La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2019 | FRANCE | N°17/07686

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 21 mai 2019, 17/07686


N° RG 17/07686 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LKOX














Décision du


Tribunal de Grande Instance de LYON


Au fond du 21 septembre 2017





RG : 14/01405


ch n°9 cab 09 G














SA SOCIÉTÉ GENERIM





C/





SARL RICHERENCHES IMMOBILIER ET ASSOCIES








RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE LYON
>



1ère chambre civile B





ARRET DU 21 Mai 2019











APPELANTE :





La société GENERIM, société anonyme, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège [...]


[...]





Représentée par la SELARL LEGA-CITE, avocats au barreau de LYON




...

N° RG 17/07686 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LKOX

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 21 septembre 2017

RG : 14/01405

ch n°9 cab 09 G

SA SOCIÉTÉ GENERIM

C/

SARL RICHERENCHES IMMOBILIER ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 21 Mai 2019

APPELANTE :

La société GENERIM, société anonyme, représentée par ses dirigeants légaux en exercice domiciliés en cette qualité audit siège [...]

[...]

Représentée par la SELARL LEGA-CITE, avocats au barreau de LYON

INTIMÉE :

La société RICHERENCHES IMMOBILIER ET ASSOCIES, SARL, représentée par son gérant

[...]

Représentée par la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Février 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Avril 2019

Date de mise à disposition : 21 Mai 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Par un courrier du 16 avril 2010, la société Générim a fait une offre d'achat à la société OCP Répartition, maison mère de la société CABI, se proposant d'acquérir un ensemble immobilier lui appartenant, sis [...] pour la somme de 2750000 € HT, «sous les conditions suspensives habituelles suivantes :

- renonciation ou non exercice par tout autorité étant titulaire du droit de préemption,

- état hypothécaire hors formalité levé sur le terrain vendu,

- permis de construire purgé de tout recours administratif.»

La société CABI a fait part de son accord en apposant au bas de cette lettre la mention «bon pour accord».

Ce courrier ne mentionne aucun délai de signature du compromis ou de l'acte notarié.

Par lettre du 8 juin 2010, la société Générim a exposé à la société CABI qu'une signature de l'acte authentique serait réalisable au mois d'avril 2011, compte-tenu des délais d'obtention du permis de construire.

Par lettre du 15 juin 2010 adressée à la société CABI , la société Générim a indiqué :

«Nous faisons suite à notre entretien d'hier en vos bureaux de Saint-Ouen et vous remercions pour l'accueil que vous nous avez réservé.

Nous avons bien noté votre exigence quant à la signature de l'acte authentique au plus tard le 31 décembre 2010. Nous vous confirmons que nous seront prêts pour cette date. (...)».

La société CABI a apposé au bas de cette lettre la mention «bon pour accord» en précisant seulement :

«A la signature de la promesse de vente, nous vous demanderons de verser une indemnité d'immobilisation du bien, à hauteur de 10% du prix de vente. »

Par un courrier du 6 juillet 2010, la société CABI a écrit à la société Générim :

«Nous faisons suite à l'entretien téléphonique du 24 juin dernier que vous avez eu avec M. X... M... directeur juridique et fiscal d'OCP (société mère de CABI).

Au cours de cet entretien téléphonique, la Générale Immobilière s'est engagée à signer un acte authentique de vente du bâtiment appartenant à CABI sis [...] au prix de 2750000€ au plus tard le 31 décembre 2010, et ce indépendamment du fait que le permis de construire demandé pour la réhabilitation de cet immeuble ait été obtenu ou non à la date du 31 décembre 2010 et purgé ou non de tous recours.(...)»

La société Générim a apposé le 7 juillet 2010 en bas de cette lettre un «bon pour accord» signé de son directeur général C... V....

Par un courrier électronique de son notaire du 28 juillet 2010, la société Générim a fait part de son souhait de voir «respecter l'accord initial du 4 juin dernier» et a demandé l'application de cet accord avec «notamment comme condition suspensive un permis de construire purgé de tout recours», tout en acceptant «de respecter la demande du vendeur de réitérer l'acte au plus tard le 30 décembre 2010 sans la purge du permis de construire».

Par un courrier du 3 août 2010, la société CABI invoquant «des désaccords importants», relatifs notamment à la condition suspensive de permis de construire, a déclaré prendre acte du fait qu'il n'était plus possible de continuer les discussions engagées et a annoncé qu'elle devait désormais se tourner vers tout autre intervenant ou investisseur afin de poursuivre son projet.

Dans ce même courrier, la société CABI a toutefois accepté :

- que la société Générim poursuive l'instruction du permis de construire tout en précisant que cette autorisation ne pourra constituer une quelconque source d'obligation engagement ou promesse de contracter au profit de la société Générim,

- d'informer la société Générim en cas d'engagement auprès d'un nouvel acquéreur, étant précisé que «cette information ne sera aucunement susceptible de conférer un quelconque droit de préférence ou de priorité quant à la possibilité de [vous] porter acquéreur».

Selon acte signé le 21 septembre 2010, le société CABI a signé une promesse synallagmatique de vente sur le bien litigieux avec la société Richerenches Immobilier & Associés.

Le 22 novembre 2010, la société Générim a déposé, en l'étude de Maître S..., notaire, les courriers des 16 avril 2010 et 15 juin 2010 constatant selon elle l'accord des parties.

Par acte notarié en date du 22 décembre 2010, la vente du bien a été réitérée entre société CABI et la société Richerenches Immobilier & Associés, moyennant le prix de 2600000€ .

Le 30 décembre 2010, Me S... a publié au service de la publicité foncière les échanges de courriers déposés en son étude par la société Générim, avant que la vente du 22 décembre 2010 ne soit à son tour publiée, ce qui sera chose faite le 26 janvier 2011.

Face à cette situation, la société Richerenches Immobilier & Associés et la société Générim se sont rapprochées et suivant acte sous seings privés en date du 18 octobre 2011, elles ont conclu une transaction enregistrée à la recette des impôts le 25 octobre 2011, aux termes de laquelle :

- la société Richerenches a accepté de verser à la société Générim une somme de 250 000 € HT soit 299 000 T.T.C ,

- en contrepartie, la société Générim s'est engagée à publier un «acte de désistement de tous droits réels» signé conjointement avec la société Richerenches, et à se désister de tous droits réels sur les biens immobiliers litigieux.

Ce protocole d'accord transactionnel a reçu pleinement exécution.

Par acte du 13 janvier 2014, la société Richerenches Immobilier & Associés, invoquant une «violence économique» ayant vicié son consentement, a assigné la société Générim, ainsi que Maître Xavier S..., la Scp Xavier S... et Sébastien S..., et leur assureur, la société Mutuelles du Mans Assurances en nullité de la transaction, restitution de la somme versée et indemnisation de ses préjudices.

Les défendeurs ont conclu au débouté faisant valoir la validité de la transaction.

Par jugement en date du 21 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a:

- prononcé la rescision de la transaction conclue le 18 octobre 2011 entre la société Richerenches immobilier & Associés et la société Générim,

-condamné en conséquence, la société Générim à verser à la société Richerenches immobilier & Associés une somme de 299 000 €,

-débouté la société Richerenches Immobilier & Associés de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Générim,

-débouté la société Richerenches Immobilier & Associés de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Maître Xavier S..., La SCP Xavier S... et Sébastien S... et la Mutuelle du Mans Assurance,

- condamné la société Générim à verser à la société Richerenches Immobilier & Associés une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté les autres demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Générim aux dépens.

Le tribunal a retenu qu'il :

«...ressort en effet des éléments du dossier qu'en raison de cette inscription il n'était pas possible pour la société Richerenches Immobilier et Associés de régulariser la vente de 90 appartements qu'elle avait fait construire. Or quand bien même elle avait la possibilité de solliciter en justice la mainlevée de cette inscription dans le cadre d'une procédure qui aurait pris plusieurs mois, la société Richerenches Immobilier et Associés était tenue par des délais stricts avec des ventes devant intervenir avant le mois de novembre 2011 pour permettre aux acheteurs de bénéficier des mesures fiscales de faveur avant le 31 décembre de la même année. S'agissant d'une opération immobilière au coût financier important, la situation de dépendance économique est ainsi caractérisée et il est manifeste que c'est uniquement en raison de cette contrainte économique que la transaction du 18 octobre 2011 a été signée entre la société Richerenches Immobilier et Associés et la société Générim.» .

Suivant déclaration d'appel en date du 3 novembre 2017, la société Générim a interjeté appel du jugement limité aux dispositions relatives à la société Richerenches immobilier & Associés.

Par conclusions, la société Richerenches Immobilier & Associés a formé appel incident à l'encontre du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La société Générim demande à la cour :

Vu les dispositions des articles 1315, 1351 et 2044 et suivants du code civil,

Vu les dispositions des articles 6, 9, 15 et 122 du code de procédure civile,

En tant que de besoin :

- de réformer le jugement du 21 septembre 2017, et statuant à nouveau :

- de débouter la société Richerenches Immobilier & Associés de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens.

- de déclarer au surplus, irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction, la demande formulée à titre subsidiaire par la société Richerenches Immobilier & Associés visant à mettre en cause la responsabilité civile quasi-délictuelle de la société Générim,

- de condamner la société Richerenches Immobilier & Associés à payer à la société Générim la somme de 15 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- de condamner la société Richerenches Immobilier & Associés aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la société Léga-Cité, avocat, autorisée, sur son affirmation de droit qu'elle en a fait l'avance, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Elle soutient :

- qu'aucune violence n'a vicié le consentement que la société Richerenches Immobilier & Associés a donné à la formation de la transaction conclue avec la société Générim le 18 octobre 2011,

- que cette transaction n'est pas dépourvue de cause et repose sur des concessions réciproques entre les parties,

- que cette transaction a autorité de la chose jugée entre les parties ;

- que pour que la contrainte économique puisse être retenue, il faut que soit caractérisée l'existence d'une situation de dépendance économique et un abus de la position économiquement dominante,

- qu' aucune de ces conditions n'est satisfaite en l'espèce.

- qu'il n'a jamais existé, une quelconque situation de dépendance économique entre la société Richerenches Immobilier & Associés et la société Générim,

- qu'on ne voit pas en quoi la publication effectuée par la société Générim au bureau de la conservation des hypothèques - qui était au demeurant, et contrairement à ce qu'affirme la société Richerenches Immobilier & Associés, tout à fait légitime pour sauvegarder ses intérêts - constituerait une exploitation abusive d'une situation de dépendance économique,

- qu'il faudrait encore que la société Richerenches Immobilier & Associés rapporte la preuve que son consentement n'a pas été librement consenti, ce qui n'est pas le cas,

- que l'acte transactionnel mentionne que : «... les parties se sont rapprochées, ayant pleine connaissance de leurs droits respectifs...»,

- que l'équilibre du contrat a été maintenu et il n'y a pas eu davantage excessif octroyé à la société Générim au détriment de la société Richerenches Immobilier & Associés.

- que les parties se sont mises d'accord sur ce montant qui venait compenser les frais engagés par la société Générim, à savoir notamment ceux relatifs au dépôt du permis de construire,

- que «l'existence de concessions réciproques (...) doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte» transactionnel,

- qu'il existe bel et bien, en l'espèce, des concessions réciproques entre les parties eu égard à leurs prétentions initiales, et qui sont très précisément énoncées dans le cadre de la transaction régularisée le 18 octobre 2011,

- que dans les contrats synallagmatiques l'obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l'obligation envisagée par lui comme devant être effectivement exécutée par l'autre contractant,

- que l'accord valait vente au regard des dispositions de l'article 1583 du code civil,

- qu'elle n'a commis aucune fraude en faisant publier au service de la publicité foncière sa lettre du 16 avril 2010 revêtue du bon pour accord et de la signature de la société CAPI,

- que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à la transaction que la société Générim et la société Richerenches Immobilier & Associés ont conclu le 18 octobre 2011 interdit que soit à nouveau soumis au juge ce qui a fait l'objet de la transaction,

- qu'aux termes de la transaction conclue entre les parties la société Richerenches Immobilier & Associés a déclaré «renonce(r) à toute réclamation à l'égard de la société Générim au sujet de l'acte de dépôt du 22 novembre 2010 publié au 2ème bureau des hypothèques de Lyon le 30 décembre 2010, volume 2010 P, n°11809,

- qu'ayant, dans le cadre de la transaction qui a autorité de la chose jugée entre les parties, renoncé à toute réclamation à l'encontre de la société Générim au titre de la publication d'acte effectuée par cette dernière auprès du fichier immobilier, la société Richerenches Immobilier & Associés n'est pas recevable aujourd'hui à prétendre rechercher la responsabilité civile quasi-délictuelle de la société Générim de ce chef.

La société Richerenches Immobilier et Associes demande à la cour :

Vu les dispositions de l'article 1111 du Code Civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016

Vu les dispositions de l'article 2053 du Code Civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la Loi du 18 novembre 2016,

A titre surabondant, vu les dispositions des articles 1134 et suivants du Code Civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016,

A titre surabondant, vu les dispositions de l'article 2044 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la Loi du 18 novembre 2016,

A titre surabondant, vu les dispositions de l'article 1131 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016

A titre surabondant, vu l'adage fraus onmia corrumpit,

- de confirmer le jugement entrepris,

à titre subsidiaire, vu les dispositions de l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 :

- de dire que la société Générim a commis une faute quasi-délictuelle,

- de condamner la société Générim à lui payer la somme de 299000 € à titre de dommages et intérêts,

en tout état de cause, réformant le jugement :

- de condamner la société Genérim à lui payer la somme de 150 000 € à titre des dommages et intérêts,

- de condamner la société Générim à lui payer la somme de 15000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Générim aux dépens.

Elle soutient :

- qu'elle avait prévu, de procéder à la revente des appartements avant le 31 décembre 2011, et dans la mesure où ils pouvaient bénéficier des avantages fiscaux résultant du dispositif Censi-Bouvard en vigueur en 2011,

- que confrontée à l'impérieuse nécessité de revendre, elle a conclu contrainte et forcée, le protocole d'accord transactionnel,

- que selon la Cour de cassation «l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts de la personne peut vicier son consentement»,

- que l'abus commis par la société Générim est caractérisé dans la mesure où elle a obtenu d'un Officier Ministériel qu'il publie deux lettres dont elle savait qu'elles ne pouvaient caractériser un accord sur les conditions de la vente du bien immeuble,

- que cette publication caractérise un faux intellectuel dans la mesure où il est censé porter à la connaissance des tiers l'existence d'un acte constitutif de droit réel, alors que ces droits réels n'existent pas,

- que l'exploitation de cet abus résulte du refus de reconnaître ne disposer d'aucun droit sur l'immeuble dont objet,

- qu'une partie peut, en raison de circonstances particulières, subir une contrainte économique qui la place dans une «situation de dépendance économique» vis-à-vis d'une autre partie,

- que la société Générim qui n'avait aucune prétention à formuler à l'encontre de la société Richerenches n'a donc consenti aucune concession, aucun litige ne pouvant naître entre la société Générim et la société Richerenches à l'initiative de la première,

- que la société Générim en procédant à la publication au fichier immobilier de documents faussement présentés comme caractérisant la vente d'un bien immobilier et en utilisant cette publication pour faite obstacle à la vente devant intervenir entre la société CABI et la société Richerenches, a usé de moyens frauduleux qui lui ont permis d'obtenir le paiement de la part de la société Richerenches d'une somme de 299000 €,

- que la transaction conclue le 18 octobre 2011 est dépourvue de cause,

- qu'en matière quasi-délictuelle, la cause d'une transaction se trouve dans le dommage dont celui qui a payé une somme en exécution de ladite transaction, devait réparation,

- que la société Générim a commis une faute engageant sa responsabilité quasi-délictuelle.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation de la transaction

Aux termes de l'article 1111 du code civil, dans sa rédaction applicable au jour de la transaction, la violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation constitue un vice du consentement, cause de nullité.

En application de ce texte, il a été jugé que «l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, pouvait vicier de violence son consentement».(arrêt de la Cour de cassation 1ère cambre, du 3 avril 2002).

L'ordonnance n°2016-131 a codifié cette solution jurisprudentielle à l'article 1143 nouveau du code civil qui édicte qu' «il y a [également] violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.»

Il résulte de ces éléments, que la situation de dépendance du contractant doit être appréciée d'après l'ensemble des circonstances.

En l'espèce, la société société Richerenches Immobilier & Associés est une professionnelle de l'immobilier, tout comme la société Générim qui est promoteur.

Elle n'invoque pas d'état vulnérabilité par rapport à la société Générim et n'a jamais perdu son autonomie de comportement.

Il n'est invoqué aucune inégalité économique entre elles, ni aucune pression de la société Générim pour amener la société Richerenches à consentir une transaction.

Il n'est évoqué aucune relation d'affaire antérieure entre elles.

