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30/04/2019 | FRANCE | N°17/01184

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 30 avril 2019, 17/01184


N° RG 17/01184 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K3IH









Décisions :



- Tribunal de grande instance de DIJON

Au fond du 17 décembre 2013

RG : 11/02015

1ère chambre



- Cour d'Appel de DIJON

du 10 septembre 2015

RG : 14/00299

3ème chambre civile



- Cour de Cassation Civ.1

du 07 décembre 2016

Pourvoi n°M 15-28.659

Arrêt n°1385 FS-D









[P]

[P]

[P]



C/



[P]

[P]


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 30 Avril 2019



statuant sur renvoi après cassation







APPELANTES :



Mme [R]-[X] [P] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par...

N° RG 17/01184 - N° Portalis DBVX-V-B7B-K3IH

Décisions :

- Tribunal de grande instance de DIJON

Au fond du 17 décembre 2013

RG : 11/02015

1ère chambre

- Cour d'Appel de DIJON

du 10 septembre 2015

RG : 14/00299

3ème chambre civile

- Cour de Cassation Civ.1

du 07 décembre 2016

Pourvoi n°M 15-28.659

Arrêt n°1385 FS-D

[P]

[P]

[P]

C/

[P]

[P]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 30 Avril 2019

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTES :

Mme [R]-[X] [P] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par la SELARL LEGI AVOCATS, avocats au barreau de LYON

Mme [V] [P] épouse [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentée par la SELARL LEGI AVOCATS, avocats au barreau de LYON

Mme [O] [P] épouse [X]

[Adresse 4]

[Adresse 4] (DEVON-ANGLETERRE)

Représentée par la SELARL LEGI AVOCATS, avocats au barreau de LYON

INTIMÉS :

M. [Q] [P] représenté par Mme [Y] [P] prise en sa qualité de tutrice désignée à cette fonction par jugement rendu le 30 avril 2013 par le Tribunal d'Instance de [Localité 1], domiciliée [Adresse 5]

né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 1] (21)

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assisté de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de CHALON SUR SAONE

Mme [Y] [P] ès-qualité de tutrice de M. [Q] [P], désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal d'Instance de [Localité 1] du 30 avril 2013

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON

Assistée de la SELAS FIDAL, avocats au barreau de CHALON SUR SAONE

******

Date de clôture de l'instruction : 17 Janvier 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Mars 2019

Date de mise à disposition : 30 Avril 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Bérénice GRUDNIEWSKI, greffier

A l'audience, Florence PAPIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

[S] [P] et son épouse, [D] [V], ont eu quatre enfants, [R]-[X], [V], [O] et [Q] [P].

[S] [P] avait créé la SARL Garage [P], transformée ensuite en société anonyme, et dont le capital social comprenait 2000 actions ainsi réparties :

- 1950 actions détenues par [S] [P],

- 10 actions détenues par [D] [P], son épouse,

- 27 actions détenues par Mme [Q] [P],

- 10 actions détenues par Mme [R]-[X] [P],

- 3 actions détenues par des personnes extérieures.

[S] [P] est décédé le [Date décès 1] 1988, laissant pour lui succéder son épouse et ses quatre enfants.

Sa veuve a opté pour l'usufruit des biens composant la succession de son époux et a en conséquence recueilli l'usufruit des 1950 actions appartenant au de cujus, les quatre enfants en ayant la nue-propriété de manière indivise.

Par acte notarié en date du 2 avril 1998, [D] [P] a fait donation à M. [Q] [P] de l'usufruit de 900 de ces 1950 actions.

Le 18 avril 1998, ce dernier et sa mère ont constitué une holding, la société Financière [P], le premier faisant un apport de l'usufruit des 900 actions données par sa mère, de la pleine propriété de ses 35 actions et de la nue-propriété de 488 actions détenues en indivision avec ses soeurs, le tout estimé à la somme de 3 106 900 francs. [D] [P] a, pour sa part, fait l'apport de l'usufruit de 1050 actions, estimées à 420 000 francs. L'acte comportait une condition suspensive aux termes de laquelle le présent l'apport ne deviendrait définitif qu'après son approbation par l'assemblée constitutive des actionnaires fondateurs.

