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19/11/2019 | FRANCE | N°17/00225

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 19 novembre 2019, 17/00225


N° RG 17/00225 - N° Portalis DBVX-V-B7B-KZDR









Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond du 05 décembre 2016



RG : 14/03396

chambre civile





SCI SCI MVM



C/



[V]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 19 Novembre 2019







APPELANTE :



La SCI MVM prise en la per

sonne de ses co-gérants en exercice, M. et Mme [D] [J], domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me David PAYET-MORICE, avocat au barreau de LYON, toque : 1358









INTIME :



M. [K] [V]

né le [Date naissanc...

N° RG 17/00225 - N° Portalis DBVX-V-B7B-KZDR

Décision du

Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE

Au fond du 05 décembre 2016

RG : 14/03396

chambre civile

SCI SCI MVM

C/

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 19 Novembre 2019

APPELANTE :

La SCI MVM prise en la personne de ses co-gérants en exercice, M. et Mme [D] [J], domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me David PAYET-MORICE, avocat au barreau de LYON, toque : 1358

INTIME :

M. [K] [V]

né le [Date naissance 1] 1929 à [Localité 2] (01)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Christian DA SILVA, avocat au barreau de LYON, toque : 212

******

Date de clôture de l'instruction : 01 Octobre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Octobre 2019

Date de mise à disposition : 19 Novembre 2019

Audience tenue par Florence PAPIN, président, et Laurence VALETTE, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Laurence VALETTE a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Florence PAPIN, conseiller

- Laurence VALETTE, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

La SCI MVM est propriétaire d'une parcelle cadastrée AD [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 3] (Ain).

M. [K] [V] est propriétaire de diverses parcelles sur la même commune.

Estimant que le mur de clôture de la propriété de la SCI MVM empiète sur sa parcelle D [Cadastre 2], M [K] [V] a fait appel à M. [C] [F], géomètre expert, qui a effectué un relevé sur son terrain.

Par acte du 9 octobre 2014, M. [K] [V] a fait assigner la SCI MVM devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse afin d'obtenir, au visa des articles 544 et 545 du code civil, la condamnation de la SCI MVM à supprimer, sous astreinte, l'empiétement de ce mur de clôture et à remettre les lieux en l'état antérieur, ainsi que sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts, et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En cours de procédure, M. [K] [V] a substitué à sa demande initiale, un demande tendant à ce que la SCI MVM soit condamnée à supporter le coût de suppression de l'empiétement à hauteur de 16 674 euros.

Par jugement du 5 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a :

- déclaré l'action de M. [K] [V] recevable et bien fondée,

- condamné la SCI MVM à payer à M. [K] [V] la somme de 16 674 euros au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée sur la base de l'indice BT01 de la construction 'à compter du dépôt du rapport d'expertise' jusqu'au jour du jugement, puis intérêts au taux légal à compter de cette date,

- débouté M. [K] [V] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la SCI MVM à payer à M. [K] [V] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI MVM aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat de la partie adverse.

Par déclaration du 10 janvier 2017, la SCI MVM a interjeté appel.

Au terme de conclusions notifiées le 16 juin 2019, la SCI MVM demande à la cour de :

- dire et juger l'appel recevable et bien fondé,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] [V] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive et de sa demande tendant à ce que les frais du géomètre soient compris dans les dépens,

- réformer le jugement déféré pour le surplus,

- rejeter les demandes de M. [K] [V] pour défaut de qualité,

- à titre subsidiaire, rejeter les demandes de M. [K] [V] comme étant infondées,

- à titre infiniment subsidiaire, désigner tel expert qu'il plaira à l'effet de se rendre sur les lieux du litige, de dire s'il y a ou non empiétements, le cas échéant de les décrire, et de prescrire et évaluer les travaux propres à y remédier,

- à titre très infiniment subsidiaire,

* accorder un délai de deux mois à la SCI MVM pour procéder à la suppression des empiétements en litige ;

* enjoindre à M. [K] [V] de permettre l'intervention sur sa propriété de la SCI MVM et de tout entrepreneur de son fait ;

* rejeter les demandes de M. [K] [V] tendant à voir condamner la SCI MVM à lui payer le montant des travaux nécessaires à la remise en état des lieux et a fortio la somme de 16 674 euros TTC alléguée ;

- en tout état de cause, rejeter les demandes de M. [K] [V] pour résistance abusive, dépens, frais irrépétibles et frais de géomètre,

- condamner M. [K] [V] à lui payer les sommes de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] [V] aux dépens de première instance et d'appels distraits au profit de Maître David PAYET-MORICE, avocat, sur son affirmation de droit.

