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05/02/2019 | FRANCE | N°16/09612

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 05 février 2019, 16/09612


N° RG 16/09612 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KXBA














Décisions :





-Tribunal de Grande Instance de PARIS


Au fond du 21 juin 2012


RG : 11/04543


ch n°5 2ème section





- Cour d'Appel de PARIS


du 16 septembre 2014


RG : 12/17943


ch n°5 Pôle 2





- Cour de Cassation Civ.2


du 19 mai 2016


Pourvoi n°N15-12.767


Arrêt n°776 FS-P+B+R+I












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Société CARDIF LUX VIE





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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS








COUR D'APPEL DE LYON





1ère chambre civile B





ARRET DU 05 Février 2019





statuant sur renvoi après cassation











APPELANTE :





CARDIF LUX V...

N° RG 16/09612 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KXBA

Décisions :

-Tribunal de Grande Instance de PARIS

Au fond du 21 juin 2012

RG : 11/04543

ch n°5 2ème section

- Cour d'Appel de PARIS

du 16 septembre 2014

RG : 12/17943

ch n°5 Pôle 2

- Cour de Cassation Civ.2

du 19 mai 2016

Pourvoi n°N15-12.767

Arrêt n°776 FS-P+B+R+I

Société CARDIF LUX VIE

C/

X...

X...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 05 Février 2019

statuant sur renvoi après cassation

APPELANTE :

CARDIF LUX VIE Société anonyme de droit luxembourgeois venant aux droits de la société FORTIS LUXEMBOURG-VIE S.A. prise en la personne de ses représentants légaux domiciliésen [...]

[...]

[...]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

Assistée de Me Richard Y..., avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

M. Gérard X...

[...]

Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON

Assisté de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocats au barreau de PARIS

Mme Marie-Hélène X...

[...]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocats au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 08 Janvier 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Janvier 2019

Date de mise à disposition : 05 Février 2019

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Le 11 juin 2008, M. Gérard X... a conclu un contrat individuel d'assurance vie exprimé en unités de compte 'LIBERTY II INVEST n°[...] auprès de la société FORTIS LUXEMBOURG VIE devenue CARDIF LUX VIE, sur lequel il a versé un capital de 1503057,25 €.

Le même jour, son épouse, Mme Marie-Hélène X... a conclu un contrat individuel d'assurance vie exprimé en unités de compte 'LIBERTY II INVEST n°[...] auprès de la société FORTIS LUXEMBOURG VIE devenue CARDIF LUX VIE, sur lequel elle a versé un capital de 1503057,25 €.

Les époux X... ont par la suite procédé à des rachats partiels à hauteur de 344 500 € chacun.

Estimant ne pas avoir reçu une information pré-contractuelle conforme aux exigences légales, M. Gérard X... et Mme Marie-Hélène X... ont exercé la faculté de renoncer au contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 octobre 2010.

La société FORTIS LUXEMBOURG a refusé de donner suite à cette demande.

Par acte d'huissier du 1er février 2011, M. Gérard X... et Mme Marie-Hélène X... ont fait assigner la société FORTIS LUXEMBOURG devant le tribunal de grande instance de PARIS afin, notamment, de la voir condamnée à leur restituer la somme de 1503057,25 € outre intérêts majorés.

Par jugement du 21 juin 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal , après avoir écarté le moyen selon lequel la prorogation sine die du délai de rétractation constituerait une sanction disproportionnée, a dit que les contrats souscrits par M. Gérard X... et par Mme Marie-Hélène X... ne respectaient pas les dispositions de l'article L.132-5-2 et L.132-8 du code des assurances, et a fait droit à leur demande.

Par arrêt du 16 septembre 2014, la cour d'appel de PARIS a confirmé le jugement et rejeté la demande de question préjudicielle à la CJUE.

Par arrêt du 19 mai 2016, la 2ème chambre de la cour de cassation a cassé cet arrêt sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la CJUE aux motifs que :

- pour confirmer le jugement ayant déclaré recevable et fondé l'exercice par M. et Mme X... de leur droit de renonciation et condamné l'assureur à leur payer la somme de 1503057,25€, augmentée des intérêts majorés, l'arrêt retenait que la faculté de renonciation prévue par le code des assurances était un droit discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'était pas requise, qu'il soit averti ou profane, et ne pouvait donc dégénérer en abus, la cour d'appel avait violé les dispositions des articles L.132-5-1 et L.132-5-2 du code des assurances ;

- qu'en outre, en retenant par voie de simple affirmation que l'assureur ne démontrait pas que l'usage par M. et Mme X... de la faculté de renonciation qui leur était ouverte du fait même des manquements de l'assureur qui ne leur avait pas remis les documents et informations prévus par des dispositions d'ordre public, constituait un détournement de la finalité de la règle de droit issue du code des assurances, même s'ils pouvaient ainsi échapper aux conséquences des fluctuations du marché financier, sans rechercher au regard de la situation concrète de M. et Mme X..., de leur qualité d'assurés avertis ou profanes et des informations dont ils disposaient réellement, quelle était la finalité de l'exercice de leur faculté de renonciation et s'il n'en résultait pas un abus de droit, la cour d'appel n'avait pas mis la cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et privé sa décision de base légale.

Par déclaration des 28 septembre et 7 décembre 2016, la société CARDIF LUX VIE venant aux droits de la société FORTIS LUXEMBOURG-VIE a saisi la cour d'appel de LYON désignée comme cour de renvoi.

Au terme de conclusions notifiées le 17 décembre 2018, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- débouter M. Gérard X... et Mme Marie-Hélène X... de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner M. Gérard X... et Mme Marie-Hélène X... à lui rembourser chacun la somme de 1503057,25 € et celle de 27 435 € au titre des intérêts légaux majorés perçues au titre de l'exécution provisoire, ce outre intérêts au taux légal à compter du 11 février 2013 sur la première somme et du 9 août 2013 sur la seconde, avec capitalisation des intérêts,

- condamner in solidum M. Gérard X... et Mme Marie-Hélène X... à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, celle de 70 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle fait valoir :

- que la prorogation du délai de renonciation, édictée par l'article L.132-5-1 et 2 du code des assurances dans leur rédaction applicable à l'espèce, ne constitue pas une sanction automatique du non respect par l'assureur de son obligation d'information pré-contractuelle,

- que la faculté de renonciation prorogée est discrétionnaire mais qu'elle doit être exercée de bonne foi et que le détournement de la faculté pour échapper à la dévalorisation de leur investissement par des souscripteurs ayant la qualité d'assuré averti et ayant disposé des informations leur permettant de comprendre les caractéristiques du contrat souscrit, caractérise un abus de droit,

- que l'exigence de la bonne foi n'est pas contraire à la loi, la finalité de la faculté de renonciation étant de protéger les souscripteurs de bonne foi, que la reconnaissance de ce que l'exercice de cette faculté peut dégénérer en abus vise uniquement à sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants,

- que la prorogation du délai de renonciation comme sanction d'un manquement de l'assureur à l'obligation d'information est une spécificité du droit français, que la réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique sur ce point de sorte qu'il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif et que la sanction ne saurait s'analyser en un droit absolu,

- que les principes de bonne foi et de sanction de l'abus de droit ne sont pas contraires au droit communautaire, que le fait d'exiger la bonne foi de l'assuré dans l'exercice de son droit n'est pas contraire à la réglementation communautaire, l'introduction d'un contrôle de l'absence d'abus de droit dans l'exercice du droit de renonciation n'est contraire ni au droit des assurances ni au droit communautaire,

- que M. X... est un assuré averti, la cour d'appel de PARIS ayant jugé dans un arrêt du 6 mai 2014 que ses diplômes et son parcours professionnel dans l'assurance et la finance faisaient de lui un investisseur averti, et que son expertise a bénéficié à son épouse,

- qu'en outre les époux X... ont été amplement informés pour s'être entourés de nombreux conseils et avoir participé à plusieurs réunions d'information de sorte que c'est sur la base d'un conseil juridique et financier sur mesure qu'ils ont fait le choix de souscrire un contrat Liberty2Invest afin d'y loger les titres WENDEL dont ils avaient fait l'acquisition dans le cadre d'une opération SOLFUR,

- que les propositions d'assurance remises à M. X... et à Mme Marie-Hélène X... comportaient un encadré mentionnant toute l'information pertinente et utile, de sorte qu'elle valait note d'information et qu'elle avait permis aux intéressés, au vu de leur situation personnelle et notamment de leur caractère averti, de bénéficier de toute l'information requise et utile pour leur prise de décision,

- que les griefs soulevés par les assurés sont de pure forme et n'ont pu être source d'aucune méprise ou incompréhension,

- que l'encadré rappelle de façon claire et précise les dispositions concernant la valeur de rachat nécessaires à la compréhension effective par les preneurs des éléments essentiels de l'engagement de sorte que les époux X... n'ont pu se méprendre sur leurs engagements, et qu'ils savaient que la valeur de leur contrat dépendait de l'évolution du cours des actifs/actions composant le fonds dédié et plus généralement qu'il est impossible à quiconque de déterminer à l'avance quelle sera la valeur de rachat des contrats à l'échéance de 8 ans de sorte que l'absence de tableau des valeurs de rachat avec des exemples d'évolution à la hausse ou à la baisse était dépourvu d'intérêt pour la bonne compréhension du contrat, qu'elle aurait au contraire pu être trompeuse,

- que les époux X... ne sauraient prétendre n'avoir pas été en mesure d'apprécier la portée de leur engagement, que le caractère artificiel des griefs invoqués au regard des informations dont ils ont bénéficié démontre leur mauvaise foi,

- que l'abus de droit est caractérisé dès lors que le preneur est parfaitement informé des caractéristiques de l'assurance sur la vie souscrite et qu'il exerce son droit de renonciation uniquement pour échapper à l'évolution défavorable de ses investissements,

- qu'en l'espèce, la faculté de renonciation a été exercée concomitamment à une perte latente très importante de la valeur du titre WENDEL ayant suscité de la part de la Banque ayant financé l'achat des titres une demande de couverture de son encours bancaire, et à une proposition de rectification fiscale fondée sur un abus de droit, le montage SOLFUR ayant été ultérieurement remis en cause par l'administration fiscale sur le fondement de l'abus de droit, que ce contexte est commun à l'ensemble des dirigeants de WENDEL engagés dans l'opération SOLFUR,

- que l'ensemble des dirigeants WENDEL ont adressé de façon quasi concomitante la même lettre de renonciation, ces éléments suffisant à démontrer que le droit de renonciation n'avait été invoqué que pour échapper à l'évolution défavorable de leur investissement,

- que l'appréciation de la mauvaise foi ne saurait se faire exclusivement à la date de la souscription mais au regard des circonstances accompagnant la renonciation, qu'il n'y a pas lieu de rechercher l'existence d'une intention de nuire,

- que les époux X... ne démontrent pas que la souscription du contrat Liberty2Invest leur aurait été imposée dans le cadre de l'opération SOLFUR, alors que M. X... était Directeur des études et de la recherche de la société WENDEL et membre de son comité exécutif depuis 2002, qu'en outre, les époux X... étaient libres de disposer de leurs titres WENDEL et que leur investissement sur un contrat d'assurance-vie était optionnel, facultatif et répondait exclusivement à un souci d'optimisation fiscale,

- qu'on ne saurait exiger de l'assureur qu'il rapporte la preuve que l'assuré a bénéficié d'une 'véritable expertise' dans le placement litigieux, sauf à considérer qu'un assuré ne serait jamais averti.

Au terme de conclusions notifiées le 4 janvier 2019, M. Gérard X... et Mme Marie-Hélène X... demandent à la cour de :

- déclarer la société CARDIF LUX VIE irrecevable subsidiairement mal fondée en son appel,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de PARIS en date du 21 juin 2012,

- débouter la société CARDIF LUX VIE de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société CARDIF LUX VIE à leur payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SELARL Laffly et Associés.

Ils font valoir :

- que la société FORTIS LUXEMBOURG n'a jamais contesté les motifs retenus par la cour d'appel de PARIS selon lesquels l'information ne leur avait pas été valablement donnée de sorte qu'elle n'est plus recevable 'à invoquer des griefs qui ont été définitivement tranchés' (sic),

- que la société FORTIS LUXEMBOURG n'a pas respecté les dispositions impératives relatives à l'encadré reprenant les dispositions essentielles de la notice d'information, manquant ainsi à son obligation pré-contractuelle d'information,

- que l'encadré n'indique pas en caractères très apparents la nature du contrat souscrit,

- que les frais du contrat ne sont ni regroupés au sein d'une même rubrique, ni repris dans l'ordre imposé, les 'autres frais' étant mentionnés dans les conditions générales du contrat, alors que ces frais constituent un élément essentiel du contrat Liberty2Invest comme déterminants de l'engagement de l'un des cocontractants,

- que la mention relative aux garanties offertes et à la faculté de rachat visée par l'article A.132-8 du code des assurances n'a pas été reprise littéralement ni dans l'ordre prévu et qu'elle est incomplète,

- que l'encadré ne fait pas référence aux dispositions prévues par l'article L.132-5 alinéa 2 du code des assurances quant à la participation aux bénéfices alors qu'il s'agit d'une mention impérative, même en l'absence de participation aux bénéfices contractuels, puisque la participation aux bénéfices financiers et techniques est obligatoire,

- que la mention relative à la durée du contrat diverge de celle prescrite par le code des assurances puisque des dispositions ont été ajoutées,

- qu'aucune mention d'avertissement n'a été insérée après l'encadré de la notice d'information,

- que la mention relative aux modalités de désignation du bénéficiaire intègre d'autres informations superfétatoires non prévues par les articles A.132-8 et A.132-9, alors que la forme et le contenu de l'encadré sont limitativement déterminés par le code des assurances,

- que la notice d'information ne constitue pas un document distinct des conditions générales,

- que les mentions relatives à la faculté de renonciation ne respectent pas les dispositions de l'article A.132-4-2 et qu'elles ne permettent pas à l'assuré de fixer avec précision le point de départ du délai de 30 jours,

- qu'aucune information sur les valeurs de rachat ne figure dans la proposition d'assurance ni dans le bulletin de souscription ni dans le projet de contrat, que le contrat omet le tableau de simulation à partir de trois hypothèses explicites exigé par l'article A.132-4-1-II-b,

- qu'en toute hypothèse, la notice d'information n'est pas valable aux motifs qu'elle ne respecte pas l'ordre des dispositions, que des informations ont été ajoutées, ce qui est de nature à diluer les informations essentielles, et que d'autres sont absentes, de sorte qu'ils sont fondés à exercer la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-2 ancien du code des assurances, cette faculté revêtant un caractère discrétionnaire,

- que le revirement jurisprudentiel opéré par la Cour de cassation par ses arrêts du 19 mai 2016 contrevient à la finalité de la faculté de renonciation puisqu'il remet en cause l'application automatique de la sanction légale, la privant ainsi de son efficacité,

- que le recours à la notion de la bonne foi, principe général de la responsabilité civile, revient à occulter le particularisme du droit des assurances,

- que la position de la Cour de cassation est contraire au droit communautaire qui refuse toute exception à la prorogation du droit de renonciation qui s'applique de plein droit, au regard de la situation de faiblesse du souscripteur,

- qu'à titre subsidiaire, la société CARDIF LUX VIE ne démontre pas sa mauvaise foi ou l'abus de droit invoqué dès lors qu'elle n'établit pas qu'ils étaient mieux informés qu'elle et qu'ils ont souscrit le contrat dans le seul but d'y renoncer par la suite,

- qu'en toute hypothèse, le défaut d'une information complète les ont privés de la possibilité d'apprécier la portée de leur engagement, que la société CARDIF LUX VIE ne prouve pas qu'ils ont reçu l'ensemble des informations requises de façon efficace et qu'ils étaient des investisseurs avertis,

- qu'ils ne disposaient d'aucune expertise en matière de placements financiers de même nature que celui correspondant au contrat liberty2Invest leur ayant permis de prendre la mesure de leur engagement,

- que le caractère suffisant ou non de l'information fournie ne peut s'apprécier qu'au regard du contenu concret du contrat souscrit,

- qu'à l'époque de la souscription du contrat, M. X... n'était que cadre salarié, directeur de la communication et des études, que dans le cadre de son activité antérieure à la banque INDOSUEZ, il était seulement chargé de démarchage commercial, que Mme X... n'avait aucune compétence en matière financière, boursière ou d'assurance-vie, qu'elle était titulaire d'un DUT de chimie et était sans profession ; que les conseils intervenus étaient ceux de la société WENDEL et qu'ils ont été contraints de souscrire à l'opération SOLFUR qui leur a été imposée par cette dernière,

- que la présence de tiers avertis ou d'un courtier ne saurait leur donner la qualité d'averti et dédouaner l'assureur de ses responsabilités alors que le dispositif légal met à sa seule charge la protection de l'assuré par l'information donnée,

- que s'ils ont exercé la faculté de renonciation en 2010, c'est qu'ils n'avaient pas pleinement conscience des risques encourus au moment de la souscription en 2008,

- que le montant élevé des sommes investies ne leur confère pas la qualité d'assurés avertis,

- qu'en tout état de cause, la société CARDIF LUX VIE ne prouve pas que les violations de forme n'ont pas altéré la connaissance qu'ils ont pu avoir des informations dues, ni qu'ils ont été en mesure d'apprécier la portée de leur engagement,

- que l'irrégularité des mentions relatives aux unités de compte proposées et aux valeurs de rachat ne sont pas de pure forme alors qu'il s'agit d'éléments déterminants du choix du support,

- que la qualité d'investisseur averti doit s'apprécier non pas par référence à l'activité professionnelle de l'investisseur mais par rapport à sa compétence au regard du produit litigieux lui-même,

- que l'abus de droit n'est pas caractérisé dès lors qu'ils n'ont pas agi dans l'intention de nuire à l'assureur,

- que la faculté de renonciation ne constitue ni une sanction indemnitaire ni la sanction d'un vice du consentement de sorte qu'il n'y a pas de détournement du droit de sa finalité,

- qu'il n'est pas démontré que le non-respect de la forme imposée pour la délivrance de l'information ne les a pas empêchés d'être régulièrement informés,

- que le respect de la forme imposée est nécessaire pour que l'information donnée le soit, effectivement et efficacement,

- que l'intention de nuire n'est pas caractérisée par la restitution des primes versées qui n'est que la conséquence légale de la renonciation,

- que la restitution des fonds ne constitue pas une indemnisation, si bien que la faculté de renonciation n'a pas été détournée de sa finalité,

- que leur cause a été reconnue comme fondée par les juridictions du fond de sorte que leur action ne saurait être qualifiée d'abusive.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité

Selon l'article 624 du code de procédure civile, 'la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire'.

Selon l'article 625, la cassation replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant le jugement cassé.

En l'espèce, l'arrêt de la cour d'appel de PARIS a été cassé sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.

Selon les articles 631 et suivants, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure atteinte par la cassation et les nouveaux moyens recevables

Il en résulte que la société CARDIF LUX est recevable à invoquer tous nouveaux moyens au soutien de sa défense à l'action des époux X... et que la fin de non recevoir invoquée doit être rejetée.

Sur la régularité de l'information pré-contractuelle

L'article L 135-5-3 qui concerne spécifiquement les assurances de groupe sur la vie renvoie notamment à l'article L 135-5-2 s'agissant de l'obligation d'information pesant sur l'assureur.

L'article L.132-5-2 du code des assurances prévoit qu'avant la conclusion du contrat, l'assureur doit remettre contre récépissé au candidat à l'assurance une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 et sur les dispositions essentielles du contrat.

Les mentions que doit contenir cette note d'information sont précisées à l'article A.132-4.

Toutefois, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, le même article de loi autorise l'assureur à ne pas fournir une note d'information distincte de la proposition d'assurance ou du projet de contrat, à la condition d'insérer en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat un encadré indiquant en caractères très apparents la nature du contrat et dont le format et le contenu sont définis à l'article A.132-8 du code des assurances, applicable aux contrats souscrits à compter du 1er mai 2006.

En l'espèce, c'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a retenu que les manquements à la forme et au contenu de l'encadré invoqués par le demandeur étaient établis.

Sur l'exercice de la faculté prorogée de renonciation

L'absence de respect par l'assureur de ses obligations est sanctionnée, selon l'article L.132-5-2, alinéa 6 par la prorogation de plein droit du délai de renonciation de l'assuré prévu à l'article L.132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de la remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.

Le terme 'de plein droit' signifie seulement que celui qui exerce sa faculté de renonciation n'a pas de motifs à fournir sans que le caractère discrétionnaire de cette faculté exclue qu'elle puisse être exercée de mauvaise foi et constituer un abus de droit.

La réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique sur la sanction d'un manquement de l'assureur à son obligation d'information pré-contractuelle de sorte qu'il incombe aux Etats membres de prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l'effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif.

Ainsi, le fait de ne pas analyser la sanction édictée par la loi française en un droit absolu et d'exercer un contrôle de l'absence d'abus de droit dans l'exercice de la faculté de renonciation ne contrevient à aucune disposition communautaire.

L'exigence de bonne foi n'est pas contraire à la loi, le principe de loyauté étant de l'essence des relations contractuelles.

Il en résulte que l'article L.132-5-2 dans sa rédaction applicable au litige ne s'oppose pas à la recherche d'un éventuel manquement à l'exigence de bonne foi ou à la prise en compte d'un éventuel abus comme limite à l'exercice du droit de renonciation du souscripteur.

Le détournement de la faculté de renonciation pour échapper à la dévalorisation de leur investissement par des souscripteurs ayant la qualité d'assurés avertis et ayant disposé des informations leur permettant de comprendre les caractéristiques du contrat souscrit, caractérise un abus de droit.

La bonne foi étant présumée, il appartient à la société CARDIF LUX VIE d'apporter la démonstration qu'en dépit des insuffisances de l'information pré-contractuelle qui leur a été fournie, les époux X... ont été parfaitement à même de mesurer la portée de leur engagement lors de la souscription du contrat.

La preuve de la mauvaise foi du souscripteur n'exige ni la démonstration d'une intention de nuire ni de ce que celle-ci existait à la date de la souscription du contrat ni de ce que l'assuré était mieux informé que l'assureur lui-même sur les manquements de ce dernier.

En l'espèce, M. X... est diplômé de HEC, titulaire d'un DECS, membre de la société française des analystes financiers-SFAF. Après avoir travaillé en qualité d'analyste financier à l'UAP, puis à la direction financière de la banque INDOSUEZ, il était, à la date de l'investissement litigieux, directeur des études et de la communication de la société WENDEL Investissement, membre de son comité opérationnel, l'ensemble de ces compétences lui permettant de comprendre le mécanisme de l'assurance vie, d'analyser la documentation contractuelle relative à ce type de contrat et d'appréhender les caractéristiques du contrat proposé par FORTIS dans tous ses aspects.

Il est d'autre part établi qu'il a participé à une opération d'ingénierie financière complexe interne au groupe WENDEL, ouverte aux principaux membres de l'équipe de direction et dénommée SOLFUR, qui lui a permis d'acquérir avec son épouse 34 141 actions WENDEL en souscrivant un emprunt bancaire de 4,5 millions d'euros auprès de la société JP MORGAN CHASE BANK, garanti par un nantissement de ses titres WENDEL et que le contrat d'assurance-vie FORTIS LUXEMBOURG a été souscrit afin d'y loger l'ensemble des titres WENDEL acquis dans le cadre de l'opération SOLFUR, ce qui vient confirmer, si besoin était, sa capacité à appréhender des mécanismes d'investissement autrement plus complexes que l'apport de titres dont il était propriétaire à une enveloppe de capitalisation sous forme d'assurance-vie.

Il convient de relever en outre que la société CARDIF LUX VIE justifie que la banque PJ MORGAN a établi au mois de mai 2007 un document à l'intention des dirigeants participant au projet SOLFUR intitulée 'réflexions sur les conséquences individuelles du projet SOLFUR' comportant une présentation du contrat FORTIS LUXEMBOURG incluant notamment le détail des frais d'entrée et des frais de gestion administrative et financière afférents à ce placement.

Les multiples griefs invoqués par les époux X... à l'encontre du contenu des documents contractuels, - non respect de l'ordre des informations ou de leur emplacement dans le document, de la typographie de certaines mentions ou de la formulation de certaines informations, absence de mention relative à la participation aux bénéfices alors que le contrat proposé ne prévoit pas de participation aux bénéfices, non conformité de l'information relative aux valeurs de rachat, informations superfétatoires relatives à la durée du contrat et à la désignation des bénéficiaires - se fondent sur le non respect du strict formalisme requis par les textes sans que leurs critiques soient accompagnées d'explications sur la mauvaise compréhension ou sur l'erreur que les manquements allégués auraient provoquées.

En tout état de cause, la proposition d'assurance remise aux preneurs comporte toutes les informations utiles et pertinentes permettant à un souscripteur averti comme M. X... d'être complètement informé au moment de sa prise de décision tant sur la nature du contrat, sur son fonctionnement et sur les risques encourus et de comprendre la portée de son engagement, ce en dépit des manquements de l'assureur au formalisme imposé par le code des assurances.

Quant à Mme X..., elle a nécessairement bénéficié de l'expertise de son mari.

Les époux X... ont exercé la faculté de renonciation concomitamment à une perte latente très importante de la valeur du titre WENDEL et à une proposition de rectification fiscale, le montage SOLFUR étant remis en cause par l'administration fiscale sur le fondement de l'abus de droit.

Les membres de l'équipe de direction de WENDEL qui avaient souscrit à l'assurance vie FORTIS LUXEMBOURG ont adressé de façon quasi concomitante une lettre de renonciation libellée en termes identiques.

Les époux X... ont reconnu dans leur acte introductif d'instance qu'ayant 'constaté une évolution critique de leur épargne', ils s'étaient penchés sur les documents qui leur avaient été remis lors de la souscription.

Ils ne sauraient prétendre avoir été contraints de souscrire le contrat d'assurance-vie FORTIS LUXEMBOURG alors qu'il ressort d'un courrier du cabinet d'avocats DEBEVOISE et PLIMPTON, intitulé réorganisation CDA - conséquences patrimoniales - questions/réponses JPM - en date du 15 mars 2007et du document établi par la banque JP MORGAN au mois de mai 2007 que le placement en assurance vie des titres acquis a été proposé par la BANQUE JP MORGAN, et non pas imposé par un tiers, et qu'il présentait des avantages fiscaux non négligeables tant en matière d'imposition que de succession, ce qui suffit à établir qu'il a été librement souscrit dans un but d'optimisation fiscale.

Ces éléments démontrent à suffisance que les époux X... n'ont exercé la faculté de renonciation édictée par l'article L.132-5-1 que pour échapper à l'évolution défavorable de leur investissement de sorte que l'abus de droit qui leur est reproché est caractérisé.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré.

Sur les demandes accessoires

Le présent arrêt valant titre de restitution des sommes acquittées au titre de l'exécution provisoire, il n'y a pas lieu à statuer sur ce point, étant rappelé que les intérêts ne courent en application de l'article 1153 (devenu 1231-6) du code civil qu'à compter de la signification du présent arrêt.

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit sous réserve qu'ils soient dus pour une année entière. Il convient en conséquence de faire droit à ce chef de demande ;

L'abus du droit d'agir en justice reproché aux époux X... n'est pas caractérisé dès lors que les juridictions du fond précédemment saisies ont considéré leur action fondée. La société CARDIF LUX VIE sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare la société CARDIF LUX VIE recevable en ses demandes ;

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. Gérard X... et Mme Marie-Hélène X... de l'intégralité de leurs demandes;

Déboute la société CARDIF LUX VIE de sa demande de dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les restitutions ;

Ordonne la capitalisation des intérêts sous réserve qu'ils soient dus pour une année entière;

Condamne in solidum M. Gérard X... et Mme Marie-Hélène X... à payer à la société CARDIF LUX VIE la somme de 10000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne in solidum aux dépens y compris ceux des deux instances d'appel ;

Autorise la SCP AGUIRAUD NOUVELLET, avocat, à recouvrer directement à leur encontre, les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 16/09612
Date de la décision : 05/02/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°16/09612 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-05;16.09612 ?
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