la cour de :
Vu l'article 277 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991,
Vu les articles 74 et 112 du code de procédure civile,
Dire et juger que l'action disciplinaire n'est pas prescrite,
Rejeter les exceptions de nullités soulevées par M. [N],
Confirmer la décision rendue par le conseil régional de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon.
Au soutien de ses prétentions, M. le bâtonnier indique que :
Les poursuites disciplinaires ne sauraient être déclarées prescrites puisque le Conseil constitutionnel, statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. [N], a déclaré que la faculté reconnue au procureur général et au bâtonnier de poursuivre un avocat devant le conseil de discipline, quel que soit le temps écoulé depuis la commission de la faute ou sa découverte, ne méconnaît pas, en elle-même, les droits de la défense.
Les exceptions de nullités présentées par M. [N] sont irrecevables puisque, quand bien même elles seraient d'ordre public, elles n'ont pas été soulevées avant les défenses au fond produites devant le conseil de discipline.
Le rapporteur n'avait aucune obligation d'auditionner les personnes déjà entendues dans le cadre de l'enquête déontologique réalisée en 2013. Par ailleurs, le principe du contradictoire a été respecté puisque M. [N] a eu copie du dossier d'instruction à la suite de sa demande. Enfin, il avait la possibilité d'obtenir communication des pièces qu'il dit aujourd'hui manquantes, ce qu'il n'a pas fait.
Si les faits reprochés à M. [N] ne permettent pas de caractériser suffisamment l'infraction de harcèlement sexuel, l'enquête déontologique menée en 2013, l'enquête pénale diligentée à la suite de la plainte de Mme [C] et la décision arbitrale rendue le 21 avril 2016 quant aux faits de violation de la vie privée de Mme [X] et de discrimination à son égard caractérisent un manquement aux principes essentiels de la profession d'avocat, en particulier aux principes de dignité, d'humanité, d'honneur et de délicatesse.
Mme la procureure générale près la cour d'appel de Lyon demande à la cour de confirmer la décision rendu le 16 mai 2018 par le conseil régional de disciplines des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon. Elle soutient que :
Il n'y a plus lieu de surseoir à statuer puisque le Conseil constitutionnel a déclaré la loi du 31 décembre 1971 conforme à la Constitution quant au grief tiré de l'absence de disposition relative à la prescription des poursuites disciplinaires exercées contre les avocats.
La demande de nullité de l'acte de poursuite doit être rejetée puisque celle-ci doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non recevoir, ce qui n'a pas été le cas à l'audience du 25 avril 2018 devant le conseil de discipline.
Il ressort de témoignages multiples et concordants que M. [N] a tenu des propos et eu des attitudes contraire à la délicatesse et à la dignité attendues d'un membre de la profession d'avocat.
A l'audience, les parties ont développé oralement leurs conclusions écrites et régulièrement notifiées.
Le bâtonnier a été entendu en ses observations.
M. [N] a eu la parole en dernier.
Sur ce :
Le 13 février 2013, M. [N] a saisi la commission collaboration du barreau de Lyon au sujet de difficultés rencontrées avec sa collaboratrice, Mme [C].
Celle-ci a saisi le bâtonnier le même jour faisant état de difficultés liées à la rupture de son contrat de collaboration.
Elle informait ce dernier de l'attitude plus qu'équivoque de M. [N] à son égard mais aussi de manière générale à l'égard des femmes.
C'est dans ces circonstances qu'une enquête déontologique était menée à l'encontre de M. [N].
Dans le cadre de cette enquête, étaient entendues :
- Mme [C],
- Mme [L], collaboratrice de M. [N] en décembre 2000,
- Mme [T] (candidature non retenue à l'issue d'un entretien d'embauche fin 2011),
- Mme [S], collaboratrice de M. [N] entre février et avril 2001,
- Mme [V] (stagiaire élève avocate, entretien d'embauche 27 décembre 2011).
Mme [J], désignée pour effectuer l'enquête déontologique, a déposé son rapport le 28 octobre 2013 et concluait à l'impossibilité de caractériser une infraction déontologique.
Le 27 février 2015, Mme [C] a déposé plainte contre M. [N] pour des faits de harcèlement sexuel commis entre le 21 janvier et le 11 février 2013.
Dans le cadre de cette enquête pénale ont été entendus :
- M. [N],
- Mme [C],
- Mme [I] (stagiaire élève avocate début 2007),
- Mme [X], collaboratrice de M. [N] entre mars 2013 et octobre 2014,
- Mme [V].
Le procureur de la République a classé la plainte en septembre 2015, les faits n'étant pas suffisamment caractérisés à ses yeux.
Sur saisine de Mme [X], la bâtonnière a rendu, le 21 avril 2016, une décision relative aux comptes entre les parties lors de la fin du contrat de collaboration entre elle-même et M. [N] et a condamné ce dernier à payer des dommages et intérêts à Mme [X] eu égard aux propos discriminatoires tenus à son égard et à l'atteinte à sa vie privée.
Par arrêt du 28 septembre 2017, la cour d'appel de Lyon a confirmé pour l'essentiel la décision du 21 avril 2016.
C'est dans ces circonstances que le conseil de discipline a été saisi et a rendu la décision déférée le 16 mai 2018.
Sur la nullité des poursuites :
M. [N] conclut à la nullité des poursuites du fait de l'absence d'instruction disciplinaire, du non respect de la contradiction des auditions et de l'absence de pièces au dossier disciplinaire.
Ne s'agissant pas d'exceptions touchant à l'inobservation de règles de fond relatives à la procédure, le bâtonnier est mal fondé à soulever leur irrecevabilité faute d'avoir été soulevée in limine litis.
Il résulte des pièces produites qu'une instruction disciplinaire a été menée, contrairement à ce que conclut M. [N].
En effet, le rapporteur désigné a repris les pièces antérieures de l'enquête déontologique menée en 2013, en a donné connaissance à M. [N] et a entendu ce dernier.
Le dossier a été ensuite coté, aucune disposition n'exigeant du rapporteur qu'il cote d'une manière prédéterminée.
Par ailleurs, l'entier dossier a été coté, la pièce alléguée comme non cotée par M. [N] étant la lettre de transmission du dossier et étant observé que celui-ci ne peut reprocher au rapporteur de ne pas avoir coté des pièces non jointes au dossier, comme notamment les actes de la procédure préliminaire.
Enfin, aucune disposition n'exige que lors de l'instruction, toute personne soit entendue de manière contradictoire l'article189 du décret du 27 novembre 1991 en prévoyant seulement la possibilité.
En définitive, M. [N] reproche au rapport de ne pas être complet et de ne pas contenir l'ensemble des pièces de la procédure d'enquête préliminaire.
Ces reproches ne sont pas de nature à nuire aux droits de la défense ni ne sont attentatoires à ses droits à un procès équitable et ne sauraient entraîner la nullité des poursuites dans la mesure où M. [N] a été entendu et a eu connaissance de l'ensemble des pièces sur lesquelles le conseil de discipline a fondé sa décision.
M. [N] ne peut davantage soutenir que M. [B], membre du conseil de discipline, aurait dû s'abstenir comme étant ' ami ' sur facebook avec Mmes [C], [S], [V] et [X] qui ont témoigné contre lui dès lors que le terme d'ami employé pour désigner les personnes qui acceptent d'entrer en contact par un réseau social ne renvoie pas à des relations d'amitié au sens traditionnel du terme et que le seul fait que M. [B] soit « ami » sur la page facebook des quatre personnes susnommées ne permet pas d'établir l'existence d'une amitié notoire entre eux.
Il convient donc de le débouter de sa demande en nullité des poursuites disciplinaires.
Sur la prescription :
M. [N] conclut à la prescription des faits qui lui sont reprochés, cette prescription devant être examinée au regard des droits de la défense.
Mais dans la décision 2018-738 du 11 octobre 2018, le Conseil Constitutionnel a jugé que :
la faculté reconnue au procureur général ou au bâtonnier, par les dispositions contestées, de poursuivre un avocat devant le conseil de discipline, quel que soit le temps écoulé depuis la commission de la faute ou sa découverte ne méconnaît pas, en elle-même, les droits de la défense. Le grief tiré de leur méconnaissance doit être écarté.
En conséquence, la fin de non recevoir tirée de la prescription sera rejetée.
Sur l'irrecevabilité de la poursuite disciplinaire :
M. [N] soutient que la poursuite est irrecevable le bâtonnier de 2013 ayant décidé de ne pas exercer l'action disciplinaire.
Cette décision constitue un non lieu à poursuite.
Mais il convient de rejeter cette irrecevabilité, étant rappelé que la procédure est soumise aux règles de la procédure civile, l'avocat général soutenant en outre en tout état de cause avec justesse qu'un classement sans suite est toujours révocable.
Sur les faits reprochés :
* sur les faits de harcèlement sexuel
En l'espèce, il est constant qu'une enquête déontologique dans le cadre du conflit opposant M. [N] et Mme [C] a été effectuée en 2013 aux termes de laquelle l'avocat chargé de cette enquête a conclu ' à une absence de tout élément permettant d'aller au delà. '
Par courrier du 21 septembre 2017, la bâtonnière du barreau de Lyon a saisi le conseil de discipline des barreaux du ressort de la cour d'appel de Lyon d'une poursuite disciplinaire à l'encontre de M. [N].
Par délibération du 27 septembre 2017, Mme [Y] a été désignée pour procéder à l'instruction des faits reprochés à M. [N].
Mme [Y] a déposé son rapport le 26 mars 2018.
M. [N] a été entendu dans le cadre de cette instruction le 19 mars 2018.
Il est constant qu'aucune enquête déontologique n'a été effectuée antérieurement à cette instruction, la cour observant qu'en définitive le rapporteur a repris in extenso les éléments de l'enquête de 2013 sans procéder à une actualisation ni s'interroger sur une évolution de la situation depuis 2013 pas davantage que sur la survenance de nouveaux faits et/ou témoignages alors que les faits dénoncés, objet de l'instruction, ont été étendus à d'autres avocates et collaboratrices.
Eu égard à l'ancienneté des investigations, M. [N] ayant été entendu par le rapporteur sur les déclarations faites par les avocates ou collaboratrices en 2013 qui n'ont pas été entendues à nouveau, à l'extension des faits reprochés, à l'absence de confrontation, il convient d'infirmer la décision et de dire n'y avoir lieu à sanction de ce chef, les faits étant insuffisamment caractérisés.
* sur la violation de la vie privée
M. [N] a été condamné par arrêt définitif de la cour d'appel de Lyon du 28 septembre 2017 pour avoir utilisé dans le cadre d'un litige avec Mme [X] un document bancaire personnel L'utilisation et la production d'un tel document, à l'insu de celle-ci, constitue une atteinte à la vie privée.
La décision qui a retenu un manquement aux principes de dignité, d'honneur et de délicatesse régissant la profession d'avocat sera confirmée.
* sur l'attitude discriminatoire
M. [N] a été condamné par arrêt définitif de la cour d'appel de Lyon du 28 septembre 2017 pour avoir proféré des propos discriminatoires à l'égard de Mme [X] en lui disant ' je conçois aisément que la naissance intervenue et votre état précédent celle-ci ces dernières semaines ait pu perturber votre appréciation. '
La décision qui a retenu un manquement aux principes de dignité, d'honneur et de délicatesse régissant la profession d'avocat sera confirmée.
Eu égard aux faits retenus à l'encontre de M. [N], à la gravité de son comportement vis à vis d'une jeune avocate qui débutait dans la profession et à ses propos discriminatoires et déplacés, il sera condamné à une peine de six mois d'interdiction d'exercer dont deux mois avec sursis avec publicité de la décision.
Par ces motifs
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Infirme la décision déférée en ce qu'elle a retenu comme constitués les faits de harcèlement sexuel et prononcé à l'encontre de M. [N] une peine d'une année d'interdiction d'exercer dont six mois assortie d'un sursis
et statuant à nouveau,
Dit les faits de harcèlement sexuel insuffisamment caractérisés,
Prononce à l'encontre de M. [N] une peine d'interdiction d'exercer de six mois dont deux mois assortie d'un sursis,
Confirme la décision déférée pour le surplus,
Condamne M. [N] aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT