N° RG 18/00737 - N° Portalis DBVX-V-B7C-LP6A
Décision du
Tribunal de Grande Instance de Lyon
Au fond du 07 décembre 2017
RG : 14/12335
ch n°9 cab 09 G
[F]
C/
SAS MRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 12 Mars 2019
APPELANT :
M. [G] [F]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 3] (69)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Marie-bénédicte DUFAYET, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/004058 du 15/02/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉE :
La société MRE EXPERTS ASSOCIES, SARL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par la SELAS CABINET SANNIER ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SCP DE ANGELIS SEMIDEI VUILLQUEZ HABART MELKI BARD, avocats au barreau de MARSEILLE
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Date de clôture de l'instruction : 08 Novembre 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Février 2019
Date de mise à disposition : 12 Mars 2019
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Florence PAPIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Marion COUSTAL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Suivant acte notarié du 16 avril 2009, M. [F] a acquis un appartement sis [Adresse 3]), pour un prix de 121 000 euros (outre 5 000 euros de biens mobiliers).
Il a revendu ledit appartement le 30 mai 2014 pour un prix de 136 000 euros (outre 2 000 euros de biens mobiliers).
M. [F] reprochant à la société MRE EXPERTS, en charge à chaque fois de l'établissement des diagnostics immobiliers avant ventes :
- d'avoir indiqué dans son rapport du 3 juin 2008 que ses investigations n'avaient «révélé aucune présence d'amiante dans les matériaux ou les produits de construction» ;
- puis signalé, dans son rapport du 6 février 2014, avoir «repéré des matériaux et produits pour lesquels des sondages et/ou prélèvements doivent être effectués : panneaux de cloisons (séjour - Prélèvement destructif)»
a assigné cette dernière devant le tribunal de grande instance de Lyon, par acte du 16 octobre 2014, au visa des articles 1382 et suivants du code civil, pour obtenir la réparation des préjudices allégués.
Par jugement du 7 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Lyon a «débouté M. [G] [F] de l'ensemble de ses demandes», le condamnant à verser à la société MRE EXPERTS ASSOCIES une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens de l'instance.
M. [G] [F] a interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives, il demande à la cour de :
Vu les anciens articles 1382 et suivants du code civil applicables au fait,
Vu le décret 97.90 du 7 février 1996,
Vu les pièces versées aux débats,
- REFORMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 décembre 2017 par tribunal de grande instance de LYON,
Statuant à nouveau,
- DIRE ET JUGER que la société SARL MRE L'EXPERT a commis une faute délictuelle qui engage sa responsabilité,
- CONDAMNER la société SARL MRE L'EXPERT à verser à M. [G] [F] la somme de 45 000 euros au titre de son préjudice économique,
- CONDAMNER la société SARL MRE L'EXPERT à verser à M. [G] [F] la somme de 10 000 euros de son préjudice moral,
- CONDAMNER la société SARL MRE L'EXPERT à verser à M. [G] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens distraits au profit de Maître DUFAYET, Avocat, sur son affirmation de droit,
- CONDAMNER la société SARL MRE L'EXPERT à Maître DUFAYET la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- Le rapport DEKRA relève la présence d'amiante dans «le panneau vertical composant l'allège de la fenêtre type amiante-ciment», dans le séjour et même visible à l''il nu,
- le rapport de constat du 3 juin 2008 précise que le «programme de repérage» est réalisé «conformément à l'article 10-1 du décret (n° 96-97 du 7 février 1996) susvisé».
L'en-tête indique «repérage négatif en application du décret n°96. 97 du 7 février 96 modifié».
L'annexe de ce décret fixe le programme de repérage comme suit :
«1. Parois verticales intérieures et enduits
COMPOSANT DE LA CONSTRUCTION : Murs et poteaux.
PARTIE DU COMPOSANT A VÉRIFIER OU A SONDER :
Flocages, enduits projetés, revêtements durs des murs (plaques menuiserie, amiante-ciment) et entourages de poteaux (carton, amiante-ciment, matériau sandwich, carton + plâtre).
COMPOSANT DE LA CONSTRUCTION : Cloisons, gaines et coffres verticaux.
PARTIE DU COMPOSANT A VÉRIFIER OU A SONDER :
Flocages, enduits projetés, panneaux de cloison.»
Ce décret a été abrogé en 2003.
Néanmoins, en inscrivant comme référentiel en tête de son rapport ce programme précis de repérage, la société SARL MRE L'EXPERT s'est engagée à ce que sa prestation soit conforme à cette disposition réglementaire.
- la société SARL MRE L'EXPERT reconnaît en première instance ne pas avoir procédé aux vérifications qui étaient imposées dans cette annexe.
La société SARL MRE L'EXPERT reconnaît donc induire l'acquéreur profane en erreur quant à l'étendue de sa vérification.
Sa faute est constituée,
- que son préjudice est constitué par la perte de chance d'avoir acquis le bien immobilier à un prix inférieur et par celle de l'avoir revendu à un prix supérieur alors qu'il avait effectué pour 20 000 euros de travaux et que le prix de l'immobilier dans cette commune a beaucoup augmenté,
- qu'il aurait légitimement pu espérer céder son appartement au prix de 190 000 euros, fourchette basse,
- que son préjudice moral est constitué par le fait d'avoir vécu sans le savoir dans un bien immobilier où de l'amiante était présente.
La société MRE EXPERTS ASSOCIES demande à la cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives, de :
Vu l'article 1382 du Code civil,
- CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Lyon le 7 décembre 2017 en ce qu'il a «Débouté M. [G] [F] de l'ensemble de ses demandes»,
A titre principal,
- DIRE ET JUGER que M. [F] manque à rapporter la preuve, qui lui incombe, d'une quelconque faute de la société MRE EXPERTS ASSOCIES dans le cadre du diagnostic amiante réalisé le 3 juin 2008 ;
- DIRE ET JUGER que les diagnostics amiante avant-vente réalisés en 2008 et 2014 par la société MRE EXPERTS ASSOCIES n'obéissaient pas au même cadre réglementaire et normatif ;
- DIRE ET JUGER que le panneau vertical constituant l'allège d'une fenêtre ne relevait pas des produits et matériaux à examiner lors du premier diagnostic de 2008, en ce qu'il constitue techniquement un panneau de façade ;
- DIRE ET JUGER que la présence d'amiante dans ledit panneau de façade sous fenêtre n'était au surplus pas constatable, côté intérieur, par les simples examens visuels décrits par la norme alors applicable, dès lors que ledit panneau était recouvert de tapisserie ;
- CONFIRMER en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a «débouté M. [G] [F] de l'ensemble de ses demandes» à l'encontre de la société MRE EXPERTS ASSOCIES ;
- DÉBOUTER en conséquence M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société MRE EXPERTS ASSOCIES ;
A titre subsidiaire, si la Cour devait infirmer le jugement entrepris,
- DIRE ET JUGER que M. [F] manque radicalement à rapporter la preuve, qui lui incombe, d'un quelconque préjudice résultant de ce que la société MRE EXPERTS ASSOCIES n'avait pas décelé la présence d'amiante dans le cadre du diagnostic réalisé le 3 juin 2008 ;
- DÉBOUTER en conséquence M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société MRE EXPERTS ASSOCIES ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER M. [F] à verser à la société MRE EXPERTS ASSOCIES la somme de 4 000 euros, par application de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens de l'instance.
Elle fait valoir que :
- le cadre du repérage amiante avant-vente était évidemment différent, dans son procédé comme dans son périmètre d'investigation, entre le 3 juin 2008 et le 6 février 2014, période durant laquelle le législateur a considérablement renforcé la portée dudit diagnostic,
- que l'allège de fenêtre ici litigieuse constitue techniquement un panneau sandwich de façade, qui était radicalement exclu des matériaux à examiner en 2008 et jusqu'au 1er janvier 2013 dans le cadre des diagnostics amiante avant-vente, exception faite des diagnostics avant-démolition pour lesquels leur examen était a contrario expressément prévu (cf. Annexe 1 de l'Arrêté du 2 janvier 2002 relatif au repérage des matériaux et produits contenant de l'amiante avant-démolition).
- la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée, il ne justifie d'aucune perte de chance d'avoir pu acquérir ledit appartement moins cher en 2008 et qu'il a réalisé une plus-value substantiellement supérieure à l'augmentation des prix immobiliers en vendant ledit appartement pour un prix de 136 000 euros et la présence d'amiante-ciment dans l'allège d'une fenêtre est sans effet sur la qualité de l'air intérieur ;
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine :
Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ;
Sur le fond :
Attendu que le rapport de repérage en date du 3 juin 2008 a été effectué en application du décret du 7 février 1996 modifié par l'arrêté du 22 août 2002, textes visés dans l'entête du rapport,
Attendu que de l'amiante a été trouvé dans l'allège de fenêtre du séjour lors du second rapport lequel a été effectué en vertu du décret du 3 juin 2011 et des arrêtés du 12 décembre 2012, textes qui ont augmenté les composants soumis au contrôle,
qu'ainsi les allèges de fenêtre ont été soumises à contrôle ce qui n'était pas le cas lors du premier diagnostic,
Attendu que c'est donc par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'adopter pour le surplus que le premier juge a considéré qu'aucune faute n'a été commise par la société MRE EXPERTS ASSOCIES,
que la décision déférée est dès lors confirmée,
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que l'appelant est condamné aux dépens d'appel et à payer à la société MRE EXPERTS ASSOCIES la somme de 1 000 euros aux termes de l'article 700 du code de procédure civile,
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Condamne M. [F] à verser à la société MRE EXPERTS ASSOCIES une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [F] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux règles en matière d'aide juridictionnelle,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE