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23/10/2018 | FRANCE | N°16/04152

France | France, Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile b, 23 octobre 2018, 16/04152


N° RG 16/04152 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KMAR









Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 03 mai 2016



RG : 15/13901

chambre des Urgences





Société AQUASOURCA



C/



SCI L'ETOILE

SARL JCB INTERMEDIATION CONSEIL IMMOBILIER





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE LYON



1ère chambre civile B



ARRET DU 23 Octobre 2018




r>

APPELANTE :



La société AQUASOURCA SA, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]



Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocats...

N° RG 16/04152 - N° Portalis DBVX-V-B7A-KMAR

Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 03 mai 2016

RG : 15/13901

chambre des Urgences

Société AQUASOURCA

C/

SCI L'ETOILE

SARL JCB INTERMEDIATION CONSEIL IMMOBILIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRET DU 23 Octobre 2018

APPELANTE :

La société AQUASOURCA SA, prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON

Assistée de la SELAS FIDUCIAL LEGAL BY LAMY, avocats au barreau de LYON

INTIMÉES :

La Société Civile Immobilière L'ETOILE, représentée par sa gérante Mme Véronique A... Z...

[...]

Représentée par la SELARL B... AVOCAT ASSOCIE (ERDEEL AVOCATS), avocats au barreau de LYON

Assistée de la SELARL MCH AVOCATS, avocats au barreau de PARIS

La société JCB INTERMEDIATION CONSEIL IMMOBILIER, représentée par son gérant, M. jean-Claude BAUDOIN domicilié [...]

Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES - LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON

Assistée de Me Anne-Claire X..., avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l'instruction : 05 Avril 2018

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Septembre 2018

Date de mise à disposition : 23 Octobre 2018

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Françoise CARRIER, président

- Michel FICAGNA, conseiller

- Florence PAPIN, conseiller

assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier

A l'audience, Michel FICAGNA a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Le 26 août 2014, M. Y..., co-gérant, non associé de la Sci L'Etoile a signé avec la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier un «mandat de vente» sans exclusivité portant sur un bien immobilier social de la société, situé [...], pour un prix net vendeur de 12 000 000 €, soit 12 720 000 € frais d'agence inclus (honoraires de commercialisation de 6%).

La société Aquasourça s'est déclarée intéressée par ce bien et des discussions ont été engagées.

Par courrier du 19 mars 2015, la société Aquasourça a formulé une offre d'achat auprès de la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier pour un prix de 12 600 000 €, honoraires de commercialisation compris.

Cette offre a été réitérée par la suite au montant exact du prix demandé soit 12720000 € par courrier adressé directement à la Sci L'Etoile , à l'adresse de l'immeuble.

M. Y... a fait savoir à la société Aquasourça qu'elle ne donnait pas suite et que le bien était retiré de la vente.

Par acte du date du 4 novembre 2015, la société Aquasourça a assigné à jour fixe la Sci L'Etoile devant le tribunal de grande instance Lyon aux fins à titre principal de voir constater la vente parfaite, subsidiairement en condamnation à des dommages et intérêts.

La Sci L'Etoile sur le fond a conclu au débouté.

Par acte du 30 novembre 2015, elle a appelé aux fins de garantie la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier.

La société JCB Intermédiation Conseil Immobilier a soutenu la position de la Sci L'Etoile et a conclu au débouté des demandes dirigées contre elle.

A titre reconventionnel, elle a conclu à la condamnation de la Sci L'Etoile à lui payer 30 000€ de dommages et intérêts pour procédure abusive et 72 000 € de dommages et intérêts en application de la clause pénale stipulée au mandat de vente.

Par jugement en date du 3 mai 2016, le tribunal de grande instance de Lyon a, principalement :

- Déclaré inopposable à la SCI L'Etoile le mandat de vente confié le 26 août 2014 à la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier,

- Débouté la société Aquasourça de sa demande de vente judiciaire et de sa demande subsidiaire de condamnation sous astreinte de la SCI L'Etoile à régulariser un acte authentique réitératif de vente,

- Débouté les parties de toutes leurs autres demandes indemnitaires,

- Dit que chacune des parties, succombant partiellement, conservera la charge de ses propres dépens, sauf s'agissant des frais de publication de la présente décision au service de la publicité foncière qui seront mis à la charge exclusive de la SA Aquasourça,

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La société Aquasourça a interjeté appel de ce jugement.

Elle demande à la cour :

- de réformer le jugement et statuant à nouveau,

- de constater la perfection, à compter du 19 mars 2015 et au plus tard le 22 avril 2015, de la vente du tènement immobilier sis [...] et rue Montebello, cadastré section [...] d'une contenance de 10 ares et 96 centiares [...],

- de dire et juger que l'arrêt à intervenir vaudra vente, et sera publié au bureau territorialement compétent des services de la publicité foncière par la société Aquasourça,

subsidiairement, l'article 1382 du code civil,

- de condamner la Sci L'Etoile à lui verser la somme de 1600000 € à titre de dommages et intérêts à la société Aquasourça, outre intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2016, et capitalisation des intérêts,

- de débouter la Sci L'Etoile et la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier de toute demande,

- de condamner la Sci l'Etoile à lui verser la somme de 40 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la Sci l'Etoile aux entiers dépens.

Elle soutient :

- que M. Clément Y... (qui dissimule certains de ses mandats sous le nom Kossi Y..., comme c'est le cas pour la Sci l'Etoile) est un homme d'affaire aguerri,

- qu'il a signé un mandat de vente le 26 août 2014 confié à la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier aux termes duquel la Sci l'Etoile autorisait la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier a présenter le tènement à la vente moyennant le versement d'un prix de 12 000 000 € outre 6% (soit 720 000 €) d'honoraires à la charge du vendeur,

- que ce mandat faisait notamment obligation à la Sci l'Etoile de «signer aux prix, charges et conditions convenues toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d'une demande de prêt immobilier, avec tout acquéreur présenté».

- que le 19 mars 2015, après avoir passé 7 mois à analyser les documents transmis par la Sci l'Etoile, elle a informé la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier, le mandataire de la Sci l'Etoile, qu'elle était en mesure de faire une offre ferme d'acquisition, sans conditions de financement et de signer un compromis dans les plus brefs délais.

- qu'elle a réitéré son acceptation de l'offre de la Sci l'Etoile en retournant le mandat de vente revêtu de son tampon et de la mention «bon pour acceptation aux termes et prix»,

- que contre toute attente, le 11 mai 2015, le gérant de la Sci l'Etoile, M. Clément Y..., a fait volte face, et indiqué que le bien était retiré de la vente,

- que cependant, les parties ont poursuivi les négociations et un rendez-vous chez le notaire était programmé,

- que la vente n'a toutefois pas été régularisée, le gérant de la Sci l'Etoile soutenant que l'opération de vente avait toujours été conditionnée par une validation préalable en assemblée générale des associés de la Sci,

- que si la Cour voulait retenir que la vente du tènement n'entre pas dans l'objet social de la Sci l'Etoile elle ne pourrait que prononcer sa nullité (ce qui ne lui est cependant pas demandé) et non pas l'inopposabilité,

- que l'article 1849 du Code civil dispose que «dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social»,

- que le fait pour le gérant de la Sci l'Etoile de donner un mandat de vente à la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier entrait bien dans la réalisation de l'objet social de la Sci,

- que l'absence de capacité d'un cocontractant est une cause de nullité du contrat et non pas de son opposabilité,

- que c'est donc uniquement parce qu'elle sait être à l'origine du litige que la Sci l'Etoile ne sollicite pas la nullité du mandat et de la vente de l'immeuble litigieux, pour se soustraire à l'application de l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans, qui aurait pour conséquence de bloquer la restitution à la Sci l'Etoile des droits réels attachés à l'immeuble,

- que le mandat apparent de M. Clément Y... est évident,

- qu'elle s'est engagée à acquérir le tènement litigieux sur la foi de la croyance légitime qu'elle avait de penser que M. Clément Y... s'est présenté à elle, ès-qualité de gérant d'une SCI familiale, lors de la négociation de la cession,

- que la Sci l'Etoile a confié un mandat de vente à la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier qui constitue une offre ferme de contracter aux conditions du mandat,

- que ces conditions ont été acceptées sans réserve par la société Aquasourça le 22 avril 2015,

- que du fait de la rencontre de l'offre et de l'acceptation la vente de l'immeuble s'est formée irrévocablement au plus tard le 22 avril 2015,

- subsidiairement qu'elle a subi un préjudice équivalent à la perte de chance lui permettant d'obtenir la condamnation de la Sci l'Etoile au montant de 1 600 000 €.

La Sci l'Etoile demande à la cour :

A titre principal,

- de déclarer irrecevables les demandes nouvelles formées devant la Cour par la société Aquasourça, conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile,

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a constaté l'inopposabilité du mandat à la Sci l'Etoile,

subsidiairement,

- de débouter la société Aquasourça de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Plus subsidiairement encore, et si par extraordinaire le Tribunal faisait droit à la demande de la société Aquasourça de voir ordonner la vente forcée de l'immeuble sis [...], de condamner la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier d'avoir à lui payer la somme complémentaire entre le prix de vente retenu et la somme de 22.150.160 € correspondant à la valeur vénale de l'immeuble, en réparation du préjudice subi,

- de condamner la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier d'avoir à garantir la Sci l'Etoile de toute condamnation qui pourrait être prononcée au profit de la société Aquasourça,

en tout état de cause,

- de condamner la société Aquasourça à lui payer la somme de 30000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier à lui payer à la Sci l'Etoile la somme 20 000 € à titre de dommages et intérêts et la somme de 15 000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner solidairement les sociétés Aquasourça et JCB Intermédiation Conseil Immobilier aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Richard B..., avocat au barreau de Lyon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient :

- qu'aux termes des conclusions d'appelant signifiées le 10 août 2016, la société Aquasourça a sollicité pour la première fois, de voir «dire et juger que l'arrêt à intervenir vaudra vente au profit de la société Aquasourça du tènement immobilier sis [...], rue Montebello, cadastré section [...] d'une contenance de 10 ares et 96 centiares [...] qui appartenait à la Sci l'Etoile» et encore de voir dire et juger que l'immeuble «qui appartenait à la Sci l'Etoile demeure la propriété de la société Aquasourça sans que cette dernière n'ait à en payer le prix»,

- que ces demandes nouvelles formées par la société Aquasourça sont irrecevables

- que la Sci l'Etoile est une société familiale, constituée en janvier 1997 pour recevoir l'immeuble situé [...] qui appartenait jusqu'alors aux ascendants des associés actuels, et ce depuis 1876,

- que la société Aquasourça, est un puissant investisseur, prêt à toutes les pressions, y compris les plus discutables sur des personnes physiques vulnérables, pour tenter d'obtenir à vil prix la propriété de l'immeuble appartenant à la Sci l'Etoile,

- que l'inopposabilité est la sanction adaptée au dépassement de pouvoirs d'un gérant d'une société civile régularisant un acte alors qu'il ne disposait pas des pouvoirs pour le faire au regard des statuts et de l'absence d'autorisation spécialement donnée en assemblée générale,

- que lorsque les juges font droit à une demande en nullité ou en inopposabilité, l'effet produit est identique pour l'auteur de ladite demande puisqu'il se traduit par une inefficacité de l'acte en cause à son égard,

- que la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier écrit dès le 22 novembre 2014, et donc bien avant l'offre formulée par la société Aquasourça au mois de mars 2015, que le fait de susciter une offre écrite de la société Aquasourça permettrait «d'argumenter auprès des associés et d'obtenir leur adhésion»,

- que cette société est donc particulièrement mal fondée à prétendre qu'elle n'aurait pas été informé dès l'origine du défaut de pouvoir de M. Y....

- qu'il est établi que tant la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier que la société Aquasourça avait une parfaite connaissance du défaut de pouvoir de M. Y... pour engager la Sci l'Etoile dans une opération de vente,

- que le gérant d'une société civile immobilière ne peut vendre un immeuble appartenant à la société que si cette vente est expressément prévue par l'objet social de la société,

- qu'à défaut de mention expresse au sein de l'objet social de la vente de l'immeuble, le gérant est tenu de solliciter au préalable les associés afin qu'ils donnent leur accord à une modification préalable des statuts élargissant l'objet social à la vente de l'immeuble,

- que c'est donc à bon droit que le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Lyon le 3 mai 2016 a considéré :

- au visa de l'article 1849 du Code civil que «doit être annulé l'acte passé par le gérant sans autorisation conforme aux statuts dès lors qu'il n'entre pas dans l'objet social»,

- que la société Aquasourça se définit comme étant une «société d'investissement» et qu'aux termes de la jurisprudence, «il appartient au professionnel de l'immobilier de vérifier l'objet social afin d'éviter toutes difficultés ultérieures» et qu'un tel professionnel ne saurait donc se prévaloir de la théorie du mandat apparent,

- qu'au surplus la théorie du mandat apparent suppose que le tiers soit de bonne foi et qu'il soit en mesure d'établir l'existence de circonstances extérieures aux seules allégations du prétendu mandataire, propre à justifier la croyance qu'il invoque (Cass. com. 23 mars 1993, pourvoi 91-12762), le nouvel article 1156 du Code civil faisant référence «au comportement ou aux déclarations du représenté»,

- qu'en l'espèce, les parties avait connaissance du défaut de pouvoir du gérant,

- que les pièces produites aux débats démontrent que la Sci l'Etoile a expressément refusé l'offre d'acquisition du bien immobilier par la société Aquasourça,

- qu'aux termes de la jurisprudence «la clause du mandat aux termes de laquelle le mandant "s'oblige à ratifier la vente à l'acquéreur présenté par le mandataire au prix, charges et conditions du mandat" n'était susceptible de trouver effet qu'entre M. X... et la société ABCIS, la violation de cette obligation étant sanctionnée par des dommages-intérêts et non par la vente forcée du bien au profit de l'acquéreur trouvé par le mandataire»,

- que les parties étaient restées au stade des pourparlers,

- que le jugement attaqué a en outre relevé «qu'aucune rupture abusive de pourparlers imputables à la Sci l'Etoile n'est caractérisée».

La société JCB Intermédiation Conseil Immobilier demande à la cour :

- de réformer le jugement déféré,

- de condamner la Sci l'Etoile au paiement d'une somme de 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

à titre subsidiaire,

- de condamner la Sci l'Etoile au paiement d'une somme de 720 000,00 € à titre de dommages-intérêts en application de la clause pénale insérée dans le mandat,

En toute hypothèse,

- de condamner la Sci l'Etoile au paiement d'une somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner en tous les dépens.

Elle soutient :

- que la Sci l'Etoile ne formule plus aucune demande en nullité du mandat précité.

- que M. Y... disposait de tous les pouvoirs pour agir, au nom de la Sci l'Etoile, conformément à l'objet social,

- que figure au nombre des actes entrant dans le champ d'application de l'objet social la régularisation d'un mandat de vente de biens immobiliers,

- qu'en application de l'article 1849 du code civil, dans les rapports avec les tiers, le gérant engage sa société par les actes entrant dans l'objet social,

- qu'aucune clause statutaire ne vient limiter les pouvoirs de M. Y... ès-qualités à l'égard des tiers,

- que le prix a été fixé d'un commun accord,

- que la société Aquasourça, suite au refus de M. Y... ès-qualités de régulariser l'acte de vente devant notaire, a, fort légitimement, sollicité communication du mandat aux fins de vérifier sa qualité de mandataire ainsi que les conditions et clauses du mandat,

- qu'en satisfaisant à cette demande elle s'est contentée de justifier de sa qualité,

- qu'il n'y a pas là violation de quelque obligation que ce soit,

- qu'elle est en droit de solliciter le paiement de dommages et intérêts au montant de la clause pénale.

MOTIFS

Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles

Les demandes de la société Aquasourça bien que légèrement modifiées en appel, ne sont pas nouvelles et tendent bien aux mêmes fins, à savoir le transfert de propriété du bien immobilier.

Sur la validité de la vente

M. Y... a confié un «mandat de vente» à la société JCB Intermédiation.

Le mandat donné à un agent immobilier, régi par les dispositions d'ordre public de la loi du 2 janvier 1970, est un mandat d'entremise consistant en la recherche de clients et la négociation, qui ne permet pas à ce dernier d'engager son mandant pour l'opération envisagée à moins qu'une clause de ce mandat ne l'y autorise expressément.

La clause du mandat aux termes de laquelle le mandant "s'oblige à ratifier la vente à l'acquéreur présenté par le mandataire au prix, charges et conditions du mandat " n'est susceptible de trouver effet qu'entre le mandataire et le mandant, la violation de cette obligation étant sanctionnée par des dommages-intérêts et non par la vente forcée du bien au profit de l'acquéreur trouvé par le mandataire.

En l'espèce, le mandat signé par M. Y... en date du 26 août 2014, mentionne :

«étendue de la mission :

' proposer, présenter les biens

' visiter faire visiter les biens

' faire toute publicité qu'il jugera utile

' ensemble des pouvoirs et obligations dont celui d'établir l'avant contrat (délégation totale)»

Seules les 3 premières cases sont cochées ce dont il résulte que le mandataire n'avait pas «l'ensemble des pouvoirs».

De surcroît dans un courrier en date du 22 novembre 2014, la société JCB Intermédiation a écrit :

«Vous m'avez confié un mandat ayant pour mission de vous présenter un acheteur potentiel dans le cadre de la vente de votre immeuble»

ce dont il résulte que cette société avait bien conscience des limites de son mandat.

De même, dans un courrier du 26 septembre 2014, la société Aquasourça qui est un important professionnel de l'immobilier indique qu'elle a besoin d'éléments complémentaires afin de formaliser une «offre» ferme sans condition de financement, (et non pas une acceptation), et dans un courrier du 19 mars 2015, elle écrit à la société JCB Intermédiation qu'elle fait une «offre ferme et définitive» à hauteur de 12 600 000 € et que la «validité de son offre est d'une durée de 10 jours» ce dont il résulte que cette société professionnelle ne s'est pas mépris sur le fait qu'il lui appartenait bien de faire un offre soumise à l'acceptation du vendeur auquel un délai était fixé.

Or, ni M. Y... ni personne d'autre pour le compte de la Sci L'Etoile n'a accepté l'offre d'achat de la société Aquasourça.

Au contraire celle-ci a fait l'objet d'un refus explicite.

En conséquence, il n'y a eu ni offre de vente, ni acceptation de l'offre d'achat de la part de M. Y... ou de la Sci l'Etoile.

En l'absence d'accord des parties, la vente n'est pas parfaite et le jugement ne peut qu'être confirmé.

Sur les demandes de dommages et intérêts de la Sci l'Etoile à l'encontre de la société Aquasourça

Au regard des moyens des parties, la demande de la société Aquasourça n'apparaît pas fautive.

Le jugement sera confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Aquasourça à l'encontre de la Sci L'Etoile

La société Aquasourça indique que sa demande tend à l'indemniser «du temps perdu, de l'énergie passée, de sa légitime croyance dans l'opération et surtout de la perte de chance dans sa réalisation».

Elle soutient également : «la Sci l'Etoile pourtant parfaitement informée des négociations en cours n'a ni révoqué son gérant ni ne lui a interdit de mener les négociations pendant plusieurs mois, ni même n'a pris la peine (par l'intermédiaire du deuxième cogérant ou l'un de ses associés) d'alerter la société Aquasourça de la limite des pouvoir de son gérant».

Toutefois elle ne produit aucune pièce démontrant que l'ensemble des associés de la Sci l'Etoile ont approuvé ou laissé faire leur gérant sachant que la vente ne se ferait pas.

D'autre part, dans le courrier en date du 22 novembre 2014 , la société JCB Intermédiation a écrit également

«J'avoue ne pas comprendre votre «pas de côté» (...)

«Le fait de présenter a Aquasourça un dossier complet ne vous empêche pas de mettre des conditions de délais quant à une réalisation correspondant à votre stratégie fiscale et de réinvestissement. L'offre vous permettant également d'argumenter auprès de vos associés et d'obtenir leur adhésion»,

ce dont il résulte que la société JCB Intermédiation savait dès la signature du mandat que le principe de la vente n'était pas acquis puisqu'il fallait convaincre les associés.

Ce fait est par ailleurs valablement attesté par plusieurs témoins (Abad, de Y... Florence, et de Poret) qui indiquent avoir assisté à des entretiens entre M. Y... avec la société JCB Intermédiation au cours desquels, M. Y... a rappelé que la vente ne pourrait ne se faire qu'avec l'accord des associés.

Enfin, la société Aquasourça ne produit aucune pièce émanant de M. Y... démontrant que ce dernier se serait montré trop confiant dans la bonne fin de l'opération ou se serait porté fort de l'acceptation de la Sci, bien au contraire, les échanges et les attestations produites montrent qu'il a manifesté à diverses occasions une réticence certaine face à l'empressement de la société Aquasourça.

La société Aquasourça ne peut dès lors invoquer une légitime croyance dans la réalisation de la vente, de sorte qu'aucune faute dans la conduite des pourparlers ne peut être reprochée à la Sci L'Etoile, via les diligences accomplies par son gérant.

Il sera ainsi retenu que la société Aquasourça était suffisamment informée de l'aléa représenté par la nécessité d'obtenir l'accord des associés de la Sci pour la régularisation de la vente.

En conséquence, aucune faute de la Sci l'Etoile n'est démontrée et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier aux fins de dommages et intérêts pour procédure abusive dirigée contre la Sci l'Etoile

Le moyen développé par la société Aquasourça, à savoir que le mandat de vente valait offre de vente, rendait nécessaire la mise en cause de l'agent immobilier.

D'autre part, la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier a tiré profit de l'instance pour former contre la Sci l'Etoile une demande de règlement d'une indemnité compensatrice.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive est donc mal fondée et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société JCB Intermédiation dirigée contre la Sci l'Etoile fondée sur l'application de la clause pénale du mandat de vente

Cette demande dirigée contre la Sci l'Etoile suppose que le mandat de vente signé par M. Y... soit opposable à cette société.

Or en application de l'article 1849 du code civil, la société civile immobilière n'est pas engagée par un acte accompli par son représentant si cet acte n'entre pas dans l'objet social .

Aux termes de l'article 2 des statuts de la Sci l'Etoile, l'objet social de cette société est rédigé dans les termes suivants :

«La société a pour objet la propriété, l'acquisition, l'administration, l'exploitation bail ou autrement, de tous biens et droits immobiliers et plus particulièrement d'un immeuble sis à Lyon, Cours Gambetta - [...] et Place Antonin Jutard.

L'emprunt sous toute forme auprès de tous organismes financiers de crédit pour permettre l'acquisition ou l'aménagement de ces biens et droits immobiliers et à la sûreté et garantie de ces emprunts, l'affectation hypothécaire des biens acquis.

Et généralement, toutes opérations quelconques se rattachant directement ou indirectement à cet objet, pourvu qu'elles ne modifient pas le caractère civil de la société.»

L'objet social ne comprend donc pas la vente des biens sociaux de la Sci, ni même leur mise en vente, mais seulement la propriété, l'acquisition, l'administration ou l'exploitation des biens immobiliers.

Le mot «propriété» ne peut s'entendre que par le maintien des droits de propriété.

La société civile immobilière l'Etoile qui a un objet civil, n'est pas marchand de biens.

Ainsi, dès lors qu'il résulte de la clause statutaire que l'objet social ne prévoit pas la vente, la décision d'aliéner un immeuble social n'entre pas dans les pouvoirs du gérant et ne peut être prise qu'avec l'accord des associés délibérant à la majorité requise pour la modification des statuts.

M. Y... a donc bien outrepassé ses pouvoirs de gérant en confiant à une agence immobilière un mandat ayant pour objet de proposer un des biens immobiliers sociaux de la Sci, d'autant que cet acte comprenait une clause pénale de 720 000 € à la charge de la Sci en cas de refus de régulariser la vente aux conditions du mandat.

Le mandat signé par M. Y... étant inopposable à la Sci l'Etoile, la société JCB Intermédiaton Conseil Immobilier ne peut exiger de cette société l'exécution d'une clause de ce mandat, en l'occurrence de la clause pénale.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Vu l'équité, il convient de réformer le jugement en ce qu'il a débouté la Sci l'Etoile de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et il y a lieu de statuer de nouveau sur l'ensemble des frais de première instance et d'appel.

Sur les dépens

Les société Aquasourça et JCB Intermédiation Conseil Immobilier, parties perdantes doivent supporter in solidum les dépens tant de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions autres que celles relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

statuant de nouveau de ces chefs,

- Condamne la société Aquasourça à payer à la société civile immobilière la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société JCB Intermédiation Conseil immobilier à payer à la société civile immobilière la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne in solidum la société Aquasourça et la société JCB Intermédiation Conseil Immobilier aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me Richard B... avocat au barreau de Lyon, sur son affirmation de droit.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre civile b
Numéro d'arrêt : 16/04152
Date de la décision : 23/10/2018

Références :

Cour d'appel de Lyon 1B, arrêt n°16/04152 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-10-23;16.04152 ?
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