N° RG 16/09570 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KUF6
Décisions :
- Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
Au fond du 31 mai 2013
RG : 12/00847
6ème chambre
- Cour d'Appel de VERSAILLES
du 17 septembre 2015
RG : 13/04593
3ème chambre
- Cour de Cassation Civ.2
du 20 octobre 2016
Pourvoi n°R 15-25.811
Arrêt n°1556 F-D
Société INORA LIFE LTD
C/
[U]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 11 Décembre 2018
statuant sur renvoi après cassation
APPELANTE :
Société INORA LIFE Ltd, société de droit irlandais, prise en sa succursale INORA LIFE FRANCE sise [Adresse 1], c/o SOGECAP [Localité 1], prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
C/o SOGECAP
[Localité 1]
Représentée par la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocats au barreau de LYON
Assistée de la SCP DUFFOUR & ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS
INTIMÉ :
M. [B] [U]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 2] (69)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Maud MEUNIER, avocat au barreau de LYON
Assisté de la SCP LECOQ VALLON & FERON POLONI, avocats au barreau de PARIS
******
Date de clôture de l'instruction : 06 Septembre 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 12 Novembre 2018
Date de mise à disposition : 11 Décembre 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
****
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE
Le 17 août 2007, M.[B] [U] a adhéré, par l'intermédiaire de la société ARCA PATRIMOINE, à un contrat collectif d'assurance sur la vie 'Imaging', souscrit auprès de la société INORA LIFE FRANCE, succursale française de la société INORA LIFE LIMITED, et a versé la somme de 30 000 €, frais inclus.
Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 10 septembre 2011, M. [B] [U] s'est prévalu auprès de l'assureur du droit de renonciation prévu par l'article L.132-5-1du code des assurances en arguant du non respect par la société INORA LIFE de son obligation pré-contractuelle d'information et de la prorogation de délai de renonciation en résultant.
Par lettre du 10 avril 2012, la société INORA LIFE a refusé de faire droit à cette demande.
Par acte d'huissier du 19 janvier 2012, M. [B] [U] a alors fait assigner la société INORA LIFE devant le tribunal de grande instance de NANTERRE afin, notamment, de la voir condamnée à lui payer la somme de 30 000 € avec intérêts de retard au taux majoré et celle de 6 000 € à titre de dommages et intérêts.
Par jugement du 31 mai 2013, le tribunal a :
- condamné la société INORA LIFE à payer à M. [B] [U] la somme de 30 000€ avec intérêts de retard au taux légal majoré de moitié du 29 octobre 2011 au 29 décembre 2011, puis au double du taux légal à compter du 30 décembre 2012,
- dit que les intérêts échus seraient capitalisés, dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter du 26 janvier 2012,
- dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire,
- condamné la société INORA LIFE à payer à M. [B] [U] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La société INORA LIFE a interjeté appel de ce jugement et, par arrêt du 17 septembre 2015, la cour d'appel de VERSAILLES a :
- confirmé le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le point de départ de la capitalisation des intérêts,
- dit que les intérêts seraient capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil à compter de la demande en ce sens formée le 19 janvier 2012,
- condamné la société INORA LIFE aux dépens,
- débouté M. [B] [U] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Sur pourvoi de la société INORA LIFE, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, par un arrêt du 20 octobre 2016, cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 septembre 2015 par la cour d'appel de VERSAILLES aux motifs que :
- si la faculté prorogée de renonciation prévue par l'article L.132-5-2 du code des assurances en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus,
- pour condamner l'assureur à restituer à M. [B] [U] la somme de 30 000 € avec intérêts au taux légal majoré, l'arrêt énonce qu'il résulte de l'article L.132-5-1 du code des assurances, d'ordre public, que la faculté de renonciation prorogée ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l'assuré des documents et informations énumérés par ce texte est discrétionnaire pour l'assuré, dont la bonne foi n'est pas requise quel que soit le moment où il en use et que la prorogation du délai de renonciation vise à sanctionner le non-respect par l'assureur de l'obligation d'information pré-contractuelle à laquelle il est tenu, le législateur, dont l'intention était de contraindre l'assureur à délivrer une information suffisante à l'assuré, ne pouvant atteindre cet objectif qu'en assortissant cette obligation d'une sanction automatique, dont l'application ne pouvait être modulée en fonction des circonstances de l'espèce,
- en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L.132-5-1, L.132-5-2 et L.132-5-3 du code des assurances, dans leur rédaction applicable au litige.
Par déclaration du 26 octobre 2016, la société INORA LIFE a saisi la cour d'appel de LYON désignée comme cour de renvoi.
Au terme de conclusions notifiées le 26 avril 2018, elle demande à la cour d'infirmer le jugement du 31 mai 2013, de débouter M. [B] [U] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de la SCP FIDUCIAL LEGAL BY LAMY.
Elle fait valoir :
- que l'exercice de la faculté de renonciation dans le délai prorogé constitue une sanction disproportionnée au regard de son manquement et en l'absence de préjudice subi par l'assurée, la rendant contraire au droit communautaire,
- que l'encadré imposé par l'article A.132-8 du code des assurances précède la notice d'information,
- que si la notice d'information et les conditions générales sont comprises dans un document unique, elles constituent deux blocs distincts au regard de la numérotation des articles et de l'existence de table des matières spécifiques,
- que l'information relative à la nature du contrat est très apparente, cette rubrique apparaissant en gras au début de l'encadré de la notice d'information,
- que l'absence de référence à la clause relative aux conditions d'affectation des bénéfices techniques et financiers est indifférente en l'absence de participation aux bénéfices et assure au contraire une information plus claire,
- que le tableau récapitulatif des frais est conforme aux exigences de l'article A.132-8 du code des assurances au regard de la clarté de l'information malgré l'existence de différences dans les désignations employées,
- que si la mention relative à la durée du contrat n'est pas littéralement la même que celle de l'article A.132-8 du code des assurances, toutes les informations exigées sont intégralement reproduites, seul l'ordre des phrases changeant,
- que M. [B] [U] a reconnu lors de la signature du bulletin d'adhésion avoir reçu notamment, les conditions et la notice d'information,
- que le modèle de notice d'information annexé à l'article A.132-4 du code des assurances n'est qu'indicatif, seul le contenu de l'encadré étant impératif,
- que la notice d'information contient l'ensemble des informations requises, à savoir celles relatives aux contestations, aux délais et modalités de renonciation, aux garanties offertes par le contrat souscrit et le récapitulatif des frais,
- que l'ajout d'informations ne saurait lui être reproché, l'article A.132-4 du code des assurances n'interdisant pas de compléter la notice d'information,
- que M. [B] [U] a valablement été informé des valeurs de rachat au terme des huit premières années par la transmission de tableaux et d'explications littéraires, soulignant le risque de fluctuations de la valeur des unités de compte,
- que les caractéristiques principales de l'unité de compte ont été exposées à M. [B] [U] dans la notice d'information, ce qu'il a reconnu en signant le bilan de situation patrimoniale lors de son adhésion,
- que l'exercice de la faculté de renonciation au contrat par M. [B] [U] constitue un abus de droit aux motifs qu'il a valablement été informé et qu'il ne renonce au contrat que pour échapper à la perte financière subie,
- que la faculté de renonciation demeure une sanction automatique visant à protéger le contractant des souscriptions impulsives ou mal informées,
- que la rédaction du code des assurances a d'ailleurs été modifiée en 2014 afin de prendre en compte la notion de bonne foi, sans que la finalité de la faculté de renonciation ne soit remise en cause,
- que la prise en considération de la bonne foi permet de tenir compte du particularisme du droit des assurances, fondé sur la bonne foi,
- que la jurisprudence est conforme au droit communautaire qui ne fait pas du droit de renonciation un droit absolu,
- que sa responsabilité ne peut être mise en cause au regard du bilan de situation patrimoniale de M. [B] [U] puisque celui-ci avait connaissance de l'inexactitude des réponses fournies et qu'en tout état de cause, seule la société Arca Patrimoine est intervenue dans le cadre de la commercialisation du contrat souscrit,
- que M. [B] [U] avait conscience des risques présentés par le contrat d'assurance-vie, les avoirs investis ayant baissé dès la première année de souscription, sans remonter au niveau initialement investi, mais n'a renoncé au contrat que postérieurement, ce qui démontre sa mauvaise foi.
Au terme de conclusions notifiées le 14 juillet 2018, M. [B] [U] demande à la cour de :
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts,
- débouter la société INORA LIFE de l'intégralité de ses demandes,
- en conséquence, condamner la société INORA LIFE à lui restituer la somme de 30 000 € à titre principal, outre intérêts de retard tels que prévus par l'article L.132-5-1 du code des assurances, calculés au taux de l'intérêt légal majoré de moitié du 15 octobre 2011 jusqu'au 15 décembre 2011, puis, à partir de cette date, au double du taux légal,
- dire que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts à compter de la signification de l'acte introductif d'instance,
- condamner la société INORA LIFE à lui payer la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- condamner la société INORA LIFE à lui payer la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de recouvrement direct au profit de Me MEUNIER.
Il fait valoir :
- que la société INORA LIFE n'a pas respecté les dispositions impératives relatives à l'encadré reprenant les dispositions essentielles de la notice d'information, manquant ainsi à son obligation pré-contractuelle d'information,
- que l'encadré n'est pas placé en tête de la notice d'information mais est inséré dans les conditions générales,
- que l'encadré n'indique pas en caractères très apparents la nature du contrat souscrit, la typologie étant identique au reste du paragraphe,
- que l'encadré ne fait pas référence aux dispositions prévues par l'article L.132-5 alinéa 2 du code des assurances quant à la participation aux bénéfices alors qu'il s'agit d'une mention impérative, même en l'absence de participation aux bénéfices contractuels, puisque la participation aux bénéfices financiers et techniques est obligatoire,
- que la mention relative aux garanties offertes et à la faculté de rachat visée par l'article A.132-8 du code des assurances n'a pas été reprise littéralement,
- que les frais du contrat ne sont ni regroupés au sein d'une même rubrique, ni repris dans l'ordre imposé, les 'autres frais' étant mentionnés dans les conditions générales du contrat,
- que la mention relative à la durée du contrat diverge de celle prescrite par le code des assurances puisque des dispositions ont été ajoutées,
- qu'aucune mention d'avertissement n'a été insérée après l'encadré de la notice d'information,
- qu'une mention a été ajoutée à l'encadré alors que la forme et le contenu de ce dernier sont limitativement déterminés par le code des assurances,
- que la notice d'information ne constitue pas un document distinct des conditions générales dès lors qu'elle y fait suite, sans qu'un sommaire les distingue,
- que la mention pré-imprimée selon laquelle il a reconnu avoir reçu les deux documents est insuffisante à établir la remise effective de documents distincts,
- qu'en toute hypothèse, la notice d'information n'est pas valable aux motifs qu'elle ne respecte pas l'ordre des dispositions, que des informations ont été ajoutées et que d'autres sont absentes,
- que les valeurs de rachat du contrat n'ont pas été communiquées en l'absence de tableau de simulation à partir de trois hypothèses explicites et de mention relative à la valeur des unités de compte,
- que la note d'information ne donne pas d'indication générale quant au régime fiscal applicable au contrat souscrit,
- que le revirement jurisprudentiel opéré par la Cour de cassation par ses arrêts du 19 mai 2016 contrevient à la finalité de la faculté de renonciation puisqu'il remet en cause l'application automatique de la sanction légale, la privant ainsi de son efficacité,
- que le recours à la notion de la bonne foi, principe général de la responsabilité civile, revient à occulter le particularisme du droit des assurances,
- que la position de la Cour de cassation est contraire au droit communautaire qui refuse toute exception à la prorogation du droit de renonciation qui s'applique de plein droit, au regard de la situation de faiblesse du souscripteur,
- qu'à titre subsidiaire, la société INORA LIFE ne démontre pas sa mauvaise foi ou l'abus de droit invoqué dès lors qu'elle n'établit pas qu'il était mieux informé qu'elle et qu'il a souscrit le contrat dans le seul but d'y renoncer par la suite,
- qu'en toute hypothèse, le défaut d'une information complète l'a privé de la possibilité d'apprécier la portée de son engagement,
- que la remise du bulletin de situation patrimoniale ne suffit pas à établir le respect de l'obligation d'information puisqu'il ne dispose d'aucune compétence en matière d'assurance, que les déclarations figurant au bulletin, pré-imprimées, sont insuffisantes à démontrer son information et que le bilan de situation patrimoniale est erroné,
- que le contrat ayant été souscrit à son domicile, il n'a pas été en mesure d'en choisir un autre,
- qu'il n'a pas les compétences pour apprécier la portée de son engagement, lequel porte sur des produits structurés complexes,
- que le recours à un courtier ne suffit pas à faire de lui un investisseur averti,
- qu'il n'est pas démontré que le non-respect de la forme imposée pour la délivrance de l'information ne l'a pas empêché d'être régulièrement informé,
- que le respect de la forme imposée est nécessaire pour que l'information donnée le soit, effectivement et efficacement,
- que l'intention de nuire n'est pas caractérisée par la restitution des primes versées qui n'est que la conséquence légale de la renonciation,
- que la restitution des fonds ne constitue pas une indemnisation, si bien que la faculté de renonciation n'a pas été détournée de sa finalité,
- que la bonne foi est toujours présumée,
- que le délai écoulé entre la souscription et la renonciation au contrat ne suffit pas à établir sa mauvaise foi,
- que la mise en oeuvre d'une faculté de renonciation légale ne constitue pas un comportement déloyal,
- qu'ayant valablement renoncé à son contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 2011, la somme de 30 000 € aurait dû lui être restituée le 10 octobre 2011, ce qui justifie la condamnation aux intérêts.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
La société INORA LIFE fait valoir que la sanction de l'assureur pour le non-respect des irrégularités retenues, par l'exercice de la faculté de renonciation, porte une atteinte disproportionnée aux articles 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er de son premier protocole additionnel, dans la mesure où l'assuré n'a subi aucun préjudice du fait du non-respect du formalisme prévu par le code des assurances, car son information était complète.
Cependant, lorsqu'une réglementation communautaire ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation, ou renvoie sur ce point aux réglementations nationales, ce qui est le cas de l'article 36 de la directive 2002/ 83 CE et de son annexe III, il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif.
L'exigence de proportionnalité par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi ne serait pas respecté par l'application de l'article L.132-5-1 du code des assurances sans exercer le moindre rôle modérateur, cette application constituant une charge démesurée et mécanique pour l'assureur qui subit l'intégralité des pertes financières en restituant les primes affectées à des supports financiers choisis à l'adhésion par le preneur qui a eu connaissance des caractéristiques de son contrat d'assurance.
S'agissant du droit communautaire, la réglementation ne comporte aucune disposition spécifique prévoyant une sanction en cas de violation de l'obligation d'information et renvoie sur ce point aux réglementations nationales (article 36 de la directive 2002/83 CE et de son annexe III), de sorte qu'il incombe aux Etats membres de prendre toutes mesures propres à garantir la portée et l'effectivité du droit communautaire dans les conditions de fond et de procédure conférant à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif, la finalité de cette directive étant de veiller à garantir au preneur d'assurance le plus large accès aux produits d'assurance en lui assurant, pour profiter d'une concurrence accrue dans le cadre d'un marché unique de l'assurance, les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins.
Si la loi n°2014-1662 du 30 septembre 2014 a modifié les conditions de mise en oeuvre de la sanction de la prorogation du délai d'exercice du droit de renonciation posées par l'article L.132-5-2 du code des assurances en substituant à l'expression «de plein droit», qui figurait dans le texte applicable à l'espèce, l'expression «de bonne foi», le contrat litigieux est soumis au texte dans une version antérieure qui dispose «le défaut de remise des documents et informations prévus au présent article entraîne de plein droit la prorogation du délai de renonciation prévu à l'article L. 132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu».
Cependant, si la faculté prorogée de renonciation prévue par les textes en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus, de sorte que la juridiction saisie doit, pour chaque espèce, si l'assureur soulève la mauvaise foi du souscripteur, rechercher si l'exercice de cette renonciation n'est pas étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants.
Seule l'absence d'examen de la mauvaise foi et de l'abus de droit au motif que l'exercice de la faculté de rétractation prévue par l'article L.132-5-1 du code des assurances serait discrétionnaire, pourrait constituer une violation de l'article 1er du Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des Libertés fondamentales qui énonce :«Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international».
L'exercice tardif de sa faculté de rétractation par le souscripteur du fait d'un manquement formel de l'assureur à son obligation d'information pré-contractuelle ne contrevient donc pas au droit de l'Union dès lors que le juge exerce un contrôle sur la finalité de la mise en oeuvre de ce droit par l'assuré.
Sur les manquements invoqués par M. [U]
L'article L 135-5-3 qui concerne spécifiquement les assurances de groupe sur la vie renvoie notamment à l'article L 135-5-2 s'agissant de l'obligation d'information pesant sur l'assureur.
L'article L.132-5-2 du code des assurances prévoit qu'avant la conclusion du contrat, l'assureur doit remettre contre récépissé au candidat à l'assurance une note d'information sur les conditions d'exercice de la faculté de renonciation prévue à l'article L.132-5-1 et sur les dispositions essentielles du contrat.
Les mentions que doit contenir cette note d'information sont précisées à l'article A.132-4.
Toutefois, pour les contrats d'assurance comportant une valeur de rachat ou de transfert, le même article de loi autorise l'assureur à ne pas fournir une note d'information distincte de la proposition d'assurance ou du projet de contrat, à la condition d'insérer en début de proposition d'assurance ou de projet de contrat un encadré indiquant en caractères très apparents la nature du contrat et dont le format et le contenu sont définis à l'article A.132-8 du code des assurances, applicable aux contrats souscrits à compter du 1er mai 2006.
L'absence de respect par l'assureur de ses obligations est sanctionnée, selon l'article L.132-5-2, alinéa 6 par la prorogation de plein droit du délai de renonciation de l'assuré prévu à l'article L.132-5-1 jusqu'au trentième jour calendaire révolu suivant la date de la remise effective de ces documents, dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu.
En l'espèce, dans le contrat Imaging, l'encadré intitulé 'dispositions essentielles' se trouve en page 10 d'une plaquette en comportant 23, après les conditions générales du contrat (pages 1 à 9) et avant la notice d'information (pages 12 à 23), et ne figure sur aucune des deux tables des matières figurant en pages 1 et 11.
Une telle présentation ne satisfait pas aux exigences du code des assurances en vertu desquelles le contenu de la note d'information doit se distinguer et être distinct de celui des conditions générales.
En effet, cette présentation en une liasse unique des conditions générales, placées en tête, et de la notice d'information contrevient aux dispositions légales, lesquelles ont pour but d'attirer en premier lieu l'attention du souscripteur, avant la conclusion du contrat, sur les dispositions les plus importantes du contrat, qui seront développées immédiatement après dans la notice d'information.
En ne séparant pas les conditions générales de la note d'information, et en les plaçant en tête d'un document unique qui doit alors être considéré comme formant en son entier la proposition d'assurance, la société INORA LIFE n'a pas respecté les dispositions de l'article L 135-5-2, aux termes desquelles, pour valoir note d'information, la proposition d'assurance doit commencer par l'encadré prévu par ce texte (et non comme en l'espèce par les conditions générales).
Il apparaît en outre que l'encadré intitulé 'notice d'information' figurant en tête de la proposition d'assurance ne respecte pas les dispositions légales et réglementaires susvisées s'agissant de l'indication de la nature du contrat (contrat d'assurance vie de groupe), insuffisamment apparente puisqu'elle figure dans la même police que les autres informations, alors que l'article L 132-5-2 du code des assurances exige qu'elle figure en caractères 'très apparents'.
Il en résulte que les dispositions légales précitées n'ont pas été respectées par INORA LIFE de sorte que M. [U] bénéficie d'un délai de rétractation prolongé dans les conditions légales.
Sur la finalité de l'exercice de la faculté de renonciation par l'assuré
L'abus de droit est le fait pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d'exercice d'un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui.
En application de l'article 2268 du code civil, la bonne foi est toujours présumée et il incombe à l'assureur d'établir la preuve de la déloyauté de l'assuré et de l'abus de droit de celui-ci dans l'exercice de son droit de renonciation.
Il n'est nul besoin de faire la démonstration de l'intention de nuire de l'assuré, pas plus qu'il n'est nécessaire d'examiner si une intention maligne existait dès la souscription du contrat, l'abus dans l'exercice d'un droit s'appréciant lorsqu'il en est fait usage, en fonction de divers éléments dont certains peuvent être contemporains de la conclusion du contrat.
Le détournement de la faculté de renonciation ne peut se déduire du temps qui s'est écoulé depuis la souscription du contrat ce qui conduirait à priver de tout effet, en contravention avec la législation communautaire, la prorogation de la faculté de renonciation qui est la sanction du non respect de l'obligation pré-contractuelle d'information de l'assureur, dont la finalité est la protection du preneur d'assurance en lui permettant d'obtenir les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à ses besoins pour profiter d'une concurrence accrue dans un marché unique de l'assurance.
Dans la mesure où le consentement des assurés doit être éclairé sur les caractéristiques essentielles du produit présenté et leur choix ouvert pour sélectionner l'offre adaptée parmi celles du marché, dans une perspective concurrentielle entre les opérateurs, il ne suffit pas, pour l'assureur, d'invoquer exclusivement le fait que la renonciation de l'assuré conduit à lui faire supporter l'intégralité des pertes financières que celui-ci souhaite donc éviter, comme il est insuffisant de soutenir que le droit a dégénéré en abus simplement parce que l'assuré a renoncé en raison de la dépréciation de son épargne, un tel élément d'appréciation ne pouvant être pris isolément sauf à instaurer une présomption d'abus au bénéfice de l'assureur.
In fine, la cour doit examiner quelle information a réellement été donnée à l'assuré, indépendamment du non respect des formes légales pour ce faire, en recherchant si celui-ci était profane ou averti, notamment s'il s'agit d'une personne avisée parce que familière avec ce genre de produit au sens d'initiée, de sorte que l'assuré a pu, malgré le défaut d'information pré-contractuelle conforme, être parfaitement informé des caractéristiques du produit en cause.
En l'espèce, l'appelante soutient que les mentions figurant dans les documents remis au preneur d'assurance l'informaient parfaitement des conditions de son engagement, ce dont le preneur a d'ailleurs attesté en remplissant un bilan de situation patrimoniale remis à l'occasion de l'adhésion, aux termes duquel il a confirmé le caractère pleinement satisfaisant des informations qui lui étaient données et indiqué ne pas souhaiter obtenir d'informations complémentaires sur le support choisi ; qu'ainsi, l'examen du contenu des documents remis au preneur d'assurance, de même que des déclarations qu'il a formulées à l'occasion de son bilan de situation patrimoniale, confirment non seulement qu'il a été parfaitement renseigné sur l'étendue de ses obligations, ce qu'il a expressément confirmé, mais également qu'il n'a pas souhaité obtenir d'autres informations.
Toutefois, dans la mesure où ce n'est pas à l'assuré de mesurer le nombre d'informations qu'il doit recevoir ou de déterminer le degré de suffisance des informations qu'il a reçues, mais à l'assureur, en sa qualité de professionnel, qu'il appartient de déterminer les informations qu'il doit verser pour respecter le dispositif de protection de l'assuré tel qu'élaboré par le Législateur, une telle assertion impose à l'assureur d'établir que l'assuré était au moment de la souscription du contrat mieux informé que l'assureur lui-même du manquement par ce dernier à son obligation d'information et qu'il n'aurait souscrit le contrat qu'en considération de la possibilité d'y renoncer ultérieurement.
La société INORA LIFE ne justifie d'aucune recherche sur la qualité d'«averti» du souscripteur qu'il lui appartenait cependant d'effectuer quelques fussent les déclarations de l'assuré à cet égard et malgré la signature de la mention pré-rédigée selon laquelle l'assuré s'estimait renseigné sur l'étendue de ses obligations et ne souhaitait pas obtenir d'autres informations, ce qui revient à faire déclarer par l'assuré lui même qu'il serait «averti».
De même, la rubrique du bilan de situation patrimoniale intitulé «connaissance du support» au terme duquel sur un questionnaire préétabli, ont été cochées notamment la réponse «oui» aux questions posées sur les sujets suivants «avoir déjà effectué des placements à risque», «avoir bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques et moins-values qu'il peut engendrer» et la réponse «non» à la question «souhaitez-vous obtenir des informations complémentaires sur le support» ne permet pas d'établir que le souscripteur avait parfaitement compris les caractéristiques financières du contrat souscrit alors que l'assureur n'a pas satisfait aux exigences d'informations légales.
Or M. [U], qui était au jour de l'adhésion, cadre commercial dans l'industrie des produits chimiques et d'ingrédients alimentaires, ne disposait a priori d'aucune compétence en matière d'assurance vie et d'unités de comptes, le niveau d'instruction ne se confondant pas avec une compétence avérée en matière de produits financiers structurés.
Un seul contrat a été soumis à sa signature alors qu'il était démarché à son domicile, aucun choix ne lui a été proposé.
Il n'a ensuite effectué aucune opération sur ce contrat.
Les relevés de situation destinés à informer M. [U] d'une part du montant de l'épargne disponible, d'autre part du montant du capital décès garanti et enfin de la performance annuelle brute de l'unité de compte, s'ils extériorisaient dès la première année suivant sa souscription une baisse de ses avoirs investis, qui n'a cessé de s'accentuer jusqu'à l'année 2011, ne sauraient suffire à caractériser la mauvaise foi de celui-ci dans l'exercice différé de sa faculté de renonciation, sauf à présupposer que seule la perte de valeur a motivé sa demande.
Or sans s'attacher au cas particulier de M. [U] pour établir ce fait, la société INORA LIFE argumente de manière générale sur un «effet d'aubaine» dont se seraient saisis de nombreux assurés.
Dans ce contexte et alors qu'il a été constaté que M. [U] ne disposait pas d'une information essentielle sur les caractéristiques de son investissement et qu'il n'a pas été démontré qu'il avait parfaitement conscience des risques et avantages de celui-ci, il n'est pas établi qu'il ait commis un abus de droit ou ait manqué à la loyauté contractuelle en y renonçant, la société INORA LIFE échouant dans la preuve d'une telle démonstration.
Dès lors, il convient de constater que M. [B] [U], non suffisamment informé, a valablement renoncé à son contrat et le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'assureur à lui rembourser les fonds investis, avec les intérêts majorés prévus par les articles L.132-5-1 et L.132-5-2 applicables en l'espèce.
Sur les autres demandes
Ainsi que l'a exactement jugé le tribunal, M. [U] ne démontre pas que la résistance opposée par l'assureur ait dégénéré en abus.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.
La décision des premiers juges sera également confirmée s'agissant du sort des dépens et frais irrépétibles.
L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimé présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante est condamnée à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de la présente décision.
La société INORA LIFE, qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne la société INORA LIFE France à payer à M. [B] [U] la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société INORA LIFE France aux dépens d'appel ;
Autorise Me MEUNIER, avocat, à recouvrement directement à son encontre les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE