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30/04/2019 | FRANCE | N°17/08133

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 30 avril 2019, 17/08133


N° RG 17/08133 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LLPZ









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 06 novembre 2017



RG : 15/00395

ch n°1 cab 01 A









[R]

[Z]



C/



[N]

[V]





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 30 Avril 2019







APPELANTS :



M. [J] [R

]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON





Mme [V] [Z] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 3] (42)

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par l...

N° RG 17/08133 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LLPZ

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond du 06 novembre 2017

RG : 15/00395

ch n°1 cab 01 A

[R]

[Z]

C/

[N]

[V]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 30 Avril 2019

APPELANTS :

M. [J] [R]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON

Mme [V] [Z] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 3] (42)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

M. [O] [N]

né le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Véronique GIRAUDON, avocat au barreau de LYON

Mme [S] [N] [D] [V] épouse [N]

née le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 4] (TUNISIE)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Véronique GIRAUDON, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 17 Janvier 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Mars 2019

Date de mise à disposition : 30 Avril 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Bérénice GRUDNIEWSKI, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

M. et Mme [N] ont été propriétaires d'une longue parcelle de terrain de forme rectangulaire, cadastrée initialement n°[Cadastre 1], sise [Adresse 2] sur laquelle ils ont fait construire au Sud, une première maison puis en 1996, sur la partie Nord de la parcelle une seconde maison.

Ils ont procédé à la division cadastrale de cette parcelle en 2 lots nouvellement cadastrés :

AT [Cadastre 2] au nord, supportant la maison construite en 1996,

et [Cadastre 3] au sud, supportant leur habitation.

Suivant acte du 30 juin 1997, ils ont vendu la parcelle AT [Cadastre 2] supportant la maison édifiée en 1996, aux époux [R] et ont conservé la parcelle AT [Cadastre 3].

Pour la desserte de cette parcelle AT [Cadastre 2], enclavée, M. et Mme [N] ont concédé aux termes du même acte, aux acquéreurs une servitude de passage sur leur parcelle AT [Cadastre 3], ainsi libellée :

«cette servitude de passage et de réseaux s'exercera sur une bande de terrain de quatre mètres trente-cinq dans sa plus grande largeur et quatre mètre vingt-huit dans sa partie étroite, prise le long de la limite Est de la parcelle formant le fond servant (cadastrée section AT n°[Cadastre 3]) telle que son assiette est matérialisée sur le plan annexé aux présentes après mention, et permettra l'accès au fonds dominant (cadastré section AT n°[Cadastre 2]) depuis le chemin du [Localité 5]».

Courant 2009, les époux [N] ont procédé à la division de leur parcelle AT [Cadastre 3] en deux nouvelles parcelles :

- AT n° [Cadastre 4], constituée d'un terrain à bâtir, et englobant le chemin utilisé par M. et Mme [R] pour accéder à leur parcelle AT [Cadastre 2],

- AT n° [Cadastre 5] correspondant au surplus de la parcelle AT [Cadastre 3], comportant la partie bâtie avec terrain autour.

Selon compromis signé le 22 juillet 2010, les époux [N] ont vendu aux époux [P] la parcelle AT [Cadastre 4].

Cet acte prévoyait que les acquéreurs concédaient au profit des vendeurs une servitude de passage sur le chemin existant, d'une largeur de 3,75 environ, pour leur permettre d'accéder à la partie nord de leur parcelle AT [Cadastre 5].

A l'occasion de cet acte, M. et Mme [R] ont soulevé diverses difficultés relativement au projet immobilier des époux [P] et relativement à la largeur du chemin d'accès à leur parcelle, inférieure à ce qui est indiqué dans leur acte d'acquisition.

Compte-tenu de ce litige élevé par M. et Mme [R], M. et Mme [N] ont refusé de réitérer le compromis de vente signé avec M. et Mme [P], lesquels les ont assignés en reconnaissance de vente parfaite.

Par jugement du 08 novembre 2011, la chambre des urgences du tribunal de grande instance de Lyon a fait droit à la demande des époux [P] et a constaté le caractère parfait de la vente entre les parties, ordonnant la réalisation forcée de la vente et le transfert judiciaire de la propriété, condamnant en outre M. et Mme [N] à payer une somme de 15 486,47€ de dommages intérêts aux époux [P].

Bien qu'ayant obtenu gain de cause, M. et Mme [P] ont renoncé à leur projet et ont revendu leur parcelle AT [Cadastre 4] à M. et Mme [R], suivant acte en date du 4 juillet 2012.

Par acte du 30 décembre 2014, M. et Mme [R] ont assigné M. et Mme [N] devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins :

- de démolition du muret construit par les défendeurs et empiétant sur la servitude de passage instituée en 1997,

- de constater que les défendeurs ne bénéficient d'aucune servitude de passage leur permettant d'accéder à la partie Nord de leur parcelle AT [Cadastre 5],

- et enfin de voir ordonner le déplacement de la clôture située en limite des parcelles AT [Cadastre 5] et AT [Cadastre 4] et de voir supprimer tous les ouvrages empiétant sur leur fonds.

M. et Mme [N] ont conclu au débouté de l'ensemble des prétentions et reconventionnellement à l'allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Par jugement du 6 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a :

- Dit que la servitude de passage grevant le fond AT [Cadastre 4] au profit du fonds AT [Cadastre 5] s'exerce sur une bande d'une largeur de 3,56 à 3,75 m jusqu'au portail installé en limite nord de la parcelle AT [Cadastre 4],

- Dit qu'aucun empiétement n'est caractérisé sur la parcelle AT [Cadastre 4],

- Constaté que la servitude grevant le fonds n° AT [Cadastre 5] au profit de la parcelle AT [Cadastre 2] est éteinte,

en conséquence,

- Débouté M. et Mme [R] de l'ensemble de leurs demandes et les a condamné à payer aux époux [N] une somme de 5 000 € pour procédure abusive et une somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire,

- Condamné M. et Mme [R] aux dépens.

M. et Mme [R] ont relevé appel de cette décision.

Ils demandent à la cour :

- de réformer, le jugement déféré en toutes ses dispositions statuant à nouveau,

- de condamner, M. et Mme [N] à déplacer la clôture Est de leur maison d'habitation afin que la servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 2] dispose d'une largeur jusqu'au mur pignon Est de la maison de M. et Mme [N] avec une largeur minimale de 4,28 m au droit de la façade Sud et de 4,35 m au droit de la façade Nord, et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé ce délai, pendant un délai de trois mois à l'issue duquel il sera statué autrement,

- de condamner M. et Mme [N] à remettre en place la clôture Nord de leur propriété afin que la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 4] de M. et Mme [R] bénéficie d'une longueur de 25,61 m et les condamner à détruire le pilier Nord de leur portail, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 € par jour de retard passé ce délai, et ce pendant un délai de trois mois à l'issue duquel il sera statué autrement,

- de dire et juger enfin que la parcelle cadastrée section AT n° [Cadastre 5] dont M. et Mme [N] restent propriétaires ne bénéficie pas de droit de passage au profit de la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 4], de sorte qu'ils ne peuvent vendre leur propriété en prétendant que celle-ci disposerait de deux accès, l'un permettant de stationner des véhicules sur la partie de leur jardin situé au Nord de leur maison d'habitation,

- d'interdire à M. et Mme [N] et les éventuels acquéreurs de leur maison d'habitation édifiée sur la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 5] d'emprunter le chemin d'accès à la propriété de M. et Mme [R] située sur les parcelles cadastrées section AT n°[Cadastre 2] et [Cadastre 4],

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais de M. et Mme [N],

- de rejeter les demandes reconventionnelles de M. et Mme [N],

- de condamner M. et Mme [N] à payer à M. et Mme [R] une indemnité de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- de condamner M. et Mme [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits au profit de la Scp Baulieux Boue Mugnier Rinck, Avocat,

Ils soutiennent :

- qu'il résulte du procès-verbal de constat dressé par Maître [R] [C], huissier de justice à [Localité 6], le 23 octobre 2014, que M. et Mme [N] ne respectent pas leurs engagements contractuels dans la mesure ou la largeur de leur servitude de passage varie entre 3,28 m et 3,50 m alors qu'elle devrait varier entre 4,35 m et 4,28m d'une part, et que la longueur de la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 4] appartenant à M. et Mme [R] varie entre 24,90 m et un peu moins 25,61 m, alors qu'elle devrait être de 25,61 m,

- que l'acte notarié du 30 juin 1997 n'est affecté d'aucune erreur matérielle dans la mesure où la servitude de passage qu'il constitue est strictement conforme au plan de division annexé audit acte, dûment désigné par les parties, qui est strictement conforme au plan de division parcellaire établi par M. [L] et M. [O], géomètres experts, le 26 novembre 1992, sur lequel M. et Mme [N] se sont basés afin d'obtenir l'autorisation d'édifier un garage sur leur parcelle anciennement cadastrée section AT n°[Cadastre 2] et l'autorisation d'édifier une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 2] qu'ils ont ensuite vendue à M. et Mme [R],

- qu'en limitant la servitude à une largeur de 3,56 mètres à 3,75 mètres, le tribunal a dénaturé les termes clairs de l'acte notarié qui précise que la servitude de passage s'exercera sur une bande de terrain de 4,35 mètres dans sa largeur la plus grande et de 4,28 mètres dans sa largeur la plus étroite, tel qu'indiqué sur le plan annexé audit acte notarié, parfaitement concordant à sa teneur,

- que c'est vainement que M. et Mme [N] prétendent qu'ils bénéficieraient d'une servitude de passage qui leur permettrait d'accéder à la partie de leur jardin situé au Nord de leur propriété, alors que la servitude alléguée n'a pas été constituée comme le rappelle le jugement rendu au profit des époux [P] et leur serait au demeurant inopposable faute d'avoir été publiée conformément aux dispositions du décret du 4 janvier 1955,

- que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal de grande instance de Lyon aux termes du jugement déféré, le jugement rendu le 8 novembre 2011 n'a en aucun cas conféré force exécutoire au compromis de vente régularisé par les époux [N] et les époux [P] le 22 juillet 2010, dès lors qu'aux termes de dispositions, le Tribunal a dit que seul le jugement vaut vente et n'a ordonné que la seule publication du jugement, étant relevé que M. et Mme [N] se sont gardés de demander que le jugement à intervenir vaille constitution de servitude dans le cas où il serait fait droit à la demande de M. et Mme [P],

- que la volonté de protéger son bien et ses droits immobiliers ne constitue en aucun cas une faute et que les courriers de M. et Mme [R] cités aux termes du jugement déféré n'ont en aucun cas convaincu M. et Mme [P] de ne pas acquérir la parcelle cadastrée section AT n°[Cadastre 4], dans la mesure où ces derniers ont été contraints de saisir la chambre des urgences du tribunal de grande instance de Lyon afin d'obtenir que le jugement à intervenir vaille vente, eu égard au refus de M. et Mme [N] de réitérer le compromis de vente par acte authentique.

Mme [V] épouse [N] et M. [O] [N] demandent à la cour :

Vu les articles 691, 692, 693, 694 et 701 du code civil,

Vu l'article 1155 du même code,

Vu l'article 1382 du code civil,

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- de condamner M. et Mme [R] à leur payer une somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts pour appel abusif,

- de condamner M. et Mme [R] à leur payer une somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens,

- de condamner M. et Mme [R] aux entiers dépens distraits au profit de Me Véronique Giraudon sur son affirmation de droit,

à titre subsidiaire :

- de constater l'existence d'une servitude de passage au profit de la parcelle cadastrée AT n°[Cadastre 5] sur la parcelle AT [Cadastre 4], en tous temps et heures et avec tous véhicules, et l'existence d'une servitude de tréfonds pour tous les ouvrages installés dans l'assiette de cette servitude desservant la parcelle AT [Cadastre 4] (réseaux divers et cuve de fuel), s'exerçant sur une bande d'une largeur de 3,56 m à 3,75 m jusqu'au portail installé en limite nord de la parcelle AT [Cadastre 5],

- d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir,

- de condamner M. et Mme [R] à leur payer une somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts pour appel abusif,

- de condamner M. et Mme [R] à leur payer une somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Ils soutiennent :

- qu'en 1997 quand la parcelle AT [Cadastre 2] a été vendue aux époux [R], le muret dont ils contestent aujourd'hui la réalisation était déjà construit depuis au moins deux années, comme cela apparaît sur les photographies de l'époque, dont la date est clairement visible au dos desdites photographies et cette clôture existait déjà depuis décembre 1994,

- que même si l'acte comporte différentes erreurs, les éléments de fait démontrent que les parties avaient entendu conférer une servitude de passage d'une largeur équivalente à l'emprise laissée libre par le chemin existant,

- qu'il n'y a d'ailleurs jamais eu de contestation sur ce point jusqu'en 2011,

- que c'est donc à juste titre que le tribunal, analysant les titres, et le comportement ultérieur des parties pendant 17 ans, a retenu que lors de la création de la servitude, le passage existant était moins large que celui mentionné dans l'acte et que cela procédait d'une erreur matérielle,

- subsidiairement, si la cour ne suivait pas le raisonnement du tribunal, la mise en place des murets et de la clôture antérieurement à la vente doit être considérée comme relevant d'une servitude par destination du père de famille en vertu des dispositions de l'article 692 du code civil, alors que rien dans le titre de propriété des époux [R] n'imposent que ces ouvrages qui préexistaient à la vente soient détruits,

- qu'en vertu de l'article 694 du code civil, si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat ne contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné,

- que d'autre part, toute servitude est éteinte lorsque le fonds à qui elle est due, et celui qui la doit, sont réunis dans la même main,

- que cette servitude est encore éteinte par l'application des dispositions de l'article 685-1 du code civil du fait de la cessation de l'état d'enclave de la parcelle AT [Cadastre 2] en raison de l'acquisition par M. et Mme [R] de la parcelle AT [Cadastre 4] qui dispose d'un accès sur la voie publique,

- que le compromis valant vente et le jugement ayant constaté le caractère parfait de cette vente, toutes les clauses et conditions de cette vente et notamment la constitution de servitude prévue au profit de la parcelle conservée par les époux [N], qui est une des conditions de la vente, s'est trouvée validée par ce jugement,

- qu'une servitude est opposable à l'acquéreur de l'immeuble grevé si elle a été publiée, ou si son acte d'acquisition en fait mention, ou encore s'il en connaissait l'existence au moment de l'acquisition,

- que l'acte de vente entre M. et Mme [R] et M. et Mme [P] fait expressément référence à ce jugement et à sa publication,

- que la servitude est donc parfaitement opposable aux époux [R] qui ne pouvaient l'ignorer,

- que M. et Mme [R] sur qui repose la charge de la preuve n'établissent pas le prétendu empiétement qu'ils invoquent,

- que M. et Mme [R] ont engagé avec une légèreté blâmable, une action en justice et n'ont eu de cesse de les harceler.

MOTIFS

Sur le litige relatif à la servitude au profit de la parcelle AT [Cadastre 2]

sur l'existence d'une erreur matérielle :

L'acte notarié du 30 juin 1997 aux termes duquel M. et Mme [N] ont vendu aux époux [R] la parcelle AT [Cadastre 2] mentionne que la parcelle AT [Cadastre 3] restant la propriété des vendeurs sera grevée d'une servitude réelle perpétuelle et gratuite de passage et de réseaux pour assurer la desserte de la parcelle vendue et que cette servitude s'exercera :

«sur une bande de terrain de quatre mètres trente cinq dans sa plus grande largeur et quatre mètres vingt huit dans sa partie étroite , prise le long de la limite est section AT [Cadastre 3] telle que son assiette est matérialisée sur le plan annexé aux présentes après mention, et permettra l'accès au fonds dominant (cadastré AT [Cadastre 2]) depuis le chemin du [Localité 5]»

Le plan annexé et signé des parties fait apparaître très clairement le chemin servant d'assiette à cette servitude.

Il est délimité :

- du côté Est, par la ligne droite correspondant à la limite de propriété avec une parcelle cadastrée n°[Cadastre 6] ,

- du côté Ouest, par une ligne droite parallèle à la première, dessinée en pointillée, et qui longe la façade Est de l'habitation des époux [N], située sur la parcelle AT [Cadastre 3].

Le plan comporte en outre les cotes suivantes :

- dans le prolongement de la façade nord : 4.35

- dans le prolongement de la façade sud : 4.28

Il résulte de ces éléments qu'il ne peut y avoir eu d'erreur matérielle, dès lors que les indications littérales de l'acte concordent exactement avec le plan annexé et font apparaître nettement que l'assiette de la servitude s'étend jusqu'au ras de la façade de la construction des époux [N].

Si ce plan ne fait pas apparaître le muret construit par M. et Mme [N] empiétant sur l'assiette de la servitude, et restreignant celle-ci à une largeur de 3.75 m ce ne peut être qu'intentionnellement et pour satisfaire à des règles d'urbanisme en matière d'accès suffisant.

Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a retenu l'existence d'une erreur matérielle affectant l'acte notarié.

Sur la commune intention des parties :

Les parties ont expressément et en toute connaissance de cause convenu d'une servitude de passage d'une certaine largeur alors même que sur le terrain, il existait un muret avec grillage, empiétant sur le chemin, sur toute sa longueur réduisant le passage à une largeur moindre.

Cette constitution de servitude, en ce qu'elle indique une largeur précise, prévaut sur la situation dès lors que cette situation ne constitue pas une impossibilité absolue pour le propriétaire du fonds servant de respecter l'exercice de la servitude qu'il a concédé.

En l'espèce, la démolition du muret étant réalisable, l'acte de servitude est bien valable en toutes ses énonciations.

Sur l'existence d'une servitude du père de famille :

Il est soutenu que la présence du muret constituerait une servitude par destination du père de famille (grevant la servitude de passage').

Mais ainsi qu'il a été indiqué, les parties ont eu la volonté de stipuler une «convention relative à la servitude» au sens de l'article 694 du code civil pour une certaine largeur, de sorte qu'il ne peut être valablement soutenu que M. et Mme [N] auraient, en même temps, eu la volonté de limiter la largeur du chemin.

Ce moyen ne peut qu'être rejeté.

Sur l'extinction de la servitude :

Aux termes de l'article 685-1 du code civil, «En cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682. A défaut d'accord amiable, cette disparition est constatée par une décision de justice.»

La constitution d'une servitude de passage sur la parcelle AT [Cadastre 3] au profit de la parcelle AT [Cadastre 2] avait pour cause l'enclavement de la parcelle AT [Cadastre 2], dont l'accès ne pouvait se faire que par le chemin du [Localité 5].

M. et Mme [R] en acquérant la parcelle AT [Cadastre 4] sont devenus propriétaires du chemin d'accès à leur fonds AT [Cadastre 2].

D'autre part, ils ne justifient pas d'une insuffisance de ce chemin qui présente une largeur comprise entre 3.46 m et 3.75 m, et qu'ils ont utilisé sans manifester aucune doléance concernant sa largeur, pendant 14 ans.

Leur fonds AT [Cadastre 2] contigu à la parcelle AT [Cadastre 4] n'est donc plus enclavé.

En conséquence, la servitude subsistante sur la bande de 50 à 90 cm située entre le muret et la limite ouest de la servitude de passage telle qu'indiquée dans l'acte du 30 juin 1997, doit être considérée comme éteinte, ce qui a d'ailleurs été admis par M. et Mme [R] eux-mêmes dans l'acte notarié des 4 et 30 juillet 2012, page 10, (acte d'acquisition par eux de la parcelle AT [Cadastre 4] aux époux [P]), en ces termes : «étant précisé que ces servitudes [ndlr: celles constituées dans l'acte du 30 juin 1997] deviennent à ce jour sans objets puisque M. et Mme [R] se retrouvent désormais propriétaires du terrain objet de la servitude de prospect et du chemin, objet de la servitude de passage rappelée ci-dessus.» Aucune réserve n'a été faite dans cet acte pour le surplus de l'assiette de la servitude de passage subsistant sur la parcelle AT [Cadastre 5].

Sur le litige relatif à la servitude grevant la parcelle AT [Cadastre 4] au profit de la parcelle AT [Cadastre 5]

Par jugement du 8 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Lyon a constaté le caractère parfait de la vente consentie entre M. et Mme [N] et M. et Mme [P].

Cette vente procède nécessairement du compromis du 22 avril 2010, lequel comporte la constitution d'une servitude de passage au profit de la parcelle AT [Cadastre 5] restant la propriété des époux [N] sur le chemin desservant la parcelle AT [Cadastre 2], désormais inclus dans la parcelle AT [Cadastre 4], et ce pour leur permettre d'accéder à la partie nord de leur parcelle AT [Cadastre 5].

L'acte de vente par M. et Mme [P] à M. et Mme [R] en date des 4 et 30 juillet 2012, mentionne dans le rappel de l'origine de propriété que les vendeurs ont acquis la parcelle AT [Cadastre 4] de M. et Mme [N] aux termes d'un jugement ordonnant la réalisation forcée de la vente , «ledit jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 8 novembre 2011 ayant été publié au premier bureau des hypothèques de Lyon le 27 mars 2012, volume 2012P n° 3480.»

Or le jugement mentionne : «Suivant acte sous seing privé en date du 22 juillet 2010, M. et Mme [N] se sont obligés à vendre à M. [P] et Melle [W] une parcelle de terrain à bâtir située à [Localité 7] cadastrée section AT [Cadastre 4] (...) Cet acte institue une servitude de passage au profit de la parcelle [Cadastre 5] sur la parcelle [Cadastre 4] sur une bande de 3,56 à 3,75 m tel que hachuré sur un plan annexé à l'acte, rappel également que le propriétaire du fonds voisin bénéficie d'une servitude de passage sur ledit chemin hachuré sur le plan.»

M. et Mme [P], acquéreurs, n'ont pas demandé au tribunal de constater la vente en excluant cette servitude qu'ils concédaient.

Le jugement en constatant le caractère parfait de la vente a nécessairement homologué toutes les stipulations convenues entre les parties.

Dès lors, la servitude de passage ayant été reproduite dans le jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 8 novembre 2011, et ce jugement ayant été d'une part publié au service de la publicité foncière et d'autre part, mentionné dans l'acte de vente des 4 et 30 juillet 2012, est opposable aux époux [R], qui en ont eu connaissance à cette date.

Sur la demande de condamnation de M. et Mme [N] à remettre en place la clôture Nord de leur propriété et à détruire le pilier Nord de leur portail

M. et Mme [R] n'invoquent aucun fondement juridique à l'appui de leur demande de rétablissement de la clôture enlevée par M. et Mme [N], ne soutenant pas la mitoyenneté de celle-ci.

Sur le second point, le plan de division de la parcelle AT [Cadastre 3] en AT [Cadastre 5] et AT [Cadastre 4] produit par les parties, fait apparaître que le pilier nord du portail est bien situé sur la parcelle AT [Cadastre 5] et qu'il ne peut donc pas empiéter sur la parcelle AT [Cadastre 4].

En conséquence, leur demande est mal fondée.

Sur les dommages et intérêts

M. et Mme [N] ont contribué eux-mêmes à l'émergence du litige à l'occasion de l'acte de vente du 30 juin 1997 en ne faisant pas coïncider l'assiette de la servitude de passage avec le chemin, et à l'occasion de la division pour le moins étrange de la parcelle [Cadastre 3], ayant pour résultat de faire supporter par un tiers la charge de l'assiette de passage existante.

Au vu de ces éléments, il n'apparaît pas d'abus de la part des époux [R] dans l'exercice de leurs droits.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il convient de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- Dit qu'aucun empiétement n'est caractérisé sur la parcelle AT [Cadastre 4],

- Constaté que la servitude de passage grevant le fonds n°AT [Cadastre 5] au profit de la parcelle AT [Cadastre 2] est éteinte,

- Débouté M. et Mme [R] de leurs demandes à ce titre,

- Condamné M. et Mme [R] à payer aux époux [N] une somme de 2 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

le réformant pour le surplus,

- Dit que la servitude de passage au profit du fonds AT [Cadastre 5] et grevant le fonds AT [Cadastre 4], stipulée dans l'acte sous seing privé du 22 juillet 2010 passé entre M. et Mme [N] et M. et Mme [P], valant vente au terme du jugement du tribunal de grande instance de Lyon rendu le 8 novembre 2011, est valide et opposable à M. et Mme [R], acquéreurs du fonds servant selon acte des 4 et 30 juillet 2012, dans les termes, conditions et limites énoncés dans l'acte du 22 juillet 2010,

- Déboute M. et Mme [R] de leurs demandes de rétablissement de la clôture et de démolition du pilier du portail,

- Déboute M. et Mme [N] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- Condamne in solidum M. et Mme [R] à payer à M. et Mme [N] une somme supplémentaire de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit n'y avoir lieu d'ordonner la publication du jugement, les parties restant libres d'y procéder le cas échéant,

- Condamne solidairement M. et Mme [R] aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Giraudon sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 17/08133
Date de la décision : 30/04/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°17/08133 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-30;17.08133 ?
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