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04/12/2018 | FRANCE | N°17/04219

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 04 décembre 2018, 17/04219


N° RG 17/04219 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LCEF









Décision du

Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE

Au fond du 15 mai 2017



RG : 15/03476

1ère chambre civile







Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE



C/



X...

Z...





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 04 Décembre 2018

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APPELANTE :



CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE représentée par ses dirigeants légaux domiciliés [...]

42007 SAINT-ETIENNE



Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON

Assist...

N° RG 17/04219 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LCEF

Décision du

Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE

Au fond du 15 mai 2017

RG : 15/03476

1ère chambre civile

Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE

C/

X...

Z...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 04 Décembre 2018

APPELANTE :

CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE représentée par ses dirigeants légaux domiciliés [...]

42007 SAINT-ETIENNE

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON

Assisté de Me Thomas Y..., avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

M. Jean-Marie X...

né le [...] à BESANCON (25)

[...]

Représenté par Me Géraldine Z..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

Mme Véronique Z... épouse X...

née le [...] à SAINT-ETIENNE (42)

[...]

Représentée par Me Géraldine Z..., avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

******

Date de clôture de l'instruction : 07 Juin 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Novembre 2018

Date de mise à disposition : 04 Décembre 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Suivant deux offres de prêt acceptées le 15 juillet 2009, M. Jean-Marie X... et Mme Véronique Z... épouse X... ont souscrit auprès de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE (ci-après CRÉDIT AGRICOLE) trois prêts d'un montant de 143 818 €, 40 350 € et 8 462 € afin de financer l'acquisition d'un terrain et la construction sur celui-ci d'une maison d'habitation destinée à devenir leur résidence principale.

Le 7 septembre 2010 M. et Mme X... ont souscrit auprès du même établissement bancaire un prêt habitat d'un montant de 25 163 € et un crédit à la consommation d'un montant de 9 400 €.

Le 27 décembre 2011, M. et Mme X... ont souscrit auprès du CRÉDIT AGRICOLE un nouveau prêt d'un montant de 226 476 € afin de permettre le remboursement anticipé des trois prêts immobiliers souscrits au cours de l'année 2009 et du prêt habitat souscrit le 7 septembre 2010 et ainsi de diminuer leur effort de remboursement.

Le 21 mai 2013, M. et Mme X... ont déposé un dossier de surendettement auprès de la commission de surendettement des particuliers de la Loire et un plan d'apurement a été adopté le 26 septembre 2013.

Les débiteurs n'ayant pu respecter les modalités d'apurement de leurs dettes mises en place dans le cadre de ce plan et celui-ci ayant été dénoncé, une nouveau dossier de surendettement a été déposé. Un nouveau plan consistant en un moratoire de seize mois destiné à permettre aux débiteurs de vendre leur bien immobilier est entré en vigueur le 10 septembre 2015.

Par acte d'huissier du 12 octobre 2015, M. et Mme X... ont fait assigner en responsabilité le CRÉDIT AGRICOLE devant le tribunal de grande instance de SAINT-ETIENNE.

Par jugement en date du 15 mai 2017, le tribunal a :

- déclaré la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE entièrement responsable du dommage subi par M. Jean-Marie X... et Mme Véronique Z... épouse X... du fait de la perte d'une chance de ne pas conclure les contrats de prêt litigieux,

- condamné en conséquence la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE à payer à M. Jean-Marie X... et Mme Véronique Z... épouse X... la somme de 90 000 € à titre de dommages et intérêts,

- débouté M. Jean-Marie X... et Mme Véronique Z... épouse X... de leur demande de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts,

- condamné la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE à payer à M. Jean-Marie X... et Mme Véronique Z... épouse X... la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me Z....

La CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE LOIRE HAUTE LOIRE a interjeté appel.

Au terme de conclusions notifiées le 15 mai 2018, elle demande à la cour de :

- déclarer l'action des époux X... irrecevable comme prescrite,

- subsidiairement, dire qu'elle n'était débitrice d'aucun devoir de mise en garde à l'égard des époux X...,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer aux époux X... la somme de 90 000 € à titre de dommages et intérêts et débouter les époux X... de l'intégralité de leurs demandes,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter la réparation au titre de la perte de chance au montant des intérêts prévus au contrat litigieux,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande de déchéance du droit aux intérêts,

- condamner les époux X... à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de la SELARL LAFFLY & Associés.

Au terme de conclusions notifiées le 13 mars 2018, les époux X... demandent à la cour de :

- condamner le CRÉDIT AGRICOLE à leur payer la somme de 226 476 € à titre de dommages et intérêts,

- déclarer le CRÉDIT AGRICOLE déchu du droit aux intérêts auxquels se substituera le taux d'intérêt légal,

- condamner le CRÉDIT AGRICOLE à leur payer la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens avec faculté de distraction au profit de Me Z....

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Le CRÉDIT AGRICOLE fait valoir que la prescription de l'action en responsabilité contractuelle dirigée contre un établissement bancaire à raison d'un manquement à son devoir de mise en garde court à compter de l'octroi du crédit, le dommage se manifestant dès l'octroi des crédits.

Les époux X... soutiennent :

- que le caractère dommageable des faits ne leur est apparu qu'en 2011 lorsque le CRÉDIT AGRICOLE leur a proposé de restructurer les crédits,

- que l'octroi du prêt du 27 décembre 2011 constitue le point de départ de la prescription de l'action 'en ce qui concerne l'octroi du prêt ou le soutien abusif de la banque',

- qu'à cette date, leurs revenus n'étaient que de 2 344,73 € alors que l'échéance mensuelle due à compter du 9 janvier 2012 était de 1 377 € outre celle du prêt à la consommation d'un montant de 102 €.

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il en résulte que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de mise en garde, d'information et de conseil consistant en la perte de la chance de ne pas contracter ou d'éviter le risque qui s'est réalisé se manifeste dès l'octroi du crédit, à moins que l'emprunteur ne démontre qu'il pouvait, à cette date, légitimement ignorer ce dommage.

En l'espèce, si le prêt de 143 318 € comportait un différé d'amortissement d'une durée maximale de 36 mois, destiné à permettre l'édification de l'immeuble, limitant le montant des échéances à 521,34 €, le montant de l'échéance à l'issue de ce différé ne passait qu'à 678,81 € soit une augmentation de 157,47 € à laquelle s'ajoutait la somme de 137,73 €, montant de l'échéance du prêt de 25 163 €, et la somme de 102,01 €, montant de l'échéance du crédit à la consomation, tous deux souscrits en septembre 2010 alors que, concomitamment, les emprunteurs devaient se trouver déchargés du paiement d'un loyer.

Les époux X... ne produisent aucun élément faisant apparaître que l'augmentation de 397,21 € de la charge de remboursement des prêts était supérieure au supplément de revenu dégagé par l'économie de loyer ni qu'elle aurait modifié en leur défaveur le taux d'endettement qu'ils connaissaient depuis la souscription des prêts de 2009 de sorte qu'ils ne démontrent pas qu'ils pouvaient légitimement ignorer le dommage à la date de souscription des prêts de 2009 et de 2010.

Le point de départ de la prescription de leur action est donc la date de chacun des contrats.

Il en résulte que l'action introduite le 12 octobre 2015 est prescrite s'agissant des prêts souscrits en 2009 et 2010.

Sur le devoir de mise en garde s'agissant du prêt du 27 décembre 2011

Le CRÉDIT AGRICOLE fait valoir :

- que ce prêt regroupe les 4 prêts Habitat des époux X... et qu'il a permis de réduire le montant des échéances mensuelles à 1 377 €,

- que le revenu des époux X..., au vu de leurs bulletins de salaire de janvier à juillet 2011 était alors de 3 000 € de sorte qu'il n'y avait pas de risque d'endettement et qu'il n'y avait pas lieu à devoir de mise en garde.

Les époux X... soutiennent :

- que la banque a manqué à son devoir de mise en garde en ce qu'elle s'est abstenue d'actualiser les renseignements les concernant lui permettant de vérifier l'adéquation de l'emprunt à leur situation financière de 2011,

- que leurs revenus n'étaient alors pas de 3 000 € comme prétendu par la banque mais de 2 062 € brut de sorte que leur taux d'endettement était de 54,56 % ce qui imposait à la banque un devoir de mise en garde,

- que la banque a reconnu dans un courrier du 19 juin 2014 que leur taux d'endettement était excessif comme avoisinant 44%,

- qu'ils sont fondés à solliciter 'l'intégralité du préjudice subi' correspondant au montant du capital emprunté.

Il est toutefois acquis que le prêt du 27 décembre 2011 était un prêt de restructuration des quatre prêts Habitat consentis aux époux X... en 2009 et 2010. Il n'était donc pas la source d'un endettement qui était préexistant de sorte qu'il n'y avait pas lieu à cette date à une quelconque mise en garde sur un risque d'endettement, le prêt étant de surcroît destiné à permettre aux époux X... de résorber cet endettement.

Le jugement déféré sera en conséquence réformé et les époux X... déboutés de leurs demandes.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Réforme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. Jean-Marie X... et Mme Véronique Z... épouse X... de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Jean-Marie X... et Mme Véronique Z... épouse X... aux dépens;

Autorise la SELARL LAFFLY & Associés, avocat, à recouvrer directement à leur encontre les dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 17/04219
Date de la décision : 04/12/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°17/04219 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-12-04;17.04219 ?
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