N° RG 18/01394 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LRRA
Décisions :
- Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond du 19 septembre 2013
RG : 11/12661
ch n°3
- Cour d'Appel de LYON
du 13 mai 2015
RG : 13/08055
1ère chambre civile A
- Cour de Cassation COMM.
du 31 janvier 2018
Pourvoi n°Q 15-20.796
Arrêt n°70 F-D
SAS MERIAL
C/
SAS ALFAMED
Société VIRBAC
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 12 Mars 2019
statuant sur renvoi après cassation
APPELANTE :
La SAS MERIAL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON
Assistée de l'AARPI SALANS FMC SNR DENTON EUROPE, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉES :
La SAS ALFAMED, venant aux droits de la société FRANCODEX SANTE ANIMALE, du fait de la transmission universelle de patrimoine de cette dernière au profit de la société ALFAMED, selon acte du 30 mars 2012, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SCP DEPREZ GUIGNOT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
La S.A. VIRBAC agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice demeurant en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SCP DEPREZ GUIGNOT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
******
Date de clôture de l'instruction : 22 Janvier 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Janvier 2019
Date de mise à disposition : 12 Mars 2019
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
La société MERIAL est une société pharmaceutique commercialisant des médicaments destinés aux animaux. Elle est titulaire de la marque verbale «FRONTLINE» n°94 509 301, déposée le 3 mars 1994 et renouvelée le 8 décembre 2003, pour désigner, en classe 5, 'des insecticides et des produits anti-parasitaires à usage vétérinaire', sous laquelle elle commercialise un anti-parasitaire à base d'un principe actif dénommé «Fipronil» pour tuer les tiques et puces des animaux domestiques.
Le groupe VIRBAC est un groupe pharmaceutique concurrent dédié à la santé animale, composé de plusieurs sociétés, parmi lesquelles les sociétés VIRBAC et ALFAMED.
Lorsque le brevet couvrant le «Fipronil» est tombé dans le domaine public en mai 2009, la société VIRBAC a lancé deux gammes d'anti-parasitaires pour chiens et chats à base de «Fipronil», sous les dénominations «Effipro» pour le circuit vétérinaire et «FIPROLINE» pour les pharmacies et jardineries animaleries.
Elle avait déposé, le 17 juillet 2008, sous le n°3 588 921, la marque française «FIPROLINE» pour désigner, en classe 5, les «préparations vétérinaires, en particulier un anti-parasitaire externe», puis une marque internationale n°1032318.
Les produits étaient fabriqués par la société ALFAMED.
Se plaignant que la marque «FIPROLINE portait atteinte à ses droits antérieurs, la société MERIAL a, par acte du 25 juillet 2011, assigné les sociétés VIRBAC et ALFAMED devant le tribunal de grande instance de LYON aux fins d'annulation de la marque «FIPROLINE» n°3 588 921 sur le fondement notamment des articles R.5141-1-1 du code de la santé publique et L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle et de condamnation des sociétés défenderesses pour atteinte à sa marque renommée «FRONTLINE», subsidiairement, pour contrefaçon par imitation de celle-ci, au paiement de dommages-intérêts, demandant en outre les mesures d'interdiction et de publication d'usage.
Par jugement du 19 septembre 2013, le tribunal a, pour l'essentiel :
- prononcé la nullité de la marque française «FIPROLINE» n°3 588 921, avec inscription au registre national des marques,
- condamné la société VIRBAC à payer à la société MERIAL la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts,
- condamné in solidum les sociétés VIRBAC et ALFAMED à payer à la société MERIAL la somme de 15 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société MERIAL de ses autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum les sociétés VIRBAC et ALFAMED aux dépens.
Par arrêt du 13 mai 2015, la cour d'appel de LYON a réformé le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, a :
- déclaré nulle la marque «FIPROLINE» conformément aux dispositions de l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, avec inscription au registre national des marques,
- dit que la marque «FRONTLINE» était une marque renommée,
- dit que la marque «FIPROLINE» portait atteinte à la renommée de la marque «FRONTLINE» conformément aux dispositions de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 6 bis de la convention de Paris, et que son dépôt et son utilisation constituaient également des actes de concurrence déloyale, causant un préjudice moral et économique à la société MERIAL,
en conséquence,
- condamné solidairement les sociétés VIRBAC et ALFAMED à verser à la société MERIAL :
' la somme de 80 000 € au titre du préjudice moral du fait de l'atteinte à la renommée de la marque «FRONTLINE»,
' la somme globale de 2 000 000 € au titre du préjudice économique et commercial du fait de l'atteinte portée à la renommée de la marque «FRONTLINE»,
- dit que l'atteinte à la marque devait cesser, en conséquence,
- ordonné à la société VIRBAC et à la société ALFAMED de cesser d'utiliser et de faire cesser d'utiliser aux sociétés du groupe VIRBAC la dénomination «FIPROLINE» sous astreinte de 500 € par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt,
- ordonné, conformément aux dispositions de l'article L. 716-15 du code de la propriété intellectuelle, le rappel des produits commercialisés sous la marque «FIPROLINE» des circuits commerciaux et leur destruction sous constat d'huissier, ainsi que la destruction à leurs frais des produits de marque «FIPROLINE» détenus par les sociétés VIRBAC et ALFAMED,
- ordonné que toutes les autres sociétés du groupe VIRBAC devraient se conformer à ce rappel dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt sous astreinte de 1 000 € par jour de retard,
- ordonné la publication de l'arrêt dans cinq quotidiens ou revues hebdomadaires ou mensuelles au choix de la société MERIAL et aux frais des sociétés VIRBAC et ALFAMED dans la limite de 5 000 € TTC par publication,
- condamné solidairement les sociétés VIRBAC et ALFAMED à verser à la société MERIAL la somme de 80 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 31 janvier 2018, la chambre commerciale de la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 13 mai 2015 par la cour d'appel de LYON, sauf en ce qu'il a dit que le dépôt et l'utilisation de la marque «FIPROLINE» constituaient des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société MERIAL, aux motifs que :
- pour annuler la marque française «FIPROLINE» n°588 921 avec inscription au registre national des marques, l'arrêt a retenu qu'ainsi qu'indiqué sur les emballages, les produits commercialisés sous cette marque par les sociétés VIRBAC et ALFAMED contiennent un principe actif connu sous la dénomination «Fipronil», que ladite marque, ayant un radical identique et un suffixe dont les lettres sont inversées, reprend de façon presque parfaite, et en a déduit que cette marque, indiquant de cette façon le principe actif contenu dans les produits vétérinaires vendus, était dénuée de caractère distinctif au regard du produit qu'elle désigne ;
et Qu'en prenant en considération les produits commercialisés sous la marque «FIPROLINE», et non au regard des produits désignés à son enregistrement, la cour d'appel avait violé les articles L.711-2 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle tels qu'interprétés à la lumière de l'article 3 paragraphe 1 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des états membres sur les marques ;
- que pour condamner les sociétés VIRBAC ET ALFAMED pour atteinte à la renommée de la marque «FRONTLINE», l'arrêt, après avoir considéré que la renommée de celle-ci était établie, a retenu que, sur le plan visuel, les termes «FRONTLINE» et «FIPROLINE» présentaient une ressemblance forte et que, si les emballages n'étaient pas identiques, des couleurs semblables, orange, rouge, violet et turquoise, sont utilisées, ainsi que des photographies, paraissant identiques, de chiens dont certains qui sont de la même race, en sorte que ce visuel relevait de l'imitation ; qu'il a retenu en outre que, sur le plan phonétique, l'impression auditive générale est semblable et que la prononciation à l'anglaise de ces termes rend la confusion possible pour le consommateur ; qu'il en a déduit que la marque «FIPROLINE» constituait une imitation de la marque «FRONTLINE» et que cette imitation engendrait un risque de confusion dans l'esprit du consommateur,
et Qu'en prenant en compte le mode de conditionnement des produits, la cour d'appel avait violé l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'interprété à la lumière de l'article 5 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques ;
- que l'arrêt a retenu encore que l'imitation de la marque renommée «FRONTLINE» par la marque «FIPROLINE», en engendrant la confusion dans l'esprit du consommateur, était de nature à porter préjudice à la société MERIAL,
et Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses écritures d'appel, la société MERIAL se bornait à alléguer le fait que la marque «FIPROLINE» tirait indûment profit de la renommée de la marque «FRONTLINE», la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile.
La société MERIAL a saisi la présente cour, autrement composée, désignée comme cour de renvoi par acte du 26 février 2018.
Au terme de conclusions notifiées le 20 décembre 2018, la société MERIAL demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
' dit que la dénomination FIPROLINE pouvait se confondre avec la dénomination commune Fipronil,
' prononcé la nullité de la marque française FIPROLINE n°3 588 921, mais en en substituant les motifs en disant que ladite marque est nulle non sur le fondement de l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle mais de l'article L.711-3 dudit code,
- infirmer le jugement pour le surplus et,
- dire que la marque FRONTLINE est renommée et qu'en déposant la marque française FIPROLINE n°3588921 et en fabriquant et commercialisant les produits FIPROLINE, les intimées ont porté atteinte à la marque renommée antérieure FRONTLINE, sur le fondement de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle,
- à titre subsidiaire, qu'en déposant la marque française FIPROLINE n°3588921 et en fabriquant et commercialisant des produits sous cette marque, et en déposant les noms de domaine www.fiproline.com et www.fiproline.fr, les intimées ont commis et commettent des actes de contrefaçon par imitation de la marque antérieure FRONTLINE sur le fondement de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle,
- qu'en toute hypothèse, en ajoutant le symbole ® aux côtés de la dénomination FIPROLINE postérieurement au jugement de première instance du 19 septembre 2013, les intimées ont commis de nouveaux actes de concurrence déloyale,
- déclarer nulle la marque française FIPROLINE n°3588921,
' dire que la décision à intervenir sera inscrite au Registre National des Marques sur réquisition du Greffier dans le mois de son prononcé ou qu'à défaut, la société MERIAL sera autorisée à y faire procéder,
' condamner in solidum les sociétés intimées à lui verser :
' la somme de 100 000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de l'atteinte à la marque à sa marque «FRONTLINE» n°94 509301, aux visa des articles L713-5 et L713-3 du code de la propriété intellectuelle,
' la somme de 7 200 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi du fait de l'atteinte portée à la marque FRONTLINE,
' la somme de 850 000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil sauf à parfaire,
- ordonner aux sociétés intimées de cesser d'utiliser et de faire cesser d'utiliser, directement ou indirectement, notamment par toute société du groupe VIRBAC, ses revendeurs, grossistes et leurs clients, à quelque titre que ce soit, la dénomination FIPROLINE en relation avec des produits ou services vétérinaires et, le cas échéant, cesser d'utiliser toute autre dénomination susceptible de prêter à confusion avec la dénomination Fipronil et/ou avec la marque FRONTLINE sous astreinte de 1 500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,
- ordonner aux sociétés intimées de radier le nom de domaine www.fiproline.com, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
à défaut, si seule la nullité de la marque FIPROLINE devait être retenue,
- ordonner aux sociétés intimées de cesser d'utiliser et de faire cesser d'utiliser, directement ou indirectement, notamment par toute société du groupe VIRBAC, ses revendeurs, grossistes et leurs clients, à quelque titre que ce soit, à quelque titre que ce soit la dénomination FIPROLINE accompagnée du symbole ®, sous astreinte de 1 500 € par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,
- ordonner, conformément à l'article L.716-15 du code de la propriété intellectuelle, le rappel des produits commercialisés sous la marque FIPROLINE de l'ensemble des circuits de distribution physique et sur internet (y compris pharmacies, jardineries-animaleries) et leur destruction sous contrôle d'huissier, ainsi que la destruction, aux frais solidaires des intimées et sous contrôle d'huissier, des produits sous marque FIPROLINE détenus par les sociétés intimées, et dire que ce rappel sera étendu à toute autre société du groupe VIRBAC et tous tiers (notamment auprès de ses revendeurs, grossistes et de leurs clients), à charge pour les sociétés intimées de rappeler ou faire rappeler les produits FIPROLINE, et ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 3 000 € par jour de retard,
à défaut, si seule la nullité de la marque FIPROLINE devait être retenue (sic),
- faire interdiction d'apposer la mention ' sur tout emballage comportant la dénomination FIPROLINE et ORDONNER le rappel des produits dont l'emballage revêt encore la dénomination FIPROLINE accompagnée du symbole ®, et leur destruction sous contrôle d'huissier, ainsi que la destruction, aux frais solidaires des intimées et sous contrôle d'huissier, desdits produits détenus par les sociétés intimées, à charge pour elles de faire détruire les produits détenus par toute autre société du groupe VIRBAC et tous tiers, et ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 3 000 € par jour de retard ;
- dire que la cour se réservera la liquidation de l'astreinte ainsi prononcée,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans 10 quotidiens ou revues hebdomadaires ou mensuelles au choix de l'appelante à hauteur de 10 000 € HT par insertion aux frais avancés et solidaires des sociétés intimées à titre de dommages-intérêts complémentaires,
- condamner in solidum les sociétés intimées à verser à la société MERIAL la somme de 200 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, incluant les frais de constat, avec faculté de recouvrement direct au profit de Me LAFFLY.
Au terme de conclusions notifiées le 14 janvier 2019, les sociétés VIRBAC et ALFAMED demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
' jugé que la dénomination FIPROLINE peut se confondre avec la dénomination commune Fipronil,
' prononcé la nullité de la marque française FIPROLINE n°3 588 921 sur le fondement de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle,
' jugé qu'en déposant la marque FIPROLINE, la société VIRBAC avait commis des actes déloyaux vis-à-vis de MERIAL,
' condamné la société VIRBAC à payer à la société MERIAL, la somme de 200 000€ à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
- dire que la marque FIPROLINE n°3588921 n'imite pas et ne crée pas de confusion à l'égard de la marque FRONTLINE, qu'elle ne porte pas atteinte à la renommée alléguée de la marque FRONTLINE, qu'elle est licite,
- débouter la société MERIAL de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la société MERIAL à leur payer la somme de 100 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 100 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Me de FOURCROY.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'atteinte à la marque
La société MERIAL fait valoir :
- que la marque Fiproline porte atteinte à la renommée de la marque antérieure FRONTLINE,
- que la notoriété de sa marque ressort des sondages réalisés par les instituts d'études les plus réputés réalisés en 2010 et 2011 (IPSOS et SORGEM) et d'une étude TNS HEALTHCARE de 2008 la faisant apparaître comme le 'leader' incontestable des produits anti-parasitaires pour animaux sur le marché français et des importantes campagnes de publicité réalisées en 2009/2010,
- que les documents qu'elle invoque ne concernent pas la seule marque Frontline Combo et qu'en tout état de cause, l'usage de cette marque en combinaison avec la marque Frontline constitue une preuve de la réputation de la marque, que la marque Frontline Combo participe à la notoriété de la marque Frontline dont elle est une marque dérivée,
- que la première phase de l'étude TNS HEALTH CARE d'août 2008, aucun spot télévisé n'avait été préalablement diffusé aux sondés de sorte que les résultats mesurés au cours de cette phase sont pertinents et confirment la notoriété de la marque Frontline,
- que le monopole dont elle disposait jusqu'en 2008 sur le Fipronil n'est pas synonyme d'un monopole sur le marché des produits anti-parasitaires pour animaux, que les sondages de 2011 sont postérieurs à la perte du monopole du brevet Fipronil et qu'il en ressort en tout état de cause un fort niveau de connaissance des autres produits de la gamme Frontline,
- que l'article L.713-5 s'applique même en présence de produits similaires à ceux couverts par la marque,
- que les signes en présence présentent des similitudes, visuelles comme étant de longueur identique, avec 7 lettre identiques, placées selon le même ordre avec le même suffixe, ce qui leur confère une physionomie très proche, que l'impression produite par les deux signes en cause est très similaire, que la partie finale est 'évidemment' prononcée à l'identique, que la banalité du suffixe 'line' n'est pas démontrée dans le domaine des produits en cause pour des consommateurs français, que l'accent tonique est localisé au même endroit des deux marques,
- que la dénomination FIPROLINE évoque inévitablement le composant Fipronil de sorte qu'il existe une ressemblance conceptuelle entre les produits en cause, alors qu'il est improbable que le consommateur moyen soit apte à comprendre le terme Frontline comme signifiant ligne de front,
- qu'une ligne de produits en matière de médicaments est dépourvue de sens de sorte que le suffixe 'line' ne saurait être perçu en ce sens par le public,
- que les décisions des différents offices nationaux rejetant son opposition au dépôt de la marque FIPROLINE ne sont pas pertinentes au regard de la perception différente des similitudes par un public étranger, qu'en outre le tribunal administratif du Costa Rica, la cour d'appel de BUENOS AIRES et la cour suprême de Nouvelle Zélande ont rejeté l'enregistrement au motif que les marques étaient similaires et retenu l'existence d'un risque de confusion.
Les intimées font valoir en réponse :
- que la protection édictée par l'article L.713-5 n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce dès lors qu'en l'absence d'imitation de le marque Frontline par l'usage de la marque Fiproline, il ne peut y avoir aucune atteinte à la marque Frontline,
- qu'il n'y a pas de similitude entre les signes ni de risque de confusion, tant au plan visuel qu'au plan sonore, le rythme étant différent avec deux syllabes pour la première marque et trois pour la seconde, une séquence d'attaque radicalement différente, une séquence finale visuellement commune mais de prononciation différente,
- que, sur le plan intellectuel, aucun des deux signes n'a de signification particulière en langue française, Frontline pouvant avoir une signification en langue anglaise avec la connotation défensive de faire barrage,
- que le consommateur moyen est familier de la signification du vocable 'line', ligne en anglais, alors que la marque Fiproline est un néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne pour le grand public, seul un public de professionnel étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical FIPRO, de la substance active composant les produits vendus, que l'évocation du Fipronil est absent dans la marque Frontline,
- que les seize procédures d'opposition introduites par MERIAL à l'encontre de la marque Fiproline ont été rejetées par les offices nationaux,
- que les études invoquées par la société MERIAL ne sont pas probantes,
- que la renommée de la marque FRONTLINE n'est pas établie, la société MERIAL ne justifiant d'aucun usage et d'aucune communication promotionnelle en faveur de la marque FRONTLINE sur le territoire français antérieurement au dépôt de la marque FIPROLINE, ses publicités ne portant que sur le vocable 'FRONTLINE COMBO' marque distincte de celle invoquée, portant sur des produits distincts et faisant l'objet d'une exploitation distincte,
- qu'en l'absence d'imitation de la marque FRONTLINE, il ne peut y avoir atteinte à sa renommée.
Selon l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, 'Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :
a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;
b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.'
Selon l'article L.713-5 alinéa 1, la reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière.
La contrefaçon sur le fondement de l'article L.713-3 ou l'atteinte à la renommée sur le fondement de l'article L.713-5 supposent s'agissant de produits similaires, la démonstration d'une imitation du signe distinctif de la marques. Il convient en conséquence de rechercher préalablement à la détermination de la renommée de la marque FRONTLINE, l'existence d'éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle avec la marque FIPROLINE de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public concerné par les produits.
L'appréciation de la singularité des signes doit être faite sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent sur le public concerné en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants, ce qui limite la comparaison aux signes entre eux à l'exclusion de tous éléments extrinsèques.
En l'espèce, le rythme de chacun des signes est différent, FRONTLINE ayant deux syllabes alors que Fripronil en a trois. La séquence d'attaque de chacun des signes, FRONT et FIPRO n'ont rien de commun sis ce n'est la lettre F. Le O de FRONT s'entend comme ON et non comme O, contrairement à celui de FIPRO de sorte qu'aucune ressemblance ne saurait ressortir de l'emploi commun de cette lettre.
La séquence finale 'line', si elle est visuellement identique, se prononce à l'anglaise s'agissant de FRONTLINE alors que pour FIPROLINE, la prononciation française sera la plus naturelle, cette analyse étant confirmée en tant que de besoin par les publicités radio et télévisées respectives des parties qui témoignent de la prononciation différente de la syllabe finale dans les deux signes.
Enfin, les intimées produisent aux débats de multiples exemples de marques employant le suffixe 'line', perçu en général comme une référence à une ligne de produits, faisant apparaître celui-ci comme très peu distinctif de sorte que l'attention du public ne se porte pas sur lui.
La syllabe d'attaque, perçue en premier, et la syllabe centrale, qui sont prépondérantes par rapport à la terminaison identique, donnent une sonorité et une apparence distinctes à l'ensemble et suffisent à différencier les signes.
Il en résulte que la perception tant auditive que visuelle des deux marques est différente.
Sur le plan conceptuel, si FRONTLINE peut avoir une signification en langue anglaise avec la connotation défensive de faire barrage, la marque FIPROLINE est un néologisme arbitraire par rapport aux produits qu'elle désigne pour le grand public, seul un public de professionnel étant à même de comprendre l'évocation par l'emploi du radical FIPRO, de la substance active composant les produits vendus alors que l'évocation du Fipronil est absent dans la marque FRONTLINE.
La comparaison des signes selon cette approche globale écarte toute similitude entre les marques qu'elle soit visuelle, auditive ou intellectuelle. Il en résulte l'absence de risque de confusion entre les deux marques et par là même l'absence de contrefaçon ou d'atteinte à la marque FRONTLINE sans qu'il y ait lieu de rechercher si celle-ci répond aux critères de la marque renommée.
Sur la validité de la marque FIPROLINE
La société MERIAL fait valoir :
- que la marque FIPROLINE est nulle en application de l'article R.5141-1-1 du code de la santé publique au terme duquel si le nom d'un médicament vétérinaire peut être un nom de fantaisie, celui-ci ne peut se confondre avec la dénomination commune usuelle ou celle recommandée par l'organisation mondiale de la santé (DCI), l'usage de ces dénominations devant rester libres d'usages par tous les concurrents et rester dans le domaine public,
- que le nom FIPROLINE peut se confondre avec la dénomination commune Fipronil, de sorte que celui-ci se confond avec la substance active,
- qu'en application de l'article L.711-3 b) du CPI, elle constitue une marque dont l'utilisation est légalement interdite, qu'il s'agit d'une nullité absolue qui peut être soulevée par toute personne et que le fait que l'INPI ou l'AFSSA n'aient pas fait obstacle à son enregistrement ou à sa mise sur le marché n'est pas déterminant de sa validité
- qu'en tout état de cause, la marque se confondant avec la dénomination commune Fipronil et désignant le principe actif qu'elle contient de sorte qu'elle est descriptive de la composition du produit et qu'elle est nulle comme dépourvue de caractère distinctif et dénuée d'arbitraire au regard du produit désigné en application de l'article L.711-2 b) du code de la propriété intellectuelle, dans au moins un des usages que pourrait en faire son titulaire, à savoir une préparation vétérinaire à base de Fipronil, qu'elle serait en outre trompeuse s'agissant des préparations ne contenant pas de Fipronil,
- que le consommateur est tout à fait en mesure d'identifier le terme 'Fipronil' comme la substance active du produit en cause, compte tenu du succès du produit FRONTLINE dont tous les emballages précisent le nom du principe actif et son dosage.
Les sociétés VIRBAC et ALFAMED font valoir en réponse :
- que la société MERIAL n'a pas qualité ni intérêt à agir sur le fondement de l'article L.711-3 b) combiné avec l'article R.5141-1-1 du code de la santé publique, faute d'avoir le statut d'une autorité publique,
- que les autorités sanitaires n'ont pas vu d'objection à l'adoption de la dénomination FIPROLINE lors du dépôt de la demande d'AMM, que la société MERIAL n'a elle-même pas formé opposition au dépôt de la marque litigieuse et qu'elle a elle-même déposé la marque FIPRO ONLINE au Brésil,
- qu'en tout état de cause la terminaison de la marque Fiproline n'est pas identique à celle de la DCI, la consonance intellectuelle étant distincte de la terminaison NIL, que la pratique d'utiliser un radical évoquant la substance active composant le produit est courante et non répréhensible,
- que le libellé de produits de la marque FIPROLINE ne fait aucune référence au produit Fipronil,
- que le public visé par la marque, en l'occurrence le consommateur moyen susceptible d'acheter des produits à usage vétérinaire pour animaux de compagnie, à l'exclusion du professionnel, (jardineries, animaleries et pharmacies), ignore la molécule Fipronil, son éventuel effet vétérinaire ou même sa dénomination de sorte que la marque ne peut être considérée comme descriptive,
- que la marque est arbitraire pour le grand public qui ne connaît pas les composants chimiques du produit ou les molécules actives de celui-ci,
- que les emballages du produit n'ont pas à être pris en considération,
- qu'une marque évocatrice n'est pas dépourvue de caractère distinctif, il n'est pas la désignation nécessaire, générique ou usuelle d'une des caractéristiques des produits désignés.
Selon l'article R.5141-1-1 du code de la santé publique, 'Le nom d'un médicament vétérinaire peut être soit un nom de fantaisie, soit une dénomination commune ou scientifique assortie d'une marque ou du nom du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou de l'entreprise assurant l'exploitation du médicament. Le nom de fantaisie ne peut se confondre avec la dénomination commune.'
Sans préjudice de l'application de la législation relative aux marques de fabrique, de commerce et de service, le nom de fantaisie est choisi de façon à éviter une confusion avec d'autres médicaments et à ne pas induire en erreur sur la qualité ou les propriétés du médicament vétérinaire.'
Selon l'article L.711-3 b) du code de la propriété intellectuelle, 'Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe :
a) Exclu par l'article 6 ter de la convention de Paris en date du 20 mars 1883, révisée, pour la protection de la propriété industrielle ou par le paragraphe 2 de l'article 23 de l'annexe I C à l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce ;
b) Contraire à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l'utilisation est légalement interdite ;
c) De nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.
La marque FIPROLINE n'a fait l'objet d'aucune interdiction d'utilisation par les autorités de santé de sorte que qu'elle ne saurait être considérée comme contraire à l'ordre public et que la société MERIAL est irrecevable à se prévaloir des dispositions combinées des articles R.5141-1-1 du code de la santé publique et L.711-3 b) du code de la propriété intellectuelle.
Selon l'article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle, 'la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale.'
Selon l'article L.711-2, 'Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.
Sont dépourvus de caractère distinctif :
a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service
c) [...]
Selon l'article L.714-3, alinéa 1, 'Est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4".
En application de cette disposition, l'absence de caractère distinctif constitue une cause de nullité d'une marque enregistrée. Cette exclusion n'interdit pas de choisir un signe qui, sans véritablement décrire telle caractéristique d'un produit ou service, l'évoque ou la suggère plus ou moins directement. Il en résulte qu'un signe peut être distinctif tout en évoquant les produits et services qu'il désigne et que le signe évocateur peut être constitué exclusivement de signes eux-mêmes descriptifs, mais pris dans un ordre inhabituel.
Le caractère distinctif d'une marque enregistrée au sens de l'article L.711-2 doit être apprécié d'une part par rapport aux produits ou services désignés à son enregistrement, à l'exclusion de tout autre élément extrinsèque et, d'autre part, par rapport à la perception qu'en a le public auquel cette marque est destinée.
En l'espèce, le dépôt de la marque FIPROLINE désigne des préparations vétérinaires et en particulier un antiparasite externe. Le Fipronil est le principe actif de l'antiparasite externe commercialisé par la société VIRBAC sous cette marque.
Le public pertinent à prendre en considération est un public de particuliers constitué de consommateurs de produits vétérinaires pour chiens et chats s'agissant d'une marque vendue en libre service dans les jardineries et animaleries, de sorte que celle-ci a pu être considérée par la clientèle comme évocatrice du principe actif Fipronil contenu dans les produits dont la société MERIAL avait l'exclusivité jusqu'en 2009.
Toutefois, le signe FIPROLINE n'est pas un mot du langage courant servant à désigner un antiparasite externe pour chiens et chats de sorte qu'il ne constitue pas la désignation nécessaire, générique ou usuelle du Fipronil.
D'autre part, le suffixe LINE, très répandu en matière de marques, est perçu par le consommateur moyen comme désignant une ligne de produits et la présence du radical FIPRO ne saurait conduire à considérer la marque litigieuse comme descriptive.
Il en résulte que le signe FIPROLINE répond à l'exigence de distinctivité posé par l'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle et que la marque FIPROLINE n'est pas nulle du seul fait de sa proximité avec la dénomination commune Fipronil.
Il convient en conséquence de débouter la société MERIAL de sa demande de nullité de la marque et de ses demandes subséquentes.
Sur la concurrence déloyale
La cassation intervenue n'étant que partielle, il a été définitivement jugé que le dépôt de la marque FIPROLINE était constitutif d'un acte de concurrence déloyale à l'égard de la société MERIAL comme de nature à induire une préférence d'utilisation pour le consommateur.
La société MERIAL fait valoir :
- que l'utilisation du symbole ' sur les conditionnements des produits FIPROLINE après le jugement de première instance assorti de l'exécution provisoire et alors que l'inscription de la décision d'annulation avait été effectuée au Registre national des marques est trompeuse et qu'elle constitue un nouvel acte de concurrence déloyale,
- que FIPROLINE est la seule marque du marché qui se confond avec la dénomination Fipronil,
- que les chiffres qu'elle fournit démontrent que les produits FIPROLINE sont les seuls à avoir, dès leur entrée sur le marché, progressé plus rapidement que les autres produits concurrents à base de Fipronil avec des investissements publicitaires bien inférieurs et un prix pourtant équivalent,
- que son préjudice peut être estimé à 20% du préjudice subi au titre de la marge perdue et des frais supplémentaires engagées du fait de la confusion entre les marques FRONTLINE et FIPROLINE soit 800 000 €,
- que les actes de concurrence déloyale consistant en l'utilisation trompeuse du symbole ' ont causé à MERIAL un nouveau préjudice lequel ne saurait être inférieur à 50 000 €.
La société VIRBAC fait valoir :
- que le grief de concurrence déloyale, même s'il n'a pas donné lieu à cassation, est inconsistant,
- que la cour devra vérifier que le consommateur moyen connaissait la signification du terme Fipronil, qu'il était en mesure de l'identifier comme la substance active du produit au point d'influer sur son achat et que l'adoption de la marque critiquée serait de nature à lui procurer un avantage concurrentiel indu,
- qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale en apposant le symbole ' aux côtés de la dénomination FIPROLINE, la décision prononçant la nullité de la marque n'étant pas définitive en raison de l'appel introduit par la société MERIAL,
- qu'elle a cessé d'utiliser la marque Fipronil remplacée par FIPROMEDIC et qu'il ne peut lui être reproché de l'avoir renouvelée à des fins conservatoires,
- que la société MERIAL n'a subi aucun préjudice du fait du grief de concurrence déloyale, que la rupture d'égalité devant la loi alléguée par MERIAL et qui résulterait du fait d'avoir adopté une marque trop proche d'une désignation commune ne lui a causé aucun préjudice personnel et direct,
- que le principe actif Fipronil est tombé dans le domaine public en 2009 permettant ainsi une libre concurrence dans l'exploitation de la substance active Fipronil et que les baisses de vente de FRONTLINE sont dues, non à une quelconque concurrence déloyale, mais à la perte d'un monopole légal,
- que le rapport SORGEM est établi sur la base d'informations fournies par la société MERIAL auxquelles il ne saurait être attribué un caractère fiable, qu'en outre les interprétations de la SORGEM sont tendancieuses et ne tiennent aucun compte de l'absence de confusion possible entre les produits,
- qu'à compter de mars 2009, la société MERIAL a réorienté ses ventes vers FRONTLINE COMBO afin d'anticiper l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché, qu'elle a contribué à la baisse de ses ventes sur le produit FRONTLINE 'simple' au profit de FRONTLINE COMBO,
- que les évolutions des ventes et des parts de marché démontrent l'absence de lien de causalité entre l'usage de la marque FIPROLINE à compter de mai 2009 et la baisse des ventes du produit FRONTLINE, baisse au demeurant très faible, qui n'est liée qu'à l'arrivée de produits concurrents après la perte du brevet sur le Fipronil.
Un préjudice s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale générateur d'un trouble commercial.
Les analyses et conclusions du rapport SORGEM invoqué par la société MERIAL reposent sur la prétendue confusion entre les marques FRONTLINE et FIPROLINE laquelle a été écartée de sorte qu'elles ne sauraient être considérées comme probantes du préjudice économique de la société MERIAL.
La marque FIPROLINE a pu être considérée par une partie de la clientèle comme évocatrice du principe actif Fipronil contenu dans les produits dont la société MERIAL avait l'exclusivité jusqu'en 2009 et attirer cette clientèle vers le produit plus rapidement que par le jeu de la concurrence normale de sorte que la préférence d'utilisation induite par la proximité du nom de la marque avec le principe actif a constitué un élément favorable à la percée du produit FIPROLINE sur le marché.
A la date de la mise de FIPROLINE sur le marché, le seul concurrent était FRONTLINE de sorte que l'avantage dont a bénéficié la société VIRBAC n'a pu se faire qu'au détriment de la société MERIAL.
Au regard du fait que le public pertinent n'est pas particulièrement versé dans la chimie et que rien n'établit que la société MERIAL, seule titulaire du brevet, ait mis en avant auprès de la clientèle FRONTLINE la présence de la molécule Fipronil dans son produit antérieurement à la diffusion de la marque FIPROLINE, il y a lieu d'estimer à 5% les clients MERIAL que le nom de Fipronil a attirés au produit VIRBAC lors de sa mise sur le marché.
La cour trouve dans les pièces produites les éléments lui permettant de fixer la marge perdue par la société MERIAL dans les deux années suivant l'introduction du produit VIRBAC à 7 500 000 €.
Il n'est pas démontré que le trouble commercial de la société MERIAL ait perduré au delà de 2011, les produits concurrents étant à cette date suffisamment connus de la clientèle pour que celle-ci fasse son choix sans référence à la proximité du nom du produit avec celui de la molécule.
Aucun élément ne vient démontrer que l'emploi du symbole ', indiquant que la marque est enregistrée, postérieurement au jugement alors que celui-ci avait prononcé l'annulation de la marque et qu'il était assorti de l'exécution provisoire aurait été de nature à orienter le client vers le produit VIRBAC au détriment du produit MERIAL de sorte qu'il ne saurait être fait droit à la demande d'indemnité formulée de ce chef.
Il convient en conséquence de fixer l'indemnité réparant le préjudice subi par la société MERIAL du fait de la concurrence déloyale à la somme de 7 500 000 € x 5% soit 375 000 €.
Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes d'interdiction et de publication que ne commandent pas la réparation du préjudice de la société MERIAL.
Sur la demande reconventionnelle des intimées
Ses demandes ayant été reconnues fondées par les décisions antérieures, aucun abus de droit n'est caractérisé de la part de société MERIAL de sorte que les intimées doivent être déboutées de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant dans les limites de la cassation,
Réforme le jugement déféré en ce qu'il a :
- prononcé la nullité de la marque française «FIPROLINE» n°3 588 921,
- dit que sa décision serait inscrite au Registre National des Marques sur réquisition du Greffier dans le mois de son prononcé,
- condamné la société VIRBAC à payer à la société MERIAL la somme de 200 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau,
Déboute la société MERIAL de sa demande de nullité de la marque française FIPROLINE ;
Condamne in solidum société VIRBAC et la société ALFAMED à payer à la société MERIAL la somme de 350 000 € à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ;
Confirme le jugement déféré pour le surplus ;
Y ajoutant,
Déboute la société MERIAL du surplus de ses demandes ;
Déboute la société VIRBAC de sa demande reconventionnelle ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE