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31/01/2019 | FRANCE | N°18/06513

France | France, Cour d'appel de Lyon, 6ème chambre, 31 janvier 2019, 18/06513


N° RG 18/06513









Décision du

Juge de l'exécution de SAINT-ETIENNE

Au fond

du 24 juillet 2018



RG : 17/00111







SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT



C/



X... Christine





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



6ème Chambre



ARRÊT DU 31 JANVIER 2019







APPELANTE :



SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPP

EMENT

[...]



Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)

Assistée par la SELARL BASSET-BOUCHET-HANGEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE









INTIMÉE :



Mme Christine X...

[...]



Représentée par Me Fabrice Y..., av...

N° RG 18/06513

Décision du

Juge de l'exécution de SAINT-ETIENNE

Au fond

du 24 juillet 2018

RG : 17/00111

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

C/

X... Christine

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRÊT DU 31 JANVIER 2019

APPELANTE :

SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

[...]

Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON (toque 1547)

Assistée par la SELARL BASSET-BOUCHET-HANGEL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIMÉE :

Mme Christine X...

[...]

Représentée par Me Fabrice Y..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

******

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Décembre 2018

Date de mise à disposition : 31 Janvier 2019

Audience tenue par Dominique BOISSELET, président, et Karen STELLA, conseiller, qui ont siégé en double rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Dominique BOISSELET, président

- Catherine CLERC, conseiller

- Karen STELLA, conseiller

assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier

A l'audience, Dominique BOISSELET a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Le Crédit Immobilier de France Développement est créancier de Christine X... en vertu d'un prêt constaté par acte notarié du 25 août 2005.

Le prêt est garanti par l'inscription d'un privilège de prêteur de deniers et d'une hypothèque conventionnelle portant sur l'immeuble situé au lieu-dit Le bourg à Arthun (Loire).

Par jugement du 08 juillet 2009, le tribunal de commerce de Saint Etienne a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme X..., commerçante.

Un plan de redressement a été adopté par le même tribunal par jugement du 7 juillet 2010.

L'immeuble acquis à l'aide de l'emprunt précité a fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité publiée le 27 juin 2013 au service de la publicité foncière de Montbrison (42) et d'une mention au registre du commerce et des sociétés le 16 juillet 2013.

Compte tenu de l'échec du plan de redressement, Mme X... a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 9 septembre 2015. Le Crédit Immobilier de France Développement a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.

Par jugement du 29 juin 2016, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a prononcé la clôture de la procédure de liquidation pour insuffisance d'actif.

Par acte d'huissier de justice du 10 août 2017, le Crédit Immobilier de France Développement a fait délivrer à Mme X... un commandement aux fins de saisie immobilière portant sur l'immeuble cadastré section [...] et [...] au lieu-dit Le Bourg sur la commune d'Arthun (Loire), pour paiement de la somme de 57.586,19 euros avec intérêts contractuels arrêtés au 4 juillet 2017.

Par un autre acte d'huissier de justice de même date, le Crédit Immobilier de France Développement a fait délivrer à Mme X... un commandement aux fins de saisie vente pour la même créance.

Par acte d'huissier de justice du 6 décembre 2017, le Crédit Immobilier de France Développement a fait assigner Mme X... à comparaître à l'audience d'orientation du 12 janvier 2018 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Etienne.

Par jugement en date du 24 juillet 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint Etienne,

sur la contestation relative au commandement de payer aux fins de saisie-vente,

s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Etienne statuant en matière mobilière,

et a dit qu'à défaut d'appeI dans les délais légaux, le dossier sera transmis à la juridiction susvisée dans les conditions prévues par l'article 97 du code de procédure civile,

pour le surplus, a :

déclaré nuls et de nul effet le commandement de payer valant saisie immobilière du 10 août 2017, et l'assignatíon délivrée le 06 décembre 2017,

ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière du 10 août 2017 aux frais du Crédit Immobilier de France Développement,

condamné le Crédit Immobilier de France Développement aux dépens de l'instance, avec distraction au profit de Me Fabrice Y...,

condamné le Crédit Immobilier de France Développement à verser à Mme X... la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Crédit Immobilier de France Développement a relevé appel partiel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 septembre 2018.

Sur la requête de l'appelant déposée au greffe de la cour le 26 septembre 2018, le président de la 6ème chambre civile, agissant par délégation du premier président de la cour d'appel, statuant par ordonnance du 27 septembre 2018, l'a autorisé à faire assigner Mme X... à jour fixe pour l'audience du 18 décembre 2018 à 13h30.

L'assignation a été délivrée à Mme X... par acte d'huissier de justice du 1er octobre 2018.

En ses conclusions du 26 septembre 2018, le Crédit Immobilier de France Développement demande à la cour, au visa des articles L643-11 et suivants du code de commerce et des articles du code des procédures civiles d'exécution, de :

confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution en charge des saisies immobilières près le tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 24 juillet 2018 en ce qu'il :

sur la contestation relative au commandement de payer aux fins de saisie vente :

s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Etienne statuant en matière mobilière,

et a dit qu'à défaut d'appel dans les délais légaux, le dossier sera transmis à la juridiction susvisée dans les conditions prévues par l'article 97 du code de procédure civile,

infirmer le même jugement pour le surplus, en ce qu'il a :

déclaré nuls et de nul effet le commandement de payer valant saisie immobilière du 10 août 2017, et l'assignation délivrée le 06 décembre 2017,

ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière du 10 août 2017 aux frais du Crédit Immobilier de France Développement,

condamné le Crédit Immobilier de France Développement aux dépens de l'instance, avec distraction au profit de Me Fabrice Y...,

condamné le Crédit Immobilier de France Développement à verser à Mme X... la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

et, statuant à nouveau :

rejeter comme non fondée la demande de Mme X... tendant à voir prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et de l'assignation à l'audience d'orientation ;

rejeter les demandes de Mme X... tendant à voir déclarer les demandes du Crédit Immobilier de France Développement irrecevables et mal fondées ;

débouter Mme X... de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions ;

ordonner la vente forcée ;

renvoyer les parties devant le juge de l'exécution en charge des saisies immobilières près le tribunal de grande instance de Saint-Etienne pour déterminer les modalités de poursuite de la procédure et fixer la date de l'audience de vente ;

condamner Mme X... à verser au Crédit Immobilier de France Développement la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.;

la condamner aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de la SCP Baufumé Sourbé, avocat.

Par conclusions du 28 septembre 2018, Christine X... demande à la cour, vu les dispositions d'ordre public de l'article L 643-11 du code de commerce, de :

à titre principal,

constatant que le Crédit Immobilier de France Développement ne justifie pas se trouver dans l'une des exceptions limitativement énumérées par ce texte, apte à lui permettre de retrouver l'exercice de son droit de poursuite individuelle,

à titre subsidiaire,

constatant que le Crédit Immobilier de France Développement agit sur le fondement d'un acte de prêt notarié valant titre exécutoire,

constatant que le Crédit Immobilier de France Développement ne justifie pas avoir, préalablement à l'exercice de son droit de poursuite individuelle, obtenu une ordonnance constatant qu'il remplissait les conditions prévues par ce texte,

en toute hypothèse,

juger que le Crédit Immobilier de France Développement a exercé des poursuites individuelles à l'encontre de Mme X... postérieurement à la clôture pour insuffisance d'actif de sa procédure de liquidation judiciaire, au mépris des règles en vigueur le lui interdisant ;

confirmer le jugement du 24 Juillet 2018 déféré en ce qu'il a :

déclaré nuls et de nul effet le commandement de payer valant saisie immobilière du 10 août 2017, et l'assignatíon délivrée le 06 décembre 2017,

et ordonné la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière du 10 août 2017 aux frais du Crédit Immobilier de France Développement,

à titre subsidiaire,

déclarer les demandes du Crédit Immobilier de France Développement irrecevables et mal fondées ;

le débouter de toutes ses demandes ;

réformer le jugement déféré s'agissant des frais irrépétibles,

condamner le Crédit Immobilier de France Développement à payer à Mme X... la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner le Crédit Immobilier de France Développement aux entiers dépens de l'Instance, distraits au profit de Me Fabrice Y..., avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour observe que les parties n'ont pas relevé appel des dispositions du jugement du 24 juillet 2018 rendues sur la demande d'annulation du commandement de payer aux fins de saisie mobilière. En conséquence, la cour n'est pas saisie et n'a donc pas à statuer pour confirmer le jugement, comme demandé par l'appelant.

Il résulte de l'article L.643-11 du code de commerce que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, hors exceptions limitativement énumérées dans ce texte.

En outre, le créancier disposant d'un titre exécutoire et prétendant recouvrer son droit de poursuite doit faire constater par ordonnance du président du tribunal qu'il remplit les conditions prévues.

Le juge de l'exécution a considéré que ces conditions n'étaient pas remplies et, en conséquence, annulé le commandement de saisie immobilière, l'assignation délivrée à la requête du créancier et ordonné la radiation du commandement.

Les parties s'opposent sur l'interprétation de plusieurs arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, le créancier poursuivant soutenant que les dispositions de l'article L.643-11 ne s'appliquent pas aux créanciers titulaires d'une mesure de sûreté.

Effectivement, les dispositions de l'article L.643-11 ne font pas obstacle à ce que le créancier titulaire d'une sûreté et auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, use du droit de recouvrer sa créance après la clôture de la liquidation judiciaire, ce qu'il peut déjà faire durant le cours de la procédure de ladite procédure.

- Dans son arrêt du 13 septembre 2017 (n°16-10206), la Cour de cassation a expressément rappelé que le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective, d'un droit de poursuite sur cet immeuble, qu'il doit être en mesure d'exercer en obtenant, s'il n'en détient pas un auparavant, un titre exécutoire contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance.

Contrairement à ce que soutient Mme X... et à l'appréciation du juge de l'exécution, cette décision ne fait pas qu'appliquer le droit habituellement reconnu au créancier d'agir en justice pour faire fixer, dans un titre exécutoire, le montant de sa créance au passif d'une procédure collective.

D'une part, elle rappelle clairement que le droit de poursuite sur l'immeuble grevé est indépendant des droits du créancier dans la procédure collective.

D'autre part, il n'y a nulle nécessité pour le créancier d'un débiteur en liquidation judiciaire d'obtenir d'un titre exécutoire puisqu'il n'est tenu qu'à déclarer sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire. Ce n'est donc que dans le cas où il détient une sûreté réelle, qu'il doit obtenir un titre exécutoire pour recouvrer sa créance indépendamment de la procédure collective.

- Dans son arrêt du 13 décembre 2017 (n°15-28357), la Cour de Cassation a dit que le droit du créancier de saisir un immeuble, objet d'une déclaration d'insaisissabilité qui lui est inopposable, n'entre pas dans la catégorie des droits attachés à la personne du créancier qui figurent parmi les exceptions à l'interdiction de reprise des poursuites édictée par l'article L.643-11 du code de commerce.

Pour autant, la Cour a bien précisé statuer au vu de ce texte dont le créancier revendiquait exclusivement son application, ce qui n'induit aucune conséquence quant au droit du créancier qui agit en exécution d'un titre garanti par une sûreté réelle.

- Enfin, dans un arrêt du 5 avril 2016 (n°14-24640), la Cour de cassation a dit que le créancier titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité de l'immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application de l'article L.526-1 du code de commerce, peut faire procéder à la vente sur saisie sans avoir à se faire autoriser par le juge commissaire dans le cadre de la procédure prévue par l'article L.643-2 du même code, qui concerne le cas où un créancier se substitue au liquidateur judiciaire.

La Cour de cassation confirme ainsi que l'action du créancier titulaire d'une sûreté réelle est indépendante de la procédure de liquidation judiciaire en cours. Par conséquent, elle ne saurait être affectée par la clôture de cette procédure pour insuffisance d'actif.

C'est donc à l'issue d'une analyse erronée que le premier juge a annulé le commandement de saisie immobilière et l'assignation délivrés à Mme X... à la requête du Crédit Immobilier de France Développement et ordonné la radiation du commandement.

Il y a lieu d'infirmer le jugement, d'ordonner la vente forcée de l'immeuble et renvoyer les parties devant le juge de l'exécution pour qu'il soit statué sur la mise à prix, la date de l'audience de vente, les modalités de publicité et de visite du bien et toutes autres modalités de poursuite de la procédure.

Mme X..., partie perdante, supporte les dépens d'appel, les dépens de première instance devant être employés en frais privilégiés de vente, mais il convient que chaque partie conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 24 juillet 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint Etienne ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme X... de ses demandes tendant à voir prononcer la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière et de l'assignation à l'audience d'orientation ;

Ordonne la vente forcée de l'immeuble saisi, cadastré section [...] et [...] au lieu-dit Le Bourg sur la commune d'Arthun (Loire) ;

Renvoie les parties devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Saint-Etienne pour qu'il soit statué sur la mise à prix, la date de l'audience de vente, les modalités de publicité et de visite du bien et toutes modalités de poursuite de la procédure ;

Dit que les dépens de première instance doivent être employés en frais privilégiés de vente ;

Condamne Mme X... aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct de la SCP Baufumé Sourbé, avocat ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18/06513
Date de la décision : 31/01/2019

Références :

Cour d'appel de Lyon 06, arrêt n°18/06513 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-31;18.06513 ?
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