La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/03/2019 | FRANCE | N°17/08222

France | France, Cour d'appel de Lyon, Protection sociale, 05 mars 2019, 17/08222


AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE





COLLÉGIALE



RG : N° RG 17/08222 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LLXC

Jonction avec le RG 17/8466

Société SOCIETE ADECCO (VENANT AUX DROITS DE LA STE ADIA)

Société SOCIETE AXIMA



C/

Société SOCIETE ADECCO (VENANT AUX DROITS DE LA STE ADIA)

[J]

CPAM DU RHÔNE







APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 31 Octobre 2017

RG : 20060115









>
COUR D'APPEL DE LYON



Protection sociale



ARRÊT DU 05 MARS 2019













APPELANTE :



SOCIETE ADECCO (VENANT AUX DROITS DE LA STE ADIA)

[Adresse 3]

[Localité 7]



représentée par Me Franck DREMAUX d...

AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE

COLLÉGIALE

RG : N° RG 17/08222 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LLXC

Jonction avec le RG 17/8466

Société SOCIETE ADECCO (VENANT AUX DROITS DE LA STE ADIA)

Société SOCIETE AXIMA

C/

Société SOCIETE ADECCO (VENANT AUX DROITS DE LA STE ADIA)

[J]

CPAM DU RHÔNE

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de LYON

du 31 Octobre 2017

RG : 20060115

COUR D'APPEL DE LYON

Protection sociale

ARRÊT DU 05 MARS 2019

APPELANTE :

SOCIETE ADECCO (VENANT AUX DROITS DE LA STE ADIA)

[Adresse 3]

[Localité 7]

représentée par Me Franck DREMAUX de la SCP PEROL RAYMOND KHANNA ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 17/08466 (Fond)

INTIMÉS :

SOCIETE AXIMA

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Frédéric PIRAS de la SELARL PIRAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 17/08466 (Fond)

[M] [J]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 4] 2 ([Localité 4])

[Adresse 9]

[Localité 5]

représenté par Me Yves SAUVAYRE, avocat au barreau de LYON substitué par Me Marine FOLLET, avocat au barreau de LYON

CPAM DU RHÔNE

Service des Affaires Juridiques

[Localité 8]

Représentée par Madame [D] [S], munie d'un pouvoir

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 18 Décembre 2018

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président

Laurence BERTHIER, Conseiller

Thomas CASSUTO, Conseiller

Assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, Greffier.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 05 Mars 2019 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Elizabeth POLLE-SENANEUCH, Président et par Malika CHINOUNE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société AXIMA a été retenue par l'[10] suite à un appel d'offre pour effectuer divers travaux de maintenance.

Monsieur [M] [J] a été mis à la disposition de la société AXIMA par la société ADIA (société de travail temporaire) afin d'intervenir de JUIN à SEPTEMBRE 2002 sur le système de ventilation du site.

Le 22 septembre 2002, Monsieur [J] a été victime d'un accident du travail survenu par explosion alors qu'il procédait à la modification du positionnement altimétrique du ventilateur et a été grièvement brûlé au visage et aux membres supérieurs.

Les lésions consécutives à cet accident ont été déclarées consolidées le 25 novembre 2004 avec un taux d'IPP partielle de 50% notifié par la CPAM le 18 août 2005.

Le parquet a classé sans suite le PV transmis par l'inspecteur du travail, duquel il ressort que l'explosion était d'origine chimique suite à des résidus d'acides qui se sont accumulés dans le bois.

Simultanément Monsieur [J] a déposé plainte contre X avec constitution de partie civile pour blessures involontaires ayant entraîné une ITT de plus de trois mois. Un juge d'instruction a été saisi et a renvoyé la société AXMIA et l'[10] devant la juridiction de jugement.

Le tribunal correctionnel de LYON par jugement du 8 décembre 2011', le tribunal correctionnel de LYON a renvoyé la société AXIMA des fins de la poursuite, reconnu coupable l'[10] et condamné celle-ci à une amende de 10 000 euros dont 5000 euros assortis d'un sursis ainsi que la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement sur action de Monsieur [J] devant le tribunal administratif de LYON, l'[10] a été condamnée à l'indemniser de ses préjudices, la société AXIMA étant condamnée à garantir l'[10]'à hauteur de 60'% des condamnations prononcées à son encontre.

La société AXIMA a relevé appel de cette décision.

Monsieur [J] a saisi la juridiction de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable commise par la société AXIMA

Un procès-verbal de non-conciliation a été régularisé par la CPAM le 23 novembre 2005 .

La société ADIA devenue ADECCO FRANCE a par ailleurs contesté l'opposabilité de la décision de prise en charge du caractère professionnel de la maladie et de ses conséquences, en raison du non-respect du contradictoire par la Caisse.

Par décision du 26 octobre 2006, la CRA a fait droit à cette demande.

C'est dans ces conditions que Monsieur [J] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de LYON, qui a sursis à statuer en attente du jugement du tribunal correctionnel de Lyon lequel a relaxé la société AXIMA le 8 décembre 2011 déclarant coupable l'[10] de [Localité 11] et la condamnant à une peine d'amende, puis la déclarant responsable sur le plan civil par arrêt confirmatif de la chambre correctionnelle de la Cour d'appel du 27 février 2015'.

Le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon, par jugement du 31 octobre 2017'a:

- rejeté la demande de sursis à statuer sollicitée par la société AXIMA qui souhaitait attendre la décision de la Cour administrative d'appel de LYON suite à son appel contre la décision du Tribunal administratif du 23 juin 2015 l'ayant condamné à garantir à hauteur de 60% les condamnations prononcées à l'encontre de l'[10].

- reconnu la faute inexcusable de la société AXIMA';

- fixé la rente de Monsieur [J] au maximum';

- condamné la société AXIMA à relever et garantir la société ADECCO de la majoration de la rente allouée à Monsieur [J]';

- débouté Monsieur [J] de sa demande d'indemnisation de ses préjudices personnels

Les sociétés ADECCO (venant aux droits de la société ADIA) et AXIMA ont alors interjeté appel de cette décision, une jonction des deux procédures a été opérée ( RG 17/8222).

La société AXIMA demande à la Cour':

- D'INFIRMER le jugement du TASS rejetant le sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour Administrative de LYON,

Par conséquent,

- SURSEOIR à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour Administrative de LYON suite à l'appel interjeté du jugement du TA de LYON en date du 23 juin 2015.

A titre principal,

- INFIRMER le jugement du TASS du 31 octobre 2017 indiquant que la société AXIMA avait commis une faute inexcusable à l'origine de l'AT en date du 26 septembre 2002';

- CONSTATER que le poste occupé par Monsieur [J] n'était pas un poste à risque dans le cadre des opérations de maintenance des installations de climatisations et de chauffes assurées par la société AXIMA';

- CONSTATER que Monsieur [J] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable qui aurait été commise par son employeur';

Par conséquent,

DIRE ET JUGER que la société AXIMA n'a pas commis de faute inexcusable à l'origine de l'accident de travail

A titre subsidiaire

- CONFIRMER le jugement rendu par le TASS du 31 octobre 2017, en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de sa demande d'indemnisation de ses préjudices personnels';

- INFIRMER le jugement rendu par le TASS du 31 octobre 2017 fixant au maximum la rente attribuée à Monsieur [J]';

- CONSTATER que la réparation du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent de Monsieur [J] est indemnisé d'une part par la rente servie et sa majoration et par l'indemnisation accordée par le jugement du TA de LYON en date du 23 juin 2015 confirmé par l'arrêt de la CAA en date juillet 2018';

Par conséquent,

- REJETER la demande de majoration de la rente de Monsieur [J]';

- INFIRMER le jugement rendu par le TASS du 31 octobre 2017 en ce qu'il dit que la CPAM procédera au recouvrement auprès de la société ADECCO France de la rente allouée à Monsieur [J]';

- CONSTATER que la CRA de la CPAM a déclaré inopposable à la société ADECCO la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.

Par conséquent,

- DIRE ET JUGER que la décision de la CPAM n'est pas opposable à la société ADECCO et par voie de conséquence à la société AXIMA.

En toute hypothèse,

CONDAMNER la société ADECCO venant désormais aux droits de la société ADIA à verser à la société AXIMA la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens.

La société AXIMA soutient à l'appui de ses prétentions':

A titre principal que:

Monsieur [J] ne démontre pas que la société AXIMA avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il était exposé, pas plus que l'absence de mesures propres à assurer sa sécurité et se borne à procéder par voie d'affirmation';

le procureur n'a pas poursuivi l'action publique pour deux motifs':

- absence de prévisibilité de l'explosion

- les infractions retenues n'ont qu'un rapport très indirect avec l'accident.

La juridiction pénale, dans son arrêt du 8 décembre 2011, a relaxé la société AXIMA au motif que l'accident ne pouvait entrer raisonnablement dans son champ de prévisibilité et qu'il n'est pas démontré de lien causal entre l'action, ou l'inaction de la société AXIMA dans la production du dommage, confirmé par la Cour d'Appel de LYON dans son arrêt en date du 27 février 2015.

Monsieur [J] ne peut soutenir ou démontrer que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité et qu'il aurait eu conscience du danger, le caractère imprévisible de l'explosion excluant toute possibilité pour l'employeur de prévenir un tel accident.

c'est d'ailleurs ce qu'a retenu la juridiction pénale, en soulignant que la société AXIMA, entreprise intervenante, n'a pas été informée correctement des risques par l'[10], entreprise utilisatrice, qu'ainsi l'accident ne pouvait entrent raisonnablement dans son champ de prévisibilité';

Monsieur [J] avait l'habitude de travailler sur le site de l'[10] et n'était pas affecté à un poste à risque mais à un poste correspondant à sa qualification professionnelle (technicien de ventilation) utilisant une technique habituelle ne présentant aucun danger pour Monsieur [J].

en outre les travaux d'entretien étaient réalisés sous les directives et le contrôle des services techniques de l'[10].

En conséquence, la Cour ne pourra retenir que les circonstances décrites par Monsieur [J] ne sont pas constitutives d'une faute inexcusable de l'employeur, mais d'un simple accident du travail.

A titre subsidiaire,

Conformément à la nomenclature DINTILHAC, certains postes de préjudice sont déjà couvert par le Livre IV du code de la sécurité sociale': les préjudices de dépenses de santé actuelles et futures, pertes de gains professionnels actuels et futurs, d'assistance par une tierce personne, d'incidence professionnelle, déficit fonctionnel permanent et qu'ainsi, si la Cour accordait la majoration de la rente servie par la CPAM, il conviendra de déduire les sommes déjà perçues par Monsieur [J] devant le TA au titre des préjudices indemnisés par la rente d'AT et sa majoration.

L'inopposabilité à l'égard de l'employeur de la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel d'un accident a pour effet de priver celle-ci de la possibilité de récupérer sur ce dernier les sommes versées par elle

Monsieur [M] [J] demande à la Cour de':

- CONFIRMER la décision du TASS du 31 octobre 2017 en toutes ses dispositions';

- CONDAMNER solidairement la société ADECCO venant aux droits de la société ADIA relevée et garantie par la société AXIMA ou tout autre succombant à verser à Monsieur [J] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC';

- LES CONDAMNER aux entiers dépens.

Il soutient à l'appui de ses prétentions'que':

l'appel de la décision du tribunal administratif n'a pour objet qu'une discussion en ce qui concerne la répartition des dommages et intérêts et est totalement étranger à la question de la faute inexcusable en ce qui concerne Monsieur [J] et que l'issue de ce litige est insusceptible d'influencer la décision portant sur l'existence de la faute inexcusable.

- la société AXIMA en tant qu'employeur aurait dû avoir conscience du danger lors de l'intervention de Monsieur [J] car son travail sur le chantier de l'[10] l'exposait directement à des substances et préparations explosives puisque son intervention faisait suite à des plaintes émises par les personnes travaillant dans le laboratoire quant à une atmosphère acide.

- l'opération réalisée par Monsieur [J] aurait dû être préparée en amont par une analyse poussée des risques, ce qui n'a pas été le cas puisqu'il ressort de l'analyse opérée de la seule nécessiter d'employer des lunettes et des gants.

- il est interdit d'employer des salariés temporaires pour l'exécution de travaux les exposants à des agents chimiques dangereux et notamment l'acide fluorhydrique.

- aucune remarque ne lui a été faite sur ses habits de travail, alors que, exposé à des produits corrosifs et comburants, il portait seulement un maillot à manches courtes';

- Monsieur [J] était exposé à un risque immédiat de chute dans la mesure où il n'y avait aucune barrière ni garde corps en bordure de cette mezzanine alors que les travaux étaient réalisés à moins de trente centimètres du bord';

- il ressort de l'enquête de l'inspecteur du travail que les personnes chargées de guider Monsieur [J] dans la conduite des travaux notamment le responsable AXIMA sur le site de l'[10] et le technicien avaient tous conscience de l'existence de fuites d'acides, celles-ci étant mises en évidence par plusieurs taches noires sur l'aggloméré et la présence de poudre blanche';

Dès lors, il y a bien une faute inexcusable de l'employeur et qu'en l'absence de toute faute commise par Monsieur [J] la majoration de la rente doit être fixée au maximum';

La société ADECCO FRANCE venant aux droits de la société ADIA demande à la cour :

- à titre principal de constater que le poste occupé par Monsieur [J] n'était pas un poste à risque et qu'il ne rapporte pas la preuve de la faute inexcusable qu'il invoque, de sorte qu'il doit être débouté de ses demandes fins et conclusions,

- à titre subsidiaire, constater que la CRA a déclaré inopposable à la société ADECCO la prise en charge de l'accident du travail au titre de la législation professionnelle de sorte que la CPAM sera privée de son action récursoire à l'encontre de l'employeur sur les conséquences financières de la faute inexcusable et que si la faute inexcusable était reconnue, il conviendrait de retenir qu'elle a été commise par la société AXIMA substituée dans la direction à la société ADECCO et que cette société sera donc condamnée à garantir la société ADECCO de toutes les conséquences financières en résultant en principal et intérêts et frais y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens,

- rejeter en conséquence les demandes de Monsieur [J] aux fins d'indemnisation de ses préjudices, celles-ci ayant été d'ores et déjà formées et jugées devant la juridiction de droit commun,

à défaut, ramener les montants sollicités à de plus justes proportions au titre du préjudice esthétique et du déficit fonctionnel et débouter Monsieur [J] du surplus de ses demandes, à défaut ramener les montants sollicités à de plus justes proportions,

dans tous les cas, débouter les différentes parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son encontre y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM du RHONE n'entend formuler d'observation sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et compte tenu de la déclaration d'inopposabilité de l'AT du 26 septembre 2006 prononcée par la CRA, indique qu'elle s'acquittera de l'intégralité des sommes allouées à la victime et ne procédera pas au recouvrement desdites sommes auprès de l'employeur.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé complet des moyens des parties aux conclusions qu'elles ont régulièrement échangées et qu'elles ont soutenues oralement à l'audience de ce jour.

MOTIVATION

Sur la demande de sursis à statuer formée par la société AXIMA.

Dès lors que l'appel interjeté par la société AXIMA devant la cour administrative d'appel a trait à la répartition entre cette société et l'[10] quant aux dommages et intérêts alloués à Monsieur [J], il n'apparaît pas que l'issue de ce litige puisse avoir une quelconque influence sur la décision relative à la reconnaissance de la faute inexcusable, de sorte que la demande de sursis doit être rejetée, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges.

Sur la faute inexcusable.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier d'une obligation de sécurité notamment en ce qui concerne les accidents du travail.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La preuve de cette conscience du danger ou du défaut de mesures appropriées incombe à la victime.

La faute inexcusable est retenue s'il est relevé un manquement de l'employeur en relation avec le dommage.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident et il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée alors même que d'autres facteurs ont concouru au dommage.

Par ailleurs, la décision de relaxe prononcée à l'égard de l'employeur ou de la personne l'ayant substitué ,n'interdit pas à la juridiction civile de rechercher la responsabilité de l'employeur sur le fondement de la faute inexcusable.

Monsieur [J] estime pouvoir se prévaloir de la présomption de faute inexcusable édictée par l'article L 4154-3 du code du travail qui bénéficie aux salariés mis à disposition d'une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, victime d'un accident du travail, alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé et leur sécurité, ils n'auraient pas bénéficié de la formation à la sécurité prévue à l'article L 231-3-1 du même code. ( Cependant il résulte des éléments de la cause, que le poste de Monsieur [J] n'était pas un poste à risque en qualité de technicien de ventilation). Monsieur [J] doit donc prouver la faute inexcusable qu'il allègue.

La société AXIMA affirme que le poste auquel était affecté Monsieur [J] ne présentait pas de risques particuliers et que Monsieur [J] avait la qualification de technicien de ventilation et avait l'habitude de travailler sur le site de l'[10], poste ne présentant aucun risque particulier.

En l'espèce, Monsieur [J] salarié intérimaire, mis à disposition de la société AXIMA par la société ADIA devenue ADECCO FRANCE, a été victime d'une explosion, le blessant grièvement au cou, au visage et aux deux membres supérieurs, le 26 septembre 2002 vers 14 heures, alors qu'il intervenait sur les tuyaux branchés sur un moteur d'extraction de vapeurs toxiques en utilisant une scie électrique pour scier une plaque d'aggloméré sur laquelle est fixé le groupe d'extraction.

Il résulte des éléments produits aux débats par Monsieur [J] et notamment le procès-verbal d'enquête de l'inspection du travail et le rapport de l'expert [V], que l'explosion est d'origine chimique s'étant produite entre le plafond et le faux plafond situé au-dessus du local du laboratoire de géochimie, à l'intérieur duquel les récipients utilisés selon un protocole très strict sont lavés au moyen d'un bain contenant de l'acide nitrique mélangé à l'eau ( à proportion de 30 à 50 %) puis un bain contenant de l'acide chlorhydrique mélangé à l'eau ( à proportion de 30 à 50 %) puis un 3ème lavage à l'eau.

Malgré le système de captation des vapeurs et des gaz émis, les opérateurs à l'intérieur du laboratoire ayant noté une odeur persistante et les plaques d'aggloméré situées au-dessus étant souillées de tâches et même des traces de corrosion, il avait été demandé de remettre en état le système d'évacuation, en changeant des manchettes flexibles situées de part et d'autre du moteur d'extraction pour les remplacer par un tuyau en PVC rigide, travaux confiés à Monsieur [J], travailleur intérimaire, sous la direction de deux agents de la société AXIMA affectés en permanence sur le site de l'[10].

Ces travaux s'inscrivant dans le cadre du marché annuel conclu entre l'[10] et AXIMA concernant le suivi et la maintenance des installations de chauffage et climatisation traitement d'air, aucun bon de commande spécifique n'a été émis ni plan de prévention spécifique réalisé. Il est avéré par ailleurs que le plan de prévention concernant le marché existant entre l'[10] et AXIMA n'était plus en cours au moment de l'accident, le précédent plan de prévention de février 2011 n'ayant pas été actualisé en février 2002 mais seulement en novembre 2002 .

Ainsi, il n'existait aucune consigne de prévention spécifique concernant les travaux exposant à des substances chimiques ni inspection commune du chantier entre l'[10] et AXIMA concernant ces travaux.

Il apparaît toutefois , ainsi que l'ont retenu les premiers juges, que la présence de traces importantes d'agents chimiques avait été remarquée et était à l'origine des travaux confiés à Monsieur [J], de sorte que la société AXIMA ne pouvait ignorer qu'elle exposait ce salarié intérimaire à un risque qu'elle n'ignorait pas ou ne pouvait ignorer , et ce quand bien même la prévisibilité de l'explosion a été exclue par le tribunal correctionnel.

En effet, il apparaît que, alors que Monsieur [J] intervenait dans un endroit réduit dans lequel des produits chimiques potentiellement explosifs s'étaient accumulés , la société AXIMA aurait dû prendre des mesures pour protéger ou préserver la santé et la sécurité de Monsieur [J], au regard de la proximité de ces produits dangereux.

Monsieur [J] démontre donc suffisamment que la société AXIMA avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle l'exposait du fait de l'utilisation d'une scie électrique en présence de fuite d'acides et ce sans qu'il soit besoin pour elle, présente sur les lieux au titre du contrat d'entretien depuis un certain temps, d'avoir besoin de connaissances scientifiques particulières.

Il convient au surplus de rappeler qu'étaient présents dans les locaux de l'[10] en permanence un chef de site et un technicien et que les travaux effectués par Monsieur [J] avaient été ordonnés à raison de l'odeur d'acides se répandant dans le local, de sorte que la société AXIMA aurait dû effectuer en amont une analyse des risques liés à cette présence et notamment du risque d'explosion, mais également un risque d'inhalation, ce qu'elle n'a pas fait, ne réalisant aucune inspection commune du chantier avec l'[10] ni plan de prévention et n'avisant pas le salarié intérimaire de la concentration d'acide dans le local, ne lui donnant aucune consigne de sécurité particulière et ne le faisant bénéficier d'aucune protection spécifique opérante pour des travaux l'exposant à un risque chimique et d'explosion.

En conséquence, comme l'ont retenu les premiers juges, l'accident dont a été victime Monsieur [J] est dû à la faute inexcusable de la société AXIMA et la société ADECCO employeur juridique sera tenu des obligations incombant à la société AXIMA au titre de la faute inexcusable.

Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable.

Les premiers juges ont exactement apprécié d'une part que compte tenu de la reconnaissance de la faute inexcusable, la rente versée à Monsieur [J] sur la base du taux d'incapacité permanente de 50'% sera portée au maximum prévu par la loi et d'autre part que Monsieur [J] , qui a fait le choix de former devant le tribunal administratif de LYON à l'encontre de l'[10], une demande relative à l'indemnisation de ses préjudices, ce qu'il a obtenu selon jugement du 23 juin 2015, ne pouvait réitérer sa demande devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'accident du travail n'étant pas susceptible de faire l'objet d'une double indemnisation.

Sur l'inopposabilité à l'égard de la société ADECCO FRANCE de la décision de prise en charge de la CPAM.

La CPAM a conclu que, compte tenu de la déclaration d'inopposabilité de l'accident du travail prononcée par la commission de recours amiable, lors de sa séance du 20 octobre 2006, elle s'acquittera de l'intégralité de sommes allouées à la victime et ne procédera pas à leur recouvrement auprès de l'employeur.

En revanche c'est justement que les premiers juges ont dit que la CPAM pourra, en vertu du dernier alinéa de l'article L 452-2 du code de sécurité social, procéder au recouvrement de la majoration de la rente attribuée à Monsieur [J] sur la base du taux d'IPP de 50'% et ce auprès de l'employeur.

Sur la demande de garantie présentée par la société ADECCO FRANCE .

Conformément à l'article L 412-6 du code de la sécurité sociale, l'entreprise de travail temporaire dispose d'une action récursoire à l'encontre de l'entreprise utilisatrice auteur de la faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail.

Il apparaît que la faute inexcusable tenue dans le présent litige est imputable à la faute inexcusable de la société AXIMA sans qu'aucun manquement aux obligations incombant directement à la société ADECOO FRANCE n'est démontré ni du reste allégué par la société AXIMA, de sorte qu'il convient, par confirmation de la décision déférée de condamner celle-ci à garantir la société ADECCO FRANCE, employeur, de toutes sommes mises à sa charge, au titre de la faute inexcusable, en, ce compris celles au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les frais irrépétibles

La société AXIMA sera déboutée de sa demande de ce chef'.

La société ADECCO FRANCE, relevée et garantie par la société AXIMA doit être condamnée à payer à Monsieur [J] la somme de 3000 euros à hauteur d'appel, la somme à laquelle elle a été condamnée en première instance étant confirmée.

Il convient enfin de condamner la société AXIMA , qui succombe, aux dépens d'appel et ce en vertu de l'article 696 du code de procédure civile, l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale prévoyant la gratuité en la matière ayant en effet été abrogé par le décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, à compter du 1er janvier 2019.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société ADECCO FRANCE, relevée et garantie par la société AXIMA à payer à Monsieur [M] [J] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société AXIMA de sa demande de ce chef,

LA CONDAMNE aux entiers dépens d'appel .

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE

Malika CHINOUNE Elizabeth POLLE-SENANEUCH


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : Protection sociale
Numéro d'arrêt : 17/08222
Date de la décision : 05/03/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 51, arrêt n°17/08222 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-05;17.08222 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award