Puis par acte du 28 avril 1998, les consorts [P] ont convenu de mettre fin à l'indivision et Mesdames [R]-[X], [O] et [V] [P] ont ratifié l'apport de la nue-propriété des actions de la société Garage [P] à la société Financière [P].

Mme [R]-[X] [P] a également cédé les 10 actions lui appartenant en pleine propriété au profit de la société Financière [P].

Les actions de la société Garage [P] ont alors été évaluées à la valeur de 5 625 francs chacune, en pleine propriété, l'usufruit étant évalué à 7,10% de la pleine propriété.

Ainsi, les titres apportés par M. [Q] [P] ont été évalués à 3 106 900 francs et ceux apportés par [D] [P] à 420 000 francs.

M. [Q] [P] et sa mère ont été rétribués lors de la cession de leurs parts par l'attribution de :

- 33.567 parts en usufruit, outre 1800 parts en pleine propriété, pour [D] [P],

- 33.567 parts en nue-propriété pour M. [Q] [P], de l'ensemble des parts de la Société Financière.

Le 4 avril 2002, [D] [P] a cédé à ses petites filles [J] et [Y] [P], filles d'[Q] les 1800 parts de la société FINANCIERE [P] reçues lors de l'apport de 1998.

A la suite du décès de [D] [P], survenu le [Date décès 2] 2009, Mesdames [R]-[X], [V] et [O] [P] ont assigné devant le tribunal de grande instance de DIJON le 2 mai 2011 leur frère, M. [Q] [P], en soutenant, notamment, qu'il s'était rendu coupable de recel successoral et pour obtenir sa condamnation à 'rapporter' à la succession les sommes recelées.

Mesdames [R]-[X], [V] et [O] [P] reprochaient à leur frère d'avoir réalisé un montage juridique ayant consisté à constituer avec leur mère une société holding puis d'avoir fait apport conjoint à cette société, à leur insu, de l'usufruit possédé par leur mère et la nue-propriété des parts de la société Garage [P], apport en contrepartie duquel [D] [P] était rémunérée non pas par des parts en pleine propriété de la société holding mais en usufruit.

Elles expliquaient à cet effet que cet apport, qui n'avait aucun intérêt pour [D] [P], avait eu pour effet de rendre leur frère associé majoritaire par le seul effet du décès de sa mère, sans bourse déliée.

Elles faisaient en particulier valoir que si l'apport de leur mère avait été rémunéré, comme il se devait, en parts en pleine propriété de la société Financière [P], celles-ci auraient été dévolues aux quatre enfants après son décès.

Mesdames [R]-[X], [V] et [O] [P] alléguaient aussi une fraude réalisée par leur frère [Q] dans le fonctionnement de la société, ayant consisté à mettre en oeuvre une stratégie de mise en réserve systématique des bénéfices constatés, puis à compter des années suivantes, à une distribution de dividendes prélevés sur les mêmes réserves et s'être ainsi accaparé des sommes qui devaient revenir à sa mère et qui, après son décès, auraient dû faire partie de la dévolution successorale.

Elles faisaient valoir qu'en conséquence du recel commis par leur frère, celui-ci devait être tenu de 'rapporter' à la succession les sommes qu'elles prétendaient qu'il avait reçues indûment, à savoir les dividendes que [D] [P] aurait dû recevoir des sociétés Financière [P] et Garage [P].

M. [Q] [P] a été placé sous la tutelle de sa fille [Y] [P] par jugement rendu par le tribunal d'instance de [Localité 1] le 30 avril 2013.

Par arrêt confirmatif du 10 septembre 2015, la cour d'appel de Dijon a rejeté les demandes de Mesdames [R]-[X], [V] et [O] [P] qui se sont pourvues en cassation.

Par arrêt en date du 7 décembre 2016, la cour de cassation a cassé l'arrêt rendu en toutes ses dispositions au double motif que :

- la cour d'appel a violé l'article 1324 du Code Civil, dans sa rédaction antérieure à la réforme, et les articles 287 et 288 du Code de Procédure civile, en omettant de vérifier la véracité et l'exactitude de la signature de Mme [D] [P] figurant sur les procès-verbaux des assemblées générales de la société FINANCIERE [P].

- la cour d'appel a dénaturé l'écrit qui lui était soumis, en effectuant une lecture inexacte des conclusions qui lui étaient soumises par les appelantes en retenant que le fondement de leur demande de rapport à la succession pour la période1997 à 2008 n'est pas précisé, et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Lyon.

Mesdames [R]-[X] [Y], [V] [Q] et [O] [X] demandent à la Cour de :

Vu les articles 582 et suivants, 815 et suivants, 1844 et suivants du Code Civil,

Vu l'article L 232-11 du Code de commerce et les pièces versées aux débats,

Vu les dispositions du Code de procédure civile,

- RECEVOIR l'appel et le déclarer fondé,

- REFORMER le jugement et statuant à nouveau,

- DIRE ET JUGER que la signature de [D] [P] figurant sur les procès-verbaux d'assemblée générale est fausse.

Subsidiairement,

- DIRE ET JUGER qu'il y a lieu de procéder à une vérification d'écriture des signatures de [D] [P] apposées sur les procès-verbaux d'assemblée générale des 3 septembre 2005 et 30 septembre 2008.

En conséquence,

- ENJOINDRE Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de Mr [Q] [P] de déposer au Greffe de la Cour les exemplaires originaux desdits procès-verbaux dans un délai de 10 jours à compter de l'arrêt à intervenir ordonnant une telle vérification et sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de l'expiration de ce délai.

- DIRE ET JUGER qu'il sera procédé au dépôt au Greffe de toutes pièces détenues par les parties permettant la comparaison desdites signatures.

- PROCÉDER à une telle vérification d'écriture le cas échéant en désignant tel technicien qu'il plaira pour y procéder.

- SURSEOIR A STATUER dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise judiciaire,

- DIRE ET JUGER que l'apport par la nue-propriété des 488 parts de la société GARAGE [P] à la société FINANCIERE [P] leur est inopposable en l'absence d'unanimité des indivisaires.

En conséquence,

- DIRE ET JUGER que les parts sociales attribuées à Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] en contrepartie de cet apport sont en réalité indivises entre elles et ce dernier,

- DIRE ET JUGER en conséquence que les man'uvres de Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] lors de la constitution de la société FINANCIERE [P] démontrent son intention de porter atteinte à l'égalité dans le partage de la succession de [S] [P],

- DIRE ET JUGER qu'il n'est pas rapporté la preuve par Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P], que [D] [P] aurait valablement voté, lors des précédentes assemblées générales, la mise en réserve des bénéfices annuels en vue de leur éventuelle distribution future.

- DIRE ET JUGER que le droit aux dividendes bénéfice exclusivement à l'usufruitier peu important qu'ils soient prélevés sur les réserves de la société,

- DIRE ET JUGER que Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] n'avait pas le droit à percevoir les dividendes de la société FINANCIERE [P],

- DIRE ET JUGER qu'en s'allouant des dividendes prélevés sur les réserves de la société, Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] a volontairement et de façon dissimulée, porté atteinte à l'égalité des droits dans le partage,

- DIRE ET JUGER qu'en procédant la sorte, Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] s'est livrée à une fraude aux droits de sa mère en son temps et de ses co-indivisaires,

En conséquence,

- DIRE ET JUGER que Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de Mr [Q] [P] a commis un recel successoral.

- CONDAMNER Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de Mr [Q] [P] d'avoir à rapporter à l'actif de l'indivision successorale la totalité des dividendes perçus à ce titre, soit la somme de 870 214,50 €.

- DIRE ET JUGER que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de chacune des distributions faites.

- ORDONNER la capitalisation des intérêts par année civile entière.

- DIRE ET JUGER que par application de l'article 778 du code civil successoral, Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] sera exclue du bénéfice de ces sommes lors du calcul de ses droits dans la succession,

- DIRE ET JUGER que l'attribution à [D] [P] de l'usufruit de parts sociales constitutives du capital de la société FINANCIERE [P] d'une part et l'attribution à Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] de la nue-propriété des mêmes parts sociales de la société FINANCIERE [P] est constitutive d'une fraude à leurs droits dans le cadre de la dévolution successorale d'[S] [P] et [D] [P].

- DIRE ET JUGER que Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] a commis un recel successoral au titre de la distribution des dividendes de la société GARAGE [P].

- CONDAMNER Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] à rapporter à la succession la somme de 1 611 459,79 € au titre des dividendes de la SA GARAGE [P] éludés, à compter de chacune des distributions faites.

- ORDONNER la capitalisation des intérêts par année pleine et entière.

- DIRE ET JUGER que par application de l'article 778 du code civil successoral, Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] sera exclue du bénéfice de ces sommes lors du calcul de ses droits dans la succession,

- ORDONNER les opérations de partage de la succession de [D] [P].

En conséquence,

- DESIGNER M. le Président de la Chambre des Notaires avec faculté de délégation,

- COMMETTRE tel Juge qu'il plaira pour surveiller les opérations de partage de l'indivision.

- CONDAMNER Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] au paiement d'une somme de 8 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, d'appel afférents à l'arrêt rendu par la Cour d'appel de DIJON, ceux afférents à l'arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2016 ainsi que ceux de la présente

- DIRE ET JUGER que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte liquidation et partage, et en ordonner la distraction au profit de Maître Eric CESAR, Avocat, conformément à l'article 699 CPC.

Il est allégué par les appelantes :

- que le comportement et les manoeuvres de M. [Q] [P] caractérisent un recel successoral,

- que les procès verbaux qui mentionnent la présence de Mme [R] [X] [Y] aux AG des 30 juin 1995 et 28 juin 1996 sont des faux,

- leur absence aux AG de la société GARAGE [P],

- que la création de la société financière [P] n'était nullement nécessaire si ce n'est pour faire échapper de leur main l'usufruit des actions GARAGE [P] sans en payer le prix, qu'elles auraient dû être au capital de la holding,

- que l'apport de la nue-propriété de 488 actions par M. [Q] [P] n'était pas régulier en l'absence d'unanimité, que le transfert en date du 28 avril 1998 a été postérieur à cet apport,

- qu'en contrepartie de l'apport par Mme [P] de l'usufruit des 1050 actions, elle aurait dû se voir attribuer des titres en pleine propriété pour un montant équivalent,

- que la pleine propriété des parts a été reconstituée gratuitement et automatiquement sur la tête de son fils au décès de Mme [D] [P]

- que la circonstance selon laquelle la société financière [P] a payé aux trois soeurs le prix de la nue-propriété des actions de la société garage [P] qu'elles détenaient est indifférent à l'intention frauduleuse,

- que les acquisitions ont été payées avec les bénéfices systématiquement mis en réserve au sein de la société garage [P],

- que par ce tour de passe-passe leur frère s'est accaparé des sommes qui devaient revenir à leur mère et qui après son décès auraient dû faire partie de la succession

- que l'affectation en réserve n'est pas irrévocable de sorte qu'il n'y a aucune donation au profit du nu-propriétaire,

- qu'il n'est pas démontré que Mme [P] a valablement voté lors des assemblées générales, la mise en réserve des bénéfices dont la distribution par prélèvement sur les réserves a ensuite été décidée,

- qu'elles contestent la signature de leur mère figurant sur ces procès-verbaux, la signature apposée sur ces documents ne correspondant pas à celle qu'elle a portée sur d'autres papiers domestiques,

- que leur mère n'a jamais suivi l'activité de la société garage [P] ni du temps de son époux ni encore moins de celui de son fils, que les archives des deux sociétés auraient disparu,

- qu'il a été porté atteinte à l'égalité de traitement entre les héritiers et que les conditions du recel successoral sont réunies, Mme [Y] [P] en qualité de tutrice reconnaissant avoir perçu la somme de 870'214 euros au titre des distributions de dividendes décidées lors des assemblées générales de la société financière [P] en 2002 ,2005 et 2008, alors que Mme [A] [P] n'a perçu aucun dividende,

- que sur le même principe les distributions de dividendes de la société anonyme garage [P] entre 1997 et 2008 (pièces 6 et 10) abusivement distribuées doivent être portées à la succession à proportion des droits au capital de Mme [A] [P] pour la somme totale de 1'611'459 €.

Mme [Y] [P] es-qualité de tuteur de M. [Q] [P] demande à la cour aux termes de leurs dernières conclusions de :

Vu les pièces versés au débat,

Vu l'article 1844 alinéa 3 du code civil,

Vu l'artcile L.228-1, dernier alinéa, du code de commerce,

Vu la jurisprudence de la Cour de Cassation,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Débouter les appelantes de leur appel ainsi que de l'intégralité de leurs demandes,

Y ajoutant,

- Condamner solidairement Mme [R]-[X] [Y], Mme [V] [Q] et Mme [O] [X] à payer à M. [Q] [P] une indemnité de 9 000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- Condamner solidairement Mme [R]-[X] [Y], Mme [V] [Q] et Mme [O] [X] aux entiers dépens de l'appel,

- Les condamner aux dépens tant de première instance que ceux d'appel afférents à l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Dijon le 10 septembre 2015, que ceux afférentes à l'arrêt de la Cour de Cassation du 7 décembre 2016, ainsi que ceux de l'arrêt de la Cour de céans, ces derniers distraits au profit de Maître ROSE, Avocat, sur son affirmation de droit.

L'intimée soutient que :

- la société financière [P] a été constituée en parfaite transparence et pour permettre aux appelantes de vendre leurs participations dans la SA garage [P] à leur frère,

- les appelantes ont mis fin à l'indivision existante entre elles et leur frère par une convention sous seing privé en date du 28 avril 1998, partage qui a permis à M. [P] d'apporter en toute légalité à la société financière [P] les 488 actions en nue-propriété lui ayant été attribuées et aux appelantes de vendre le même jour à la société financière [P] la totalité des actions leur ayant été attribuées préalablement dans le cadre du partage de l'indivision,

- le même jour, Mme [R]-[X] [Y] a cédé les 10 actions en pleine propriété qu'elle possédait personnellement dans la société garage [P],

- que ce n'est qu'ultérieurement, le 28 avril 1998, qu'[Q] [P] a apporté les 488 actions à la société financière [P], le traité d'apport antérieur du 18 avril 1998 ayant été assorti d'une condition suspensive à ce sujet,

- que des lors cet apport est régulier,

- que cette acquisition a été faite moyennant une somme de 1 166'000 € qui n'a pu être payée que sur les dividendes susceptibles d'être distribués par la SA garage [P],

- que la création de la SARL financière [P] a permis à celle-ci d'appréhender les dividendes et de rembourser l'emprunt souscrit pour payer les sommes dues aux appelantes,

- qu'il est impossible de considérer que les dividendes auraient pu être versés à Mme [P] dans la mesure où la société holding aurait été dans ce cas de figure privée de revenus et en conséquence dans l'impossibilité de rembourser ses emprunts,

- que l'évaluation des apports a été faite au vu d'un rapport établi par un commissaire aux apports et ne peut être sujette à caution, qu'elle correspond au prix auquel les appelantes ont cédé leurs actions,

- que l'apport des titres réalisé par la défunte et non par un héritier ne peut-être constitutive de recel successoral,

- que suite à l'apport, Mme [P] avait perdu sa qualité d'associée du garage [P] et ne pouvait plus percevoir de dividendes,

- qu'en qualité d'usufruitière, Mme [P] n'avait aucun droit sur les bénéfices en réserve de la société financière [P], la décision d'affecter les bénéfices en réserve qui relève du droit de vote de l'usufruitier ayant été prise par elle en toute connaissance de cause et ne pouvant être imputée à M. [Q] [P] qui dès lors n'a pu commettre de recel successoral,

- que si l'opération d'apport d'usufruit par Mme [P] ne pouvait se réaliser que par rémunération en pleine propriété de titres de la société financière [P], cela ne représentait que 13,50% du capital soit 13,50% des dividendes distribués et qu'elle aurait payé l'impôt sur les sociétés, que lesdites sommes auraient fait l'objet d'un prélèvement de droits de succession si elles n'avaient pas été consommées avant le décès de Mme [P].

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de la saisine :

Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ;

Sur le fond :

Attendu que le recel successoral nécessite un élément matériel, qui peut résulter de tout procédé tendant à frustrer les cohéritiers d'un bien de la succession et d'un élément intentionnel à savoir l'intention frauduleuse,

Sur l'élément matériel :

*Sur l'allégation de l'absence de Mme [Y] aux Assemblées Générales (AG) des 30/6/1995 et 28/6/1996:

Attendu que l'AG du 30/6/1995 a voté la mise en conformité des statuts avec les dispositions légales, que l'AG du 28 juin 1996 (antérieure de presque deux années à la constitution de la holding) avait un ordre du jour classique plus large et notamment a affecté les bénéfices de l'exercice en réserve,

Attendu que pour contester la régularité des assemblées générales, l'action en nullité se prescrit par 3 ans (article L 235-9 du code de commerce) et que si elle était exercée aujourd'hui, elle serait prescrite,

Attendu que Mme [Y] rapporte insuffisamment la preuve de son absence aux AG litigieuses par l'attestation de M. [S] en date du 16 janvier 2014 concernant sa présence à son travail 18 ans auparavant,

*Sur la contestation de la signature de Mme [D] [P] sur les PV des assemblées générales ordinaires de la société financière [P] tenues le 3 septembre 2005 et 30 septembre 2008 :

Attendu qu'en application des articles 287 et suivants du code civil, si l'une des parties dénie son écriture, le juge procède à la vérification au vu des éléments dont il dispose,

Attendu selon l'article 1844 du code civil, si une part est grevée d'un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire sauf pour les décisions concernant l'affectation des bénéfices lequel est réservé à l'usufruitier,

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats comme élément de comparaison que la signature de Mme [D] [P] variait (en ce sens la signature sur sa carte d'identité délivrée en 2003 ne comportait aucune boucle au F contrairement aux autres signatures produites),

Attendu qu'aucune dissemblance manifeste ne résulte de l'examen effectué, l'absence de trait sous la signature du PV du 30 septembre 2008 et le caractère moins assuré de ladite signature pouvant s'expliquer par le fait qu'elle était alors âgée de 82 ans et qu'elle est décédée moins de 6 mois plus tard,

Attendu qu'il n'y a pas lieu à ordonner une expertise graphologique, la cour ayant été en mesure d'effectuer par elle-même la vérification à l'aide des pièces communiquées par les parties,

Attendu que de plus, l'usufruitier n'ayant aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve par décisions antérieures des assemblées générales des 30 juin 2006 et 29 juin 2007 adoptées à l'unanimité (donc y compris par Mme [D] [P] ), la contestation de la régularité desdites signatures par les appelantes sur ces procès verbaux n'a pas d'incidence sur la régularité des décisions de distribution de dividendes prélevés sur le compte 'autres réserves' prises lors des AG tenues le 3 septembre 2005 et 30 septembre 2008,

*sur l'apport de 488 actions par le frère [Q] [P] :

Attendu que le traité d'apport en date du 18 avril 1998 contient une condition suspensive aux termes de laquelle le présent apport ne deviendrait définitif qu'après son approbation par l'assemblée constitutive des actionnaires fondateurs de la société financière [P], qu'il est indiqué à l'acte 'qu'à défaut de réalisation définitive de l'apport avant le 15 mai 1998, la présente convention pourrait être considérée comme nulle et non advenue', qu'ainsi à la date du 18 avril 1998, l'apport par l'intimé de ses 488 actions n'était pas encore effectif,

Attendu que par acte sous seing privé en date du 28 avril 1998, les 4 enfants [P] ont convenu de mettre fin à l'indivision entre eux concernant les 1950 actions en nue propriété de la société GARAGE [P], par le transfert des quotes parts indivises détenues par eux au profit de la société financière [P],

que des ordres de mouvement ont été signés le même jour, ainsi que pour ses 10 actions en pleine propriété par Mme [R] [X] [P] épouse [Y],

Attendu que c'est bien à la date du 28 avril, que le transfert de la nue propriété des parts est enregistré au registre d'actionnaires de la SA GARAGE [P],

Attendu que l'apport de la nue propriété de ses 488 actions par M. [Q] [P] est par conséquent régulier et opposable aux appelantes,

*Sur la nature des parts que Mme [P] aurait dû se voir attribuer :

Attendu qu'en application de l'article 621 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 23 juin 2006, en cas de vente simultanée de l'usufruit et de la nue propriété d'un bien, le prix se répartit entre l'usufruit et la nue propriété selon la valeur respective de chacun de ses droits sauf accord des parties pour reporter l'usufruit sur le prix,

Attendu que suite au décès de son époux, Mme [P] a opté pour l'usufruit des biens composant la succession de son mari, que l'attribution de parts en usufruit de la société financière [P], prévue par la loi, est conforme à son choix initial,

Attendu que l'évaluation de l'apport de Mme [P] a été validée par un commissaire aux apports ainsi que l'équilibre entre cet apport et les titres attribués en contrepartie, que la rémunération de l'apport n'était pas illusoire puisque Mme [P] avait seule vocation à percevoir les bénéfices sous forme de dividendes en votant leur distribution après délibération en assemblée générale,

Attendu que ce mode de rémunération des apports faits par Mme [P] n'est pas de nature à caractériser un acte de recel,

*Sur la captation alléguée des dividendes de la société financière [P] et de la société GARAGE [P] par M. [Q] [P] :

Attendu que les dividendes de la société GARAGE [P] étaient reversés à sa holding afin de rembourser le crédit contracté pour payer aux appelantes leurs parts,

Attendu que pour rapporter la preuve du vote par Mme [D] [P] de la mise en réserve des bénéfices lors des AG des 30 juin 2006 et 29 juin 2007, l'intimé produit deux extraits certifiés conformes à l'original des deuxièmes résolutions mentionnant un vote à l'unanimité,

que les appelantes ne formulent pas, dans le corps de leurs conclusions, d'observation spécifique sur lesdites pièces ni ne rapportent la preuve de lui avoir délivré injonction d'avoir à produire les PV desdites AG,

que la cour considère que lesdites pièces, non critiquées, rapportent suffisamment la preuve que Mme [D] [P] a voté la mise en réserve des bénéfices de la société financière [P],

Attendu que comme déjà mentionné, l'usufruitier n'a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve par décisions antérieures de l'assemblée générale, ceux-ci constituant un accroissement de l'actif social revenant au nu propriétaire,

Attendu que dès lors, il n'y a pas eu de captation frauduleuse par M. [Q] [P] des dividendes de la société financière [P] ni du garage [P],

Sur l'élément moral :

Attendu que l'argument des appelantes, étayé par aucune preuve, selon lequel leur mère se serait désintéressée de l'activité de la société GARAGE [P] et de sa holding est contredit par l'attestation de M. [N] [L] [O], expert comptable,

Attendu que l'argument selon lequel la société financière [P] aurait été constituée à l'insu des appelantes n'est pas recevable alors qu'elles ont apporté à ladite société la nue propriété de leurs parts sociales, ont signé des ordres de mouvement, qu'elles en connaissaient donc au minimum l'existence et qu'il leur appartenait, si besoin,de se renseigner plus précisément avant la signature par elles du traité d'apport,

Attendu que le prêt destiné à acquérir la nue propriété des 1462 actions de la société GARAGE [P] et les 10 actions de Mme [Y] et à payer aux appelantes la somme non contestée de 1 166 000 euros est clairement mentionné à l'article 32 des statuts de la société financière [P],

Attendu que les apports à cette dernière ont été évalués par M. [P] [C], commissaire aux apports,

Attendu qu'il résulte des éléments ci dessus que la création de la société financière [P] a été effectuée en toute transparence afin notamment de financer le prix d'acquisition de la nue propriété des actions des appelantes et que la preuve de l'intention frauduleuse de M. [Q] [P] n'est pas rapportée,

Attendu que par conséquent la preuve des éléments, matériel et moral, constitutifs du recel successoral allégué par les appelantes n'est pas rapportée et que les appelantes sont par conséquent déboutées de leur demande formée sur ce fondement de rapport à l'actif de l'indivision successorale des dividendes,

Sur la demande d'ordonner les opérations de liquidation partage de la succession de Mme [D] [P] :

Attendu que cette demande ne fait l'objet d'aucune observation de la part de l'intimé, que le décès étant intervenu en 2009 et la succession n'étant toujours pas liquidée amiablement, il convient de faire droit à la demande,

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Attendu que Mesdames [R]-[X], [O] et [V] [P] sont condamnées aux dépens d'appel,

qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,

Y ajoutant,

Déboute Mesdames [R]-[X], [O] et [V] [P] de leur demande d'expertise graphologique,

Ordonne l'ouverture et le partage de la succession de Mme [D] [P] décédée le [Date décès 2] 2009,

Désigne Mr le Président de la Chambre des Notaires de DIJON ou à défaut son délégataire, à l'exclusion des notaires des parties, pour procéder aux opérations de liquidation et partage de ladite succession,

Désigne Mme le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de DIJON pour surveiller ces opérations et faire rapport en cas de difficultés,

Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,

Condamne in solidum Mesdames [R]-[X], [O] et [V] [P] aux dépens de l'appel.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 17/01184
Date de la décision : 30/04/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°17/01184 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-30;17.01184 ?
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