N° RG 17/07841 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LK2A
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond du 18 octobre 2017
RG : 15/10504
ch n°1 cab 01 B
X...
C/
Y... Z...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 22 Janvier 2019
APPELANT :
M. Rémy Philippe X...
né le [...] à BRON (69)
[...]
Représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocats au barreau de LYON
Assisté de la SELARL BMB AVOCATS, avocats au barreau de LYON
INTIMÉE :
Mme Véronique Y... Z... veuve X...
née le [...] à PARIS (75)
[...]
Représentée par la SELARL B2R & ASSOCIÉS, avocats au barreau de LYON
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Date de clôture de l'instruction : 06 Septembre 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Décembre 2018
Date de mise à disposition : 22 Janvier 2019
Audience tenue par Françoise CARRIER, président, et Florence PAPIN, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Florence PAPIN a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
M. Hugues X... est décédé le [...] laissant pour lui succéder son fils unique Rémy X..., et son épouse en secondes noces (sous le régime de la séparation de biens), Mme Véronique Y... Z... veuve X....
Par testament du 24 janvier 2005, le défunt a institué son conjoint légataire de la moitié des biens meubles et immeubles dépendant de sa succession.
Par jugement du 31 août 2011, le tribunal de grande instance de LYON a :
- ordonné l'ouverture et le partage de la succession de M. Hugues X... décédé le [...] à SAINT CYR AU MONT D'OR,
- dit que devra figurer à l'actif de la succession, selon accord des parties, le solde versé le 26 décembre 2007 par la Société TMT, les commissions reçues par la Société TMT (somme à parfaire), les dividendes sur les actions appartenant au de cujus, soit la somme de 2 038,19 € pour 2007 et 2008, somme à parfaire, et le remboursement du prêt consenti par le de cujus à son neveu Yann A... pour la somme de 4 500 €,
- dit que les indemnités CPAM ne devront pas figurer dans l'actif de la succession,
- désigné M. le Président de la Chambre des Notaires du RHÔNE ou à défaut son délégataire à l'exclusion de Maître B... pour procéder aux opérations de liquidation partage,
- désigné Mme le Juge de la mise en état de la 1ère chambre de ce Tribunal pour surveiller ces opérations et faire rapport en cas de difficultés,
- dit que le notaire commis établira l'état liquidatif selon les dispositions de ce présent jugement,
- dit que si un acte de partage amiable est établi le notaire commis en informera le juge qui constate la clôture de la procédure,
- dit qu'en cas de désaccord des parties sur le projet d'été liquidatif, conformément à l'article 1373 du Code de Procédure Civile, le notaire commis transmettra au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties ainsi que le projet d'état liquidatif,
- débouté M. Rémy X... de toutes autres demandes,
- ordonné le rapport à la succession par M. Rémy X... de la somme de 30 000 € dont il a bénéficié à titre de donation,
- condamné M. Rémy X... à payer à Mme Y... Z... la somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de partage et distraits au profit des avocats de la cause.
Le jugement a été intégralement confirmé par un arrêt de la cour d'appel de LYON du 26 février 2013.
Maître C..., notaire désigné, a dressé un procès-verbal de difficultés le 26 février 2015 en raison du refus de M. Rémy X... de procéder à la signature du projet de partage établi.
Mme Y... Z... veuve X... a saisi le tribunal de grande instance de LYON aux fins d'homologation de l'acte de partage dressé par Maître C..., outre de légitimes dommages et intérêts pour résistance abusive de M. Rémy X....
Par jugement du 18 octobre 2017, le tribunal de grande instance :
- rejette la contestation élevée par M. Rémy X...,
- renvoie les parties devant Maître C..., Notaire pour qu'il établisse l'acte constatant le partage de la succession de feu M. Hugues X..., acte qui fera figurer à l'actif successoral la moitié des soldes des comptes joints,
- condamne M. Rémy X... à payer à Mme Y... Z... veuve X... 1 000 € à titre de dommages et intérêts outre 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens.
M. Rémy X... a interjeté appel le 19 novembre 2017 du jugement signifié le 2 novembre 2017. Aux termes de ses conclusions récapitulatives, il demande à la cour de :
Vu les articles 1373 et suivants du Code de procédure civile,
Vu le procès-verbal de difficulté du 26 février 2015 et les dires de M. X...,
Vu les pièces versées aux débats,
- Réformer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de LYON le 18 octobre 2017,
Statuant à nouveau,
- Dire recevables et bien fondées les contestations formées par M. X... à l'encontre du projet d'acte liquidatif contenu dans le procès-verbal de difficulté du 26 février 2015,
- Dire spécialement que les sommes figurant aux comptes joints des époux devront, en tant que libéralités indirectes, être rapportées à l'actif successoral dans leur intégralité, et réintégrées par Mme Y... Z..., pour un montant de 43 849,53 €,
- Ordonner en tant que de besoin la réduction de cette libéralité faite à Mme Y... Z... et excédant la réserve successorale de M. Rémy X..., pour une somme à déterminer par Maître C...,
- Renvoyer les parties devant Maître C..., notaire, aux fins d'établir l'acte constatant le partage, acte qui fera donc figurer à l'actif successoral l'intégralité des soldes des comptes joints,
- Débouter Mme Y... Z... de toutes demandes, prétentions, fins et moyens contraires, et notamment de toutes demandes de dommages et intérêts,
- Condamner Mme Y... Z... au versement d'une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Dire que les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Mme Y... Z... ou, subsidiairement, tirés en frais privilégiés de partage, dont distraction aux profits de la SELARL BMB AVOCATS et de la SCP BAUFUME ET SOURBE, sur leurs affirmations respectives de droit.
Mme X... demande à la cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives, de :
- Vu l'article 1355 du Code civil,
- Vu les articles 1373 et suivants du Code de Procédure Civile,
- Vu les pièces ci-après listées,
- Dire mal fondé l'appel interjeté par M. Rémy X...,
- Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la contestation de M. Rémy X..., et condamné M. Rémy X... à payer 1 000 € de dommages et intérêts et 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens.
Y ajoutant,
- Homologuer l'acte de partage original de la succession de M. Hugues X... établi le 26 février 2015 par Maître Arnaud C..., notaire commis en vertu du jugement du tribunal de grande instance de LYON du 31 août 2011 confirmé par l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON du 26 février 2013, et lui donner force exécutoire,
- Désigner Maître Arnaud C..., notaire [...], titulaire d'un office notarial situé [...], pour procéder à toutes formalités de dépôt, de publicité et d'enregistrement afférentes à l'acte de partage.
- Subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a renvoyé les parties devant Maître Arnaud C..., notaire [...], aux fins d'établir l'acte de partage qui intégrera concernant les comptes joints la moitié des soldes des dits comptes à l'actif successoral.
- Débouter M. Rémy X... de toutes ses demandes.
- Condamner M. Rémy X... à payer à Mme Y... Z... veuve X... une somme supplémentaire de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée et en réparation du préjudice subi, et de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction de droit au profit de la SELARL B2R & ASSOCIES, Maître Géraldine D..., avocat, sur son affirmation de droit.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine et les moyens des parties :
Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ;
Attendu que la seule contestation de M. X... quant au projet d'acte liquidatif de Maître C... concerne les sommes portées aux comptes-joints des époux, qu'il entend voir intégrer dans leur totalité à l'actif successoral.
Attendu qu'il fait valoir que :
- par application des dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile, ni le Tribunal ni la Cour n'étaient saisis d'une telle prétention, qui ne pouvait donc être tranchée,
Si ce point a été évoqué, c'est au soutien de l'argumentation de M. X... tenant au recel de succession, et à des fins strictement propres à cette qualification. Il ne peut lui être opposée l'autorité de la chose jugée,
- il restait place à la réintégration de l'intégralité des comptes joints, non dans le cadre d'une demande de constatation d'un recel de succession, mais au regard d'une demande de rapport des libéralités indirectes, eu égard à l'évidente intention libérale qui avait guidé M. Hugues X..., telle qu'elle résulte des propres pièces produites par Mme Y... Z....
- dans le cadre particulier de la procédure des articles 1359 et suivants du Code de procédure civile, M. X... restait libre d'élever toute contestation résiduelle sur l'application des règles du droit successoral autres que le recel.
- l'objet du litige concerne la transformation du compte courant de M. Hugues X... et de son compte titres en comptes joints, le 8 novembre 2007, soit 13 jours avant son décès.
- devant huissier, Mme Y... Z... a confirmé qu'avant le 21 novembre 2007, date du décès de M. Hugues X... : «Je n'ai jamais mis d'argent personnel sur ce compte».
- dans le projet d'acte liquidatif de 2009, Mme Y... Z... avait «accepté que figure la totalité des comptes à l'actif de la succession»que Maître E..., Notaire alors chargé des opérations de succession de M. X..., avait déjà clairement exprimé que la transformation des comptes personnels ou de certains d'entre eux en comptes joints, constitue une donation devant être rapportée et imputable sur la quotité disponible.
- l'affirmation d'une contribution aux charges du mariage n'est nullement étayée par quelque élément concret, d'autant plus qu'il ne s'agit pas d'une alimentation d'un compte joint sur la durée dans la perspective d'une poursuite de la vie commune,
- le «dévouement» voire le «sacrifice» d'un époux ne peut justifier une «indemnisation» que dans la mesure où il excède les exigences des devoirs de fidélité, secours et assistance prescrits par l'article 212 du Code civil.
- toutes les attestations produites vont dans le sens de l'intention libérale,
- la notion de «don d'usage» ne peut recevoir ici application :
D'une part, la notion de don d'usage implique le caractère direct de la libéralité, ce qui est incompatible avec une opération qui n'est une libéralité que de manière indirecte. D'autre part, elle ne correspond à aucun événement particulier,
- la Cour ordonnera la réduction de cette libéralité dans la mesure où elle excéderait la quotité disponible, sur la base des montants qui seront déterminés par Maître C....
Attendu que Mme X... soutient que :
*la demande est irrecevable aux motifs que :
- la cour a clairement jugé, par un motif décisoire, que seule la moitié des comptes joints doit être intégrée à l'actif successoral,
- le principe de la concentration des moyens impose dès la première instance de faire valoir l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci,
*la demande est mal fondée :
- Le fils du défunt n'est pas fondé à remettre en cause la décision prise par son père de son vivant.
Le fait que les comptes n'auraient pas été alimentés pour moitié par chacun des conjoints importe peu dès lors que le défunt a ainsi contribué aux charges du mariage et indemnisé le dévouement-sacrifice de son épouse qui a «accompagné pendant plusieurs mois (7 années) son mari dans son combat contre une longue maladie»,
Sur la recevabilité :
Attendu que dans le cadre de la première instance, M. X... soutenait que Mme X... s'était rendue coupable de recel successoral notamment du fait de la transformation 13 jours avant son décès des comptes du défunt en comptes joints, et demandait au tribunal de la priver en conséquence de tous droits sur les biens recelés,
que tant le tribunal que la cour n'ont pas retenu de recel successoral,
Attendu que dans le cadre de la présente procédure, M. X... forme une demande de réintégration de l'intégralité des comptes joints considérant qu'il s'agit de libéralités indirectes et le cas échéant de réduction pour dépassement de la quotité disponible,
Attendu que les instances ont lieu entre les même parties agissant en même qualité,
que la contestation dans les deux instances est la même : il s'agit de la transformation des comptes du défunt en comptes joints, le but poursuivi étant leur réintégration dans la succession,
Attendu que la nouvelle demande qui invoque un fondement juridique que l'appelant s'était abstenu de soulever en temps utile se heurte à la chose précédemment jugée relativement à la même contestation, le demandeur devant présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci,
Attendu que la demande présentée par M. X... est dès lors irrecevable,
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive :
Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce,
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que M. X... est condamné aux dépens d'appel et à payer à Mme Y... Z... veuve X... la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme partiellement la décision déférée,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de M. X...,
Homologue l'acte de partage de la succession de M. Hugues X... établi le 26 février 2015 par Maître Arnaud C..., notaire commis en vertu du jugement du tribunal de grande instance de LYON du 31 août 2011 confirmé par l'arrêt de la Cour d'Appel de LYON du 26 février 2013, et lui donne force exécutoire,
Confirme la décision déférée pour le surplus,
Condamne M. X... à verser à Mme Y... Z... veuve X... une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. X... aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE