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07/05/2019 | FRANCE | N°17/07189

France | France, Cour d'appel de Lyon, Protection sociale, 07 mai 2019, 17/07189


AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE








COLLÉGIALE





RG : N° RG 17/07189 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LJH7


jonction avec le RG 18/06814





X...





C/


CARMF











APPEL D'UNE DÉCISION DU :


Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON


du 18 Septembre 2017


RG : 20160560














COUR D'APPEL DE LYON





Protection sociale

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ARRÊT DU 07 MAI 2019


























APPELANTE :





D... X...


née le [...] à BOURG DE PEAGE (26300)


[...]


[...]





représentée par Me Ana Cristina COÏMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX











INTIMEE :





CARMF


[...]





représentée par Monsieur E... ...

AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : N° RG 17/07189 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LJH7

jonction avec le RG 18/06814

X...

C/

CARMF

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 18 Septembre 2017

RG : 20160560

COUR D'APPEL DE LYON

Protection sociale

ARRÊT DU 07 MAI 2019

APPELANTE :

D... X...

née le [...] à BOURG DE PEAGE (26300)

[...]

[...]

représentée par Me Ana Cristina COÏMBRA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

CARMF

[...]

représentée par Monsieur E... J..., juriste muni d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 29 Janvier 2019

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Laurence BERTHIER, Conseiller

Rose-Marie PLAKSINE, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 07 Mai 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES.

D... X... chirurgien infantile, a contesté une mise en demeure décernée par la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) , le 4 janvier 2016, portant sur des cotisations et majorations de retard s'élevant à la somme totale de 32 361,95 euros pour l'exercice 2015.

D... X... a déposé un mémoire visant à soulever l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L 142-2 du code de la sécurité sociale.

Par jugement du 10 avril 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON a rejeté la demande de transmission à la Cour de cassation de la question prioritaire de constitutionnalité présentée par D... X... .

Par jugement du 18 septembre 2017, le même tribunal a':

* confirmé l'affiliation obligatoire de D... X... à la CARMF,

* validé la mise en demeure en son entier montant,

* condamné Mme X... au paiement de la somme totale de 32 361,95 euros cotisations et majorations de retard pour l'exercice 2015.

* condamné D... X... au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné D... X... à payer la somme de 1941,71 euros en application de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale,

* ordonné l'exécution provisoire de la décision,

* débouté D... X... de ses autres demandes,

* statué sans frais ni dépens.

D... X... a relevé appel de cette décision, a déposé des mémoires visant à soulever des questions prioritaires de constitutionnalité et, aux termes des dernières conclusions soutenues oralement à l'audience de ce jour demande à la Cour de':

* joindre entre eux les différents dossiers relatifs aux recours contre les contraintes ayant fait l'objet de différents jugements , dans le souci d'une bonne administration de la justice,

* dire l'appel recevable,

* vu les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées': ordonner la transmission à la cour de cassation pour transmission au conseil constitutionnel des questions suivantes':

- les dispositions de l'article L.642-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles attribuent à l'URSSAF, organisme de droit privé, le monopole de fait du recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel et aux articles 1 et 2 de la constitution de la République''

- les dispositions de l'article L.111-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles considèrent obligatoires l'adhésion et la cotisation à des organismes de droit privé chargés du monopole de fait de l'assurance des risques couverts par le système de sécurité sociale et du recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité » et aux droits et libertés garantis par les articles I et 2 de la Constitution de la république et 2, 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel'

* surseoir à statuer sur le surplus en attendant la décision qui sera rendue sur chacune d'entre elles,

*vu la demande de renvoi préjudiciel formée, vu l'article 267 TFUE': transmettre à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :

- « les dispositions de l'article L L111-2-1 du code de sécurité sociale français satisfont-elles à toutes les conditions requises pour justifier la notion d'intérêt général permettant de déroger aux dispositions des directives 92/49/CE et 92/96/CE ' »,