Au terme de conclusions notifiées le 11 avril 2019, M. [K] [V] demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts et de sa demande tendant à ce que les frais de géomètre soient compris dans les dépens,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- rejeter l'ensemble des demandes de la SCI MVM y compris sa demande d'expertise,

- en réformation du jugement, condamner la SCI MVM à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamner la SCI MVM à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI MVM aux entiers dépens d'instance, comprenant ceux de première instance et d'appel ainsi que les frais de géomètre expert pour un montant de 780,60 euros TTC, dépens distraits au profit de Maître Christian DA SILVA, avocat, sur son affirmation de droit.

Il précise que la SCI n'a pas exécuté le jugement déféré.

MOTIFS

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte'.

Sur la qualité pour agir de M. [V]

La SCI MVM fait valoir :

- qu'à défaut de justifier de sa propriété, M. [K] [V] n'a pas qualité pour agir sur le fondement des articles 544 et 545 du code civil,

- que le titre de propriété qu'il communique ne vise ni la parcelle D [Cadastre 2] ni les parcelles D [Cadastre 3] et D [Cadastre 4],

- que le relevé de formalités hypothécaires et l'attestation notariée sont des éléments insuffisants pour justifier de la qualité à agir de M. [V] ; que l'attestation ne porte que sur les parcelles D [Cadastre 3] et D [Cadastre 2] ; que le relevé hypothécaire n'est pas un titre juridique et suppose une mise à jour régulière par la publication des actes translatifs de droits de propriété.

M. [V] répond :

- qu'il est propriétaire de la parcelle D [Cadastre 2] qui subit l'empiétement en cause ; qu'il est propriétaire d'autres parcelles contiguës, à savoir les parcelles D [Cadastre 3] et D [Cadastre 4] ; qu'il a sur ces parcelles, sa résidence principale et un grand hangar dans lequel, menuisier toute sa vie, il a entreposé une importante réserve de bois de menuiserie,

- qu'il a acquis la parcelle D [Cadastre 2] par acte authentique du 19 février 2003 instrumenté par Maître [Q], notaire,

- que l'attestation de propriété et le certificat du Service de la publicité foncière de [Localité 4] attestent de sa qualité de propriétaire sur cette parcelle,

- que sa qualité de propriétaire ressort également de l'expertise judiciaire effectuée contradictoirement par M. [O],

- que la SCI ne lui a jamais contesté cette qualité.

Il est constant que les parcelles contiguës en cause sont les parcelles D [Cadastre 1], propriété de la SCI MVM, et D [Cadastre 2] qui est en forme de long et étroit triangle entre les parcelle D [Cadastre 1] et D [Cadastre 4].

M. [V] auquel appartient la charge de la preuve de sa qualité à agir en tant que propriétaire de la parcelle D [Cadastre 2], communique les éléments suivants :

- une attestation de Maître [X] [Q], notaire associé à [Localité 5], qui certifie et atteste avoir reçu le 19 février 2003 la vente par Mme [Z] au profit de M. [K] [V], né à [Localité 2] le [Date naissance 1] 1929, un terrain à [Adresse 3], terrain cadastré D [Cadastre 3] (2a 02 ca) et D [Cadastre 2] (88ca) ;

- un relevé des formalités publiées du 1er janvier 1964 au 22 janvier 2014 délivré le service de la publicité foncière de [Localité 4], confirmant l'attestation du notaire en ce qu'elle désigne '[V] né le [Date naissance 1] 1929' comme bénéficiaire pour les parcelles D [Cadastre 3] et D [Cadastre 2] (issues de la division de la parcelle D [Cadastre 5] en D [Cadastre 6] à [Cadastre 1]) ;

- le plan d'état des lieux figurant dans le rapport d'expertise judiciaire établi contradictoirement le 3 octobre 2006 par M. [P] [O], expert judiciaire désigné le 16 août 2005 dans le cadre d'un précédant litige opposant d'une part M. [K] [V] et son épouse et, d'autre part M. [M] [V] et son épouse (propriétaires de la parcelle D [Cadastre 6]), à la SCI MVM, ainsi que le plan du terrain figurant en annexe du rapport d'expertise, dont il ressort que M. [K] [V] est propriétaire de la parcelle D [Cadastre 2] ainsi que des parcelles contiguës [Cadastre 4] et [Cadastre 7],

- un plan référencé 07029 le 13 avril 2007 par la SCP [U], géomètres, dans le cadre d'une expertise entre M. [K] [V] et la commune de [Localité 3], où la parcelle [Cadastre 2] d'une surface de 88 m2, est désignée comme ayant été cédée à M. [K] [V].

Ces éléments sont suffisants pour établir la qualité de propriétaire de M. [K] [V] sur la parcelle D [Cadastre 2], objet du litige et donc sa qualité à agir pour cause d'empiétement sur cette parcelle.

Sur la demande principale

M. [K] [V] fait valoir :

- que la SCI MVM a commis un empiétement sur sa parcelle D [Cadastre 2],

- qu'il a missionné M. [C] [F], géomètre, expert judiciaire depuis des années et homme de l'art chevronné dont la compétence est reconnue ; que ce dernier a constaté les empiétements et a établi le 14 janvier 2014 un plan de ces empiétements au centimètre près ; qu'il vise un document d'arpentage d'octobre 2002 repris le 13 avril 2007 par la SCP [U], géomètres experts ; que les bornes dont il a constaté l'emplacement ne subissent aucun mouvement ni modification car il a mesuré à nouveau les trois côtés de la parcelle en forme triangle, soit 86,23 m, 86,11 m et 2,05 m ;

- que la SCI MVM est de mauvaise foi lorsqu'elle prétend que ce travail serait insatisfaisant;

- que l'empiétement est de 3,70 m2 ; que tout empiétement même minime doit être supprimé ; qu'il est en droit au visa des articles 544 et 545 du code civil d'en solliciter la suppression et la remise des lieux dans l'état antérieur aux frais de la SCI MVM ;

- que l'entreprise BRUNET TP qu'il a sollicité pour établir un devis, s'est déplacée sur les lieux et a pris en compte la totalité des difficultés et des obstacles dont la présence de hangars dans lesquels il y a beaucoup de bois et des plaques de tôle à déposer et reposer ; que son devis d'un montant de 16 674 euros prouve que les travaux à entreprendre pour supprimer les empiétements sont des travaux importants ;

- que le devis du 5 janvier 2015 communiqué par la SCI a été établi par la société VAGALEAU qui ne s'est jamais déplacée sur les lieux ; qu'il n'a jamais été contacté pour laisser passer un représentant de cette société ; que le devis de cette entreprise missionnée par la SCI prévoit un 'piquage du béton débordant des fondations au pied du mur, du côté du voisin, évacuation des gravats en décharge...' ; qu'il est donc bien fondé à solliciter que cette évaluation soit considérée comme un aveu de l'empiétement commis par la SCI MVM ; que les deux autres devis communiqués par la SCI MVM ont été établis par des entreprises qui n'ont jamais demandé le passage chez lui et ne se sont donc manifestement pas déplacées ; qu'aujourd'hui, il est prêt à recevoir les entrepreneurs pour leur montrer les travaux à effectuer en vue de leur évaluation ;

- qu'il ne fait confiance ni à la SCI MVM qui a toujours résisté à reconnaître les droits de son voisin et qui n'a pas respecté son obligation d'implanter une haie le long de la limite divisoire, ni à l'entreprise VAGALEAU qui ne s'est jamais déplacée ; qu'il est donc bien fondé à solliciter le rejet des demandes subsidiaires d'autorisation d'exécuter les travaux ;

- que le comportement de la SCI MVM qui est de mauvaise foi, justifie sa demande de dommages-intérêts.

La SCI MVM fait valoir :

- que les éléments versés aux débats ne permettent pas de caractériser les empiétements,

- que le relevé de géomètre de M. [F] n'a pas été dressé de manière contradictoire ; qu'il fait état d'empiétements localisés et minimes non pas du mur mais de la semelle de fondation ; que ces empiétements sont rapportés sur un plan à très grande échelle avec marge d'erreur et de tolérance conduisant à une grande incertitude et imprécision ; qu'il y a lieu de prendre en compte les tolérances techniques liées à la construction d'ouvrage ;

- que le relevé de M. [F] ne permet pas d'attester de l'emplacement de la limite séparative ; qu'il n'a travaillé qu'à partir d'un 'plan d'archive' du cabinet [P] d'octobre 2002 qui constituerait selon lui un plan de division de la propriété d'origine commune 'constituant la loi entre les voisins', plan de division 2001-7335 et 2006-9430, par un relevé terrestre au tachéomètre électronique ; mais que le seul document versé aux débats par M. [V] est un plan du terrain avant travaux n°2001 7335 sur lequel figure la mention de l'intervention de la SCP [U] dans une instance opposant M. [K] [V] à la commune ; que ce document qui n'est pas signé par la SCI MVM, ne constitue ni un arpentage ni un bornage amiable ou judiciaire ; qu'il s'agit d'un plan de relevé altimétrique du terrain naturel,

- que l'expertise de M. [O] porte sur un autre litige ; pas sur le mur séparatif en cause ;

- à titre infiniment subsidiaire, que le montant des travaux de remise en état allégué par M. [V] et retenu par le tribunal est injustifié et disproportionné ;

- que selon M. [F], il ne serait question que d'empiétements localisés et très minimes en quelques points épars le long de la limite de propriété ; que leur profondeur n'est pas mentionnée ; qu'il ne s'agit que de coulures de béton pouvant aisément être supprimées ;

- que le devis de la SAS BRUNET TP n'a pas été établi de manière contradictoire ; que M. [K] [V] a modifié ses prétentions - en sollicitant la condamnation de la SCI MVM à lui payer le montant des travaux chiffrés par cette société - en même temps qu'il versait au débats le devis de cette société ;

- qu'il n'est pas justifié des plantations et des ouvrages qui justifieraient dans le devis de la SAS BRUNET TP les frais d'étude, de transfert de matériel, de déboisage/dessouchage, d'évacuation et de remise en place de l'ensemble du contenu d'un hangar à bois, de dépose et repose de tôles, de plantations ;

- que les attestations versées aux débats par M. [V] font état de la présence de planches de menuiseries entreposées et de tôles posées contre la clôture alors qu'il s'agit d'un capharnaüm de tôles rouillées totalement inesthétiques et apposées sans aucun droit ni autorisation contre le mur appartenant à la SCI MVM, et en débord sur sa propriété ; que M. [V] n'a aucune légitimité à invoquer ces objets qu'il a installés sans l'accord de la SCI MVM et qui sont totalement contraires à l'esthétique imposée sur la commune pour la réalisation des clôtures et qu'il lui appartient de supprimer définitivement lui-même et à ses frais, la SCI se réservant de poursuivre en justice si nécessaire ; .

- que les autres postes du devis sont surévalués ;

- que la SCI MVM dispose d'un devis de 2015 pour le piquage des débords de fondation et remise en place des terres de 1 450 euros HT ; qu'elle a sollicité deux autres devis en juin et juillet 2017 auprès de deux autres entreprises qui proposent une intervention comprise entre 1 995 et 2 305 euros HT ; que le tribunal ne disposait d'aucun élément pour considérer que ce devis aurait été établi 'sans examen minutieux de l'ouvrage' et alors que 'l'entreprise n'aurait pas été autorisée à passer par la parcelle de M. [V]', étant relevé que s'agissant de fondations d'un muret de clôture composé de deux rangs de parpaings et d'un grillage, les travaux nécessaires à la suppression de quelques centimètres de fondations peuvent parfaitement être appréciés depuis l'extérieur de la propriété de M. [V] ; que les photographies versées aux débats montrent qu'il est parfaitement aisé d'examiner la configuration des lieux depuis la propriété de la SCI MVM, les trois entreprises consultées prévoient d'ailleurs d'intervenir depuis cette propriété en déposant le grillage ; que le constat d'huissier du 15 juillet 2010 communiqué par M. [V] montre qu'il y a un espace d'au moins 50 cm entre le mur de clôture séparatif et sa haie ;

- que la jurisprudence la plus récente rappelle que le rétablissement d'une construction dans ses limites ne suppose que la suppression des seuls éléments empiétant, comme l'arasement d'un débord ou le grattage d'un enduit ;

- à titre infiniment subsidiaire, que les aspects techniques de cette affaire et ses enjeux disproportionnés méritent une expertise ; que c'est par erreur que le tribunal a prescrit l'actualisation du devis de la SAS BRUNET TP sur la base de l'indice BT01 de la construction à compter du dépôt du rapport d 'expertise alors que la présente affaire n'a jamais fait l'objet d'une expertise ; que le tribunal a fait une confusion entre la présente affaire et une affaire précédente ayant donné lieu au rapport de M. [O],

- qu'en outre, l'application des articles 544 et 545 du code civil ne peut tendre qu'à voir ordonner la suppression des empiétements à la charge de leur auteur, non à la condamnation de celui-ci à payer des travaux de remise en état qui sont, au surplus, non vérifiés contradictoirement ; que la SCI MVM n'aurait aucun moyen de vérifier l'affectation des sommes réclamées à la remise en état,

- qu'à titre très infiniment subsidiaire, pour en finir simplement dans cette affaire, la SCI MVM ne serait pas opposée, sur le principe, à procéder à la suppression des empiétements dans un délai de l'ordre de deux mois pour consulter des entreprises et organiser une intervention sur site,

- que la situation ne présente aucune gravité ni aucune urgence et que M. [V] ne subit aucun préjudice le mur ayant été construit il y a plus de dix ans sans qu'il ne s'en plaigne ; qu'il s'oppose sans raison à l'intervention de la SCI MVM sur sa propriété et n'a pas répondu à la proposition amiable formée par cette dernière le 21 mai 2015 sans aucune reconnaissance quelconque mais pour en finir avec cette affaire aux enjeux disproportionnés;

- que M. [F] et M. [O] ont relevé le comportement anormal de M. [V] qui s'oppose sans raison à ce que la SCI MVM pénètre chez lui ; que l'opposition d'un propriétaire à l'intervention temporaire nécessaire à la réalisation des travaux constitue un abus de droit ; qu'ainsi, à titre très infiniment subsidiaire, M. [V] se verra enjoindre d'autoriser l'intervention de la SCI MVM ou de tout entrepreneur du fait de celle-ci, sauf à devoir supporter les conséquences de son opposition injustifiée ;

- que la SCI MVM n'a jamais été sollicitée par M. [V] avant le procès ; que ce dernièr n'a pas répondu à la proposition amiable du 21 mai 2015 ; qu'il ne saurait donc être fait droit à sa demande de condamnation pour résistance abusive ; que M. [V] n'est en réalité guidé que par un intérêt financier, tentant, au prétexte d'une action aux fins de suppression d'un empiétement, d'obtenir le paiement d'une indemnité exorbitante dont il maîtrisera seul l'utilisation ; qu'il produit, dans la présente instance, des documents relatifs à d'autres litiges plus anciens qu'il aurait eus avec la SCI MVM, ainsi que des documents relatifs à un autre litige qui ne le concerne aucunement puisqu'il concerne M. [M] [V] et son épouse, dans le seul but de tenter de décrédibiliser la SCI MVM aux yeux de la cour ;

- que M. [V] est le seul responsable de cette procédure abusive.

Aux termes des articles 544 et 545 du code civil, nul ne peut être contraint de subir un empiétement sur sa propriété.

En l'espèce, pour retenir l'existence d'empiétements, le premier juge s'est basé sur le courrier en date du 7 mars 2014 que M. [C] [F], géomètre sollicité par M. [K] [V], a adressé à ce dernier.

Dans ce courrier, M. [F] rappelle dans un paragraphe intitulé 'Rappel de la mission' le contexte conflictuel des relations de voisinage entre M. [K] [V] et la SCI MVM, l'existence d'une procédure antérieure, et cite un passage de l'expertise judiciaire de M. [O] du 3 octobre 2006 diligentée dans le cadre de cette précédente affaire qui ne concernait pas le mur de clôture en cause dans le présent litige ni même d'ailleurs M. [K] [V] en premier lieu mais M. [M] [V].

C'est donc à tort que le premier juge a pris en compte des éléments de cette expertise judiciaire de M. [O] pour asseoir sa décision sur l'empiétement reproché à la SCI MVM dans le cadre du présent litige.

Il ressort clairement du courrier de M. [F], géomètre, qu'il est intervenu en janvier 2014 à la demande de M. [V], 'à titre d'expert amiable', pour 'mettre en évidence les empiétements des semelles d'un mur de clôture construit par votre voisin', et qu'il a procédé à des relevés par sondage sans que la SCI MVM ne soit informée et associée à la démarche. Le travail et l'avis de M. [F] ne sont donc pas contradictoires.

Cet absence de caractère contradictoire n'est toutefois pas, à lui seul, de nature à priver le courrier de M. [F] de tout caractère probant.

M. [F] a constaté que :

'Le muret pour sa partie principale est construit en totalité sur la propriété de la SCI MVM.

Par contre sur 5 sondages, où la fondation était visible ou perceptible, les empiétements suivants ont été observés par rapport à la limite théorique AB, (le parement du mur étant légèrement en recul de la limite de propriété et ne pose donc pas lui de difficultés.)

Au point E1, la semelle filante du mur empiète de 6,5 cm

Au point E2, la semelle filante du mur empiète de 3 cm

Au point E3, la semelle filante du mur empiète de 1,5 cm

Au point E4, la semelle filante du mur empiète de 3 cm

Au point E5, la semelle filante du mur empiète de 7 cm'.

Il a établit un plan à l'échelle 1/100ème, intitulé 'Plan topographique /Etat des lieux au 14 janvier 2014/ Plan des empiétements' sur lequel figurent les différents points d'empiétement.

Il indique expressément que ce plan a été effectué à partir de la propriété de M. [V] et 'par superposition d'un plan d'archive d'octobre 2002 qui existait' et qui est 'un plan de division de la propriété d'origine commune 'constituant la loi entre les voisins', plan de division 2001-7335 et 2006-9430, par un relevé terrestre au tachéomètre', plan établi à l'échelle 1/200ème.

Il s'avère que c'est lui qui a établi ce plan d'archive d'octobre 2002.

La 'limite théorique AB' est délimitée par des bornes OGE.

M. [F] précise ensuite l'erreur probable et la tolérance de ses mesures en différenciant le plan d'origine établi au 1/200 ème et le sien au 1/100 ème.

Il n'est précisé dans ce courrier qu'une seule mesure de chaque empiétement relevé. Il ressort de l'examen du marquage de chacun d'eux qu'il s'agit manifestement de leur longueur (pas de leur largeur ou de la profondeur) de sorte qu'il n'est pas permis de calculer l'épaisseur et la superficie de ces empiétements.

Il ressort de ces éléments que les empiétements relevés par M. [F] sont limités mais bien réels.

L'action de M. [K] [V] est donc fondée.

M. [K] [V] qui a fait le choix du constat unilatéral plutôt que contradictoire et de faire procéder à des sondages, ne peut pas demander plus que ce qui correspond à la suppression des points d'empiétement. M. [F] n'indique pas avoir dû déplacer quoique ce soit pour procéder aux sondages et repérer les empiétements dont il fait état.

Le devis de l'entreprise BRUNET est manifestement disproportionné aux travaux à entreprendre.

S'agissant d'empiétements de la semelle du mur et sur la base des éléments de chiffrage fournis par les différents devis, il convient de faire partiellement droit à la demande de M. [V] en condamnant la SCI MVM à lui régler la somme de 500 euros au titre des travaux à entreprendre pour y remédier.

Il n'y a pas lieu d'indexer cette somme qui portera intérêt au taux légal à compter du 5 décembre 2016, date du jugement.

Sur les demandes accessoires

C'est par de justes et pertinents motifs que la cour adopte que le premier juge a débouté M. [K] [V] de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Au vu du sort réservé à la demande principale de M. [K] [V], la SCI MVM ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de la SCI MVM et en ce qu'il a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'intégrer les honoraires de M. [F] dans les dépens.

Il n'y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni pour la première instance ni pour l'appel. Le jugement sera réformé sur ce point.

Il convient de laisser à chaque partie qui succombe partiellement dans ses demandes, la charge des dépens qu'elle a engagés en appel. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCI MVM à payer à M. [K] [V] :

- la somme de 16 674 euros au titre des travaux de reprise, cette somme étant actualisée sur la base de l'indice BT01 de la construction 'à compter du dépôt du rapport d'expertise' jusqu'au jour du jugement, puis intérêts au taux légal à compter de cette date,

- la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Condamne la SCI MVM à payer à M. [K] [V] la somme de 500 euros au titre des travaux de reprise des empiétements, avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2016 ;

Déboute M. [K] [V] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la SCI MVM de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des frais et dépens par elle engagés en cause d'appel et n'y avoir lieu de statuer sur leur recouvrement par leurs mandataires.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 17/00225
Date de la décision : 19/11/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°17/00225 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-19;17.00225 ?
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