La société Richerenches Immobilier affirme qu'elle devait impérativement revendre le bien destiné à être réhabilité en résidence étudiante, à une société de construction vente, laquelle devait impérativement commercialiser les appartements avant le 31 décembre 2011 afin de faire bénéficier les acquéreurs du dispositif «Bouvard», et afin d'être en mesure de livrer la résidence pour la rentrée scolaire 2012.

Il s'agit cependant de contraintes que la société Richerenches Immobilier s'impose à elle-même, et de surcroît cette affirmation repose sur une seule pièce consistant en un courrier de Me R... notaire, qui indique : «le projet de loi envisagé par le gouvernement ainsi que les communiqués de presse sur les niches fiscales laissent penser que le régime Bouvard sera certainement moins intéressant l'année prochaine».

Cette seule pièce est tout à fait insuffisante pour démontrer que l'opération était compromise en cas de retard dû à la nécessité d'agir en justice pour faire radier la publication de l'échange de lettres.

Un état de dépendance économique ne peut résulter du fait qu'une opération serait seulement retardée ou moins profitable pour l'entreprise.

La société Richerenches Immobilier ne justifie nullement qu'elle ne disposait pas d'autres choix que de consentir à la transaction et de régler de ses deniers une somme de 300 000 €, sous peine d'être menacée dans son existence ou de subir des pertes sur le projet.

D'autre part, il ne paraît pas abusif de la part de la société Générim qui bénéficiait d'un échange de courriers valant accord sur la vente du bien, de faire publier cet accord pour sauvegarder ses droits.

En effet, la société CABI et la société Générim, ont par deux fois matérialisé leur accord sur «la chose et sur le prix» sous la forme d'un échange de courriers contresignés par l'autre partie, avec la mention «bon pour accord» .

Au contraire, la société CABI n'a jamais sollicité (ou obtenu) de la part de la société Générim une confirmation expresse des termes de son courrier du 3 août 2010.

Ce simple courrier unilatéral était à cet égard insuffisant.

En outre, la lecture du protocole transactionnel montre que les parties ont pris soin de relater précisément la chronologie des faits.

Les parties ont admis l'existence d'un «risque apparent de contestation ou réclamation à l'égard du droit de propriété» et ce risque n'était pas une chimère.

Le protocole indique que «c'est dans ce contexte que les parties se sont rapprochées, ayant pleine connaissance de leurs droits respectifs et après s'être consenti des concessions réciproques ont décidé de mettre un terme amiable et définitif au litige qui les oppose sur la base du présent protocole d'accord transactionnel».

Le protocole énonce ensuite très distinctement les concessions réciproques :

- paiement d'une somme de 299 000 €, pour la société Richerenches,

- renonciation à tous droits de propriété sur le bien immobilier, pour la société Générim.

Ce protocole comporte donc bien une cause et des concessions réciproques.

Enfin, aucune fraude ne résulte du fait de faire publier au fichier immobilier par un notaire, un accord susceptible de valoir vente pour rendre opposable cette vente aux tiers.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a annulé la transaction.

Sur la faute quasi délictuelle

La société Générim demande de déclarer irrecevable, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction, la demande formulée à titre subsidiaire par la société Richerenches Immobilier & Associés visant à mettre en cause sa responsabilité civile quasi-délictuelle

L'objet de la transaction (faire disparaître un risque de contestation sur le droit de propriété) et celui de l'action en responsabilité (obtenir la réparation d'un préjudice résultant de la publication de l'échange de courriers) ne sont pas identiques, de sorte que l'irrecevabilité n'est pas fondée.

Cependant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il ne peut être reproché à la société Générim une faute pour avoir publié les courriers litigieux pour sauvegarder ses droits.

La société Richerenches Immobilier, ayant admis dans la transaction la réalité d'un risque de contestation sur le droit de propriété et ayant reconnu qu'elle avait une pleine connaissance de ses droits, se contredit en soutenant désormais que ce risque n'existait pas alors qu'elle ne justifie d'aucune contrainte ou violence.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour,

- Infirme le jugement déféré, statuant de nouveau,

- Déboute la société Richerenches Immobilier & Associés de ses prétentions,

y ajoutant,

- Condamne la société Richerenches Immobilier & Associés à payer à la société Générim la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Richerenches Immobilier & Associés aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la société Léga-Cité, avocat, autorisée, sur son affirmation de droit qu'elle en a fait l'avance, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 17/07686
Date de la décision : 21/05/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°17/07686 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-21;17.07686 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award