* surseoir à statuer sur le surplus en attendant la décision du juge communautaire,

*en tout état de cause, sur le surplus,

* dire l'appel et appel nullité recevable

* dire nulle la décision objet d'appel

ou, et ce pour le cas où la Cour ne retiendrait pas la nullité,

* réformer le jugement objet d'appel en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

* sur l'incident de communication de pièces , vu le code de procédure civile et l'obligation de communication de pièces entre les parties, Vu l'obligation de la Cour de vérifier l'existence légale et la qualité de chaque partie':

* enjoindre la CARMF d'avoir à verser aux débats

- la preuve de la date de son immatriculation au répertoire SIREN

- un décompte permettant de déterminer la nature, la cause et de l'étendue de la créance invoquée par l'URSSAF (avec base de calcul, mode de calcul, détail de principal, intérêts et autres montants)

* renvoyer l'affaire à une audience ultérieure en attendant la communication des pièces

* subsidiairement, sur le fond, et pour le cas où la Cour ne ferait pas droit à la précédente demande,

* faire droit à l'ensemble des contestations et demandes de l'appelant

* annuler les mises en demeure contestées

Subsidiairement

Et en tout état de cause,

* dire qu'il n'y a pas lieu de valider les mises en demeure contestées

* débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires à celles de l'appelant.

Le mémoire soulevant les questions de constitutionnalité ayant été enregistré sous le numéro de RG 18/06814, il convient, dans le souci d'une bonne administration de la justice de les joindre au dossier d'appel, sous le numéro de RG'17/07189.

En revanche, il n'apparaît pas d'une bonne administration de la justice de statuer par un seul et même arrêt relativement aux différents appels interjetés par D... X... sur les différentes contraintes.

La CARMF en l'état de ses dernières écritures qu'elle soutient oralement à l'audience de ce jour, demande à la Cour de'confirmer le jugement déféré.

Concernant la question prioritaire de constitutionnalité, elle s'en remet à la sagesse de la Cour sur les conditions de recevabilité et conclut au rejet de toute exception d'inconstitutionnalité et à la non-transmission à la Cour de cassation pour renvoi au conseil constitutionnel des questions soulevées., celles-ci n'étant ni nouvelles ni sérieuses.

Elle demande par ailleurs à la cour de ne pas transmettre la question préjudicielle posée, la CARMF n'étant ni un recouvreur privé ni une mutuelle.

Elle demande enfin la condamnation de D... X... au paiement d'une amende de 6'% de sommes dues, pour procédure abusive au titre de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale et à celle de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Ministère Public a formé des observations sur les questions prioritaires de constitutionnalité':

* elles sont recevables,

* la question concernant l'article L 111-1 du code de la sécurité sociale n'a pas lieu d'être transmise, la condition de l'absence de déclaration de conformité préalable n'étant pas remplie,

* la question relative à l'article L 642-1 du code de la sécurité sociale n'a pas lieu d'être transmise, la condition préalable du caractère sérieux n'étant pas remplie.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont soutenues lors de l'audience.

MOTIVATION.

Sur la recevabilité de l'appel et de l'appel nullité formés .

D... X... a relevé appel et appel-nullité de la décision de fond ainsi que de la décision ayant rejeté sa demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

Il convient à cet égard de rappeler que la contestation de la décision rejetant la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité n'est possible qu'avec la décision de fond.

Par ailleurs, au soutien de son appel-nullité, D... X... ne soutient aucune violation manifeste des règles essentielles de procédure constitutive d'un excès de pouvoir qu'aurait commise la juridiction de première instance, de sorte que son appel en ce qu'il tend à la nullité des décisions déférées n'apparaît pas recevable.

En revanche l'appel formé à l'encontre de ces décisions dans le délai de la loi et tendant à la transmission des questions prioritaires de constitutionnalité, de la question préjudicielle et à la réformation, apparaît recevable.

Sur la demande de communication forcée de pièces.

D... X... demande communication des éléments permettant à la CARMF de justifier de son existence légale et de son statut juridique.

Il résulte des dispositions du décret n° 48.1179 du 19 juillet 1948, de la loi n° 48.101 du 17 janvier 1948 et des articles L 122-1 alinéa 3, L 244-9, R 133-3 et suivants du code de la sécurité sociale, que la CARMF est un organisme légal de sécurité sociale qui dispose de la personnalité morale dès sa création et qui tient de la loi sa capacité et sa qualité pour agir pour l'exécution des missions de service public qui lui sont confiées.

Ces éléments suffisent à justifier que la CARMF a une existence légale et n'a donc pas besoin d'agrément pour exercer cette activité.

La CARMF est soumise au code de la sécurité sociale et n'est pas régie par le code de la mutualité, de sorte qu'aucune des formalités de constitution des mutuelles ne lui sont applicables.

À cet égard, elle n'a donc pas besoin d'être inscrite sur le registre des mutuelles et d'avoir un numéro de SIREN/SIRET.

La demande tendant à la communication de la preuve de la date de l'immatriculation de la CARMF ( ou au registre national des mutuelles) doit donc être rejetée ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, dès lors qu'il n'est nullement nécessaire de faire produire cet élément pour que soit justifiée l'existence légale de la CARMF en vertu des textes susvisés.

Sur la demande de communication du décompte permettant de déterminer la nature, la cause et l'étendue de la créance invoquée par la CARMF, il apparaît qu'il s'agit en réalité d'une critique ayant trait au fond sur la validité de la mise en demeure et qui sera examinée comme telle.

Sur les questions prioritaires de constitutionnalité .

Les questions soulevées par D... X... , ayant trait à un moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ont été présentées dans un écrit distinct et motivé'; ces demandes sont donc recevables.

Les questions soulevées sont les suivantes':

Les dispositions de l'article L.642-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles attribuent à l'URSSAF, organisme de droit privé, le monopole de fait du recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par les articles 1 et 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel et aux articles 1 et 2 de la constitution de la république''

Les dispositions de l'article L.111-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elles considèrent obligatoire l'adhésion et la cotisation à des organismes de droit privé chargés du monopole de fait de l'assurance des risques couverts par le système de sécurité social et du recouvrement des cotisations sociales, portent-elles atteinte aux droits et libertés garantis par le point 9 du Préambule de la Constitution de 1946 aux termes duquel « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité » et aux droits et libertés garantis par les articles I et 2 de la Constitution de la république et 2, 5, 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 intégrés au bloc constitutionnel'

Il convient d'examiner si comme le sollicite D... X..., il y a lieu de les transmettre à la Cour de cassation pour transmission au conseil constitutionnel.

L'article L 111-1 du code de la sécurité sociale dispose que':

La sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.

Elle assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.

Elle garantit les travailleurs contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leurs revenus. Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés à un ou plusieurs régimes obligatoires.

Elle assure la prise en charge des frais de santé, le service des prestations d'assurance sociale, notamment des allocations vieillesse, le service des prestations d'accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre du présent code, sous réserve des stipulations des conventions internationales et des dispositions des règlements européens.

D... X... soutient que cet article qui rend obligatoire l'adhésion et la cotisation à des organismes de droit privé et qui crée un monopole de fait de l'assurance et du recouvrement des cotisations de sécurité sociale est contraire aux dispositions du point 9 du préambule de la constitution de 1946 et au principe d'égalité . À cet égard, D... X... fait état de l'accord conclu entre UBER et AXA mettant ainsi en place un régime de protection sociale privée et professionnelle qui doit être ouvert à tous les citoyens et à tous ceux exerçant leur activité en France.

La disposition législative contestée, dans sa rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet de la contrainte litigieuse, est applicable au litige'.

Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel'.

Mais la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle'.

La disposition critiquée ayant pour objet une mutualisation des risques dans le cadre d'un régime de sécurité sociale fondé sur le principe de solidarité nationale et répondant aux exigences de valeur constitutionnelle qui résultent de la Constitution de 1946, la CARMF gérant des régimes instaurés par la Loi présentant un caractère obligatoire et poursuivant un objectif social, il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elle porte atteinte à la liberté contractuelle, à la liberté d'entreprendre et à la liberté personnelle, telles qu'elles découlent de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789' ou au point 9 du préambule de la constitution de 1946 dès lors que la CARMF tient de la loi sa capacité et sa qualité pour agir pour l'exécution des missions qui lui sont confiées et exerce à cet égard une mission de service public.

Il n'y a donc pas lieu en conséquence de transmettre la question à la Cour de cassation pour transmission au conseil constitutionnel.

L'article L 642-1 du code de la sécurité sociale , dans sa version applicable au litige, dispose':

Toute personne exerçant une activité professionnelle relevant de l'Organisation autonome d'assurance vieillesse des professions libérales est tenue de verser des cotisations destinées à financer notamment :

1° Les prestations définies au chapitre III du présent titre ;

2° Les charges de compensation incombant à cette organisation en application des articles L. 134-1 et L. 134-2.

Le régime de la pension de retraite reçoit une contribution du fonds institué par l'article L. 135-1 dans les conditions fixées par l'article L. 135-2.

Les charges mentionnées aux 1° et 2° sont couvertes par une cotisation proportionnelle déterminée en pourcentage des revenus tels que définis à l'article L 642-2. Les revenus d'activité soumis à cotisations sont divisés en deux tranches déterminées par référence au plafond prévu à l'article L 241-3 et dont les limites sont fixées par décret. Chaque tranche est affectée d'un taux de cotisation. La cotisation afférente à chaque tranche ouvre droit à l'acquisition d'un nombre de points déterminé par décret.

Le taux de cotisation appliqué à chaque tranche de revenus est fixé par décret, après avis de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales.

Un décret fixe le nombre de points attribué aux personnes exonérées de tout ou partie des cotisations en application de l'article L. 642-3.

D... X... soutient que cet article qui rend obligatoire l'adhésion et la cotisation à un organisme de droit privé , qui est une mutuelle relevant du code de la mutualité, et qui crée un monopole de fait de l'assurance et du recouvrement des cotisations de sécurité sociale est contraire aux dispositions du point 9 du préambule de la constitution de 1946 et au principe d'égalité .

La disposition législative contestée, dans sa rédaction en vigueur à la date d'exigibilité des cotisations faisant l'objet de la contrainte litigieuse, est applicable au litige'.

Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel'.

Mais la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle'.

La disposition critiquée ayant pour objet une mutualisation des risques dans le cadre d'un régime de sécurité sociale fondé sur le principe de solidarité nationale et répondant aux exigences de valeur constitutionnelle qui résultent de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de la Constitution de 1946, il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elle porte atteinte au point 9 du préambule de la constitution de 1946 dès lors que la CARMF tient de la loi sa capacité et sa qualité pour agir pour l'exécution des missions qui lui sont confiées et exerce à cet égard une mission de service public ni aux principes d'égalité et de propriété découlant des articles 1 et 2 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 .

Il n'y a donc pas lieu en conséquence de transmettre la question à la Cour de cassation pour transmission au conseil constitutionnel.

Sur la question préjudicielle.

D... X... demande que , vu l'article 267 TFUE et les dispositions de la directive 92/49/CE et de la directive 92/96/CE, la question préjudicielle suivante soit transmise à la Cour de justice de l'Union Européenne': «les dispositions de l'article L 111-2-1 du code de la sécurité sociale français satisfont-elles à toutes les conditions requises pour justifier la notion d'intérêt général permettant de déroger aux dispositions des directives 92/49/CE et 92/96/CE'''» et qu'il soit sursis à statuer en attente de la réponse de la CJUE.

D... X... soutient en effet que':

* les directives européennes sur les assurances sont applicables en France,

* la cour de justice exige pour qu'une disposition nationale puisse valablement entraver ou limiter l'exercice du droit d'établissement et de la libre prestation de service qu'il soit satisfait à plusieurs exigences':

- la disposition nationale doit relever d'un domaine non harmonisé,

- la disposition nationale poursuit un objectif d'intérêt général,

- la disposition nationale n'est pas discriminatoire,

- la disposition nationale est objectivement nécessaire et proportionnée à l'objectif poursuivi.

* la disposition nationale ne satisfait pas aux exigences ci-dessus rappelées.

Le code de la sécurité sociale pose en principe la solidarité nationale sur laquelle repose le système, avec une obligation d'affiliation des personnes exerçant en France une activité, salarié ou non'.

Cette obligation d'affiliation a été confirmée par la jurisprudence européenne , afin de garantir le principe de solidarité ainsi que l'équilibre financier .

Le droit européen ne fait pas obstacle à la compétence des États pour aménager un système de sécurité sociale dont il conserve l'entière maîtrise .La législation française est par ailleurs en accord avec la réglementation européenne sur la coordination des législations nationales de sécurité sociale qui ne permettent nullement aux personnes de choisir librement leur sécurité sociale parmi les différentes législations des États membres de l'Union Européenne.

Si chacun peut librement souscrire, dans le but d'améliorer sa protection sociale, des couvertures additionnelles au régime obligatoire auprès des entreprises d'assurance, de mutuelles ou d'institutions de prévoyance, ces couvertures complémentaires ne sauraient se substituer aux garanties des régimes obligatoires de sécurité sociale.

Les dispositions des directives européennes 92/96 et 92/49, comme cela résulte d'une jurisprudence européenne constante, concernant l'assurance, ne sont pas applicables aux régimes légaux de sécurité sociale, dès lors que ces régimes n'exercent pas une activité économique et ne constituent pas des entreprises mais concourent à la gestion du service public de la sécurité sociale en remplissant une fonction de caractère exclusivement social fondée sur le principe de solidarité nationale et dépourvue de tout but lucratif.

S'il a pu être jugé le 3 octobre 2013 par la CJUE que la directive 2005/29 sur les pratiques commerciales déloyales s'appliquait à un organisme de droit public en charge d'une mission d'intérêt général tel que la gestion d'un régime légal d'assurance maladie, cette assimilation, qui concernait dans le cadre d'une question préjudicielle la notion de « professionnelle » doit cependant être circonscrite à la directive sur les pratiques commerciales déloyales stricto sensu et ne peut signifier l'application des règles de concurrence aux régimes légaux de protection sociale.

Il résulte de ce qui précède que l'obligation d'affiliation instauré par les textes français n'est pas supprimé par les textes européens' et que le marché commun des assurances complémentaires mis en place depuis 1992, n'implique en aucun cas le renoncement aux systèmes légaux de protection sociale des États membres, pas plus que la modification de leur organisation.

Dans ces conditions, la question posée n'est pas pertinente et il n'y a pas lieu de déposer une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne .

Sur la validité de la mise en demeure.

D... X... soutient enfin divers moyens pour remettre en cause la validité de la mise en demeure':

* D... X... soutient que le silence de la CRA vaut acceptation de la contestation, de sorte qu'il convient d'annuler la mise en demeure.

Il apparaît toutefois qu'en l'espèce, D... X... a reçu une réponse de la CRA, de sorte qu'il ne peut exciper d'un silence de la CRA valant acceptation.

* D... X... soutient encore non seulement que la CARMF étant une mutuelle, elle est soumise au droit de la concurrence et ne peut imposer une adhésion d'office mais encore qu'il n'y a pas de contrat ou affiliation avec la CARMF de sorte qu'aucune obligation ne peut être retenue au profit de cette dernière. D... X... ajoute que la CARMF est dissoute, faute d'avoir respecté l'obligation d'inscription au registre des mutuelles.

Or, comme il a été précisé ci-dessus, la CARMF n'est pas une mutuelle et par ailleurs, au regard de la mission qu'elle remplit, il existe bien une affiliation obligatoire et un monopole de fait de l'assurance et du recouvrement des cotisations.

En effet, les sommes visées dans les mises en demeure et la contrainte procèdent de l'application des textes régissant la CARMF, dont les modalités sont connues de tous car publiées , de sorte que D... X..., du fait de l'exercice libéral non salarié doit de manière obligatoire des cotisations au titre du régime de base d'allocation vieillesse, du régime complémentaire vieillesse des médecins et du régime invalidité-décès des médecins, enfin du régime allocations supplémentaires de vieillesse.

Ainsi, les régimes gérés par la CARMF instaurés par la loi et qui présentent un caractère obligatoire, sont dépourvus de but lucratif et sont fondés sur un principe de solidarité tant professionnelle que nationale. Il n'est donc pas nécessaire pour la CARMF de produire un quelconque contrat la liant à D... X....

* Au titre de la communication de pièces, D... X... a indiqué ne pas disposer d'un décompte permettant de déterminer la nature, la cause et l'étendue de la créance invoquée par la CARMF avec base de calcul, mode de calcul, détail du principal, intérêts et autres montants.

D... X... ne formule pas toutefois de critiques détaillées et explicites concernant le calcul des cotisations réclamées.

Il apparaît en tout état de cause que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges par des motifs pertinents que la cour adopte, D... X... a reçu notification de la mise en demeure comportant, conformément aux dispositions des articles L 244-2 et L 244-9 et R 133-3 et suivants du code de la sécurité sociale, la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent, ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

La mise en demeure ne devant comporter ni les bases de calcul ni les modes de calcul, il apparaît que la demande de communication de pièces formulée par D... X... doit être rejetée.

Par ailleurs, l'article L 131-6 du code de la sécurité sociale dispose que les cotisations d'assurance maladie des indépendants sont assises sur leur revenu d'activité non salarié et que ce revenu est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu, de sorte que les éléments supplémentaires auxquels D... X... fait référence au titre de sa demande de communication de pièces n'apparaissent pas explicitement identifiés et partant, il ne peut y être fait droit.

Il convient par ailleurs de valider la mise en demeure pour son entier montant, en l'absence d'un quelconque grief de D... X... à l'encontre du calcul des cotisations.

Les jugements déférés seront dès lors confirmés en leur intégralité'.

Il convient de débouter la CARMF de sa demande tendant à condamner D... X... au paiement d'une amende fondée sur l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, il serait inéquitable de laisser à la charge de la CARMF ses frais non recouvrables.

Il convient de statuer sur les dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, prévoyant la gratuité en la matière ayant en effet été abrogé à compter du 1er janvier 2019, par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme les jugements du 10 avril 2017 et du 18 septembre 2017 en toutes leurs dispositions,

Y ajoutant,

Ordonne la jonction des procédures inscrites sous les numéros de répertoire général 18/06814 et 17/07189 sous ce dernier numéro,

Dit n'y avoir lieu à jonction concernant les décisions au fond rendues sur les différentes contraintes,

Déclare l'appel nullité irrecevable,

Déclare l'appel recevable,

Déboute D... X... de ses demandes de communication de pièces,

Dit n'y avoir lieu à transmission à la cour de cassation des questions prioritaires de constitutionnalité posées concernant les articles L 111-1 et L 642-1 du code de la sécurité sociale,

Dit n'y avoir lieu à transmission de la question préjudicielle posée,

Déboute la CARMF de sa demande de condamnation à une amende fondée sur l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale,

Condamne D... X... à payer à la CARMF la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne D... X... aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Protection sociale
Numéro d'arrêt : 17/07189
Date de la décision : 07/05/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°17/07189 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-07;17.07189 ?
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